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Droit à la santé et développement

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par Rachid Aboutaieb
Université de Nantes - Diplôme d'université de 3 cycle "Droits fondamentaux" 2007
  

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B- les politiques de développement s'appuyant uniquement sur la croissance économique n'assurent pas l'amélioration du niveau de santé

Le modèle de croissance associé à la conception libérale de l'économie, privilégiant l'accroissement du PIB et la maximisation des profits, néglige l'investissement social. Ce modèle est à l'origine de discrimination envers les personnes vulnérables et marginalisées, en matière d'accès aux soins, à l'eau et à l'alimentation saine, aux conditions de vie décentes, et aboutit par conséquent à des indicateurs de santé peu satisfaisants. La croissance économique qui ne tient pas compte des droits fondamentaux, prive la population de nourriture et d'eau, oriente les ressources vers les secteurs rentables au détriment des secteurs sociaux et détruit l'environnement.

Un exemple frappant est celui de l'Irlande qui a connu des avancées économiques remarquables, avec des hauts niveaux d'exportations et l'attraction sur son sol de nombreuses sociétés transnationales. Le revenu moyen de la population Irlandaise a doublé entre 1989 et 2002, le taux de chômage a sensiblement diminué. Ces résultats économiques satisfaisants contrastent avec la détérioration de la qualité de vie. Les gens sont plus stressés, boivent plus d'alcool, travaillent plus, voient moins souvent leurs familles et leurs amis. Le salaire moyen a doublé ce qui a réduit le nombre de personnes vivant dans les conditions de privation. En revanche, la pauvreté relative a augmenté. On considère que des personnes vivent dans la pauvreté relative quand leurs revenus les empêchent d'avoir un niveau de vie considéré comme la norme de la société. La pauvreté relative est passée de 6% (en 1994) à 12.9% (en 2001). Elle indique que tout le monde n'a pas tiré profit de la croissance économique. Les indicateurs de santé en Irlande ne sont pas au niveau de ceux des autres pays occidentaux. En 2001, l'espérance de vie est la plus basse de toute l'union Européenne. Les taux de mortalité par maladie sont plus élevés que la moyenne Européenne. L'Irlande a opté pour la réduction des impôts afin de maintenir le taux de croissance économique. Cette politique réduit les dépenses de l'état en particulier pour les services sociaux, augmentant par conséquent le nombre de personnes condamnés à l'exclusion sociale, et ceux vivant avec une mauvaise qualité de vie (8).

Le Chili affiche des taux de croissance jugés dignes de ceux des "tigres" asiatiques, et a même cessé ses demandes de nouveaux crédits à la Banque interaméricaine de développement. Mais les performances économiques de ce pays qualifiés de "miracle" chilien ne parviennent pas à améliorer l'accès aux soins à toute la population. Au contraire, même si le budget de la santé publique a doublé, et si les indicateurs de santé en particulier la mortalité infantile sont nettement meilleurs que ceux des autres pays de la région, le fossé des inégalités en matière d'accès aux services de santé demeure discriminatoire pour les pauvres. L'Etat se désengage du secteur de la santé notamment avec le projet d'hôpitaux publics autonomes mettant en avant l'autofinancement. Une nouvelle culture dans le milieu de santé voit le jour et s'accompagne d'un mercantilisme effréné qu'illustrent les choix de la profession médicale. Sur 16 400 médecins que compte le pays, près de 45 % exercent exclusivement dans le secteur privé. (GUILLOU BENOÎT, Une croissance sans dividendes sociaux. Le Chili malade de la santé Le monde diplomatique Mars 1997, page 18)

Les Etats Unis pays développé et riche, bien qu'il affiche des indicateurs de santé globaux convenables, est un pays où les disparités en matière de santé sont les plus flagrantes. Certaines couches de la population, ne disposant d'aucune couverture sociale, sont délaissés par un système de soins qui s'occupe uniquement des personnes riches ou disposant d'assurance santé. La frange de population défavorisée présente un état de santé voisin de celui des populations des pays en développement. A titre d'exemple, le taux de mortalité infantile aux états unis est de 9%o naissances vivantes, alors que ce taux est à 5 pour le Japon et la Suisse.

Le cas de la Russie est également éloquent, malgré une croissance économique, les indicateurs de santé ont connu une régression notable, sur toutes les franges de la population. La politique de cet état qui favorise le retrait des services publics du secteur de la santé en est une des causes évidentes.

