Paragraphe 2- Le cadre temporel du pouvoir de
contrôle
Dans un système déclaratif, le contrôle
fiscal est indispensable pour l'accomplissement du devoir fiscal. A cet effet,
la loi accorde à l'administration fiscale un délai de reprise lui
ouvrant la possibilité d'exercer son contrôle sur une
période allant de 4 ans, en cas de dépôt de
déclaration, jusqu'à 10 ans en cas de
défaut196. A priori, il semble que le
législateur fait bénéficier les contribuables qui se
plient de bonne foi à leurs obligations fiscales d'un délai plus
court. Or, il ne faut pas perdre de vue la multiplicité des
évènements à même d'allonger ces délais. Il
s'agit essentiellement des actes interruptifs de prescription.
L'interruption a pour effet de faire courir un nouveau
délai, d'une même durée, que celui interrompu. La
prescription est interrompue par la survenance d'un des
évènements limitativement énumérés par la
loi.
Avant la promulgation du C.D.P.F., en vertu de l'article 72 II
du C.I. R .P.P. et de l'I.S., la prescription était interrompue, soit
par la notification d'un arrêté de taxation d'office, soit par
l'établissement d'un procès-verbal de non présentation ou
de non tenue des documents comptables, dressé soixante jours au moins
avant l'expiration de l'année limite du délai de reprise. A
partir du premier janvier 2002, le législateur est intervenu par un
texte unique, qui régit l'ensemble des impôts et taxes rentrant
dans le champ d'application du C.D.P.F., et ce, afin de préciser les
actes qui constituent des évènements interruptifs de la
prescription. En effet, l'article 27 du C.D.P.F. prévoit à cet
effet que la prescription est interrompue par la notification des
résultats de la vérification fiscale par la reconnaissance de
dette et à défaut, par notification de l'arrêt de taxation
d'office197.
196 Voir l'article 19 du C.D.P.F. relatif aux impôts
déclarés, l'article 20 relatif aux impôts non
déclarés et l'article 21 relatif aux omissions et erreurs
relatives aux droits de timbre qui, eux aussi, peuvent être
réparés dans le délai de 10 ans.
197 «La prescription est interrompue par la
notification des résultats de la vérification fiscale, par la
reconnaissance de dette, et à défaut, par la notification de
l'arrêté de taxation d'office (La première phrase de
l'article a ainsi été modifiée par l'article 79 de la loi
n°2001-123 du 28 décembre 2001 portant loi de finances pour
l'année 2002, J.O.R.T. n°104, 144e année, 28
décembre 2001, p. 4251). Toutefois, et en ce qui concerne les taxes
dues sur les moyens de transport, la prescription est interrompue par la
notification du procès-verbal constatant l'infraction. Ladite
notification tient lieu de notification des résultats de la
vérification fiscale.(Paragraphe ajouté par l'article 51 de
la loi n° 2005-106 du 19 décembre 2005 portant loi de finances pour
l'année 2006, J.O.R.T n° 101, 148e année, 20
décembre 2005, p.3596) La prescription est également
interrompue, pour les impôts non déclarés, par la
notification de la mise en demeure prévue par le deuxième
paragraphe de l'article 47 du présent code ou par la notification de
l'avis de vérification approfondie de la situation fiscale prévu
par l'article 39 du présent code ».
Cet article a introduit des nouveautés par rapport
à la législation antérieure. L'article 72 du C.I. R .P.P.
et de l'I.S. envisageait uniquement la notification de l'arrêté de
taxation d'office comme acte interruptif de prescription et pour les
contribuables qui tiennent une comptabilité, il envisageait
l'établissement d'un procès-verbal de non présentation ou
de non tenue de documents comptables. Ce procès-verbal devait être
dressé 60 jours au moins avant l'expiration de l'année limite du
délai de reprise. La nouvelle législation consacre donc la
notification des résultats de la vérification fiscale comme acte
interruptif de la prescription, au lieu de la notification de
l'arrêté de taxation d'office. « Cette solution est
beaucoup plus favorable à l'administration puisque le premier acte
intervient de manière plus précoce que le second, ce qui aura
pour effet, en cas d'intervention des services de contrôle,
d'éviter qu'un exercice tombe dans la prescription en raison de la
lenteur de la procédure de vérification et de redressement
»198. Elle a été justifiée par «
le rapprochement à la règle générale
prévue par l'article 296 du code des obligations et des contrats qui
considère que la prescription relative aux dettes s'interrompt par toute
action ayant date certaine en vertu de laquelle le créancier demande sa
créance auprès du débiteur, telle que l'action en justice
ou la notification d'une lettre recommandée ou l'avertissement par
l'intermédiaire d'un huissier de justice »199.
En plus, le ministre des finances a avancé que «
la prise en compte de la notification des résultats de la
vérification au lieu de l'arrêté de taxation d'office
permet, tant à l'administration qu'au contribuable, de profiter d'un
délai de dialogue et de discussion des résultats et de trancher
la question à l'amiable avant la phase contentieuse, ce qui aura pour
effet de diminuer les cas litigieux et permet d'établir l'impôt
sur des bases exactes »200.
Selon la jurisprudence française, pour que la
prescription soit interrompue, il suffit que la notification au redevable
intervienne au plus tard, le jour de l'expiration du délai de
reprise201, et qu'elle satisfasse aux conditions légales de
validité202.
198 BESBES (Slim) : « Le Principe de la
légalité de l'impôt en droit tunisien »,
thèse précitée, p.503 et 504.
199 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39,
séance du mercredi 26 juillet 2000, p. 1871.
200 Débats parlementaires, J.O.R.T. n° 39,
séance du mercredi 26 juillet 2000, p. 1878.
201 C.E., 5 octobre et 21 novembre 1973, cité par AYADI
(Habib) : « Droit fiscal », Op. Cit., p. 211.
202 A noter que c'est à l'administration qu'il appartient
d'apporter la preuve de cette notification. Voir C.E., 17 octobre 1984, Revue
de jurisprudence fiscale, 12/1984, 1477.
En définitive, le législateur tunisien
paraît davantage soucieux du rendement fiscal que de
l'intérêt du contribuable de bonne foi au niveau du pouvoir de
contrôle exercé par l'administration fiscale. Reste à
vérifier si ce constat se vérifie également au niveau de
son pouvoir de sanction.
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