INTRODUCTION
Une revue de l'état de santé des populations
dans le monde dévoile des chiffres inquiétants. Citons à
titre d'exemple la mortalité infantile qui s'élève
à 12 millions de décès par année, dont la
moitié de meurent de causes liées à la malnutrition, et un
grand nombre de maladies faciles à prévenir. Le paludisme et la
tuberculose continuent de sévir. Nous assistons à
l'émergence de maladies nouvelles, la pire menace de santé qui
pèse sur l'humanité est représentée par la menace
du VIH/SIDA. Cette situation est d'autant plus dramatique qu'elle frappe avec
plus d'intensité les pays pauvres, dans lesquelles,
l'inaccessibilité de la population aux services de santé
s'associe à la pauvreté, à la malnutrition, aux mauvaises
conditions de logement, et à l'absence d'application des droits de
l'homme. Toutes conditions pour créer la mauvaise santé. En
effet, l'OMS a bien défini la santé comme étant
« état de bien-être complet physique, mental et
social et qui ne consiste pas seulement en l'absence de maladie ».
Cette définition montre bien que la santé n'est pas un
élément indépendant mais qu'elle est inséparable de
son contexte social. Elle met en évidence le fait que la santé
dépend de plusieurs déterminants au delà de l'aspect
médical et technique. L'OMS a également été la
première à considérer la santé comme un droit
fondamental de l'homme. C'est une étape essentielle dans la
transformation de cet objectif social. La santé est haussée au
rang de droit de l'homme. Il s'agit là d'une percée potentielle
dans le domaine du droit à la santé. Malgré cela,
l'application du droit à la santé à l'échelle
nationale n'est pas encore garantie partout dans le monde. Cela s'explique en
partie par le fait que le droit à la santé faisant partie des
droits économique, sociaux et culturels, partage le même sort que
ceux-ci, à savoir qu'ils sont reconnus comme des droits de seconde
catégorie. Or, les droits de l'homme représentent un même
corps, qui se fonde sur la charte internationale des droits de l'homme
constituée par la déclaration universelle des droits de l'homme
(DUDH), le pacte international des droits civils et politiques (PIDCP), et le
pacte international des droits économiques, sociaux et culturels
(PIDESC). La confrontation idéologique Est Ouest qui a suivi la
2ème guerre mondiale a produit une dichotomie dans les
dispositions de la DUDH. Les droits énoncés dans le PIDCP ont
bénéficié d'une plus grande reconnaissance par rapports
aux droits économiques, sociaux et culturels. La jurisprudence relative
aux droits civils et politiques est beaucoup plus développée que
celle qui touche aux droits économique, sociaux et culturels. Par
ailleurs, de nombreux gouvernements occidentaux se sont montrés
méfiants vis-à-vis des droits économiques et sociaux, et
se sont mêmes opposés à l'idée de les
considérer comme des droits, arguant que les droits économiques,
sociaux et culturels n'étaient que des principes généraux.
Ils prétendaient que ces droits, contrairement aux droits civils et
politiques, ne pouvaient être invoqués devant les tribunaux. La
conférence de Vienne est venu pour conforter que tous les droits de
l'homme sont des droits indivisibles, inter reliés et
interdépendants.
Le droit à la santé est actuellement reconnu
comme un droit fondamental de l'homme faisant partie des droits
économique, sociaux et culturels.
Comme ceux-ci, il est influencé par les politiques
économiques de chaque pays. En effet, le droit à la santé
est dépendant de la redistribution des richesses. Il faut souligner que
le PIDESC reconnaissant le lien entre droits sociaux et niveau de richesse du
pays, a énoncé dans l'article 2 que « chacun des
états parties au présent pacte s'engage à agir... au
maximum de ses ressources disponibles en vue d'assurer progressivement le plein
exercice des droits reconnus dans le présent pacte... ».
L'imprécision et la permissivité de ce discours n'ont pas pour
objectif de soustraire les gouvernements à leurs obligations. Cependant,
les gouvernements soucieux d'assurer des chiffres de plus en plus
élevés de croissance économique, se détournent des
obligations sociales pour favoriser des secteurs plus
« rentables » économiquement. Le droit des
populations au bien être complet peut sembler être en contradiction
avec le développement économique. Les politiques de
développement économique mises en oeuvre dans les pays en
développement, sont tournées vers l'encouragement de
l'exportation, et la réduction des budgets des services sociaux allant
jusqu'à des réductions de moitié. Les services publics de
santé sont devenus plus coûteux, et inégalement
répartis. La carence touche aussi bien les équipements que les
ressources humaines. Le secteur privé, largement encouragé, s'est
rapidement développé. Les soins de santé sont
considérés comme n'importe quel bien de consommation, et non
comme un droit fondamental. Cette situation est le fruit des politiques
néolibérales qui créent des richesses pour une
minorité, favorisent la privatisation, et l'entrée de capitaux
étrangers qui vont investir les hôpitaux et les laboratoires. La
réforme du secteur de santé imposée par le FMI et la
banque mondiale a favorisé les privatisations. Nous avons assisté
au fil des années à la détérioration de la
santé des populations des pays du tiers monde. L'état de
santé de milliers de pauvres s'est aggravé par l'application de
ces politiques. Les souffrances et les décès de millions de
personnes dans le monde sont une situation rendue possible par l'ordre
international actuel. Les interventions du G8 en Afrique ont
échoué dans l'amélioration de la santé des
africains car elles doivent être mises en relation avec les
intérêts qu'elles défendent et les intentions
cachées qu'elles sous tendent (2). Ces institutions tentent
d'améliorer le niveau de santé par des programmes de lutte contre
la pauvreté, pensant que la pauvreté étant le
déterminant le plus important de la santé. Même si la
primauté des déterminants économiques dans la maladie et
la mauvaise santé est reconnue, les autres déterminants
constitués par l'endettement, les réductions des budgets sociaux,
l'absence de participation des populations, sont autant de facteurs qui
entravent l'application du droit à la santé.
Dans le but de dégager les causes et les perspectives
pour améliorer l'exercice du droit à la santé, une revue
des sources et du contenu du droit à la santé est revue dans le
1er chapitre pour dégager une définition claire de ce
droit et déterminer les obligations des états.
En raison de l'influence des politiques de
développement sur les paramètres liés à la
santé, le deuxième chapitre se propose de dégager les
interactions entre politiques de développement économiques et
exercice du droit à la santé, pour essayer d'appréhender
tous les facteurs liés aux politiques de développement qui
peuvent influencer positivement sur ce droit et pour comprendre les actions
comprises dans les stratégies de développement qui peuvent porter
atteinte à ce droit.
Enfin, dans le 3ème chapitre, il est
dégagé un certain nombre d'idées qui tentent de concilier
droit à la santé et politiques de développement humain
afin de proposer une approche de la santé reposant sur la justice
sociale et le respect des droits humains.
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