3 - La Caisse d'allocations familiales et la commune : la
légitimité d'une concertation contractualisée.
"Elle correspond, en général, à un
mode de travail habituel des Caisses d'allocations familiales et revêt
des formes différentes, variables, révisables. Elle se construit
[...]. La concertation a donc [...] une vocation politique."
C'est ainsi que la CNAF introduit un texte d'aide à la
mise en oeuvre de la concertation dans la lettre circulaire N°
2681, en complément de la circulaire N° 56 du 31 octobre
1995.
Le processus de concertation procède, pour la CNAF,
d'une démarche volontaire de mise en synergie des compétences et
des potentiels singuliers qui permettent "la confrontation entre les
objectifs des acteurs concernés et le développement d'une
expertise collective et globale2." Cette volonté se
traduit concrètement par une contractualisation déclinant des
orientations et ciblant des objectifs relevant de sa politique d'action
sociale.
La démarche d'agrément du centre social,
discuté avec le gestionnaire de l'équipement (dans le cadre d'une
association : son conseil administration composé de
bénévoles et d'une majorité d'habitants), permet à
la CNAF d'imposer la dimension partenariale comme critère essentiel de
reconnaissance et dans le même mouvement d'obliger les acteurs locaux et
en particulier la commune à identifier le centre social comme partenaire
de l'action sociale locale.
En effet, pour la CNAF, la fonction stratégique des
centres sociaux est essentiellement dans la politique partenariale de
"territorialisation" des politiques publiques : "Il revient aux CAF qui
s'engageraient dans ces dispositifs [contrats de ville] en s'appuyant sur les
centres sociaux", d'éventuellement "co-signer des
conventions" avec les communes3.
Le socle de concertation sur lequel la CNAF inscrit sa
démarche de contractualisation est profondément
déterminé par ses valeurs fondatrices valorisant les principes de
solidarité et de négociation entre les acteurs
sociaux4 ; c'est pourquoi, la participation et l'échange
social sont des principes essentiels de la démocratie au quotidien et
sont institués pour le centre social comme éléments
déterminants de son agrément. "Le thème sur la
participation des usagers et des habitants s'inscrit dans le contexte plus
général de la participation des citoyens aux choix de
société. La participation des acteurs sociaux reste une condition
incontournable et sine qua non de toute démarche de «Centre
social»5."
A l'instar, la lettre-circulaire LC N° 257-97, dont
l'objet est les centres sociaux et la procédure de
Délégation de service publique (DSP)6, "appelle un
positionnement d'ordre politique de l'institution. Elle pose le double
problème de l'agrément, et du devenir du paysage associatif des
centres sociaux [...]7." Elle illustre la préoccupation
de la CNAF qui est de valoriser la place du centre social associatif dans le
cadre de sa politique d'action sociale, tout en établissant un mode de
contractualisation avec la commune. En effet, pour celle-ci, la
délégation
1 Circulaire CNAF n°268, du 31 octobre 1995 -
Les relations entre les Caisses d'allocations familiales, les centres sociaux
et leurs partenaires. Outils d'analyse et d'aide à la
décision - pp. 10-11.
2 Lettre-circulaireCNAF n°268, cit., pp.
10-11.
3 Ibid..
4 CLERC Denis, 1997 - Dictionnaire des Questions
Economiques et Sociales, Paris, les Editions de l'Atelier / Editions
Ouvrières, pp. 269-270.
5 Lettre-circulaire CNAF n°268, cit., pp. 1-2.
6 "La délégation de service public
résulte de l'application de l'article 38 de la loi du 29 janvier 1993,
relative à la prévention de la corruption et à la
transparence de la vie économique et des procédures
publiques."
Annexe 6 - Lettre circulaire CNAF LC 257-9 7, 30 septembre
1997 -
7 Lettre-circulaire LC 257-97, cit..
de service public pourrait amener, à terme, la
généralisation de la gestion des centres sociaux par
"quelques grands groupes fédératifs, et non plus par des
associations de voisinage, autonomes et initiés par des habitants,
regroupés en réseau comme c'est le cas actuellement pour la
grande majorité d'entre eux." La lettre-circulaire souligne que de
telles évolutions, non souhaitables, seraient "en contradiction avec
la politique impulsée par notre institution dès l'origine, en
concertation avec la Fédération nationale des centres sociaux, et
avec le Ministère de la Solidarité1."
C'est ainsi que la CNAF incite les Caisses locales à
associer la commune à la signature du contrat de projet relatif à
l'agrément du centre social, tout en étant garantes de la
qualité associative de ce projet.
Le rôle de la CNAF et des CAF s'avère
institutionnellement majeur, conditionné par la place donnée aux
centres sociaux dans l'action sociale mise en oeuvre par chaque CAF. En effet,
la position d'équilibre occupée par les CAF dans le
système partenarial local, n'est pas toujours aisée face au poids
des légitimités électives revendiquées des
collectivités territoriales2.
1 Ibid., lettre-circulaire CNAF LC 257-97, cit.
2 Centres sociaux et municipalité / FNCS, doc.
cit., p.10.
- CHAPITRE 3 -
LES CENTRES SOCIAUX EN EQUILIBRE ENTRE LA DEMANDE SOCIALE ET LA COMMANDE
PUBLIQUE.
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Les centres sociaux naissent à la fin du XIXe
siècle de la « question sociale » en ne se contentant pas de
l'assistance sociale. Un rassemblement d'initiatives de différents
courants philosophiques, humanistes et progressistes donne naissance à
ces espaces de participations1. Institutionnellement, la CNAF,
désignée par l'Etat, s'avère comme le
référent privilégié, aussi bien sur le plan de la
reconnaissance que dans le domaine des ressources financières.
En outre, les lois de décentralisation
révèlent un second partenaire essentiel dans l'action sociale
locale, la commune.
C'est ainsi que les mutations sociales, économiques,
culturelles et politiques conduisent les centres sociaux et leur réseau
à mettre en question leur savoir-faire de terrain et à se doter
d'un « texte de référence » leur permettant de se
situer dans la tension générée par la demande sociale face
à la commande publique.
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