II- Les obstacles à l'application du droit
à la santé lors de la mise en oeuvre des politiques de
développement ont des causes multiples
Pourquoi les pays n'obéissent pas à leurs
obligations de mise en oeuvre du droit à la santé lors de
l'élaboration des politiques de développement. De nombreux
obstacles se dressent devant eux. Certains sont d'ordre financiers auxquels ils
ne peuvent se soustraire en raison des exigences internationales. D'autres
enfin le fait de contraintes commerciales. Enfin certains obstacles sont
structurels ayant des origines sociales et aboutissant à la corruption
et l'inefficacité du système judiciaire.
A-Les obstacles financiers à la mise en application
du droit à la santé dans les politiques de
développement
Les obstacles financiers au développement des secteurs
de santé sont réels. Les choix des gouvernements dans les
allocations budgétaires aux secteurs sociaux sont souvent dictés
par les institutions financières internationales dans le cadre de
programmes d'ajustement structurel. Ces programmes ont tendance à
réduire au maximum les dépenses publiques de santé.
1- Les réductions budgétaires dans le secteur
de la santé
a- Les réductions des budgets sociaux dans le cadre
des programmes d'ajustement structurels
Les politiques de développement imposent de faire des
choix lors des allocations budgétaires. Ces choix ne sont pas
délibérés. Les gouvernements sont obligés de se
soumettre à des recommandations issues d'organismes extérieurs.
En effet, les institutions financières internationales sont
impliquées dans toutes les décisions d'ordre économique
des pays débiteurs. Le FMI et la banque mondiale imposent des
réformes néolibérales qui tournent le dos à la
vision intégrale et progressiste de la santé annoncée
à Alma Ata. Les budgets de santé publique sont fortement
réduits, le secteur privé est encouragé, de même que
le recouvrement des coûts de santé. (36).
Ces institutions imposent des réductions
budgétaires dans les services sociaux des pays en développement
dans le but d'aider ces pays à pouvoir honorer leur dette
extérieure. Le FMI et la banque mondiale affirment que les dettes
extérieures des pays doivent être remboursées. Or les
valeurs de la dette atteignent des chiffres très importants. Le
transfert de capitaux du tiers monde vers les pays développés est
estimé à 189 milliards de dollars en 1995. Pour s'acquitter de
leur dette, les pays adoptent des stratégies de développement
axées sur une croissance induite par l'exportation des produits
agricoles et des produits miniers, ils fournissent les matières
premières aux pays industriels et se cantonnent au rôle
d'importateur de produits finis beaucoup plus chers. Ces politiques de
développement créent la récession économique qui
s'accompagne de revenus insuffisants et de malnutrition, et par
conséquent de vulnérabilité face à la maladie.
Des programmes économiques rigoureux sont
imposés par les institutions financières aux pays
débiteurs. Ils ont pour objectif d'entraîner une croissance
dynamique et permettre aux pays du tiers monde de sortir de l'endettement.
L'adhésion des pays du tiers monde aux programmes d'ajustement
structurel est une condition exigée par ces institutions pour que ces
pays puissent bénéficier du rééchelonnement de la
dette. Le PAS est ainsi considéré comme le seul modèle de
développement capable de transformer les économies des pays dans
les plus brefs délais possibles et les aider à tirer partie des
possibilités offertes par la mondialisation rapide de l'économie
planétaire. Les gouvernements sont encouragés à changer
leur politique de développement en passant de la planification du
développement, à une politique de dévaluation, de
déréglementation, de libéralisation et de privatisation.
L'ajustement structurel vise à restructurer les capacités
productives pour accroître l'efficience et contribuer à
rétablir la croissance, et s'inscrit par conséquent dans le moyen
terme et le long terme. Il implique une réforme du marché, la
privatisation et la libéralisation. L'objectif des programmes
d'ajustement structurel est de réduire la consommation de biens et de
services.
