CHAPITRE II - LA PROTECTION DE LA BONNE FOI
EN TANT QUE COMPORTEMENT LOYAL
La bonne foi, par son inspiration morale, doit être
entendue à ce niveau comme une règle de comportement pour le
contribuable. Elle dicte, en effet, une conduite conforme à la
conscience ; la conscience d'agir sans léser les droits d'autrui ; en
l'occurrence le Trésor public.
Ainsi, dans ses relations avec l'administration, la bonne foi
peut être comprise comme une norme de comportement dotée d'un
devoir fondamental : le devoir de loyauté130. Ce dernier
impose au contribuable d'accomplir, de façon fidèle, son devoir
fiscal. Cette fidélité est d'autant plus nécessaire que le
système fiscal tunisien pose la méthode déclarative, comme
méthode de principe pour l'évaluation de l'assiette imposable.
Ceci découle notamment de l'article 2 du C.D.P.F. qui dispose que :
« L'accomplissement du devoir fiscal suppose la déclaration
spontanée de l'impôt dans les délais impartis et le respect
des autres obligations prescrites par la législation
fiscale».
De ce fait, l'impôt est liquidé à partir
des déclarations que le contribuable souscrit, à charge pour
l'administration fiscale d'en vérifier a posteriori la
sincérité131. Ainsi, la prise en considération
de la bonne foi du contribuable dans ses rapports avec l'administration
paraît indispensable afin d'« encourager les contribuables
transparents et qui déposent leurs déclarations dans les
délais »132. Cette prise en considération
semble avoir suscité l'intérêt du législateur, du
juge mais aussi de l'administration. De leurs efforts concertés
pourraient résulter deux sortes de protection.
130 Une question mérite d'être posée
à ce niveau. La bonne foi ne comprend- elle pas aussi un devoir, qu'on
appellerait de « coopération ». Lequel
nécessiterait du contribuable de veiller aux intérêts du
Trésor en lui fournissant les renseignements auxquels il est en droit de
s'attendre. Notamment suite à l'exercice par l'administration fiscale de
son droit de communication organisé à travers l'article 16 du
C.D.P.F. (et ce, sous réserve du secret professionnel opposable au
fisc)?
131 La déclaration fiscale peut être
définie comme l' « acte par lequel le contribuable, ou parfois
un tiers, fait connaître à l'administration fiscale les
éléments nécessaires au calcul de l'impôt
». CORNU (Gérard) : « Vocabulaire juridique »,
Op. Cit., V° Déclaration, p.236.
132 L'avis du conseil économique et social concernant le
projet de loi relatif à la promulgation du C.D.P.F., 1998.
(Inédit), p.3.
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Tout d'abord, le comportement loyal du contribuable aspire
à jouir d'une protection positive, contre l'erreur. Ainsi, seuls les
contribuables plutôt honnêtes peuvent faire des erreurs de bonne
foi et pourront prétendre ainsi à une certaine protection
(Section I). En outre, il jouit d'une protection négative (Section II).
Car, si la bonne foi s'oppose à toute forme de déloyauté ;
ce n'est qu'à travers l'un de ses avatars, la notion de mauvaise foi,
qu'elle paraît qualifiée pour jouer le rôle de
sanction133. Se trouve donc exclu du champ de protection le
contribuable de mauvaise foi, qui ne pourrait ainsi, se prévaloir d'une
quelconque mesure favorable.
SECTION I - PROTECTION POSITIVE
« En principe, le droit commun doit l'emporter sur
toute autre considération car il est seul à même d'assurer
le respect du principe d'égalité de tous devant la loi fiscale,
et il serait très certainement très utopique de prétendre
construire le droit à partir des seules notions de loyauté et de
confiance »134. Cependant, devant la
multiplicité et la complexité des textes fiscaux, l'adage
Nemo censetur ignorare legem (Nul n'est censé ignorer la loi)
devient chimérique. L'accroissement du rythme de production de la loi
confirme ce constat. « La cadence des modifications des textes de lois
est variable d'un domaine à un autre. Toutefois, le domaine fiscal et le
domaine de l'incitation à l'investissement arrivent en tête.
»135
Il paraît ainsi légitime de déduire que
le principe semble en matière fiscale, plus que dans les autres
matières : l'impossibilité de connaître toutes les lois.
Ainsi, les contribuables loyaux peuvent faire des erreurs, liées par
exemple à la méconnaissance ou à la complexité du
droit fiscal. D'où la nécessaire différenciation des
erreurs conscientes, qui découlent d'une volonté
délibérée d'atténuer le revenu ou le
bénéfice imposables au prix d'une irrégularité, des
erreurs involontaires.
133 KORNPROBST (Emmanuel) : « La notion de bonne foi :
application au droit fiscal français », Op.Cit., p.
6.
134 KORNPROBST (Emmanuel) : « La notion de bonne foi :
application au droit fiscal français », Op.Cit.,
p.48.
135 MIDOUN (Mohamed) : « Les maux de la loi. Brefs
propos au sujet de la production législative », in
Mélanges offerts au doyen Sadok BELAID, C.P.U 2004, p.579. Or,
«Il n'est pas normal qu'en l'espace de trois mois et demi (de
novembre 1997 à février 1998) le code (des incitations
à l'investissement) soit modifié trois fois ou que durant la
seule année 1999, le même code soit modifié trois fois
», BACCOUCHE (Néji) : «Regards sur le code d'incitations
aux investissements de 1993 et ses prolongements», Etudes Juridiques,
n°9, 2002, p. 78.
Or, le problème réside dans le fait de savoir
si, dans certaines circonstances, la jurisprudence ou l'administration
fiscales, la loi étant muette sur la question, ne réservent pas
(du moins, ne doivent pas réserver) un sort plus doux à celui qui
n'a désobéi à la loi que parce qu'il commettait une erreur
involontaire? Quelle serait alors l'erreur involontaire (Paragraphe 1) et quel
sort pourrait lui être réservé (Paragraphe 2)?
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