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FLS: Analyse des manuels et évaluation des compétences linguistiques en RD. Congo

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par Willy Ilunga Ntumba
Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle - Master2 Recherche 2006
  

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III.5. Compétences linguistiques et habilités à l'enseignement

Le profil du locuteur moyen du secondaire nous pousse à nous interroger sur les compétences, tant linguistiques que professionnelles, que le futur enseignant du primaire doit mettre en oeuvre pour être à la hauteur de sa tâche. Même si nous nous permettons de partir d'une étude qui n'est pas longitudinale pour inférer sur les capacités des élèves finalistes des humanités pédagogiques à pouvoir enseigner à la fin de leur cursus. Pour mesurer les habilités dont doivent faire montre les pédagogues du niveau 6 ans post-primaires afin de pouvoir enseigner à l'école primaire, nous commençons par établir la différence entre le profil-type du primaire et du secondaire. Nous obtenons cette différence par la moyenne des notes de témoins selon la formule ci-après :

?Note = Note secondaire - Note primaire/Note primaire.

Cette évolution est de 34,65 %.

Ladite moyenne représente l'évolution de la courbe différentielle entre les compétences du sujet primaire et celle du sujet secondaire.

Graphique 10 : La moyenne des compétences de deux types de locuteurs

Cette différence est d'autant plus compréhensible que la charge horaire, mais aussi et surtout le contenu des curricula du primaire et du secondaire n'ont pas de commune mesure. La charge horaire du cours de français à l'école primaire (de la première à la dernière année) est de 1170 heures. En première année le cours a 4h/semaine, et de deuxième en sixième, on lui donne 7h/semaine. L'année scolaire compte plus ou moins 30 semaines. Au secondaire, la charge horaire augmente en première année pour atteindre 10h/semaine. En deuxième année, elle est de 8h/semaine. De la troisième à la sixième année, on accorde 5h/semaine au cours de français. Ce qui fait un total de 1140 heures.

Pendant les deux années du cycle inférieur, l'enseignement du français vise à « faire parler l'élève, l'amener progressivement à corriger ses fautes et à pratiquer un langage usuel simple » (en première) et à « [...] développer de front l'expression orale et l'expression écrite] (en deuxième année). Les manuels de ce cycle proposent un vocabulaire de 1500 mots (en première) et 2500 mots (en deuxième année) avec une préférence pour les textes dialogués, narratifs ou descriptifs, oeuvres d'auteurs africains présentant « des situations plus familières » aux élèves.

Les instructions officielles insistent sur la référence au vocabulaire du français fondamental qui doit être renforcé par le vocabulaire usuel. La grammaire est essentiellement fonctionnelle et repose sur l'assimilation des structures des phrases (par des exercices structuraux). Elle est une répétition des notions abordées à l'école primaire, mais dans un but de fixation, et demeure implicite sauf pour l'apprentissage de l'accord du participe passé et de quelques règles grammaticales nécessitant plus d'explicitation. L'autorité qui édicte ces instructions est consciente du caractère non maternel de la langue française pour l'élève congolais et tente, dans la manière du possible, de lui proposer des ressources efficientes pour la maîtrise du français « avec sa rigueur, sa richesse et ses nuances ». Le programme envisage « l'apprentissage du français langue étrangère », mais avec quelles méthodes ? (Programme national 1987, p. 19-35).

Au second cycle, l'étude de la langue se construit toujours autour des textes de lecture qui deviennent plus consistant au plan lexical, avec une approche d'analyse. En troisième année, on étudie plus les textes d'auteurs africains (80 %) que de Français. En quatrième, on recommande l'éclectisme pour introduire progressivement des classiques français ainsi que ceux de la littérature étrangère d'expression française, dans une optique comparative de formes et de styles linguistiques. Le degré terminal (cinquième et sixième) propose une étude plus approfondie des textes, visant à faire acquérir la réflexion et la rigueur de pensée et en rapport avec des centres d'intérêts bien précis.

