III.4. Résultats
obtenus
Tel que présenté dans ce contexte, notre test
relève de l'évaluation « sommative » qui
s'oppose à l'évaluation « formative »
(Véronique, 1995 et Tagliante, 2005). S'il ne vise pas à la
délivrance d'un certificat, il permet tout de même d'avoir des
informations sur la démarche de l'apprentissage, sans aucune vocation
régulatrice. Son but est de « vérifier la
conformité des performances de l'apprenant ». N'empêche
donc que les résultats de cet exercice servent d'indicateurs observables
aux yeux de tous les acteurs de l'enseignement/apprentissage du
français.
Dans la typologie des fonctions de l'évaluation
élaborée par Christine Tagliante (2005, pp. 16-19), pronostic,
diagnostic et inventaire, on notera qu'il s'agit ici d'un test-bilan à
fonction d'inventaire, « concernant le domaine cognitif, qui
évalue les savoirs et les savoir-faire », mais qui n'a pas
l'ambition de classer, ni de sanctionner. L'acquis à contrôler
demeure l'étendue et la qualité des connaissances linguistiques
ainsi que la capacité à organiser et mobiliser ces connaissances
(lexicales, grammaticales, phonétiques, orthographiques, etc.). Le test
englobe toutes les autres composantes (pragmatique, sociolinguistique) d'une
communication réussie, au-delà de la composante linguistique
stricto sensu.
L'auteur de l'outil d'évaluation des compétences
linguistiques en français dans l'espace francophone a mis à notre
disposition une grille de correction à partir de laquelle la
réception et l'émission des témoins, à l'oral comme
à l'écrit, sont mesurées. Un barème de notation est
également arrêté. Il réserve 100 points à
chacune de quatre compétences concernées (Chaudenson, 1995, pp.
241-263).
D'après les critères fixés, nous avons pu
obtenir les résultats suivants pour tous les témoins
interrogés.
a) A l'école primaire
Tableau 12 : Les résultats du primaire
Elèves
|
Comp. or.
|
Comp. écr.
|
Prod. Or.
|
Prod. Écr.
|
Total/400
|
YANNICK
|
92
|
67
|
58
|
44
|
261
|
DEBORAH
|
84
|
93
|
59
|
23
|
259
|
FAREK
|
90
|
63
|
48
|
45
|
246
|
KONGOL
|
76
|
53
|
55
|
37
|
241
|
MUAK
|
88
|
80
|
45
|
26
|
239
|
NADEGE
|
76
|
80
|
48
|
32
|
236
|
MARLEINE
|
80
|
53
|
50
|
47
|
230
|
SONY
|
81
|
83
|
39
|
26
|
229
|
MVIND
|
84
|
81
|
38
|
21
|
224
|
RODDY
|
75
|
73
|
42
|
36
|
221
|
ODETTE
|
80
|
47
|
54
|
35
|
216
|
KIANS
|
71
|
80
|
45
|
20
|
216
|
NYONG
|
82
|
65
|
43
|
24
|
214
|
MULOW
|
80
|
80
|
39
|
13
|
212
|
NEHEMA
|
60
|
73
|
48
|
31
|
212
|
KAPOS
|
80
|
47
|
45
|
26
|
198
|
LAMBERT
|
75
|
47
|
51
|
20
|
193
|
PANZ
|
64
|
55
|
46
|
28
|
193
|
RACHIDI
|
70
|
47
|
43
|
30
|
190
|
KUNDIMB
|
81
|
52
|
45
|
11
|
189
|
HELEINE
|
80
|
50
|
37
|
21
|
188
|
RAMAZANI
|
69
|
58
|
36
|
23
|
186
|
BANZ
|
71
|
63
|
34
|
17
|
185
|
MIAND
|
60
|
53
|
41
|
24
|
178
|
RUTH
|
67
|
62
|
31
|
15
|
175
|
BENEDICTE
|
80
|
47
|
25
|
20
|
172
|
SAFALA
|
65
|
58
|
32
|
14
|
169
|
JOSEPH
|
68
|
47
|
31
|
10
|
156
|
ANGES
|
76
|
13
|
37
|
11
|
137
|
NICKEL
|
50
|
40
|
19
|
06
|
115
|
Ce premier tableau montre qu'aucun témoin n'a
réalisé 100 % de réussite pour avoir le
« SMIC » (Seuil Minimal Individuel de Compétence) du
locuteur francophone recommandé.
La note la plus élevée est de 261/400, soit
65,25 % ; la note plus basse est de 115/400, soit 28,75 %. La
compétence de compréhension (orale et/ou écrite) est plus
développée. En effet, 47 % des témoins ont une
compétence de compréhension orale d'au moins 80/100 et personne
n'a obtenu à ce niveau moins de 50/100. Tandis que 23 % des
témoins ont une compétence de compréhension écrite
égale ou supérieure à 80/100 et 26,67 % (8 personnes) ont
obtenu moins de 50/100.
Par ailleurs, nous remarquons que la compétence de
production écrite se révèle moins développée
par rapport aux autres compétences : tous les témoins ont
moins de 50/100. D'autre part, 20 % des témoins ont une
compétence de production orale d'au moins 50/100 dont la note la plus
élevée est de 59/100.
La moyenne de ces résultats permet de tracer le profil
du locuteur moyen parmi ce public témoin.
Tableau 13 : La moyenne des résultats du
primaire
Comp. Orale/100
|
Comp. Ecrite/100
|
Prod. Orale/100
|
Prod. Ecrite/100
|
Total/400
|
75
|
60
|
42
|
25
|
202
|
Graphique 8 : Le profil du locuteur moyen au primaire dans
l'enquête
Pour le concepteur du Programme national (Ministère de
l'enseignement primaire, secondaire et professionnel 2000), l'école
primaire a la mission de rendre l'élève capable, à la fin
de ce cycle de formation, d'écrire, de lire, de calculer, de comprendre
et de s'exprimer dans les langues congolaises et en français. Aussi
assignent-ils à l'organisation du cours de français, entre autres
objectifs généraux, de conduire l'élève
à :
« - Comprendre un message et y
répondre ;
- s'exprimer avec aisance et de manière
spontanée dans des situations de communications
familières ;
- lire couramment, clairement et correctement un texte
simple et le comprendre ;
- produire des textes simples en situations de
communications réelles ou simulées. »
Cependant, s'il faut respecter strictement les consignes de
notation de ce test, nous relevons que les élèves finalistes du
primaire interrogés n'atteignent pas le SMIC francophone qu'ils
n'approchent même pas. La production (orale et écrite) des
élèves est dépourvue de la cohésion et de la
cohérence - suite à l'absence quasi totale des connecteurs - et
limite ainsi leur performance discursive. Les structures des phrases
n'apparaissent souvent que dans leur forme la plus simplifiée. Les
élèves n'arrivent pas à employer la voie passive, le mode
subjonctif, ni les pronoms personnels objets. Les pronoms personnels sujets
sont employés à une proportion moindre.
La production orale couvre à peine une moyenne de 35 %
du vocabulaire retenu, et certaines expressions comme « lever les
bras », « emporter »,
« s'enfuir » et « rôti », ont
connu un taux d'emploi nul (0 %). Quelques particularités lexicales
(l'emploi excessif de maman et papa pour désigner un homme et une femme)
sont à stigmatiser. Et malgré l'insistance sur les consignes,
rares sont les témoins qui ne se sont pas contentés de commenter
les images plutôt que de raconter l'histoire au moyen des phrases
élaborées montrant qu'il maîtrise les règles et
structures (phonologiques et morphosyntaxiques) de la langue. L'utilisation des
signes de ponctuation est lacunaire à 95 %.