Le FMI et la Banque mondiale imposent la réduction du
rôle de l'état non seulement dans l'économie, mais aussi
pour la fourniture de services sociaux comme la santé,
l'éducation et la sécurité sociale. L'objectif est de
réduire l'enveloppe budgétaire en éliminant les services
gratuits, en instituant les redevances d'utilisation pour les services
d'éducation et les soins de santé. Les coupes budgétaires
sont opérées sans discrimination avec des effets négatifs
sur les services de base d'une importance cruciale pour le développement
humain. Le FMI exige des réductions des subventions et des financements
alloués à des secteurs comme l'éducation de base, la
santé de base et l'infrastructure rurale atteignant 60% (20).
Mais, ces institutions financières ne prennent pas en
considération le développement humain. En effet, une croissance
forte du PNB ne débouche sur le développement que si elle
s'accompagne de changements dans la répartition du revenu, de
manière à permettre à une plus large proportion de la
population de jouir effectivement de ses droits économiques, sociaux et
culturels. Or le remboursement de la dette absorbe entre le quart et le tiers
des recettes publiques des pays en développement, ce qui entraîne
un effet d'éviction sur les investissements publics nécessaires
au développement humain. L'endettement élargit le fossé
entre riches et pauvres, augmente le nombre des affamés, des sans abri,
dégrade la situation des femmes, aggrave la situation sanitaire en
particulier des groupes sociaux vulnérables (19). Si les PAS ont permis
d'enregistrer des taux de croissance dynamiques du PIB, d'accroître les
exportations et d'améliorer la balance des paiements, ils n'ont pas
atteint les objectifs essentiels tels que l'auto approvisionnement alimentaire,
la réduction de la pauvreté, et l'amélioration des
indicateurs de santé. Les performances économiques positives et
une croissance positive du PIB ne sont pas synonymes de
développement.
Par ailleurs, l'ajustement structurel et la
libéralisation ont été imposés aux africains dans
une conjoncture caractérisée par la baisse des prix de produits
de base, le recul de l'aide publique au développement, le tarissement
des prêts de source privée, l'aggravation des mesures
protectionnistes prises par le nord contre les produits africains, et des
niveaux d'endettement insoutenables. Ainsi, s'explique que les pays africains
soient peu nombreux à avoir réalisé des progrès
appréciables sur la base des indicateurs qui donnent la mesure du
développement réel et à dimension humaine. La plupart ont
au contraire replongé dans des inégalités croissantes, la
dégradation écologique, la désindustrialisation et la
misère. Un groupe consultatif de l'ONU a signalé que dans toute
l'Afrique subsaharienne, les systèmes de santé s'effondrent faute
de médicaments, que les écoles manquent de livres et que les
universités souffrent d'une pénurie paralysante de
bibliothèques et de laboratoires. Une malnutrition sévère
frappe les campagnes, ouvrant la voie à une répétition de
l'épidémie de choléra qui a dévasté Lima
à la fin des années 80 (19).
Le rapport international établi par M. Danito Turk,
rapporteur spécial de la sous commission de la lutte contre les mesures
discriminatoires et de la protection des minorités, sur la
réalisation des droits économiques, sociaux et culturels (E.CN.
4/sub.2/1991/17) porte sur la relation entre les mesures d'ajustement
structurel et la réalisation des droits économiques, sociaux et
culturels. Les données recueillies montraient que les PAS compromettent
le droit au travail, à l'alimentation, au logement, à la
santé, à l'éducation et au développement.
Les compressions budgétaires imposées par les
PAS ont été opérées sans discrimination, portant un
coup sévère aux services de santé. L'ampleur de la crise
sociale et économique des pays en transition d'Europe centrale et
orientale s'accompagne d'une baisse significative des indicateurs de la
santé et de l'éducation (21). L'application aveugle des PAS a
remis en cause le droit à l'alimentation, le droit à
l'éducation, le droit au logement, le droit à la santé.
FMI et Banque mondiale n'ont pas réussi à épargner les
budgets de santé lors de l'application de PAS. Dans le but d'amasser des
fonds pour rembourser leurs créanciers, les états du tiers monde
imposent des politiques d'austérité économique à
leur population. Les mesures ont pour conséquence le
renchérissement des produits alimentaires, la baisse des salaires et
l'augmentation du chômage, la réduction des programmes de
santé, de nutrition et d'alphabétisation. Les personnes les plus
affectées par le PAS sont les femmes, les enfants, les familles, les
jeunes, les paysans et ouvriers agricoles, les travailleurs urbains.
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