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La protection du contribuable de bonne foi

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par Rania TRIMECHE
FSJPST - Mastere de recherches en droit des affaires 2008
  

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SECTION II - AU NIVEAU DE L'ADMINISTRATION DE LA PREUVE

En théorie, la mauvaise foi ne se présume pas. A l'inverse, la présomption de bonne foi ne tombera que sous l'effet d'une preuve contraire. Cependant, en matière fiscale, le contribuable qui voudra faire reconnaître sa bonne foi en justice, devra, en vertu de l'article 65 du C.D.P.F., établir la réalité de ce dont il se prévaut. Paradoxalement, l'administration fiscale qui, de par la loi, n'est pas tenue de prouver; dispose de moyens énergiques qui lui facilitent l'administration de la preuve288. En revanche, le contribuable, fût il de bonne foi, supporte la charge d'une preuve qu'il n'est pas toujours en mesure d'apporter.

L'embarras du contribuable dans l'administration de la preuve de sa de bonne foi se manifeste tant au niveau de l'objet de la preuve (Paragraphe I), qu'au niveau des moyens de la preuve (Paragraphe II).

Paragraphe 1 - L'objet de la preuve

En vertu de l'article 65 du C.D.P.F., « Le contribuable taxé d'office ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'impôt porté à sa charge qu'en apportant la preuve de la sincérité de ses déclarations, de ses ressources réelles ou du caractère exagéré de son imposition ». Il en résulte que le contribuable est astreint à l'apport, soit de la preuve de ses ressources réelles soit du caractère exagéré de son imposition. Une preuve généralement difficile voire, parfois, impossible à apporter. Outre la charge de la preuve des ressources réelles ou de l'exagération de l'imposition, le C.D.P.F. ajoute une obligation de preuve de la sincérité des déclarations289.

288 Il s'agit du droit de communication ; des demandes de renseignements, d'éclaircissements et de justification, du droit de visite, de perquisition et de saisie.

289 L'article 67 §5 du C.I.R.P.P et de l'I.S. abrogé disposait que « Le contribuable taxé d'office en application de l'article 66 du présent code, ne peut obtenir la décharge ou la réduction de l'impôt qui lui a été assigné qu'en apportant la preuve, soit de ses ressources réelles, soit de l'exagération de son imposition ».

Une première lecture de cet article laisse penser qu'il s'agit d'une nouvelle option qui s'offre au contribuable. Cependant, sa version arabe, étant celle qui fait foi, semble infirmer cette lecture290. En effet, il en résulte que la preuve de la sincérité des déclarations et la preuve des ressources réelles doivent être apportées d'une manière cumulative.

Ainsi, le contribuable taxé d'office ne peut obtenir décharge ou la réduction de son imposition qu'en apportant :

· la preuve de la sincérité de ses déclarations et de ses ressources réelles (A) ou ;

· la preuve de l'exagération de l'imposition (B).

A- La preuve de la sincérité des déclarations et des ressources réelles

Par l'exigence de la preuve de la sincérité des déclarations du contribuable et de ses ressources réelles, l'article 65 du C.D.P.F. opère une extension, regrettable, de l'objet de la preuve incombant au contribuable. Une telle exigence conduit nécessairement à « lui faire supporter la charge de la preuve du fait négatif ce qui contredit les principes généraux régissant le système de la preuve »291. En outre, cette exigence met en échec la présomption de la sincérité de tout rapport de droit entérinée par l'article 559 du C.O.C. qui dispose que : « Tout rapport de droit est présumé valable et conforme à la loi, jusqu'à preuve du contraire ».

Ces aberrations ont justifié le recours d'une partie de la doctrine à interpréter restrictivement cette exigence de la sincérité des déclarations du contribuable en la limitant à la preuve du dépôt des déclarations et des actes prescrits par la loi fiscale dans les délais légaux292.

290 Version arabe de l'article 65 du C.D.P.F.

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291 AYARI (Kamel) : « La preuve dans le contentieux d'assiette dans le droit fiscal », Info s Juridiques, n°16/17, janvier 2007, p.13. (En arabe)

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292 BORGI (Sofiane) : « Dilemme de la preuve dans le contentieux de la taxation d'office », p. 9. http://www.profiscal.com/colloques/Soufien_borji.pdf,visité le 28/ 04/ 2008, (en arabe)

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Or, si l'exigence de la preuve de la sincérité des déclarations astreint le contribuable de bonne foi à apporter une preuve difficile, voire impossible, l'exigence de la preuve des ressources réelles, quant à elle, l'astreint à apporter la preuve de la non disposition de ressources non déclarées. Il s'agit là de l'illustration la plus significative de la preuve négative. En effet, l'exigence de la preuve des ressources réelles témoigne des « nuances toutes byzantines de la notion de preuve négative »293. « L'objet de la preuve n'est plus alors une manifestation concrète, qui se révèle par elle- même mais par l'absence de toute manifestation »294.

Ainsi, dans son arrêt du 25 avril 1994, le T.A. a déclaré que : « Considérant que l'argument invoqué par l'administration selon lequel la charge de la preuve, en matière fiscale, incombe au contribuable, concerne les contribuables pour lesquels l'administration a prouvé qu'ils exercent une activité déterminée sans déclaration ou qu'ils aient déposé des déclarations insuffisantes ou incomplètes(...)Pour les personnes qui soutiennent n'avoir exercé aucune activité, par interprétation des articles 58 et 59 du code de la patente, la charge de la preuve relative à l'exercice de l'activité soumise à imposition incombe à l'administration »295.

Le T.A. considérait en outre que l'administration ne pouvait se prévaloir du texte mettant la charge de la preuve sur le contribuable, pour échapper à l'obligation de preuve qui lui incombait. Ainsi, avant de renverser la charge de la preuve sur le contribuable, l'administration fiscale devait apporter la preuve de ses assertions296.

Cette attitude du juge est louable dans la mesure où elle contribue à adoucir cette « situation inégale que les textes fiscaux créent souvent entre l'administration, généralement en position de force et le contribuable » en nette infériorité297.

293 BERGERES (Christian) : « Quelques aspects du fardeau de la preuve en droit fiscal», article précité, p.151.

294 LARGUIER (Jean) : « La preuve d'un fait négatif », Revue trimestrielle de droit civil, 1953, p. 3.

295 T.A. 25 avril 1994, requête n° 1173. Voir annexe 3, p. 129 et spécialement p.130.

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296 -T.A. 30 décembre 1996, requête 31345. Voir annexe 3 p.136 et spécialement p.139.

-T.A. 30 décembre 1996, requête 31423. Voir annexe 3 p .141 et spécialement p.146.

297 FOUQUET(Olivier) : « Le Conseil d 'Etat est-il trop indulgent à l'égard de l'administration fiscale : l'exemple de l'imposition d'après les éléments du train de vie », Gazette du Palais, 1983, 1er semestre, p.208.

A côté de la preuve de la sincérité de ses déclarations et de ses ressources réelles, le contribuable peut également obtenir décharge ou la réduction de son imposition en apportant la preuve de l'exagération de son imposition.

B - La preuve de l'exagération de l'imposition

La possibilité de la preuve de l'exagération de l'imposition est à l'origine une construction prétorienne du Conseil d'Etat français298. Ce dernier a depuis longtemps admis que le contribuable, à qui incombe la charge de la preuve de l'exagération de l'évaluation administrative, peut, s'il n'est pas en mesure d'établir le montant exact des résultats en s'appuyant sur une comptabilité régulière et probante, soit critiquer la méthode d'évaluation que l'administration a suivie et qu'elle doit faire connaître au contribuable, en vue de démontrer que cette méthode aboutit, au moins sur certains points et pour un certain montant, à une exagération des bases d'imposition. Le contribuable peut adresser des critiques en établissant que cette méthode est erronée soit par ce qu'elle est radicalement viciée, soit parce qu'elle est excessivement sommaire.

S'agissant de la méthode radicalement viciée, elle a été définie par le Conseil d'Etat français comme étant la méthode qui repose sur une erreur de raisonnement, assimilable à une erreur de droit, ou sur des éléments non susceptibles de fonder l'imposition299.

S'agissant de la méthode excessivement sommaire, elle peut être critiquée en démontrant une erreur matérielle. « Celle-ci est une erreur commise par l'administration fiscale dans le calcul ou la qualification d'un revenu ou d'une charge et trouve son fondement dans le principe de la légalité de l 'impôt »300.

298 C.E., 19 décembre 1973, n° 87649, Revue de droit fiscal, 1975, n°5, commentaires 132.

299 C.E., 12 février 1986, n° 47903, Revue de droit fiscal, 1986, n°22, commentaires 10/85. C'est ainsi le cas du recours à un coefficient dépourvu de tout lien avec le volume ou la nature des affaires traitées.

300 REZGUI (Salah) : « Code des droits et procédures fiscaux commenté », Publications de l'IORT, 2003, p. 132. C'est ainsi le cas du recours à des coefficients arbitraires et théoriques.

Le contribuable peut, en outre, et aux mêmes fins, « soumettre à l'appréciation du juge une nouvelle méthode d'évaluation permettant de déterminer les bases d'imposition avec une précision meilleure que celle qui pouvait être atteinte par la méthode primitivement utilisée par l'administration, qu'à l'appui de sa démonstration , il peut, en cours d'instance et à la faveur notamment d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge, non seulement apporter tous les éléments de preuve comptables ou extra- comptables, mais aussi se fonder sur des faits reconnus exacts par l'administration, ou dont le juge serait amené, en cas de contestation, à reconnaître l'exactitude » 301.

Le T.A. exerce son contrôle sur l'appréciation par le juge de fond des moyens basés sur l'inadéquation de la méthode retenue par l'administration par rapport aux faits matériels. Il exige en effet que les présomptions avancées soient réelles et objectives sous peine de cassation302. Ainsi, il a décidé que le jugement d'appel fondé sur des éléments de comparaisons approximatifs, sans aucune précision, n'était ni motivé ni convaincant, ce qui a justifié sa cassation303.

Ainsi, les limites à la preuve par la critique de la méthode suivie par l'administration ne cessent de se multiplier, réduisant de la sorte la marge de manoeuvre concédée au contribuable. Il en découle que la possibilité offerte au contribuable pour surmonter l'handicap de la preuve négative se trouve encerclée de barrières quasi infranchissables. « Alors qu'on demande à l'administration pour asseoir sa taxation de simples présomptions, on exige du contribuable une véritable preuve pour renverser ces présomptions »304.

Toutefois, les difficultés que le contribuable doit surmonter afin de mener à terme ses prétentions ne se limitent pas à l'objet de la preuve. En effet, il doit également surmonter des difficultés tenantes aux moyens de preuve.

301 C.E., 19 décembre 1973, n° 87649, Revue de droit fiscal, 1975, n°5, commentaires 132.

302 T.A., cassation, assemblée plénière, 1 décembre 1997, requête n° 31673. Voir annexe 3 p.147 et spécialement p.151.

303 T.A., cassation, 4 novembre 1991, n° 1078. Voir annexe 3 p.122 et spécialement p.124.

304 AYADI (Habib) : «Un cas de confusion administration - contentieux : La taxation d'office en Tunisie », in Mélanges offerts René CHAPUS, Paris, Montchrestien 1992, p.167.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry