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La protection du contribuable de bonne foi

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par Rania TRIMECHE
FSJPST - Mastere de recherches en droit des affaires 2008
  

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B- L'erreur comptable

Le droit tunisien adopte une définition large de l'erreur comptable. En effet, en vertu de la norme comptable 11 relative aux modifications comptables, les erreurs fondamentales dans les états financiers antérieurs sont « les erreurs découvertes durant l'exercice en cours et qui sont d'une importance telle que les états financiers d'un ou de plusieurs exercices antérieurs ne peuvent plus être considérés comme ayant été fiables à la date de leur publication »143.

142 FERNOUX (Pierre) : « Vérifications de comptabilités », Jurisclasseur Procédures fiscales, Fascicule 323, p.4.

143 Norme comptable 11, n°6.

Plus précisément, il s'agit « des erreurs commises dans la préparation des états financiers d'un ou de plusieurs exercices antérieurs et qui peuvent être découvertes lors de l'exercice en cours. Ces erreurs peuvent avoir pour cause des erreurs de calcul, des erreurs dans l'application des méthodes comptables, une mauvaise interprétation des faits, des fraudes ou des négligences. La correction de ces erreurs est normalement incluse dans la détermination du résultat net de l'exercice en cours »144 . Ces erreurs doivent incontestablement être rectifiées, qu'elles aient pour causes « des erreurs de calcul, des erreurs dans l'application des méthodes comptables, une mauvaise interprétation des faits, des fraudes ou des négligences ». Le législateur ne distingue donc pas entre les erreurs comptables commises de bonne foi de celles commises de mauvaise foi.

Or, en droit fiscal, il convient d'apprécier le comportement du contribuable afin de distinguer l'erreur volontaire de l'erreur involontaire145. Seule la dernière est réparable146. En effet, l'erreur comptable se définit comme étant une atténuation au principe de l'intangibilité des écritures comptables147. Cette atténuation trouve, sa justification dans le caractère réaliste du droit fiscal. Lequel implique que ne soit imposé que le bénéfice réel148.

La remise en cause des erreurs comptables involontaires est dès lors admise. La jurisprudence française a eu, à maintes reprises, l'occasion de préciser le sens qu'elle entendait donner à la notion d'erreur comptable involontaire149.

144 Norme comptable 11, n°29. A titre d'exemple, constitue une erreur comptable fondamentale « l'inclusion dans les états financiers d'un exercice antérieur d'un montant significatif de travaux en cours et de créances clients concernant des contrats frauduleux qui ne peuvent être mis en oeuvre », Norme comptable 11, n°30.

145 ABOUDA (Abdelmajid) : « Code des droits et procédures fiscaux : contrôle, contentieux et sanctions », Tunis, publication de l'imprimerie officielle de la République Tunisienne, 2001, p.147.

146 L'erreur comptable consiste dans « le non respect d'une prescription fiscale obligatoire dans l'enregistrement comptable des opérations. Si c'est l'administration qui constate l'erreur au cours de d'une vérification, elle est en droit de redresser l'imposition primitive. Si c'est le contribuable qui sollicite la rectification, l'administration doit apprécier si l'erreur est involontaire ou s'il s'agit d'un choix délibéré. L'erreur n'est réparable que si elle est involontaire », BARILARI (André) et DROPE (Robert) : « Lexique fiscal », Op.Cit., p.77.

147 Le principe de l'intangibilité implique que, une fois arrêtée, la comptabilité ne peut plus être modifiée.

148 Ce caractère réaliste du droit fiscal a été dégagé depuis longtemps par la doctrine française et est apparu comme le fondement commun de plusieurs arrêts de principe, dont notamment l'arrêt du 20 février 1974, Voir dans ce sens : DAVID (Cyrille), FOUQUET (Olivier), LATOURNERIE (Marie-Aimée) et PLAGNET (Bernard) : «Le réalisme du droit fiscal : apparence, illicéité et abus de droit», Conclusions sous C.E., Section 20 février 1974, requête 83270, Lemarchand, « Les grands arrêts de la jurisprudence fiscale », Paris, Dalloz, 3e édition, 2000, pp. 164-1 83.

149 L'arrêt de principe qui confirme la théorie des erreurs comptables volontaires : C.E., 12 mai 1997, requête n°160777, R.J.F., juin 1997, n°535, ppÀ42-444.

Il s'agissait de « toute irrégularité, inexactitude, ou omission commise de bonne foi par le contribuable et résultant d'une appréciation purement objective de faits matériels (erreurs de fait), ou de l'interprétation erronée de textes fiscaux (erreurs de droit), en l'absence d'option légale et ne traduisant pas une volonté d'influer sur la gestion de l'entreprise »150.

Ainsi l'application brute du réalisme et de l'amoralisme, principes distinctifs du droit fiscal, aurait pour résultat d'encourager les comportements peu scrupuleux. La prise en considération de la moralité des activités imposées est susceptible d'apporter un équilibre entre le souci d'assurer une application objective de la loi fiscale et la volonté de ne pas accorder une prime fiscale à des manoeuvres que réprouve la morale commune151.

C'est ainsi que la jurisprudence française, dans un souci de ne pas accorder une prime fiscale à ceux qui falsifient leurs comptabilités, a fait prévaloir un certain moralisme sur le principe du réalisme du droit fiscal152.

Pour apprécier le caractère volontaire ou non de l'erreur commise, il y a lieu de vérifier certains critères. Notamment le caractère répétitif de l'erreur. Ceci découle notamment de la prise de position de la direction générale des études et de la législation fiscale (DGELF) en date du 10 janvier 2001, où l'administration fiscale tunisienne considère que les erreurs et les omissions involontaires sont celles qui ne revêtent pas un caractère répétitif153.

150 ROBBEZ- MAS SON (Charles) : « La notion d'évasion fiscale en droit interne français », bibliothèque de science financière, Paris, L.G.D.J., 1990, p. 123 et 124.

151 COZIAN (Maurice), « On ne badine pas avec les écritures comptables. La théorie des erreurs comptables délibérées », Revue de droit fiscal, 1999, n°20, p.734.

152 Ibid. Ceci a été l'oeuvre d'une jurisprudence libérale dans l'application de la présomption de bonne foi. Les exemples qui suivent en sont l'illustration.

Concernant les irrégularités relatives aux éléments permettant de déterminer le revenu imposable, une minoration des recettes, accompagnée d'insuffisances comptables rendant la comptabilité non probante, ne prouve pas à elle seule la mauvaise foi de l'intéressé (C.E, 18 novembre 1985, requête n° 36281, Revue de droit fiscal, 1986, n°11, commentaires 530, conclusions FOUQUET, pp. 370-375). En outre, le fait de comptabiliser au titre d'un exercice des créances acquises durant un exercice antérieur constitue, dans les circonstances de l'espèce, une négligence qui ne suffit pas à établir la mauvaise foi du contribuable (C.E., 23 décembre 1981, requête n° 16361, Revue de droit fiscal, 1982, n°15, commentaires 832, p.575).

De même, concernant les charges déductibles, n'est pas exclusif de la bonne foi un calcul erroné des indemnités kilométriques d'utilisation d'un véhicule (C.E., 27 juillet 1988, requête n° 82541, Revue de droit fiscal, 1989, n°5, commentaires 136, pp. 177- 179).

Concernant les irrégularités entachant la comptabilité du contribuable, ce dernier peut bénéficier de la présomption de bonne foi bien que sa déclaration ait fait l'objet d'une rectification d'office en raison des erreurs et omissions relevées dans sa comptabilité (C.E., 4 mai 1977, requête n° 1518, Revue de droit fiscal, 1977, n°38, commentaires 1321, p. 840). Ainsi, a été reconnu comme étant de bonne foi le PDG d'une société d'économie mixte qui, en raison d'indications erronées données par le commissaire aux comptes et le commissaire au gouvernement auprès de la société, n'a pas compris parmi ses revenus imposables des indemnités émanant de la société (C.E., 13 juin 1979, requête n° 1315, Revue de droit fiscal, 1980, n°1, commentaires 57, p. 33).

153 « Revue de la doctrine de l'administration fiscale ; Correction symétrique des bilans », Revue comptable et financière, n°48 deuxième trimestre 2000, p.39, n°11.

La question qui se pose à ce niveau est de connaître le sort réservé à l'erreur une fois que celle-ci a été découverte ?

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