A- Les présomptions relatives
En matière fiscale, l'importance des présomptions
légales relatives (simples) dépend de la nature de
l'imposition.
« A l'heure actuelle, ces présomptions sont
particulièrement étendues en matière de droit
d'enregistrement »273. En effet, «
l'enregistrement est, pour la preuve, le domaine rêvé des
solutions autoritaires et préfabriquées, c'est-à-dire des
présomptions légales instituées au profit exclusif du
trésor »274.
Elles portent sur le fait générateur de
l'imposition. L'administration est alors dispensée de fournir toute
preuve relative à l'existence de la mutation.
272 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 14 avril
1983, p.150.
273 Ibid.
274 DERUEL (François -Patrice) : « La preuve en
matière fiscale », thèse Paris 1962, p. 297.
(Dactylographiée).
Ainsi en est-il par exemple des présomptions de transfert
de propriété 275 et des présomptions de
possession en matière de droits de succession276.
Le domaine des successions est particulièrement riche en
présomptions légales tant pour l'évaluation de
l'actif277 que pour l'appréciation du passif
déductible278.
En matière d'impôts directs, les
présomptions légales sont également nombreuses. A titre
d'illustration, la présomption de distribution de
bénéfices, prévue par l'article 29 du C.I.R.P.P et de
l'I.S., qui dispose que : « II. Sont à ce titre
considérés comme revenus distribués :
1-Tous les bénéfices ou produits qui ne sont ni
mis en réserve ni incorporés au capital ;
2-Toutes les sommes ou valeurs mises à la
disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non
prélevées sur les bénéfices
»279. Ce texte a été complété par
l'article 30 du C.I.R.P.P et de l'I.S. aux termes duquel :
275 L'article 81 du Code des droits d'enregistrement et de timbre
dispose que : « Sauf preuve contraire, et pour l'exigibilité
des droits d'enregistrement et des pénalités, sont suffisamment
établies :
1- La mutation d'un immeuble en propriété,
nue-propriété ou usufruit par : -le dépôt d'une
demande d'immatriculation au nom du nouveau possesseur.
-tous actes et écrits révélant
l'existence de la mutation ou constatant le droit du nouveau possesseur sur
l'immeuble.
2- La mutation de propriété d'un fonds de
commerce ou de clientèle, par tous les actes et écrits en
révélant l'existence ou constatant le droit du nouveau possesseur
ou par les paiements d'impôts auxquels sont assujettis les
commerçants ».
276 Voir en ce sens GROSCLAUDE (Jacques) et MARCHESSOU (Philippe)
: « Droit fiscal général », Dalloz 1997, p.359
et suivants.
277 L'article 40 du Code des droits d'enregistrement et de
timbre, relatif à l'évaluation de la succession, dispose que :
« (...) Toutefois, pour les meubles et meublants et sans que
l'administration ait à prouver leur existence, la valeur imposable ne
peut être inférieure à 5 pour cent de la valeur brute de
l'ensemble des autres biens héréditaires, sauf preuve
contraire ».
278 Il y a des dettes dont la déduction de l'actif est
interdite par le jeu des présomptions légales. Ainsi, l'article
50 du Code des droits d'enregistrement et de timbre, relatif au passif non
déductible, dispose que : « I. ne sont pas déductibles
:
1-Les dettes échues depuis plus de six mois
à la date d'ouverture de la succession, à moins qu'il ne soit
produit une attestation du créancier en certifiant l'existence à
cette époque ; (présomption que ces dettes ont été
réglées par le de cujus)
2-Les dettes contractées par le défunt
auprès de ses héritiers ou des personnes interposées.
Néanmoins, lorsque la dette résulte d'un acte authentique ou d'un
acte sous seing privé ayant date certaine avant l'ouverture de la
succession autrement que par le décès d'une des parties
contractantes, les héritiers, donataires et légataires et les
personnes réputées interposées, ont le droit de prouver la
sincérité de cette dette et son existence au jour de l'ouverture
de la succession ; ...
II. sont réputées personnes interposées
au sens des dispositions du paragraphe I deuxièmement du présent
article:
1-L es père et mère, les enfants, les
descendants et le conjoint de l'héritier, donataire ou légataire
;
2-En matière de succession entre époux, les
enfants du conjoint survivant issus d'un autre mariage et les parents dont ce
conjoint est héritier présomptif ».
279 La suite de l'article 29 II concerne la présomption de
transfert de bénéfices à l'étranger.
« Sont assimilés à des revenus
distribués :
1- Sauf preuve contraire, les sommes mises à la
disposition des associés, directement ou par personnes
interposées, au titre d'avances, de prêts ou d'acomptes à
l'exception de celles servies entre la société mère et ses
filiales280.
Lorsque ces sommes sont remboursées à la
personne morale, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait
donné lieu est imputée sur l'impôt au titre de
l'année du remboursement ou des années suivantes.
2- Les rémunérations, avantages et
bénéfices occultes.
3-Les jetons de présence et les tantièmes
attribués aux membres du conseil d'administration ou du conseil de
surveillance en leur dite qualité ».
« Toutes ces présomptions légales sont
simples, mais, outre qu'elles peuvent pour certains contribuables
dépourvus de moyens de preuve utilisables, s'avérer
irréfragables en fait, elles ne sont pas exclusives de
présomptions irréfragables »281. En effet,
des présomptions simples peuvent devenir irréfragables par
l'impossibilité matérielle de les combattre. D'autant qu'
« il est possible de concevoir une présomption formellement
simple mais qui ne souffrira dans la réalité, que très
difficilement de la preuve contraire »282.
La preuve de la bonne foi se complique davantage s'agissant des
présomptions formellement irréfragables.
280 Selon la note commune n°16 / 1995, relative au
commentaire des dispositions des articles 50, 51, 52 et 53 de la loi
n°94-127 du 26 décembre 1994, relatifs au régime fiscal des
jetons de présence, : « La preuve contraire doit être
établie par l'associé ou l'actionnaire qui doit démontrer
que l'opération ne revêt pas le caractère de
distribution.
A ce titre la preuve contraire peut être
démontrée :
* si le prêt, objet de la présomption de
distribution, a été conclu par un contrat dûment
établi, préalablement à l'opération de remise des
sommes présumées distribuées moyennant un taux
d'intérêt normal et que les conditions de remboursement sont
fixées.
* si les avances consenties par la société
à un associé sont réalisées dans le cadre
d'opérations commerciales normales...
* si l'avance ou le prêt a fait l'objet de
remboursement avant l'intervention des services de contrôle...
».
281 MOLINIER (Joël) : « La preuve en droit
fiscal français », Revue juridique et politique
:Indépendance et coopération, XVIIe Congrès de l'I.D.E.F.
:La preuve devant le juge, Bruxelles-Luxembourg, n° 1 et 2, 39e
année, Paris, Ediena, 1985, p. 741.
282 BERGERES (Maurice-Christian) : « Quelques aspects du
fardeau de la preuve en droit fiscal », Gazette du Palais, 1983,
n°1, p.151
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