B- Les présomptions irréfragables
La présomption légale irréfragable
dispense celui au profit duquel elle joue de la charge de la
preuve283. Voire plus, elle ne permet pas à la partie adverse
de la combattre par la preuve contraire. Elle entraîne ainsi une
suppression de la preuve.
Le législateur tunisien semble considérer que
« la présomption jouit d'un degré de probabilité
tellement élevé qu'elle peut être dotée
juridiquement d'une valeur de vérité absolue ne pouvant pas
être combattue par la preuve contraire et conduisant ainsi à la
négation des droits des contribuables »284. Ainsi
conçues, les présomptions légales irréfragables
sont d'une force probante incontestable. A titre d'illustration, on peut
avancer l'exemple de la présomption de fraude instituée par
l'article 8 du C.D.P.F. qui dispose que les agents de l'administration «
sont habilités, en cas d'existence de présomption d'exercice
d'une activité soumise à l'impôt et non
déclarée ou de manoeuvres de fraude fiscale, à
procéder, conformément aux dispositions du code de
procédure pénale, à des visites et perquisitions dans les
locaux soupçonnés en vue de constater les infractions commises et
de recueillir les éléments de preuve y afférents. Les
agents de l'administration fiscale peuvent procéder à la saisie
de tous documents ou objets prouvant l'exercice d'une activité soumise
à l'impôt et non déclarée ou présumant une
infraction fiscale ». Cette présomption légale de
fraude est contestée quant à sa conformité avec la
Constitution qui consacre dans son article 12 la présomption
d'innocence285.
Au demeurant, si les présomptions légales
constituent un moyen efficace de lutte contre la fraude, «
l'efficacité est même parfois excessive car la
présomption est nécessairement aveugle. Elle enferme dans ses
rets tous les contribuables, qu'ils soient de bonne ou de mauvaise foi
»286. Elle paralyse le plus souvent les contribuables et plus
particulièrement les contribuables de bonne foi287.
283 Exemple : la présomption de l'autorité de la
chose jugée qui exige l'identité de personnes, l'identité
de l'objet et l'identité de cause). Voir l'article 156 du Code du statut
personnel ou l'article 566 du C.O.C.
284 ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et
procédures fiscaux: contrôle, contentieux et sanctions
», Tunis, Publications de l'IORT, 2001, p. 153.
285 Cet article dispose que : «Tout prévenu est
présumé innocent jusqu'à l'établissement de sa
culpabilité à la suite d'une procédure lui offrant les
garanties indispensables à sa défense».
286 BERGERES (Maurice-Christian) : «Quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal», article précité,
p.150 et 151.
287 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal », article
précité, p.153.
D'ailleurs, l'embarras du contribuable persiste ; aux
difficultés au niveau de la charge de la preuve de sa bonne foi
s'ajoutent des difficultés au niveau de son administration.
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