Très ancien, le rescrit a été repris en
droit fiscal français par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dite
AICARDI, modifiant les procédures fiscales et douanières, qui l'a
introduit à l'article L. 64 B du L.P.F99.
Cet article prévoit que la procédure de
répression des abus de droit n'est pas applicable « lorsqu'un
contribuable, préalablement à la conclusion d'un contrat ou d'une
convention, a consulté par écrit l'administration centrale en lui
fournissant tous les éléments utiles pour apprécier la
portée véritable de cette opération et que
l'administration n'a pas répondu dans un délai de six mois
à compter de la demande ». Il s'agit donc d'une garantie pour
le contribuable qui, préalablement à la conclusion d'un contrat
ou d'une convention, a la possibilité, de consulter par écrit
l'administration fiscale, en lui fournissant tous les éléments
utiles. L'administration doit indiquer en réponse si l'opération
relève, à son sens, de l'abus de droit. Toutefois elle conserve
son droit de contrôle classique100.
97 Conseil des impôts de France, Dixième rapport
au président de la république 2001, Les relations entre les
contribuables et l'administration fiscale,
http://www.ccomptes.fr/CPO/documents/divers/Rapport-relatcontrib.pdf,
visité le 28/04/2008.
98 A côté de ces mécanismes d'origine
législative, il existe un dispositif d'origine
décrétale. il a
été prévu par l'article premier du décret du 28
novembre 1983 qui dispose que « tout intéressé est
fondé à se prévaloir, à l'encontre de
l'administration, des instructions, directives et circulaires publiées
dans les conditions prévues par l'article 9 de la loi du 17-7-1978
lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements »,
Décret n°83-1025 du 28 novembre 1983 concernant les relations entre
l'administration et les usagers, J.O.R.F. du 3 décembre 1983 p. 3492. Il
s'agit d'un dispositif de portée générale puisqu'il
concerne l'opposabilité de toute doctrine administrative, quelle que
soit la nature de l'autorité administrative, y compris donc la doctrine
administrative fiscale. Toutefois, cette protection comporte des limites
prévues par ce même alinéa premier et qui tiennent à
la publicité et à la non contrariété aux lois et
règlements. En somme, l'article 1er du décret du 28 novembre 1983
a institué, d'une manière générale en droit public
français, au profit de l'ensemble des administrés, un principe
d'opposabilité à l'administration de ses instructions,
circulaires et directives publiées et non contraires aux lois et
règlements. Sur la portée de ce principe, voir AMSELEK (Paul) :
« L'opposition à l'administration de sa propre doctrine : les
innovations apportée par le décret du 28 novembre 1983
», Revue de droit fiscal, 1984, n° 4, pp. 149- 154.
99 Loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 dite AICARDI modifiant
les procédures fiscales et douanières, J.O.R.F. du 9 juillet
1987, p.7470.
100 AGRON (Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal
», Paris, L.G.D.J, 2000, p.347.
Cette garantie instituée par l'article L. 64 B ne peut
bénéficier qu'aux contribuables de bonne foi qui ont
exposé tous les éléments qui caractérisent
l'opération envisagée. Un contribuable ne pourra donc, en aucun
cas, se prévaloir de la garantie lorsqu'il a fourni des
éléments incomplets ou inexacts. Si l'ensemble de ces conditions
est rempli et que l'administration n'a pas répondu dans un délai
de six mois à compter de la demande, la procédure de
répression des abus de droit ne pourra pas être appliquée
à cette opération.
L'expression « rescrit » est
généralement étendue à l'ensemble des
procédures par lesquelles l'administration prend position par avance sur
une situation fiscale. Cette démarche va au-delà de la simple
demande de renseignements, puisqu'elle permet d'interroger l'administration de
façon préventive sur les conséquences fiscales de
certaines opérations en étant certain que les règles
indiquées seront appliquées par la suite puisque,
l'administration ne pourra pas contester la situation si ses propres
indications ont été suivies101 . Il s'agit en somme
d'une procédure qui offre au contribuable une sécurité
indéniable102.
Cette démarche du rescrit marque une évolution
d'une culture « régalienne » vers une démarche de
qualité de service rendu à l'usager dans un souci de
sécurité juridique. Elle suppose nécessairement que
l'administration soit liée par sa position et que son
interprétation soit exprimée de façon suffisamment claire
pour être opposable, sans les ambiguïtés et les excès
de précautions qui risqueraient de la priver de son effet utile devant
le juge, en cas de contentieux. Cela implique également que les
entreprises surmontent une certaine réserve à exposer un projet
confidentiel à l'administration103.
En définitive, il apparaît que « Le
recours au rescrit sert un triple objectif : la promotion du« civisme
fiscal », le renforcement de l 'attractivité du territoire et la
sécurité juridique par une meilleure
prévisibilité » 104.
101 Conseil d' Etat, Rapport public annuel 2006,
Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E. 2006,
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf,
p.333 et suivants, visité le 28 /4/2008.
102 Le rescrit est connu aussi dans le monde anglo-saxon sous
l'appellation « ruling ».Au Royaume-Uni la procédure
du « ruling », plus systématiquement mise en oeuvre
à partir de 2001, se fonde sur un dialogue direct avec les entreprises
et la volonté d'apporter, en temps réel, les réponses aux
questions relatives au régime fiscal de leurs activités. Aux
États-Unis, le rescrit répond à une logique de
prévention des conflits avec les contribuables. Il constitue l'une des
priorités de l'effort de modernisation des services des impôts.
Conseil d'Etat, Rapport public annuel 2006, Sécurité juridique et
complexité du droit, E.D.C.E. 2006,
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf,
p.334, visité le 28 /4/2008.
103 La crainte de provoquer une procédure de
contrôle fiscal explique pour l'instant une certaine réticence des
entreprises françaises à recourir au rescrit. Voir : AGRON
(Laure) : « Histoire du vocabulaire fiscal », Paris,
L.G.D.J, 2000, p.347.
104 Conseil d' Etat, Rapport public annuel 2006,
Sécurité juridique et complexité du droit, E.D.C.E. 2006,
http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000245/0000.pdf,
p.333, visité le 28 /4/2008.
En réalité, il est possible de trouver
écho à cet objectif, et plus généralement à
la technique du rescrit fiscal dans l'avis du Conseil économique et
social tunisien adressé aux rédacteurs du C.D.P.F. où on
peut lire en substance que le projet de loi relatif à la promulgation du
C.D.P.F. n'a pas obligé l'administration à répondre aux
demandes de renseignements adressées par le contribuable105.
Il paraît regrettable que le législateur fiscal prive
délibérément le contribuable de bonne foi d'une garantie
dont l'introduction aurait pu étre très utile pour instaurer un
climat de sécurité et aurait pu permettre d'éveiller
l'attention de l'administration sur la portée des opérations
envisagées par le contribuable106.
Certes, dans la pratique, le contribuable peut consulter par
écrit l'administration fiscale, mais aucune disposition légale ne
prévoit que cette dernière est dans l'obligation de
répondre, ni, en cas de réponse, elle est liée par le
contenu de sa réponse, ni même, en l'absence d'une réponse,
que ceci équivaut à un acquiescement107.
En plus de la technique du rescrit fiscal, le législateur
français a institué l'opposabilité à
l'administration de sa propre doctrine.
105 L'avis du conseil économique et social concernant le
projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F. 1998
(Inédit).
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106 GADHOUM (Oualid) : « La doctrine administrative
fiscale en Tunisie », Op.Cit., p.325.
107 BESBES (Slim) : « Le principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse précitée, p.433.