5 L'évaluation du comportement adaptatif
L'évaluation du comportement adaptatif peut être
utile pour chacune des trois fonctions : le diagnostic, la classification et la
planification du soutien. Les diverses mesures et méthodes
d'évaluation du comportement adaptatif présentent des avantages
et des limites selon les buts à atteindre. Dans le cas d'un diagnostic,
les instruments utilisés doivent : (a) être vérifiés
sur le plan psychométrique ; (b) inclure les trois domaines de la
définition du comportement adaptatif ; (c) comprendre une normalisation
auprès d'une population de personnes avec et sans retard mental. Pour
déterminer les meilleures méthodes d'évaluation des
comportements adaptatifs lors de la classification ou la planification du
soutien, les caractéristiques des différents instruments de
mesure importent pour bien analyser les niveaux d'habiletés. Dans la
suite nous nous pencherons essentiellement sur l'évaluation du
comportement adaptatif dans le cadre d'un diagnostic du retard mental.
Plusieurs chercheurs ont conçu des instruments qui
mesurent les comportements adaptatifs chez les personnes de niveau scolaire
ayant un retard mental (Lambert, 1981 ; Sparrow, Balla & Chichetti, 1984).
Cependant, ces instruments ne sont valides que dans leur milieu culturel (les
États-Unis) et ne sont pas nécessairement appropriés pour
le dépistage du retard mental pour la population scolaire du
Québec (Morin, 1993).
Ces échelles -- si elles existent -- doivent être
utilisées avec précaution dans notre milieu marocain, puisque
pour qu'une échelle soit valide, elle doit tenir compte de la
diversité culturelle et linguistique des sujets et des
différences dans leurs modes de communication et leurs comportements
(AAMR, 2002 ; Anastasi, 1988).
De plus, une des conditions essentielles à la mise en
application de la définition du retard mental repose sur le fait que :
«Pour être valide, l'évaluation tient compte de la
diversité culturelle et linguistique des sujets et des
différences dans leurs modes de communication et leur comportement...
Une évaluation valide exige qu'on tienne compte de la culture, de la
langue, des méthodes de communication non verbales et des
coutumes.» (AAMR, 2002, p. 3).
La définition des comportements adaptatifs, telle
qu'illustrée dans la définition de 1 'AAMR (2002), fait
référence aux attentes du milieu. Ceci posera un défi
particulier au Maroc où, pour la population scolaire âgés
de 4 à 15 ans, aucun instrument n'a été
développé.
Plusieurs instruments, traduits par des praticiens ayant
besoin d'instruments d'évaluation, existent au Maroc, mais aucun ne
possède de normes pour la population marocaine. De plus, la structure de
ces instruments ne correspond pas aux domaines d'habiletés adaptatives
qui doivent être représentés selon la nouvelle
définition de l'AAMR (2002).
Bien avant les marocains, suite aux problèmes
rencontrés par les professionnels québécois lors de
l'utilisation des tests américains pour une population
québécoise, l'atelier québécois des professionnels
sur le retard mental a développé un instrument de mesure
adapté à la culture québécoise et qui
possède des normes pour la population présentant un retard mental
(Renaud, Lemieux, Lapointe & Maurice, 1988).
Nous présentons à présent une liste non
exhaustive d'échelles de mesure du comportement adaptatif pour enfants
et /ou adulte (Tourrette, 2006).
Adaptative Behavior Scale (ABS) for Children and Adults
de Nihira, Foster, Shellaas, et Leland -- Traduction et adaptation
française de Magerotte (1978). L'ABS est destinée aux personnes
présentant un retard mental. Ses objectifs d'évaluation ciblent
l'autonomie personnelle et les habilités sociales des enfants et
adolescents. Les objectifs éducatifs veulent faciliter la
détermination d'objectifs éducatifs prioritaires en vue
d'interventions éducatives individualisées, apprécier
l'efficacité des méthodes d'intervention, aider au regroupement
de sujets sur la base de leurs comportements adaptatifs pour une intervention
plus adéquate. Ses objectifs sont aussi de faciliter les comparaisons
dans le cadre de recherches comparatives. L'inventaire comporte deux parties.
