CHAPITRE III : L'EVALUATION
DES COMPETENCES LINGUISTIQUES
Pour espérer atteindre les objectifs de la
présente étude, nous avons eu à choisir entre deux
possibilités d'agir. Suivre des leçons enseignées par des
professeurs de français pour évaluer la mise en pratique des
manuels et la manière dont celle-ci favorise l'apprentissage et/ou faire
passer un test d'évaluation des compétences linguistiques en vue
de mesurer le « niveau de connaissances »
(Véronique, 1995, p. 32) des élèves, usagers des manuels
scolaires analysés. Le deuxième choix s'est avéré
judicieux d'autant que les apprenants restent, à notre avis, les seuls
maîtres de leur apprentissage. L'analyse des manuels scolaires de langue
est une occasion de s'interroger sur les « compétences
linguistiques » que les apprenants auraient acquises au terme de leur
cursus.
III.1. Compétence
linguistique vs compétence de communication
De façon générique, nous pouvons
définir la compétence comme un savoir acquis qui met en jeu une
ou des capacités dans un champ notionnel ou disciplinaire
déterminé. Ce concept prend en linguistique le sens de
système des règles grammaticales, et des éléments
lexicaux auxquels ces règles s'appliquent, qu'un locuteur intègre
dans sa langue pour devoir former indéfiniment des phrases et en
comprendre celles jamais entendues (Chomsky 1977).
Lorsqu'il parle de « compétence de
communication » Hymes (1991) fait allusion à l'existence des
règles d'emploi d'une langue, sans lesquelles les règles
grammaticales et l'interprétation des énoncés sont
inutiles. Ce sont donc ces règles qui régulent la production et
l'interprétation des énoncés.
Entre « compétence de
communication » telle que définie par Hymes et
« compétence linguistique », nous estimons qu'il
faut lever l'équivoque quant à la terminologie qui
caractérise ici la posture de notre démarche.
Entre compétence linguistique et compétence de
communication, le pont a été jeté par Sophie Moirand
(1990) qui estime que la compétence de communication
« relèverait des facteurs cognitifs, psychologiques,
socioculturels dépendant de la société dans laquelle vit
l'individu et reposerait sur une compétence linguistique (la
connaissance des règles grammaticales du système ou du code), une
compétence psycho-socio-culturelle (la connaissance des règles
d'emploi et la capacité de les utiliser) ».
Nous pouvons donc noter que la compétence de
communication est subordonnée à la combinaison de plusieurs
composantes qui fonctionnent de façon indissociable :
- une compétence linguistique qui implique
l'appropriation des modèles phonétiques, lexicaux et grammaticaux
d'une langue, ainsi que la capacité de les utiliser ;
- une composante discursive qui a trait à la
connaissance des types de discours et de leur organisation en fonction des
paramètres de la situation de communication ;
- une composante pragmatique qui se rapporte à la
capacité de produire et d'interpréter des intentions de
communication et de maîtriser le feed-back ;
- une composante socioculturelle qui concerne la saisie des
règles sociales et des normes qui régissent les
interlocutions.
En effet, nous retenons à la suite de Robert Chaudenson
(1995, pp. 169-212) que l'évaluation des compétences
linguistiques permet de mesurer à quelle proportion un locuteur peut
« se tirer de situations de communication ».
Vraisemblablement, cette évaluation couvre les aspects de la
compétence de communication, c'est-à-dire l'ensemble des
aptitudes que le locuteur d'une langue, le français en l'occurrence, met
en jeu pour satisfaire le besoin de communiquer. Car selon l'auteur, la
« compétence de communication » renvoie à
« la capacité pour un locuteur de choisir dans son
répertoire linguistique les énoncés et plus
généralement les modes d'énonciation qui conviennent aux
situations de communication où il se retrouve
engagé ».
La compréhension de cette dichotomie compétence
de communication vs compétence linguistique sous-tend notre option
d'évaluer les compétences linguistiques des élèves.
Le but étant de mesurer globalement des connaissances linguistiques dans
une situation de communication.
Nous voudrions comprendre la manière dont ces
élèves développent les informations en leur disposition
pour le transformer en message, comprendre comment ils utilisent les
régularités discursives en vue d'une expression libre, une
production personnelle de message. Comme le souligne Charles Hadji (2000, p.
150), désireux d'estimer le plus objectivement possible, nous avons
recherché des « performances mesurables ».
En fait, notre démarche vise à vérifier
les acquis d'une progression, vérifier la capacité de
réutilisation des faits linguistiques appris. Elle devrait dès
lors nous permettre d'estimer le niveau de compétence des
élèves, mais également de situer ces derniers par rapport
au niveau de leur compréhension et de leur production. Notre mission est
donc de livrer l'information y afférente.
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