C'est donc à ce niveau - avec l'étude de divers grands courants de pensées - qu'un vrai travail d'ouverture à la culture étrangère intervient, permettant de comprendre les attitudes particularisantes de l'autre. Le temps accordé à cet aspect plus qu'important de l'apprentissage est certainement court et ne peut pas valablement permettre l'acquisition des compétences performatrices.

L'étude de la grammaire au second cycle s'assigne des objectifs de consolidation de ce qui a été appris au premier cycle. Des notions jugées fondamentales (articles, pronoms, conjonctions, prépositions, syntaxe des modes et temps des verbes, discours direct et indirect, etc.) sont revisitées en fonction de leur impact dans la logique des textes de lecture ou leur fonction dans d'autres activités d'apprentissage. L'enseignement de la grammaire est donc occasionnel et a un but correctif. Un traitement particulier est réservé aux notions sémantiques d'expression (but, cause, condition, comparaison, conséquence, espace, manière, opposition, temps, etc.). Les structures des phrases sont révisées dans le cadre des activités de production orale et écrite.

Il sied de souligner ici que la quantité des matières enseignées ou proposées à l'enseignement jusqu'à la fin du cursus secondaire, devraient suffire pour qu'un élève obtienne le maximum des points sinon quatre-vingt-dix pour cent des points au test que nous avons organisé. Il aurait ainsi obtenu son SMIC francophone. Mais les résultats de cette étude nous prouvent le contraire.

La différence existant entre les deux types de locuteurs que nous avons identifiés n'est donc pas une fin en soi pour témoigner de la compétence à pouvoir enseigner. En conséquence, nous estimons qu'il est nécessaire de renforcer les capacités des élèves qui optent pour la section pédagogique. Il faudrait pour eux des curricula qui intègrent au cours de français des activités particulières. Des tâches de simulation d'enseignement, par exemple, renforceraient les cours à caractère psychopédagogique inscrits à leur programme. C'est un cours de français sur objectifs spécifiques que nous préconisons.

Un tel cours n'aurait d'impact sensible que si à partir de l'école primaire le projet formatif au niveau national intègre la « compétence interculturelle » dans l'enseignement de la langue française. Car « en s'attachant à la « dimension interculturelle » de l'enseignement des langues, on vise à faire des apprenants des locuteurs ou des médiateurs interculturels, capables de s'engager dans un cadre complexe et un contexte d'identités multiples [...] » (Bayram, Gribkova et Starkey 2002). En même temps que la compétence linguistique se met en place, la compétence interculturelle permet, d'après ces auteurs, « un dialogue éclairé entre individus ayant des identités sociales différentes ».

Dans le cas qui est le nôtre, le dialogue « extra-identitaire » est possible à travers les manuels scolaires. Ceux-ci ne doivent pas contenir uniquement des faits culturels locaux, mais incorporer aussi la culture étrangère. De cette manière, on aiderait les apprenants à ajouter le « langage adéquat » à leurs connaissances grammaticales. Nous notons en effet que limiter la sélection des manuels scolaires aux donnes thématiques de l'environnement des élèves restreint sensiblement le champ de leur acquisition du lexique.

Le test d'évaluation des compétences linguistiques nous a révélé notamment que beaucoup d'échecs concernant la production orale et écrite, proviennent du fait que les élèves n'ont pas trouvé les ensembles lexicaux définis par les thèmes proposés. La couverture lexicale est, pour la majorité des cas, inférieure à 40 %. Certains mots culturellement marqués tels que banque, bureau, dame, étal, gangster, hold-up, pistolet, rôti..., s'ils ne sont pas absents, apparaissent rarement dans leurs discours. Par exemple, maman remplace à 90 % dame. Ceci s'expliquerait par le fait que les enfants congolais appellent maman toute femme ou toute dame qui en porte l'âge.

Enseigner une langue et/ou enseigner dans une langue nécessite donc la mise en oeuvre des compétences linguistiques ; mais celles-ci doivent fonctionner en synergie avec des compétences professionnelles afin de créer des habilités, des attitudes, des capacités qui confèrent la qualification dans le domaine. Voilà le sens que nous accordons à la compétence de communication dans ce cas ; une compétence faite à la fois des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être.

CONCLUSION GENERALE

Le contexte de l'enseignement/apprentissage du français en République démocratique du Congo détermine les préoccupations au centre de ce travail de recherche. Pour comprendre ce contexte, saisir ses caractéristiques, nous avons analysé des manuels scolaires, seules sources des données d'apprentissage qui rendent possible l'appropriation de la langue française par les Congolais.

Parler du contexte d'enseignement/apprentissage c'est aussi faire allusion aux conditions dans lesquelles se déroule ce processus. Voilà pourquoi il a été nécessaire de décrire ce contexte, le situer dans son environnement, avant de procéder à l'analyse des manuels qui servent de corpus à cette étude.

Le français, « langue du colonisateur Belge », évolue au Congo-Kinshasa dans une situation sociolinguistique complexe. Son statut de langue officiel, sa fonction de langue de scolarisation, devraient caractériser le choix de ses méthodes d'enseignement. Le passage en revue de cette situation sociolinguistique montre que les Congolais, à une grande majorité, découvrent la langue française à l'école où à la fois elle est médium et matière d'enseignement.

Notre but est de comprendre comment se réalise le processus d'apprentissage dans un contexte formel où seule l'institution étatique détient le pouvoir de décider de ce qui doit être enseigné. L'Etat a la responsabilité d'élaborer des curricula scolaires en vue d'assurer la formation de ses citoyens. Ses directives sont prépondérantes même dans l'élaboration des manuels par des tiers.

L'analyse quantitative et qualitative des contenus nous a permis de récolter des données nécessaires pour l'aboutissement de cette étude. Le traitement de ces données s'est réalisé principalement à l'aide de la grille de l'ONL (Observatoire national de lecture) que nous avons trouvé adaptée aux objectifs de la présente étude. Cette grille a été mise au point pour aider l'enseignant à choisir, sur des bases objectives, le manuel qui répond aux objectifs de l'enseignement/apprentissage et ainsi pouvoir l'utiliser à bon escient. Elle est applicable à tout manuel de lecture ou d'apprentissage de langue, notamment grâce aux critères d'étude édictés pour « une observation de tendances et d'orientation ». Elle permet aussi d'étudier, tel est notre cas, les critères des principes de didactique analytique d'enseignement de langue dans une approche non comparative.

Nous avons dû recourir aux outils informatiques (Lexico 3, Cordial analyseur, Microsoft Excel, Mk Corpus) pour le traitement statistique des données quantifiables susceptibles de rendre possible l'observation des caractéristiques des manuels analysés. L'étude menée nous renseigne donc sur les activités que les manuels analysés proposent, sur leur efficacité à produire des capacités escomptées dans le chef des apprenants.

L'analyse des manuels nous a permis d'identifier la forme de l'input auquel les élèves sont exposés. L'évaluation des compétences linguistiques des élèves en fin de cursus scolaire (primaire et secondaire pédagogique) complète l'analyse des manuels. Ce deuxième aspect de la présente étude vise à mesurer le niveau des capacités acquises par apport aux contenus des manuels utilisés. Les objectifs généraux et spécifiques que le système éducatif congolais se fixe sont également pris en compte.

Les deux aspects de l'étude - c'est-à-dire l'analyse des manuels et l'évaluation des compétences linguistiques - permettent de scruter l'apprentissage et la pratique du français langue seconde en milieu scolaire en R.D. Congo.

L'objectif de l'apprentissage de L2 demeure la mise en place des compétences (habilités et attitudes), des savoirs et savoir-faire. Nous retenons de Krashen (1985) que le développement de la compétence en L2 est conditionné par l'exposition aux données de la langue cible, à l'input. En milieu scolaire, l'input auquel les élèves peuvent être exposés provient des contenus des manuels. Ce sont les activités qu'on réalise sur cet input conditionné qui favorisent le déclenchement du procès acquisitionnel.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand