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La protection du contribuable de bonne foi

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par Rania TRIMECHE
FSJPST - Mastere de recherches en droit des affaires 2008
  

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Paragraphe 2 - Les moyens de preuve

Le contribuable même s'il est de bonne foi, n'est pas toujours en mesure de le prouver. Cette difficulté de prouver sa bonne foi tient tout d'abord à la restriction des moyens de preuve qu'il est en mesure d'apporter (A). Elle tient en outre à l'exigence de la conservation de ces moyens de preuve, pour une période assez longue (B).

A- Des moyens de preuve à restreindre

L'administration fiscale est libre dans l'administration de la preuve. En effet, elle peut se baser sur « la comptabilité pour le contribuable soumis à l'obligation de tenue de comptabilité et, dans tous les cas, sur la base de renseignements, de documents ou de présomptions de fait et de droit »305 Ce qui n'est pas le cas du contribuable qui se trouve privé de certains moyens de preuve, et ce, en vertu de l'article 64 du C.D.P.F. qui dispose que, « Les moyens de preuve prévus par les numéros 3 et 5 de l'article 427 du code des obligations et des contrats ne peuvent être admis par le tribunal pour prouver les allégations des parties relatives à l'affaire ». En plus de ces restrictions, le contribuable soumis à l'obligation de tenue de comptabilité peut facilement se voir privé de ce moyen de preuve. Il suffit à l'administration de s'abriter derrière les termes ambigus de l'article 38 du C.D.P.F.

L'intervention du juge à ce niveau se fait décisive afin de contrôler les motifs du rejet de la comptabilité ainsi que le bien fondé du recours aux présomptions de fait et de droit lorsque la comptabilité est régulière.

Fort heureusement, le juge fiscal tunisien a mis en valeur l'importance de la comptabilité306 qui constitue « l'épine dorsale »307 des travaux de vérification fiscale.

305 L'article 38 du C.D.P.F.

306 .

Tnbunal de première instance de Sfax, requête n°76 de 12/5/2004. Affaire citée par DRIRA (Tarek) : «

Chronique de la jurisprudence fiscale tunisienne (première instance) », Revue tunisienne de fiscalité, n° 5, p. 199.

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307

L'expression est empruntée à DERBEL (Fayçal) : « Comptabilité et vérification fiscale », R.C.F. n° 49, 2000, p. 35.

Le rejet de la comptabilité a été jugé comme étant un procédé lourd pour les contribuables redressés en les mettant dans des situations fragiles et précaires et en renversant la charge de la preuve. L'application de ce procédé et le recours aux éléments extra- comptables se justifie, dans certains cas précis, tels que le défaut de tenue d'une comptabilité ou la tenue d'une comptabilité entachée d'irrégularités graves formelles et substantielles de nature à priver celle-ci de toute force probante et qui laissent subsister des manoeuvres frauduleuses.

Néanmoins, si la régularité de la comptabilité n'a pas été contestée, l'administration fiscale ne doit, du moins, ne devrait, emprunter la voie des présomptions de fait ou de droit pour établir des impositions supplémentaires parallèlement aux redressements fondés sur la comptabilité.

Le T.A., à travers sa jurisprudence antérieure à la promulgation C.D.P.F., avait confirmé que le recours aux éléments extracomptables, notamment les présomptions, et ce, sous l'empire du C.I.R.P.P. et de l'I.S. et du code de la Patente, ne pouvait être envisagé par les vérificateurs qu'en cas de défaut présentation ou en cas de rejet de cette comptabilité308. Il a également énoncé le principe selon lequel « si le rejet de la comptabilité n'est pas motivé d'une manière claire, le recours aux présomptions devient douteux et inadmissible»309.

Les juridictions du fond, particulièrement le tribunal de première instance de l'Ariana, se sont alignées sur la position du T.A. En effet, depuis son jugement n°55 du 19 avril 2003, le tribunal de première instance de l'Ariana a posé le principe selon lequel lorsque la comptabilité est jugée régulière par le fisc, elle ne peut être écartée par l'utilisation des moyens extracomptables310.

308 Voir :

-.T.A, Cassation, requête n° 1186, 23 octobre 1995. Voir annexe 3 p.132 et spécialement p.135. - T.A., requête n° 32434 du 13 novembre 2000. Voir annexe 3 p.172 et spécialement p.181.

309 Le T.A., requête n° 32434 du 13 novembre 2000, a décidé que (arrêt précité, voir spécialement p.180)

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310 .

Tribunal de première instance de l'Ariana, requête n°55 du 19 avril 2003, affaire citée par ABIDA (Salma) :

« L'application du Code des Droits et Procédures Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation systématique de l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 52/53, septembre 2008, p. 22.

Cette jurisprudence a été maintenue notamment dans le jugement n°337 du 3 juin 2006 dans lequel le juge a rappelé le principe selon lequel le recours aux éléments extra- comptables nécessite au préalable la preuve de l'insincérité de la comptabilité qui lui ôte son caractère probant311.

Le juge ajoute qu'une telle interprétation de l'alinéa 1er de l'article 38 du C.D.P.F. est « juste » parce qu'il doit toujours y avoir une distinction entre le contribuable respectueux de ses obligations fiscales et comptables et le contribuable négligent ou récalcitrant312.

En outre il est à signaler que le recours parallèle aux éléments comptables et extra- comptables peut être un moyen pour l'administration pour bénéficier de la durée d'un an au lieu de six mois. Face aux pouvoirs d'appréciation étendus de l'administration fiscale, il est facile de prétendre que la vérification approfondie ne s'effectue pas sur la base de la comptabilité uniquement mais aussi sur la base des présomptions, surtout que ces dernières peuvent être des indices théoriques qui résultent des études faites par l'administration elle- même. Dans ces conditions, « la durée de vérification sera tributaire de l'appréciation de l'administration fiscale, ce qui pourrait être source d'incertitude pour le contribuable »313.

311 Tribunal de première instance de l'Ariana, requête n°337 du 3 juin 2006. (Inédit) (voir annexe 3 p. 213 et spécialement p.22 1)

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Voir dans le même sens :

- Tribunal de première instance de l'Ariana, requête n°335 du 18 mars 2006, affaire citée par ABIDA (Salma), « L'application du Code des Droits et Procédures Fiscaux par le juge fiscal II : L'interprétation systématique de l'article 38 alinéa 1er », Infos Juridiques, n° 52/53, septembre 2008, p. 23.

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- Tribunal de première instance de Sfax, requête n°317du 23 février 2005. Affaire citée par BORGI (Sofiane), « En présence d'une comptabilité reconnue pour régulière, point n'est laissé à l 'extracomptable », R.C.F, n° 68, 2005, p. 17.

312 Tribunal de première instance de l'Ariana, 3 juin 2006, requête n°337, arrêt précité, spécialement p.22 1.)

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313 JAMMOUSSI (Saoussen), « La clôture de la vérification fiscale », Revue tunisienne de fiscalité, n° 7, 2007, p. 333.

Cependant, il est regrettable de constater que la tendance générale des tribunaux autorise le recours simultané aux éléments comptables et extracomptables en présence d'une comptabilité régulière314. Ce flottement jurisprudentiel ne fait que fragiliser la situation du contribuable de bonne foi.

Or, si l'interprétation littérale de l'article 38 du C.D.P.F. place le contribuable dans une situation « délicate et précaire »315, il n'en demeure pas moins que le juge se doit de réserver un traitement préférentiel au contribuable soucieux de respecter ses obligations comptables316. D'autant plus que ce contribuable se trouve dans la plupart du temps astreint à conserver longuement ses moyens de preuve.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams