Paragraphe 2 - Les moyens de preuve
Le contribuable même s'il est de bonne foi, n'est pas
toujours en mesure de le prouver. Cette difficulté de prouver sa bonne
foi tient tout d'abord à la restriction des moyens de preuve qu'il est
en mesure d'apporter (A). Elle tient en outre à l'exigence de la
conservation de ces moyens de preuve, pour une période assez longue
(B).
A- Des moyens de preuve à restreindre
L'administration fiscale est libre dans l'administration de
la preuve. En effet, elle peut se baser sur « la comptabilité
pour le contribuable soumis à l'obligation de tenue de
comptabilité et, dans tous les cas, sur la base de renseignements, de
documents ou de présomptions de fait et de droit
»305 Ce qui n'est pas le cas du contribuable qui se trouve
privé de certains moyens de preuve, et ce, en vertu de l'article 64 du
C.D.P.F. qui dispose que, « Les moyens de preuve prévus par les
numéros 3 et 5 de l'article 427 du code des obligations et des contrats
ne peuvent être admis par le tribunal pour prouver les allégations
des parties relatives à l'affaire ». En plus de ces
restrictions, le contribuable soumis à l'obligation de tenue de
comptabilité peut facilement se voir privé de ce moyen de preuve.
Il suffit à l'administration de s'abriter derrière les termes
ambigus de l'article 38 du C.D.P.F.
L'intervention du juge à ce niveau se fait
décisive afin de contrôler les motifs du rejet de la
comptabilité ainsi que le bien fondé du recours aux
présomptions de fait et de droit lorsque la comptabilité est
régulière.
Fort heureusement, le juge fiscal tunisien a mis en valeur
l'importance de la comptabilité306 qui constitue «
l'épine dorsale »307 des travaux de
vérification fiscale.
305 L'article 38 du C.D.P.F.
306 .
Tnbunal de première instance de Sfax, requête
n°76 de 12/5/2004. Affaire citée par DRIRA (Tarek) : «
Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne
(première instance) », Revue tunisienne de fiscalité,
n° 5, p. 199.
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307
L'expression est empruntée à DERBEL
(Fayçal) : « Comptabilité et vérification
fiscale », R.C.F. n° 49, 2000, p. 35.
Le rejet de la comptabilité a été
jugé comme étant un procédé lourd pour les
contribuables redressés en les mettant dans des situations fragiles et
précaires et en renversant la charge de la preuve. L'application de ce
procédé et le recours aux éléments extra-
comptables se justifie, dans certains cas précis, tels que le
défaut de tenue d'une comptabilité ou la tenue d'une
comptabilité entachée d'irrégularités graves
formelles et substantielles de nature à priver celle-ci de toute force
probante et qui laissent subsister des manoeuvres frauduleuses.
Néanmoins, si la régularité de la
comptabilité n'a pas été contestée,
l'administration fiscale ne doit, du moins, ne devrait, emprunter la voie des
présomptions de fait ou de droit pour établir des impositions
supplémentaires parallèlement aux redressements fondés sur
la comptabilité.
Le T.A., à travers sa jurisprudence antérieure
à la promulgation C.D.P.F., avait confirmé que le recours aux
éléments extracomptables, notamment les présomptions, et
ce, sous l'empire du C.I.R.P.P. et de l'I.S. et du code de la Patente, ne
pouvait être envisagé par les vérificateurs qu'en cas de
défaut présentation ou en cas de rejet de cette
comptabilité308. Il a également énoncé
le principe selon lequel « si le rejet de la comptabilité n'est
pas motivé d'une manière claire, le recours aux
présomptions devient douteux et
inadmissible»309.
Les juridictions du fond, particulièrement le tribunal
de première instance de l'Ariana, se sont alignées sur la
position du T.A. En effet, depuis son jugement n°55 du 19 avril 2003, le
tribunal de première instance de l'Ariana a posé le principe
selon lequel lorsque la comptabilité est jugée
régulière par le fisc, elle ne peut être
écartée par l'utilisation des moyens
extracomptables310.
308 Voir :
-.T.A, Cassation, requête n° 1186, 23 octobre 1995.
Voir annexe 3 p.132 et spécialement p.135. - T.A., requête n°
32434 du 13 novembre 2000. Voir annexe 3 p.172 et spécialement p.181.
309 Le T.A., requête n° 32434 du 13 novembre 2000, a
décidé que (arrêt précité, voir
spécialement p.180)
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310 .
Tribunal de première instance de l'Ariana, requête
n°55 du 19 avril 2003, affaire citée par ABIDA (Salma) :
« L'application du Code des Droits et Procédures
Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation systématique de
l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 52/53,
septembre 2008, p. 22.
Cette jurisprudence a été maintenue notamment
dans le jugement n°337 du 3 juin 2006 dans lequel le juge a rappelé
le principe selon lequel le recours aux éléments extra-
comptables nécessite au préalable la preuve de
l'insincérité de la comptabilité qui lui ôte son
caractère probant311.
Le juge ajoute qu'une telle interprétation de
l'alinéa 1er de l'article 38 du C.D.P.F. est « juste
» parce qu'il doit toujours y avoir une distinction entre le
contribuable respectueux de ses obligations fiscales et comptables et le
contribuable négligent ou récalcitrant312.
En outre il est à signaler que le recours
parallèle aux éléments comptables et extra- comptables
peut être un moyen pour l'administration pour bénéficier de
la durée d'un an au lieu de six mois. Face aux pouvoirs
d'appréciation étendus de l'administration fiscale, il est facile
de prétendre que la vérification approfondie ne s'effectue pas
sur la base de la comptabilité uniquement mais aussi sur la base des
présomptions, surtout que ces dernières peuvent être des
indices théoriques qui résultent des études faites par
l'administration elle- même. Dans ces conditions, « la
durée de vérification sera tributaire de l'appréciation de
l'administration fiscale, ce qui pourrait être source d'incertitude pour
le contribuable »313.
311 Tribunal de première instance de l'Ariana,
requête n°337 du 3 juin 2006. (Inédit) (voir annexe 3 p. 213
et spécialement p.22 1)
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Voir dans le même sens :
- Tribunal de première instance de l'Ariana,
requête n°335 du 18 mars 2006, affaire citée par ABIDA
(Salma), « L'application du Code des Droits et Procédures
Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation systématique de
l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 52/53,
septembre 2008, p. 23.
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- Tribunal de première instance de Sfax, requête
n°317du 23 février 2005. Affaire citée par BORGI (Sofiane),
« En présence d'une comptabilité reconnue pour
régulière, point n'est laissé à l
'extracomptable », R.C.F, n° 68, 2005, p. 17.
312 Tribunal de première instance de l'Ariana, 3 juin
2006, requête n°337, arrêt précité,
spécialement p.22 1.)
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313 JAMMOUSSI (Saoussen), « La clôture de la
vérification fiscale », Revue tunisienne de fiscalité,
n° 7, 2007, p. 333.
Cependant, il est regrettable de constater que la tendance
générale des tribunaux autorise le recours simultané aux
éléments comptables et extracomptables en présence d'une
comptabilité régulière314. Ce flottement
jurisprudentiel ne fait que fragiliser la situation du contribuable de bonne
foi.
Or, si l'interprétation littérale de l'article
38 du C.D.P.F. place le contribuable dans une situation «
délicate et précaire »315, il n'en
demeure pas moins que le juge se doit de réserver un traitement
préférentiel au contribuable soucieux de respecter ses
obligations comptables316. D'autant plus que ce contribuable se
trouve dans la plupart du temps astreint à conserver longuement ses
moyens de preuve.
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