2 - La contribution des bénévoles à
l'économie sociale.
Ce qui caractérise cette aptitude à "l'empathie
sociale" sur laquelle se centre le projet des centres sociaux Dolto et
Montaberlet, c'est la proximité quotidienne qui se décline autant
sur le plan socio-économique que dans sa dimension territoriale.
D'ailleurs, la structure de l'association capable de
gérer deux centres sociaux, l'un de ville - DOLTO -, l'autre de quartier
- MONTABERLET -, montre la capacité de celle-ci à s'adapter
à la demande sociale dans deux attitudes spécifiques qui
méritent d'être relevées :
- L'une est la proposition d'une palette de prestations de
services éducatives et de loisirs ;
- L'autre est une démarche de développement
local qui consiste à vivifier le tissu social en s'appuyant sur les
initiatives locales d'habitants, sous leurs formes individuelles et
collectives.
C'est la complémentarité des deux notions -
d'organisateur et de fédérateur - étayées par les
demandes sociales de plus en plus diversifiées des populations
accueillies, qui conduit l'association à gérer une
négociation permanente entre les différentes demandes à
concilier en autant de tensions à réguler. "Mais n'est-ce pas
précisément là, dans cette tension, que peut être
travaillée, avec les acteurs sociaux eux-mêmes, la recherche de
cet équilibre sans cesse remis en question entre la proximité et
la distance. De telle sorte que la proximité ne devienne pas
l'appropriation de l'espace collectif par un groupe [...], quelle que soit la
légitimité de sa demande sociale2" et que la
distinction sociale d'un groupe d'influence n'exerce pas un effet
hégémonique d'exclusion.
1 Annexe 14 - Le dispositif d'animation de
proximité. Tableau de répartition des subventions
affectées 1998 -
2 COLOMBANI Henri, délégué
national à la FCSF - Les centres sociaux... Aujourd'hui et demain ?
- postface de R. DURAND, 1996 - Histoire des centres sociaux... -
op. cit., pp. 242-248.
Tout ceci se vérifie dans la gestion concrète et
courante des centres Dolto et Montaberlet, par la régulation d'ouverture
et d'occupation des locaux aux divers publics, par la répartition
d'exercice des fonctions professionnelles et/ou bénévoles, par la
planification des programmes d'activité pertinents pour les centres et
leur environnement.
Ces « balisages de territoires » posent la question de
la co-reconnaissance et de la
coconsidération des différents groupes sociaux
usagers des centres sociaux.
La fragmentation sociale et l'éclatement familial
brouillent les repères et obligent l'organisation associative à
imaginer des modes de régulation, dès l'accueil des
habitants1, afin d'opérer une distinction permettant de
prendre en compte les différentes typologies d'usagers2.
Ces modes sont aussi utilisés pour accueillir les
bénévoles et sélectionner les administrateurs et les
membres du comité d'animation3.
En effet, l'engagement collectif associatif n'a cessé
de se développer dans la société. Toutefois, toutes les
analyses convergent pour indiquer que les associations d'importance nationale
les plus militantes ont, dans les vingt dernières années,
enregistré une baisse significative de leur taux
d'adhésion4.
Il s'avère, pour les centres sociaux, tel que
l'énonce un rapport sur leur devenir5, que les
bénévoles "s'engagent sur un projet précis et bien
circonscrit dans lequel ils choisissent de s'investir en fonction de leurs
capacités ; ils y recherchent une efficacité
directe6." Cette dimension de choix raisonné se retrouve
dans la procédure d'accueil du bénévole de
DoltoMontaberlet.7
D'ailleurs, ce processus d'accompagnement du nouveau
bénévole intègre la notion de plaisir afin de
préserver la part de liberté et de choix
délibéré ; comme le cite l'étude : "Ils
prennent garde à ne pas être «militants à temps
plein»8."
1 Annexe 8 - Des habitants prennent l'initiative ! -
Rapport d'activité, extrait du document
d'Assemblée générale 1998, présentant
les modalités d'accueil des habitants et des nouveaux
bénévoles, et les procédures de sélection et
d'implication des administrateurs usagers, pp. 10-11.
2 Etude - production sur l'accueil au centre social
Françoise Dolto à Décines, Septembre 1996, ADRETS, 30
pages. Le diagnostic distingue : l'habitué - le passager - le
nouveau.
3 Annexe 8 - Des habitants prennent l'initiative.
- pp.12-24.
4 B. HALBA et M. LE NET , 1997 - op. cit., pp.
50-53.
5 A. FOUREST, juin 1998, doc. cit., 57 pages.
6 Ibid, pp. 13-14.
7 Annexe 8 - Des habitants prennent l'initiative
- pp. 12-14.
8 A. FOUREST , 1998- L'avenir des centres
sociaux - doc. cit., p 19.
Voir aussi l'analyse que nous avons développée sur
les différents types de bénévolats instaurés dans
les centres sociaux Dolto et Montaberlet, in Y. KONATE, 19991, doc.
cit., pp. 36-59.
TABLEAU 9 : La répartition des contributions
bénévoles de l'association de gestion (1998).
- peinture sur soie
- tricot crochet - usagers
Les activités de loisirs : - chiffres et lettres
- scrabble
- bridge
|
5
|
- bourse aux vêtements
Les activités d'échanges : - bric à brac
- troc loisirs
|
26
|
- entraide et scolarité
Les activités d'entraides: - écrivain public
- paroles et histoires
- accueil de personnes très âgées, le
«bouton d'or»
|
19
|
- conseil d'animation
Les activités de gestion :
- comité d'animation
|
53
|
BENEVOLES
|
DISTINCTS : 75 - CUMULES : 103
|
De fait, les 75 bénévoles recensés, en 1998,
multiplient leur contribution par 1,4 à travers les 14 actions
proposées et ceci, au gré de leurs intérêts et de
leurs choix.
Contrairement aux périodes de fort militantisme, et
à leurs prédécesseurs à l'engagement plus partisan,
qui utilisaient le mode d'organisation institutionnel de l'association comme un
dispositif de pouvoir, le rapport note que le "fonctionnement traditionnel
du mouvement associatif (président, conseil d'administration,
débats et délibérations, gestion
associative...)1" est utilisé comme une boite à
outils, dans le but de disposer de moyens pour être efficaces.
Il peut se révéler que ces
bénévoles dans leur quête de sens, et à la recherche
d'une pratique conforme à leur éthique, développent, en
fait, avec leur engagement, un projet personnel qu'ils inscrivent plus ou moins
dans le projet de l'association qui les accueille2.
En cela, la légitimité du fonctionnement
démocratique de l'association de gestion n'est pas suffisante. Il
semble, comme le soulignent les acteurs municipaux, que la reconnaissance des
bénévoles comme partenaires dans le champ des politiques d'action
sociale passe par une compétence éprouvée dans la gestion
de l'équipement et l'animation quotidienne de voisinage3.
Somme toute, le cadre formel associatif apparaît comme
suffisamment souple et malléable pour s'adapter mais est insuffisant en
lui-même - n'étant qu'un outil - s'il n'est pas appuyé sur
une démarche de formation permanente au tissage du lien social.
Inversement, le processus d'apprentissage prend sens à partir du mode
d'organisation institutionnel associatif4.
1 A. FOUREST, 1998, ibid., p. 16.
2 P. LYET - L'organisation du
bénévolat, un défi pour les acteurs du champ social
in La revue MAUSS, n°11, 1998, art. cit., p. 292.
3 COULON Pascal, 1997 - Le politique, le citoyen,
le militant et le professionnel - Informations sociales, sociales,
n°61, CNAF, pp. 76-8 1.
4 J.L. LAVILLE, 1997 - "L'association : une
liberté proposée à la démocratie" in Sociologie
de
Il est à remarquer, "qu'en deçà d'un
certain niveau de revenus, il n'y a plus de
bénévolat1". Sans un revenu minimum, il est
difficile d'avoir une vision collective. Si bien que l'accès à la
vie associative peut s'avérer socialement discriminante.
Il importe, donc, de diversifier le modèle de
participation associative en acceptant le nomadisme et l'engagement à
géométrie variable, en bâtissant du collectif à
partir de la diversité des apports individuels2. Aussi, les
contributions bénévoles ponctuelles d'habitants «non
programmés socioculturellement3» pour faire du
bénévolat permanent, se révèlent essentielles
à la qualité de coopération de l'association ; il s'agit
de fabriquer un concensus sur un projet de vie en commun. Les
bénévoles réguliers sont issus majoritairement des
«classes moyennes inférieures» (30% de cadres, 40% de
professions intermédiaires, 25% d'employés, 5% d'ouvriers ;
l'origine professionnelle des retraités étant comprise).
Toutefois par leur lieu d'habitation, ils couvrent la totalité du
territoire de Décines ; les quartiers classés en contrat de ville
ayant une représentation de l'ordre de 20%. De plus, si l'on prend le
critère d'origine ethnique, les permanents comprennent 6% de
bénévoles d'origine étrangère (d'ailleurs partie
prenante des instances institutionnelles), et si l'on rajoute les occasionnels,
le taux de 14% de population étrangère recensée sur la
ville en 1990, est alors largement dépassé. Manifestement,
l'association est en adéquation avec la représentation
sociologique de la ville de Décines.
Une des richesses de la vie associative est d'arriver à
des prises de décision qui ne soient pas fondées sur
l'automatisme du fait majoritaire, donc sur la soumission d'une minorité
sur une majorité, mais sur un processus, parfois
sophistiqué4, de recherche, de valeur et de projet commun,
qui requiert l'accord de tous. Ce travail de pédagogie, lent et
quelquefois laborieux, peut être considéré comme un
critère de fonctionnement associatif démocratique produisant de
la citoyenneté en continue5.
De la sorte, on peut considérer que les observations de
nos interlocuteurs municipaux qui, chacun à leur manière, mettent
l'accent sur la nature «impénétrable» de l'engagement
institutionnel de l'association des deux centres sociaux, sont non seulement
réelles mais se justifient par l'essence associative «Centre
social» qui tend à promouvoir la participation des habitants sous
toutes ses formes.
Il s'ensuit que celle-ci est, en outre, favorisée par le
concours des professionnels, comme complément indispensable à la
qualification de la mission du centre social.
l'association, op. cit., pp. 72-73.
1 WORMS Jean-Pierre, 1996 - Se former, pour une
démocratie participative et une citoyenneté active -
OUVERTURES, la revue des centres sociaux, septembre n°4, p. 15.
2 Ibid, p. 11.
3 Chaque projet fortuit donne l'opportunité
d'intégrer des habitants-bénévoles occasionnels à
la conception et à la réhabilitation de l'environnement
social.
4 Voir à ce propos le montage institutionnel de
l'association de gestion des centres sociaux Dolto- Montaberlet, Annexe 1 -
Structuration institutionnelle, hiérarchique et pédagogique
-
5 J.P. WORMS, 1996 - Se former, pour une
démocratie participative et une citoyenneté active - art.
cit., p. 12.
J.L. LAVILLE, 1997 - "L'association : une liberté
proposée à la démocratie" in Sociologie de l'association,
op. cit., p. 57.
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