La première partie (66 items) évalue l'autonomie de la personne
dans neuf domaines de la vie quotidienne. La seconde partie (41 items
répartis en 9 domaines) est consacrée aux comportements
inadaptés. L'évaluation est faite par une personne en charge de
l'enfant, qui remplit le questionnaire d'évaluation en
complétant, si besoin, avec l'avis d'autres personnes. La cotation tient
compte de la fréquence du comportement et des conditions d'observation
(certains items ne pouvant être observés). Les feuilles de
cotation varient selon l'âge et le niveau intellectuel de l'enfant. Cette
échelle est utilisée pour des enfants et adolescents avec retard
mental et âgés de 3 à 17 ans quant à la version
traduite et adaptée de Magerotte, elle s'adresse plus
spécialement aux enfants scolarisés (6 à 13 ans) dans des
établissements scolaires adaptés. Une adaptation a
été faite pour des enfants sourds et aveugles par Suess et al.
(1981). Ces auteurs montrent l'importance de tenir compte des modes de
communication des enfants, dont les scores afférents au domaine
communicatif s'améliorent s'ils disposent de modes de communication
alternatifs (Braille, langue de signes).
Profil Socio-Affectif (PSA) de Dumas,
LaFreniere,Capuano & Durning, (1997). Il s'agit d'un questionnaire
québécois d'évaluation comportementale des enfants d'ages
d'école maternelle (2 ans 1/2 à 6 ans) renseigné par les
adultes. C'est une adaptation de la version américaine : Social
Competence and Behavior Evaluation (SCBE) Preschool Edition (LaFreniere et
Dumas ,1995). Son « but est de décrire de façon
précise, fiable et valide les tendances affectives et comportementales
des enfants pour mieux définir des objectifs
d'éducation ou si nécessaire d'intervention
».On peut s'en servir pour évaluer les effets d'une
intervention éducative ou psychosociale. Il se compose de 80
énoncés, organisés en 8 échelles de base et 4
échelles globales, chacun donnant lieu à l'évaluation du
comportement de l'enfant sur une échelle en 6 points. Chacune des
échelles de base à dimension bi- polaire (positif
/négatif) est composée de 10 énoncés (5 relatifs
aux compétences sociales et 5 relatifs aux difficultés
d'adaptation).
Vineland Adaptative Behavior Scales(VABS), de
Sparrow, Balla et Achetti (1984). Ces échelles sont les plus connues et
sont utilisées de la naissance à 19 ans (et plus pour les adultes
déficients mentaux). Elles comportent plusieurs versions
différentes, issues du travail initial de Doll (1965) dont la version
VABS (Vineland Adaptative Behavior Scales, de Sparrow, Balla et Cicchetti,
1984). Le VABS permet d'apprécier le comportement adaptatif d'une
personne à un âge donné, en vue d'une évaluation
diagnostique ou à visée éducative de son fonctionnement
quotidien et se révèle particulièrement intéressant
comme mesure du changement. On explore les comportements adaptatifs dans quatre
domaines : communication (COM), autonomie dans la vie quotidienne (AVQ),
socialisation (SOC) et compétence motrice (MOT). S'ajoutent
également à cette investigation des comportements adaptatifs, une
évaluation des comportements inadaptés.
Progress Assessment Chart of social development (PAC)
de Gunzburg (1969). L'objectif de Gunzburg était de
répertorier les capacités relevant de la compétence
sociale pour évaluer les enfants et jeunes adultes déficients
mentaux. L'évaluation se fait dans son milieu de vie habituel sur la
base de l'observation par un adulte familier (éducateur, enseignant,
parent) et sert de base au projet éducatif individualisé. On peut
aussi par une évaluation régulière (tous les six mois, par
exemple) repérer les progrès, les stagnations ou les
régressions éventuelles, et situer chacun par rapport aux autres
personnes de même niveau de développement.
le PAC 1 (Progress Assessment Chart of Developpemnet)
s'adresse aux personnes avec déficience mentale dont le niveau de
développement est compris entre 2 et 7-8 ans ;
le PAC 2 s'adresse aux adolescents ou jeunes adultes
arriérés mentaux ;
le PPAC (Primary Pgroress Assessment Chart , ou
premier inventaire des progrès du développement sociale) est
destiné aux jeunes enfants ou arriérés profonds (niveau de
développement inférieur à 2-3 ans) .il comporte 130 items
décrivant le comportement de l'enfant ,et regroupés en quatre
catégories : Autonomie, Communication, Socialisation et occupation .
La cotation des items se fait sur un diagramme permettant de
visualiser rapidement les capacités acquises de celles qui ne le sont
pas encore et d'évaluer
l'hétérogénéité éventuelle des
capacités de l'enfant dans différents domaines, qui guidera et
l'élaboration ou le réajustement du projet éducatif.
