La loi protège et la loi sanctionne. 326
Partant, la loi fiscale doit sanctionner les intentions
malveillantes et les fraudes mais, elle doit également protéger
la bonne foi.
Le droit fiscal tunisien a fait ses preuves au niveau des
sanctions. En revanche, il n'est point excessif d'affirmer que la
présomption d'exactitude de la déclaration, corollaire de tout
système déclaratif, cède la place à une
présomption d'inexactitude.
Ainsi, c'est sur le terrain de la protection que le
législateur, et provisoirement le juge, doivent nécessairement
agir.
Aussi, les intérêts du contribuable et par voie
de conséquence les intérêts du Trésor public, ne
serait-ce qu'à long terme, exigent que l'on puisse accorder du
crédit aux croyances erronées, afin d'assurer la
sécurité juridique, objectif que tout Etat de droit se doit de
viser. En effet, « L 'Etat de droit doit, tout en garantissant son
droit de prélever l'impôt, garantir les droits du contribuable.
Les garanties du contribuable permettent alors de concourir à la
préservation du droit de l 'Etat»327.
Cette exigence s'inscrit dans le droit fil de la politique de
voisinage de l'Union Européenne qui se fixe des objectifs ambitieux,
fondés sur l'attachement, réciproquement reconnu, à des
valeurs communes comprenant notamment la démocratie, l'Etat de droit, la
bonne gouvernance et le respect des droits de l'homme328.
Dans l'état actuel des choses, on mesure le chemin
qu'il reste à parcourir pour que se dessine autour du contribuable de
bonne foi, respectueux de la légalité, un véritable
périmètre de protection riche des principes de
sécurité juridique, de confiance légitime, de
loyauté329.
326 Voir l'article 6 la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen 1789 qui dispose : « La Loi est l'expression de
la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de
concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa
formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle
protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant
égaux à ses yeux sont également admissibles à
toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité,
et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents
»,
http://www.conseilconstitutionnel.fr/textes/d1789.htm,
visité le 28/06/2008.
327 CHAABANE (Neila) : « Equité fiscale : les
droits de l'Etat et l'Etat de droit », article précité,
p.322.
328
http://ec.europa.eu/world/enp/pdf/action_plans/tunisia_enp_ap_final_fr.pdf,
visité le 26/07/2008.
329 BOUCHARD (Jean -Claude) :«La note 442 du 28 mars
1928, un retour vers le futur?», article précité,
p.15.
Or, « Plus un pays est développé, plus
une administration est efficace, plus son attachement à
l'équité est remarquable»330.
Paradoxalement, la bonne foi du contribuable passe sous l'ombre d'une
présomption de fraude beaucoup plus marquée. Or, «
derrière chaque contribuable il n'y a pas nécessairement un
fraudeur. Et il vaut mieux laisser échapper un fraudeur que de risquer
d'imposer abusivement d'honnêtes citoyens »331.
En définitive, c'est parce que l'efficacité du
système fiscal ne se réalise que par la volonté des
contribuables, qu'il importe que le législateur tunisien, soucieux de
promouvoir le civisme fiscal, du moins par respect de ses engagements
internationaux, prévoie un régime de faveur au profit du
contribuable de bonne foi.
330 YAICH (Abderraouf) : « Théorie fiscale
», édition R.Y, 2002, p.205.
331 GAUDEMET (Paul- Marie) : « Réflexions sur
les rapports du juge et du fisc », in Mélanges offerts
à Marcel WALINE : « Le juge et le droit public »,
Paris, L.G.D.J., 1974, tome I, p.136.