Section 2 : DE LA NECESSITE
D'UNE PROTECTION DE LA CAUTION EN DROIT POSITIF CONGOLAIS.
En principe, à l'état actuel du monde des
affaires, nul ne devrait ignorer le rôle crucial que joue le
cautionnement pour l'évolution de l'économie d'un pays. Pour un
commerçant, « Time is money » (le temps c'est de
l'argent, dit-on). Or, ne se suffisant pas à lui-même, celui-ci a
besoin d'un appui (une banque). Ce dernier qui vit également des
services qu'il rend aux commerçants doit aussi profiter du service qu'il
rend à ces derniers mais parce qu'il n'est pas sûre d'une issue
heureuse des activités des commerçants exige de ceux-ci des
garanties. Misant sur le temps, le commerçant doit en chercher une qui
non seulement est d'une constitution simple et peut onéreuse, mais aussi
ne gaspille pas son crédit. Cette garantie n'est rien d'autre que le
cautionnement.
Toutefois, il importe de souligner que cela ne va sans
inconvénients car si l'opération profite au débiteur puis
au créancier, elle ne profite pas nécessairement à la
caution qui par la suite peut s'en désintéresser lorsque les
choses tournent en sa défaveur.
Pour pallier à cette situation, nous l'avions dit, les
législateurs d'autres pays ont déjà adoptés les
stratégies, à notre avis, assez efficaces ! Bien que se
trouvant dans des lois particulières, l'essentiel est qu'elles existent
et sont opposables erga omnes.
Pour la RDC, le constat est amer. Même si nous
procédons presque aux mêmes activités que ces autres Etats,
remarquons toutefois que mise à part la faible protection de la caution
prévue par le droit commun, c'est-à-dire le code civil livre
troisième et la loi dite foncière dans sa partie relative au
cautionnement, il n'existe aucun autre texte de loi abordant dans cet angle,
sous réserve de ce que peut prévoir la jurisprudence congolaise
qui n'est pas aussi accessible faute de publication.
§.1. Situation du
cautionnement en RDC : cas de la ville de Goma
Des entretiens que nous avions eu avec certains travailleurs
dans des établissements de crédit, disons que comme sous d'autres
cieux, le cautionnement occupe un rang inférieur sur la pyramide des
garanties exigées par les établissements de crédit. Au
premier rang viennent les hypothèques et les gages qui sont des
garanties réelles. Bien sûr qu'ils ne sont pas de constitution
facile (les hypothèques) et gaspille le crédit du
débiteur, c'est-à-dire non adaptés (les gages) mais
l'essentiel, selon eux, est qu'ils sont efficaces et rassurent le prêteur
de son paiement. Ainsi, le facteur temps, ingrédient indispensable pour
le commerçant, s'effrite.
Différentes motivations ont poussé les
prêteurs à ne pas recourir au premier plan au cautionnement.
Parmi celles-ci, le professeur DIKETE ONATSUNGU, ancien
employé de la banque, cite :
- Premièrement, la connaissance de la caution. Ainsi,
pour exiger la caution en garantie d'un crédit qu'on octroie à
l'emprunteur (débiteur), le prêteur (créancier) doit
préalablement connaître la caution. Or, il se fait que dans bon
nombre des banques congolaises, encore trop jeunes, les apporteurs des capitaux
soient des étrangers et par conséquent ne connaissent pas bien
les clients.
Donc, il existe beaucoup d'hésitations pour octroyer le
crédit parce que tout simplement les banques ne connaissent pas encore
bien leurs clients.
Nous faisant partager son expérience en qualité
d'ancien employé à l'Union Zaïroise des Banques (UZB),
actuelle Union des Banques Congolaises (UBC), DIKETE nous dit qu'à leur
époque ils exigeaient que la caution soit un client de la banque et
d'une certaine ancienneté (10 ans au minimum). Cela leur permettait
d'avoir une idée sur le patrimoine de la caution encore qu'il avait son
adresse fixe.
- Deuxièmement, les difficultés relatives
à la localisation des cautions. En Afrique en général, en
RDC en particulier, les gens changent d'adresses à tout moment et
prennent difficilement le courage d'informer aux tiers le changement intervenu
dans leur localisation.
Ceci constitue un motif supplémentaire qui peut pousser
le prêteur à ne pas prendre le risque en donnant son argent
à un client qui l'apporterait une caution qui se volatiliserait dans
l'espace laissant la banque supporter elle-même la charge de cette
perte.