6 Structure et choix de l' EQCA -VS
L'Echelle québécoise de comportements adaptatifs
version scolaire (EQCA-VS) a été élaborée par Morin
en 1993 suite à l'identification du besoin, d'un instrument
correspondant aux réalités du milieu scolaire primaire.
Construite en fonction de la définition de l'association
américaine du retard mental (1992), l'EQCA --VS comprend neuf des dix
domaines d'habilités adaptatives pertinent à l'âge et
à l'environnement des élèves évalués. Le
dernier domaine « travail », n'est pas inclus compte tenu de
l'âge des enfants à être évalués.
La version scolaire de l'EQCA mesure les comportements
adaptatifs chez les enfants âgés de 6 à 12 ans 11 mois chez
qui l'on soupçonne la présence d'un retard mental léger ou
moyen Afin d'avoir une évaluation plus juste des comportements
adaptatifs de l'enfant, l'évaluation est effectuée par la
cotation de questionnaires par les parents et les enseignants.
Le questionnaire du parent contient un total de 301 items, 214
pour la partie des habiletés adaptatives et 87 pour la partie de
comportements inadéquats (ou problématiques). Le questionnaire de
l'enseignant contient 173 items, 86 pour la partie des habiletés
adaptatives et 87 pour la partie des comportements inadéquats (ou
problématiques).
Les questionnaires parent et enseignant ont 41 items communs.
Le questionnaire du parent contient 9 des 10 domaines proposés par
I'AAMR soit : la communication, les soins personnels, les habiletés
domestiques, la socialisation, le communautaire, l'autonomie, la santé
et la sécurité, les habiletés scolaires et les loisirs. La
sphère travail n'est pas incluse
compte tenu de l'âge des enfants évalués.
Le questionnaire de l'enseignant reflète les domaines de communication,
socialisation, autonomie, habiletés scolaires et loisirs puisque nous
estimons que les enseignants peuvent bien observer et coter ces
répertoires de comportements d'enfants â l'école.
Détaillons à présent les raisons qui nous
ont conduit à privilégier l'évaluation du comportement
adaptatif plutôt que celle du fonctionnement intellectuel qui, rappelons
le, constitue le deuxième critère de la définition du
retard mental.
En premier lieu, il semble que le comportement adaptatif soit
plus facile à évaluer que l'efficience intellectuelle chez les
personnes présentant un retard mental et ce, notamment, en raison de la
coopération active qui est demandée à la personne soumise
aux « tests d'intelligence » (Kraijer, 1993). En effet, les personnes
présentant un retard mental, comme celles accueillies au centre Ichraq
(cf. annexe 2) et à l'école Ibn Rochd, qui seront l'un des
partenaires pour la partie pratique de cette recherche, peuvent avoir certains
déficits dans la production verbale, peuvent ne pas avoir de langage,
ont souvent des difficultés à maintenir leur attention sur le
long terme et peuvent avoir certains problèmes pour traiter et
intégrer les informations (Lussier & Flessas, 2001). En
conséquence, même si une évaluation basée sur
l'observation de leur comportement ne remplace pas l'évaluation de
l'efficience intellectuelle, elle est plus facilement envisageable.
Deuxièmement, les écoles et les centres
spécialisés sont principalement un lieu de vie où les
comportements des personnes, qu'ils soient problématiques ou non, ont un
impact sur l'harmonie du groupe. Les professionnels tentent ainsi de
réduire les comportements inadéquats pour amener les
résidants à développer des habiletés liées
à l'autonomie. Une évaluation des comportements au quotidien peut
donc être intéressante pour faciliter et optimiser cette
tâche.
Troisièmement, l'évaluation du comportement
adaptatif est rapide, peut être effectuée par toute personne
côtoyant la personne depuis un certain temps (généralement
plus de six mois) et par conséquent peut tout à fait être
intégrée dans la pratique quotidienne des professionnels. Enfin,
la dernière raison est que la mesure du comportement adaptatif
répond de façon plus satisfaisante à la demande que
l'évaluation du fonctionnement intellectuel.
Quatrièmement, cette évaluation apporte une
information complémentaire aux tests d'intelligences.
Cinquièmement, elle permet l'élaboration d'un
projet pédagogique individualisé. Et enfin, elle peut amener
à poser un diagnostic.
Nous avons donc retenu l'EQCA-VS, car elle cible clairement la
population concernée par notre recherche, elle a fait l'objet de
validation scientifique et nous avions la possibilité d'échanger
avec le concepteur de cet outil : le professeur Maurice grâce à un
partenariat établi au sein du service d'orthopédagogie
clinique.
|