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La protection du contribuable de bonne foi

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par Rania TRIMECHE
FSJPST - Mastere de recherches en droit des affaires 2008
  

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SECTION II - UNE PROTECTION A ENCADRER

Face au risque de changement de la doctrine administrative, la législation fiscale tunisienne a fait fi de la protection du contribuable en faisant prévaloir l'intérêt du Trésor public. La fin semble justifier les moyens aux yeux du législateur ! Cette négligence serait lourde de conséquences au niveau du comportement du contribuable. Il serait donc souhaitable que le législateur fiscal définisse les éléments de la déloyauté de l'administration (Paragraphe 1).

Dans l'attente d'une reconnaissance explicite de la protection du contribuable de bonne foi contre les changements de doctrine administrative, il semblerait que d'autres pistes de solutions, existent, dans le cadre contentieux, entre les mains du juge, pour faire face à la déloyauté de l'administration. En effet, c'est au nom de l'équité que le juge fiscal pourrait apporter une certaine protection au contribuable de bonne foi contre les changements de doctrine administrative (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- Une intervention législative souhaitable

Il est indéniable que des efforts ont été entrepris depuis plus d'une douzaine d'années pour vulgariser la matière fiscale et la rendre plus attrayante et plus accessible aux contribuables. Cependant, s'agissant de la protection du contribuable contre les changements de doctrine administrative, les réformes engagées ont laissé un goût d'inachevé.

Contrairement au législateur tunisien, son homologue français a considéré que si l'administration procédait à un changement de sa doctrine, elle ne devait pas nuire par ce changement au contribuable97.

Quelles sont alors les solutions adoptées par le droit français qui pourraient éventuellement inspirer le législateur ; voire le juge tunisiens ?

Actuellement, le système fiscal français reconnaît essentiellement deux mécanismes, d'origine législative, permettant aux contribuables de se protéger contre les changements de la doctrine administrative98.

Le premier dispositif assure une protection préalable. Il est désigné par l'expression «rescrit fiscal » (A). Tandis que le deuxième assure une certaine protection en instituant l'opposabilité à l'administration de sa propre doctrine (B).

A - Le rescrit fiscal

Très ancien, le rescrit a été repris en droit fiscal français par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dite AICARDI, modifiant les procédures fiscales et douanières, qui l'a introduit à l'article L. 64 B du L.P.F99.

Cet article prévoit que la procédure de répression des abus de droit n'est pas applicable « lorsqu'un contribuable, préalablement à la conclusion d'un contrat ou d'une convention, a consulté par écrit l'administration centrale en lui fournissant tous les éléments utiles pour apprécier la portée véritable de cette opération et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande ». Il s'agit donc d'une garantie pour le contribuable qui, préalablement à la conclusion d'un contrat ou d'une convention, a la possibilité, de consulter par écrit l'administration fiscale, en lui fournissant tous les éléments utiles. L'administration doit indiquer en réponse si l'opération relève, à son sens, de l'abus de droit. Toutefois elle conserve son droit de contrôle classique100.

97 Conseil des impôts de France, Dixième rapport au président de la république 2001, Les relations entre les contribuables et l'administration fiscale, http://www.ccomptes.fr/CPO/documents/divers/Rapport-relatcontrib.pdf, visité le 28/04/2008.

98 A côté de ces mécanismes d'origine législative, il existe un dispositif d'origine décrétale. il a été prévu par l'article premier du décret du 28 novembre 1983 qui dispose que « tout intéressé est fondé à se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 17-7-1978 lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements », Décret n°83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l'administration et les usagers, J.O.R.F. du 3 décembre 1983 p. 3492. Il s'agit d'un dispositif de portée générale puisqu'il concerne l'opposabilité de toute doctrine administrative, quelle que soit la nature de l'autorité administrative, y compris donc la doctrine administrative fiscale. Toutefois, cette protection comporte des limites prévues par ce même alinéa premier et qui tiennent à la publicité et à la non contrariété aux lois et règlements. En somme, l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 a institué, d'une manière générale en droit public français, au profit de l'ensemble des administrés, un principe d'opposabilité à l'administration de ses instructions, circulaires et directives publiées et non contraires aux lois et règlements. Sur la portée de ce principe, voir AMSELEK (Paul) : « L'opposition à l'administration de sa propre doctrine : les innovations apportée par le décret du 28 novembre 1983 », Revue de droit fiscal, 1984, n° 4, pp. 149- 154.

99 Loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dite AICARDI modifiant les procédures fiscales et douanières, J.O.R.F. du 9 juillet 1987, p.7470.

100 AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal », Paris, L.G.D.J, 2000, p.347.

Cette garantie instituée par l'article L. 64 B ne peut bénéficier qu'aux contribuables de bonne foi qui ont exposé tous les éléments qui caractérisent l'opération envisagée. Un contribuable ne pourra donc, en aucun cas, se prévaloir de la garantie lorsqu'il a fourni des éléments incomplets ou inexacts. Si l'ensemble de ces conditions est rempli et que l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois à compter de la demande, la procédure de répression des abus de droit ne pourra pas être appliquée à cette opération.

L'expression « rescrit » est généralement étendue à l'ensemble des procédures par lesquelles l'administration prend position par avance sur une situation fiscale. Cette démarche va au-delà de la simple demande de renseignements, puisqu'elle permet d'interroger l'administration de façon préventive sur les conséquences fiscales de certaines opérations en étant certain que les règles indiquées seront appliquées par la suite puisque, l'administration ne pourra pas contester la situation si ses propres indications ont été suivies101 . Il s'agit en somme d'une procédure qui offre au contribuable une sécurité indéniable102.

Cette démarche du rescrit marque une évolution d'une culture « régalienne » vers une démarche de qualité de service rendu à l'usager dans un souci de sécurité juridique. Elle suppose nécessairement que l'administration soit liée par sa position et que son interprétation soit exprimée de façon suffisamment claire pour être opposable, sans les ambiguïtés et les excès de précautions qui risqueraient de la priver de son effet utile devant le juge, en cas de contentieux. Cela implique également que les entreprises surmontent une certaine réserve à exposer un projet confidentiel à l'administration103.

En définitive, il apparaît que « Le recours au rescrit sert un triple objectif : la promotion du« civisme fiscal », le renforcement de l 'attractivité du territoire et la sécurité juridique par une meilleure prévisibilité » 104.

101 Conseil d' Etat, Rapport public annuel 2006, Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E. 2006, http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf, p.333 et suivants, visité le 28 /4/2008.

102 Le rescrit est connu aussi dans le monde anglo-saxon sous l'appellation « ruling ».Au Royaume-Uni la procédure du « ruling », plus systématiquement mise en oeuvre à partir de 2001, se fonde sur un dialogue direct avec les entreprises et la volonté d'apporter, en temps réel, les réponses aux questions relatives au régime fiscal de leurs activités. Aux États-Unis, le rescrit répond à une logique de prévention des conflits avec les contribuables. Il constitue l'une des priorités de l'effort de modernisation des services des impôts. Conseil d'Etat, Rapport public annuel 2006, Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E. 2006, http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf, p.334, visité le 28 /4/2008.

103 La crainte de provoquer une procédure de contrôle fiscal explique pour l'instant une certaine réticence des entreprises françaises à recourir au rescrit. Voir : AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal », Paris, L.G.D.J, 2000, p.347.

104 Conseil d' Etat, Rapport public annuel 2006, Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E. 2006, http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf, p.333, visité le 28 /4/2008.

En réalité, il est possible de trouver écho à cet objectif, et plus généralement à la technique du rescrit fiscal dans l'avis du Conseil économique et social tunisien adressé aux rédacteurs du C.D.P.F. où on peut lire en substance que le projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F. n'a pas obligé l'administration à répondre aux demandes de renseignements adressées par le contribuable105. Il paraît regrettable que le législateur fiscal prive délibérément le contribuable de bonne foi d'une garantie dont l'introduction aurait pu étre très utile pour instaurer un climat de sécurité et aurait pu permettre d'éveiller l'attention de l'administration sur la portée des opérations envisagées par le contribuable106.

Certes, dans la pratique, le contribuable peut consulter par écrit l'administration fiscale, mais aucune disposition légale ne prévoit que cette dernière est dans l'obligation de répondre, ni, en cas de réponse, elle est liée par le contenu de sa réponse, ni même, en l'absence d'une réponse, que ceci équivaut à un acquiescement107.

En plus de la technique du rescrit fiscal, le législateur français a institué l'opposabilité à l'administration de sa propre doctrine.

105 L'avis du conseil économique et social concernant le projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F. 1998 (Inédit).

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106 GADHOUM (Oualid) : « La doctrine administrative fiscale en Tunisie », Op.Cit., p.325.

107 BESBES (Slim) : « Le principe de la légalité de l'impôt en droit tunisien », thèse précitée, p.433.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery