De la nécessité d'une protection de la caution en matière de sureté en droit positif congolais( Télécharger le fichier original )par Justin KAKARA UNIGOM - Licence 2007 |
§.2. Différentes propositions pour une bonne protection de la caution en droit positif congolaisAvant d'attaquer le travail de fond, relevons que la plupart des propositions que nous allons devoir développer sous ce paragraphe s'inspirent de la philosophie de BALATE se trouvant dans le rapport précédemment cité. D'entrée de jeu, la première de choses à demander au législateur congolais est de s'actualiser en matière de lois car il est inconcevable que la RDC puisse ne pas disposer par exemple d'une législation sur la consommation. Aujourd'hui, cette législation s'avère indispensable car, comme vous le savez d'ailleurs, le consommateur congolais est laissé pour compte et de ce fait exposé à la malignité des opérateurs économiques. Il est donc sans protection, d'où une ultime nécessité de légiférer dans le sens d'assurer sa protection en impliquant dans le texte certains principes d'intérêt capital en des termes simples et clairs comme celui d'information, de proportionnalité, etc. Toutefois, comme les lois spécifiques ne sont pas souvent accessibles à tout le monde, nous suggérons que, mise à part les modifications qu'il faudra apporter aux lois générales sur certains points qui semblent dépassés, ces principes nouveaux d'information, de proportionnalité, ...soient aussi intégrés dans ces lois générales et cela d'une manière ordonnée contrairement à nos prédécesseurs (France, Belgique) qui comme l'affirme certains auteurs132(*), au lieu de poser des obligations générales ont multiplié les obligations spéciales sans tenter de faire un lien ente-elles. Et comme cela ne suffit pas, à notre avis, vu le taux élevé d'analphabétisme dans notre pays en particulier et en Afrique en générale, nous estimons qu'après qu'on ait eu une loi avec des dispositions protectrices de la caution, il faudra procéder à une éducation des masses populaires afin qu'une bonne fraction de la population s'en imprègne. D'une manière détaillée, les propositions suivantes peuvent être utiles au législateur congolais : - Pour ce qui concerne le formalisme juridique de l'acte de cautionnement, disons que le cautionnement quand il est donné par un particulier porte en lui-même un danger fondamental. En effet, en acceptant de payer à la place du débiteur, la caution accepte de supporter le risque de non-paiement qu'un professionnel a jugé trop dangereux d'assurer sans garantie. Parlant du cautionnement, Behar-Touchais133(*) disait que celui-ci est une sûreté trop indolore au moment de sa conclusion, et trop douloureuse lorsque la caution doit s'exécuter. Il découle donc de ce qui précède que le cautionnement est un acte grave qui nécessite un encadrement. Ainsi, nous proposons que le contrat de cautionnement fasse systématiquement l'objet d'un contrat distinct qui expliquera la portée des engagements de la caution. Quant à la mention manuscrite qui aura pour fonction non seulement de prouver l'existence et le contenu du contrat mais aussi d'établir que la caution a pris conscience de la nature et de l'étendue de son engagement, nous proposons au législateur congolais d'opter pour le modèle proposé par BALATE134(*) au législateur belge en ces termes : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ...couvrant le paiement du principal, des intérêts (à moduler en, fonction du choix final) et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X...n'y satisfait pas lui-même ». Cette dernière formule qui ferait partie du contrat distinct et qui serait intégrée dans le contrat-type suggéré devrait être isolée dans le contrat. - Au sujet de la durée du cautionnement qui est, comme nous l'avions dit, en principe illimitée, retenons que si la caution est liée à une étude de solvabilité du débiteur principal, c'est qu'elle se fonde sur les paramètres eux-mêmes variables dans le temps. Ainsi, la solvabilité acquise au moment de la conclusion du contrat principal n'est pas nécessairement identique à celle connue quelques années plus tard. En outre, l'état d'endettement du débiteur principal peut s'en trouver réduit par le remboursement. Il est donc, sans doute en raison du caractère abstrait de la caution, peu juste de laisser subsister un engagement dont le caractère fondamental a lui-même été modifié ou en tout cas, risque de se trouver modifié. C'est pourquoi, nous ralliant au point de vue de BALATE, nous estimons aussi que quelque soit le type de contrat garanti, le cautionnement doit être limité dans la volonté de faire du modèle informatif la base de différentes solutions préconisées. - Concernant l'obligation d'information de la caution, le contrat de cautionnement doit être un acte distinct du contrat garanti tel que nous l'avions préconisé. Il permettrait ainsi une meilleure information de la caution sur la portée de son engagement. Un exemplaire de ce contrat doit être remis à la caution avant la signature. Aussi, la caution doit être informée du contenu du contrat qu'elle va garantir et ce quelque soit le type de dette garantie. Cette information se fera oralement et dans une langue qu'elle connaît s'il s'avère que celle-ci ne sait pas lire. Mise à part cette information concernant le contenu du contrat, le créancier doit tenir la caution informée de l'évolution de la dette et donc de l'engagement de la caution. Ce devoir d'information du créancier au cours de l'exécution du contrat permettrait à la caution de rester en contact avec la dette garantie et de pouvoir réagir en cas de déficience du débiteur. - Par rapport au décès de la caution, une question peut se poser. L'article 340(557 CCLIII) de la loi dite foncière équivalent de l'article 2017 du code civil français (ancien) et belge a-t-il encore un sens de nos jours ? En effet, en pratique, le cautionnement est donné au bénéfice d'un proche qui a bien souvent la qualité d'héritier. La solution idéale pour les héritiers serait d'envisager le décès de la caution comme un nouveau mode d'extinction du cautionnement. Toutefois, le secteur bancaire ainsi que la doctrine (et la jurisprudence en France et en Belgique) ne nous semble pas prêts à envisager une telle réforme. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'accueillir en notre droit la solution dégagée par la cour de cassation française. Les héritiers ne seront donc tenus que de l'obligation de règlement de la caution, c'est à dire des dettes dont la caution était déjà tributaire au moment de son décès. Selon les explications de Mme Limpens données par BALATE, les juges français sont arrivés à une telle solution, car le législateur français n'a pas modifié l'art.2017 suite à l'abrogation de la contrainte par corps. L'usage s'est alors répandu en France de tronquer l'art.2017 en lui faisant dire que « les engagements des cautions passent à leurs héritiers, ...si l'engagement était tel que la caution y fut obligée ». En droit belge, la deuxième partie de l'art.2017 a été abrogée et le législateur congolais de l'époque s'en est ainsi inspiré. Donc, seule l'intervention législative tant en Belgique qu'au Congo RD permettrait d'atteindre une solution analogue à celle de la jurisprudence française. Limpens propose de modifier l'article 2017 du code civil équivalent à l'art.340 de la loi dite foncière en ces termes : « Les engagements des cautions ne passent à leurs héritiers que s'ils portent sur des dettes nées au moment du décès ». Nous nous associons donc à cette proposition de l'auteur ci-haut citée. - Pour ce qui est de l'engagement proportionné de la caution que nous voulons voir effectif dans notre pays, disons pour ce qui concerne la caution personne physique que celle-ci ne doit garantir que des engagements dont les montants sont en rapport avec ses revenus et ses biens. Le créancier doit vérifier cette proportionnalité en réalisant une enquête approfondie de la solvabilité de la caution. Cette proposition vaut pour tous les types de contrats cautionnés qu'il s'agisse de crédit ou de tout autre type de contrat. Une telle mesure ne peut être mise en oeuvre que par le biais d'une modification législative du code civil. Déjà en Belgique, vers les années 1999, une proposition avait été faite et consistait à insérer un nouvel article 2020 bis dans leur code civil. Ce dernier serait libéré comme suit : « il ne peut être conclu de contrat de cautionnement avec une personne physique en son nom propre en garantie d'une dette dont le montant est manifestement disproportionné à ses revenus ou ses biens. Le cautionnement contracté en violation des dispositions de l'alinéa précédent est frappé de nullité ». - Enfin, au sujet des bénéfices de division et de discussion retenons que les deux doivent être analysées d'une manière distincte. Pour le bénéfice de division, disons que celui-ci correspond initialement à une réalité économique trop souvent méconnue. L'ampleur de la dette principale a justifié que le créancier ait recours à plusieurs cautions. Dans la logique des propositions précédentes, ceci implique qu'il a évalué correctement le risque de solvabilité ou d'insolvabilité du débiteur principal et a estimé qu'il fallait se prémunir de ce risque par un choix de remplacement particulièrement large. Les cautions entre-elles peuvent s'ignorer alors même qu'elles ont une même fonction sur le plan de remboursement. Il est dès lors souhaitable de considérer que le principe du bénéfice de division est la conséquence obligée de la pluralité des cautions. Les cautions y trouvent ainsi une garantie essentielle. Certes, ceci obligera le créancier à agir contre les différentes cautions engagées et ce, à due concurrence mais n'est-ce pas là également un corollaire tout à fait justifié du choix initial pris par le créancier ? Il parait donc acquis que la logique de protection de la caution conduit essentiellement à revaloriser le bénéfice de division. De manière concrète, notre proposition cherche à faire du bénéfice de division la règle. Cela n'est possible que si et seulement si on abrogeait l'article 347 de la loi dite foncière. Ainsi, lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d'un même débiteur pour une même dette, le créancier divise préalablement son action et la réduise à la part et portion de chaque caution. Quant à l'art. 348 de la même loi qui prévoit les conséquences de l'insolvabilité de la caution qui bénéficie ainsi de la division, disons que celui-ci n'est pas non plus justifié. Il convient en effet que le risque d'insolvabilité de la caution soit tempéré par la pluralité des cautions qui a été choisie. Concernant le bénéfice de discussion, la question y relative est plus complexe comme le reconnaissent d'ailleurs certains doctrinaires. Selon eux il parait difficile dans le contexte actuel d'envisager une abrogation pure et simple de cette idée selon laquelle il peut être renoncé au bénéfice de discussion. Il faut donc en améliorer la mise en oeuvre. Eu égard à la particularité du bénéfice de discussion, il nous parait que la 1ère règle à adopter est de transférer la mise en oeuvre de ce bénéfice de discussion de la caution vers le créancier. Ceci veut dire que c'est le créancier qui doit demander préalablement à la caution si elle entend mettre en oeuvre le bénéfice de discussion. Il conviendrait sans doute dans ces conditions d'informer dans un délai strict le droit pour la caution d'indiquer les biens propriétés du débiteur, bien entendu seuls les biens qui ne sont ni litigieux ni hypothéqués, quelque soit leur emplacement géographique qui peuvent faire l'objet d'une discussion. Ce système s'inscrit dans une logique de mesure à caractère impératif destinée à protéger une partie démunie. Cette dernière ne peut renoncer à la protection que si précisément elle est dûment éclairée. De la sorte, nous estimons que les articles 343 et suivant de la loi dite foncière doivent être élevés au rang des règles impératives pour une bonne protection de la caution. * 132 http://www.juristfac.blogspot.com//2005//11/droit-des-srets.html, 03 octobre 2007 * 133 Op. Cit., p.737 * 134 Op. Cit., p.39 |
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