C-La méconnaissance du droit à la santé dans les politiques de développement explique les mauvais résultats sanitaires

En analysant les raisons à l'origine des mauvaises performances de santé, on retrouve des politiques de développement tournées essentiellement vers la croissance économique et méconnaissant le droit à la santé, le droit à l'environnement sain, à l'alimentation, au logement, au travail et à l'éducation. Une croissance économique effrénée qui n'est pas soucieuse de la protection de l'environnement entraîne des conséquences néfastes sur la santé. On assiste ainsi dans les pays en voie de développement à l'émergence de maladies engendrées par les modifications de l'environnement (cancers, asthme...). Les politiques basées sur la croissance économique seule créent des inégalités entre les groupes sociaux et une destruction de la cohésion sociale. Les inégalités sociales se répercutent directement sur l'état de santé. L'espérance de vie diffère de 10 ans entre la classe dominante et celle des ouvriers en Union Européenne (9). Les pays ayant des syndicats puissants (Suède par exemple) et ayant mis en oeuvre des politiques de redistribution visant à réduire les inégalités, ont de meilleurs indicateurs de santé. La raison en est que la cohésion sociale est plus forte, le sens du pouvoir et de la participation est plus élevé et le sentiment de distance sociale est plus réduit. (9).

Le développement économique et la croissance du revenu sont certainement des facteurs qui contribuent à expliquer les remarquables améliorations de la santé au 20ème siècle, mais pris comme unique paramètre, la croissance du revenu ne peut pas expliquer les améliorations spectaculaires enregistrées dans le domaine de la santé au cours du siècle dernier. En effet, les expériences réalisées à Cuba et au Sri Lanka démontrent que des améliorations spectaculaires peuvent survenir dans le domaine de la santé sans que le revenu ne soit élevé en croissance rapide. En 1991, les citoyens du Sri Lanka ont une espérance de vie de 71 ans, soit la même que celle de pays à revenu plus élevé. Les citoyens de la Chine ont une espérance de vie à la naissance à 71 ans, plus élevée que celle des pays à faible revenu. Ceci traduit que les ressources d'un état ne représentent pas l'unique facteur qui agit sur l'amélioration du niveau de santé.

Les choix et les stratégies politiques de développement d'un pays ont une influence directe sur le niveau de santé de sa population. Un état qui impose des politiques d'austérité économique à sa population, en réduisant les dépenses publiques, en renchérissant les produits alimentaires, en baissant les salaires, crée toutes les conditions qui entravent l'exercice du droit à la santé. les états qui optent pour des politiques de développement qui réduisent les budgets des services de santé, qui privatisent les services de santé, qui entravent les droits des citoyens à l'élaboration des stratégies de santé, affectent négativement les services de santé et par là le droit des citoyens à l'accès aux soins. Les pays en voie de développement qui ont fait le choix des politiques néolibérales, ne respectent plus les droits sociaux des travailleurs, ne portent pas de considération pour leur santé et leur sécurité au travail. Ces politiques sont soucieuses uniquement de faire le maximum de chiffres, et ne s'inquiètent guère de la dégradation de la santé de la population, la dégradation de l'environnement et ses conséquences. La croissance du revenu ne doit pas servir de stratégie unique pour accomplir des progrès en matière de santé.

1- Le droit de l'accès aux soins et les politiques de développement économique

Comme précisé sur l'observation générale N°14, le droit à la santé s'entend comme le droit d'accès à un système de protection de la santé qui garantit à chacun sur un pied d'égalité la possibilité de jouir du meilleur état de santé possible. Le système de protection de la santé comprend les installations, les biens et les services, ainsi que les programmes en matières de santé publique et de soins de santé. Ce système de soins doit être disponible, accessible sans discrimination, acceptable culturellement et de qualité.

Or, les réductions des dépenses publiques de santé dans les pays en développement, aggravent la situation du secteur de santé. Le secteur de la santé dans ces pays est devenu déficient en matière d'équipements et de ressources humaines. Les installations sont par ailleurs inégalement réparties. Certaines populations vivent à plus de 30 kilomètres du premier dispensaire de soins. Les hôpitaux sont vétustes, leurs équipements anciens et souvent hors d'usage. Le personnel de santé, sous payé est démotivé. Beaucoup d'entre eux émigrent vers les pays occidentaux où les conditions de travail et de salaire sont plus alléchantes. Cette situation se répercute sur l'état de santé de la population et en particulier les personnes vulnérables. Les femmes n'ont pas accès aux soins de santé génésiques, elles ne contrôlent pas leurs grossesses, et la mortalité dans les suites d'un accouchement est souvent élevée. Les enfants souffrent de malnutrition, la mortalité infantile est élevée du fait de maladies infectieuses. Alors que cette mortalité est évitable par des mesures simples. Mais faute d'informations, faute de personnel formé disponibles, les enfants paient un lourd tribut.

Le retrait de l'état des services publics de soins favorise une privatisation rapide de ce secteur. Mais, les services de soins privés se concentrent dans les grandes métropoles et délaissent les zones rurales, éloignées et enclavées. Ce service privé est rarement à la portée de tous les citoyens. Les populations nanties y ont accès avec une durée d'attente réduite, un accueil correct, des équipements en bon état et parfois relevant des dernières innovations techniques. Malheureusement, la plus grande partie de la population n'a pas accès à ces soins, et doit se contenter des modestes prestations du secteur public. Cette médecine à deux vitesse traduit une véritable discrimination envers les couches pauvres et défavorisées.

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"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King