Pourquoi donc ceci est-il possible ? Le manuel de
6ème année primaire analysé accorde une part
importante au travail de l'orthographe, avec 19 « cours »
de 30 minutes sur les 25 semaines de « leçons »
prévues pour l'année scolaire (Lufuma et. al. 2004, p.4). Mais la
production écrite des élèves interrogés ne
reflète pas vraiment cette exigence. Le répertoire des fautes
montre que nos témoins ignorent beaucoup de principes orthographiques
français. Ils réussissent aux questions fermées et QCM,
alors qu'ils éprouvent autant de difficultés à produire
librement (à l'oral comme à l'écrit) des
énoncés corrects sur le plan de la morphosyntaxe que celui du
style.
Le Programme national d'enseignement (2000, p. 134)
édicte des objectifs intermédiaires et spécifiques de
l'enseignement du français à l'école primaire, en plus des
objectifs généraux évoqués supra. Nous
retenons les plus marquants et qui coïncident justement avec les
objectifs de cette évaluation :
« - Conjuguer correctement les verbes d'usage
courant ;
- respecter, au cours de toute activité
d'expression orale, la prononciation, le rythme et l'intonation de la langue
française ;
- orthographier correctement les mots et les textes
précédemment expliqués ou nouveaux ;
- composer des phrases ou de courts textes librement ou
selon des modèles, en situation de communication. »
Les élèves éprouvent des
difficultés majeures dans ces domaines, et pourtant les
prévisions des matières (Ministère de l'éducation
nationale, 2005) donnent de façon exhaustive les titres des
leçons qu'il faut enseigner pendant l'année scolaire.
b) A l'école secondaire
Tableau 14 : Les résultats du secondaire
Elève
|
Comp. or.
|
Comp. écr.
|
Prod. Or.
|
Prod. Écr.
|
Total/400
|
AGUNA
|
100
|
100
|
74
|
58
|
332
|
LIONEL
|
100
|
87
|
65
|
77
|
329
|
ARMAND
|
96
|
93
|
59
|
76
|
324
|
MYRA
|
84
|
100
|
59
|
71
|
314
|
REBECCA
|
96
|
100
|
65
|
50
|
311
|
YANNICK
|
92
|
93
|
57
|
49
|
291
|
KATAY
|
84
|
87
|
51
|
56
|
278
|
MASANG
|
72
|
97
|
54
|
53
|
276
|
ARIDJA
|
80
|
93
|
51
|
51
|
275
|
MULOPO
|
88
|
73
|
61
|
53
|
275
|
ISRAEL
|
84
|
93
|
59
|
35
|
271
|
NANOUCHE
|
88
|
73
|
55
|
54
|
270
|
FRANCIS
|
80
|
80
|
53
|
57
|
270
|
GLORY
|
88
|
73
|
55
|
54
|
270
|
MAMBOU
|
92
|
60
|
58
|
54
|
264
|
NADEGE
|
88
|
73
|
65
|
38
|
264
|
MAN
|
80
|
93
|
45
|
46
|
264
|
ZOLA
|
88
|
83
|
53
|
40
|
264
|
OLIVIER
|
96
|
60
|
57
|
50
|
263
|
RACHEL
|
84
|
67
|
57
|
53
|
261
|
LAMINE
|
80
|
93
|
44
|
44
|
261
|
RODDY
|
72
|
87
|
51
|
51
|
261
|
CATHY
|
85
|
67
|
51
|
57
|
260
|
ILEKO
|
80
|
73
|
57
|
47
|
257
|
MERLINE
|
84
|
87
|
47
|
37
|
255
|
MALKAY
|
88
|
60
|
51
|
56
|
255
|
BAHA
|
88
|
47
|
64
|
49
|
248
|
GLOIRE
|
84
|
67
|
51
|
39
|
241
|
BANI
|
84
|
67
|
55
|
32
|
238
|
GARRY
|
76
|
53
|
60
|
45
|
234
|
Il paraît évident que les résultats au
secondaire se sont améliorés. Cette amélioration
s'explique par le fait que les sujets de ce groupe ont accumulé une
expérience de plus dans leur apprentissage. Leur input présente
en effet des dimensions beaucoup plus considérables. C'est à ce
niveau qu'on constate la maîtrise de certains faits linguistiques non
acquis au primaire :
- l'emploi du subjonctif ;
- l'emploi de la voie passive ;
- l'emploi des éléments anaphoriques (pronoms
personnels sujets et objets, etc.).
La compétence de compréhension orale est d'au
moins 80/100 à 90 %. Aucun sujet n'a obtenu moins de 50/100. Par
contre, la compétence de compréhension écrite
s'évalue au moins à 80/100 pour 53 % des témoins. 3
% des sujets ont moins de 50/100. Quant à la compétence de
production orale, nous constatons que 73 % des élèves ont moins
de 50/100, alors que personne n'a 80/100. La compétence de production
écrite reste plus faible que la compétence de production orale
d'autant que 90 % des témoins ont moins de 50/100, et personne n'a
80/100.
Tableau 15 : La moyenne des résultats du
secondaire
Comp. Orale/100
|
Comp. Ecrite/100
|
Prod. Orale/100
|
Prod. Ecrite/100
|
Total/400
|
86
|
79
|
56
|
51
|
272
|
Graphique 9 : Le profil du locuteur moyen au secondaire
dans l'enquête
Il est donc à noter que la tendance reste presque la
même qu'au primaire. C'est la compétence de compréhension
qui est plus importante, et les difficultés se perçoivent plus
quant à la production, surtout à l'écrit. Aucun sujet n'a
pu obtenir le maximum des notes requis pour détenir le SMIC francophone.
De manière générale, nous relevons des
remarques suivantes dans les énoncés des
élèves :
1°) au plan morphosyntaxique
- le mode indicatif est le plus usité au temps
présent (70 %), à l'imparfait (10 %) et au passé
composé (20 %) ;
- la confusion des désinences (entre
aient, ait et é ou er ;
e et ent) :
« La fille pensée [pensait]
d'être veterinere [vétérinaire] et le
garçon pensé [pensait] d'être un
policier. » ;
- les phrases simples représentent 93 % d'emploi, et
dans quelques phrases complexes présentes, soit la concordance des temps
est souvent incorrecte :
« Il y avait deux enfants en classe qui pensent
à leur aventure. »
« Quand il seras grand, il serait
policier. », soit il y a emploi erroné des pronoms
relatifs :
« C'était dans une salle de classe
dont [où] les élèves étaient à un
temps. » ;
- les phrases déclaratives sont plus fréquentes
(85 %) que d'autres formes de phrases : les phrases interrogatives
apparaissent à 11 %, les exclamatives à 4 % et les phrases
impératives n'apparaissent pas dans le corpus ;
- les phrases affirmatives sont plus nombreuses (87 %) que les
phrases négatives
- l'emploi des adjectifs qualificatifs est curieusement
restreint et personne n'a utilisé leur degré de
comparaison ;
2°) au plan lexical :
- les belgicismes septante et nonante sont
exclusivement utilisés pour soixante-dix et quatre-vingt-dix ;
- les élèves trouvent des mots comme acheter,
vendre, négocier, marchander..., mais leur couverture lexicale par
rapport aux thèmes proposés demeure inférieure à la
moyenne ;
- ils n'ont su trouver des termes précis pour raconter
l'histoire de la banque, à peine ils emploient des mots comme soldat,
élève, maîtresse, classe, arme ;
- les fautes d'orthographe récurrentes (grammaire et
vocabulaire) concernent l'absence d'accents, de signes de ponctuation, la
confusion des homonymes grammaticaux, etc. :
« Certes le problème qui nous
preoccupe [préoccupe] dans cette [ce] marché
ce [c'est] quoi ? »
« Elle serait avec son chien entre [en
train] de joué [jouer]. »
« Il y avait deux enfants qui
été [étaient] en classe. »
« Les élèves étaient en classe
elles étaient à l'heure libre Je pense que le maître
n'était pas là Les élèves étaient seules
Elles étaient entré [en train] d'imaginé
[imaginer]. »
Cet énoncé donne l'impression d'être une
phrase multiple ; aucun signe de ponctuation ne s'y retrouve.
|