I.2. La législation
congolaise en matière des langues
I.2.1. Pendant la colonisation
A l'époque de l'EIC (Etat Indépendant du Congo),
les colonisateurs belges se préoccupent notamment de la nature des
interactions langagières à instaurer dans leurs rapports avec les
autochtones.
Le décret royal du 05 mai 1881 relatif à la
procédure devant le Conseil supérieur et l'ordonnance de
l'Administrateur général du 14 mai 1886 (Bayona 1987, p. 163)
officialisent le statut du français langue de l'administration et de la
justice. L'article 21 de cette ordonnance instaurait l'emploi de la langue
française dans l'instruction judiciaire et dans le débat au
tribunal et soulignait le fait que l'arrêt devait être rendu
uniquement dans cette langue (Nkongolo 1997, p. 103). Et pour juguler des
situations conflictuelles de communication au service, l'Administrateur
général de la colonie signe la circulaire du 06 août 1887
qui prescrit des termes du français dans les relations de service avec
les indigènes et les soldats. Par la circulaire signée le
1er juillet 1895, l'Administrateur général rappellera
aux fonctionnaires de l'EIC la nécessité de former des
vocabulaires des dialectes indigènes. Un mois plus tard, il revient
à la charge avec la circulaire du 06 août 1895 fixant les
règles d'orthographe de la toponymie de la colonie.
En 1906 (le 26 mai 1906), le Vatican et l'EIC signent la
convention d'inscrire les langues locales au programme en plus du
français. Mais en pratique, les langues congolaises sont plus
utilisées comme médium : les missionnaires étaient donc
convaincus de la nécessité d'enseigner en langues locales au
niveau élémentaire.
La loi sur le Gouvernement du Congo Belge promulguée le
18 octobre 1908, prône l'emploi facultatif des langues dans
l'administration publique et la justice en vue de « garantir les
droits des Belges et des Congolais ». Cette loi reconnaît le
statut de langue officielle au français et au néerlandais qui
s'inscrit ipso facto au programme de l'enseignement. Elle permet
notamment la promotion des langues congolaises que les représentants de
la métropole sont tenus d'apprendre pour résorber la
difficulté de communication avec les Congolais. C'est ainsi que les
langues congolaises de grande extension ont eu la chance d'être
« véhicularisées ». Le swahili devient la
langue d'instruction des troupes de la Force publique et ce jusqu'à la
fin de la première guerre mondiale. Le lingala s'imposera comme langue
de contact entre les officiers belges, les mercenaires africains et les soldats
autochtones au moment où les ressortissants de l'Equateur deviennent
majoritaires dans les rangs de la Force publique.
A noter qu'en 1918 et 1920, l'administration coloniale a
tenté de « conférer au lingala le statut de langue
officielle de la colonie » (Sesep 1987, p. 114). Mais
contestée de toutes parts, cette décision n'a pas
été appliquée, pour des raisons évidentes. Sur le
plan politique, cette mesure a suscité des mécontentements au
sein des communautés dont les langues aussi représentatives,
voire plus représentatives que le lingala n'avaient pas
été retenues pour ce projet. On s'est interdit de comprendre que
le lingala méritait cette reconnaissance. Il assumait déjà
la fonction de langue de la Force publique, et c'était une langue qui
avait un dictionnaire (bilingue), une grammaire, et des manuels qui lui
permettaient d'être appris en milieu scolaire.
Les langues congolaises sont plus enseignées à
l'école primaire à partir de 1918 et sont utilisées comme
médium au degré élémentaire de 1924 à 1958.
Elles servent (en 1918) de véhicule d'enseignement au secondaire pour
des élèves qui ne dépassent pas le second degré et
qui peuvent devenir moniteurs ou candidats commis, et le français pour
ceux qui s'inscrivent aux noviciats et petits séminaires. A cette
époque, le français est simplement une matière
d'enseignement. Il est officiellement le seul médium pour la section
normale à partir de 1924. Entre 1938 et 1941, le français est
retiré du programme du niveau élémentaire du primaire.
Quelques rudiments du français s'apprennent dès la
quatrième année dans les écoles de grands centres. De 1941
à 1958, le français est intensivement enseigné à
l'année préparatoire à la section moyenne. Il est ensuite
adopté comme médium et matière dès la
troisième année primaire, et les langues nationales aux deux
premières années. L'enseignement supérieur et
universitaire est assuré en français depuis la création de
la première institution (en 1948). Objets de la recherche scientifique,
les langues congolaises sont enseignées à l'université et
dans les instituts pédagogiques, aux départements des
études africaines (linguistique, cultures, lettres et civilisations).
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