Michel DIKETE a stigmatisé cette idée en donnant
la situation de certaines banques du Rwanda qui ont reçu des cautions
détenant des adresses fictives et partant se sont retrouvés en
difficulté de paiement car difficile de localiser celles-ci faute de
changement de nom des avenues et du manque d'une bonne organisation des
quartiers. Des cas similaires existent en RD Congo.
- Troisièmement enfin, le professeur DIKETE a, comme
l'avait déjà dit le professeur KATCHUNGA Lucien dans le cours de
protection des consommateurs, fustigé l'esprit du congolais qui n'a pas
encore atteint un seuil élevé du loyalisme. Lorsqu'il s'engage,
il n'envisage que son intérêt. Si les choses tournent en sa
défaveur, il se rétracte en changeant de position. Cela
inquiète aussi les prêteurs et les poussent à ne pas
prioriser le cautionnement.
Retenons toutefois que la liste n'est pas exhaustive et que
bon nombre d'autres raisons peuvent être données.
Néanmoins, le principal pour nous n'étant pas de
rechercher à connaître si le cautionnement occupe le premier rang
moins encore s'il occupe le dernier, nous devons alors savoir de quelle
manière la caution est protégée malgré la place
réservée au cautionnement en RDC.
Pour répondre à cette préoccupation,
disons que dans la pratique, sur base des explications fournies par DIKETE, on
présente un formulaire au candidat caution qu'il doit remplir et signer
et cela emporte son engagement.
Ajoutons que cet acte est rédigé dans un langage
fort juridique et peu compréhensible. L'acte est signé au moment
de la signature du crédit, en présence du débiteur
principal. Il n'est pas toujours séparé du contrat principal.
De l'analyse de cette manière de faire, il ressort que
la caution ne vient que pour décliner son identité et pour
s'engager par sa signature. Nulle part il n'est fait référence
à l'obligation d'information, s'il ne faut citer que celle-là.
Ainsi donc, ce caractère confus des conditions dans lesquelles la
caution s'engage est pour elle un facteur de faiblesse. Elle n'a pas toujours
conscience de la portée de son engagement ce qui peut provoquer, au
moment où le cautionnement entre dans la phase active,
étonnement, incompréhension, choc en apprenant l'étendue
de ses obligations.
D'une manière générale, la faute
n'incombe pas aux banquiers car aucun texte de loi ne les oblige à
informer les cautions, moins encore à respecter le principe de
proportionnalité, etc. Donc, le premier responsable de cette faute est
le législateur congolais qui laisse les cautions s'engager sans mesurer
les conséquences que peut entraîner leur engagement faute
d'information.
Cependant, les banquiers ne doivent pas aussi se soustraire
derrière l'argument d'une absence de texte les obligeant à
fournir les informations à la caution avant et pendant la signature du
contrat de cautionnement car ils doivent savoir que le principe
général de bonne foi pèse sur leurs têtes et
qu'ils doivent l'observer dans l'exercice de leurs activités.
Disons toutefois que l'application de ce principe de bonne
foi est difficile en matière commerciale, encore que nous avions
à faire aux congolais qui, comme nous avons eu à le dire, ne
s'engagent que quand ils envisagent un intérêt en leur faveur et
le contraire les pousse à se résigner.
Le commerçant est à la recherche du
lucrum. Il cherchera à en avoir d'avantage aussi longtemps que
les opportunités se présenteront devant lui. Ainsi, en prenant
l'exemple congolais, on peut dire qu'aussi longtemps que le commerçant
n'a pas une pression légale l'obligeant explicitement de procéder
à tel ou tel autre acte bien déterminé, il aura toujours
tendance à agir dans son intérêt et il sera toujours
difficile de prouver sa mauvaise foi faute d'une obligation précise
à laquelle il devrait se conformer.
Et parce que cette bonne foi ne suffit pas pour une bonne
protection de la caution car si elle était suffisante des grandes
Nations qui la reconnaissent comme la France, la Belgique, l'Allemagne, etc.
n'auraient pas élaborés des lois spécifiques pour une
meilleure protection des consommateurs en général et de la
caution en particulier.
Ainsi, différentes propositions peuvent être
faites au législateur congolais pour renforcer la protection de la
caution par des normes claires et précises et non plus par des principes
généraux du droit seulement.
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