- PARTIE III -
LA CONTRIBUTION DE L'ASSOCIATION
DE GESTION DES CENTRES SOCIAUX
DOLTO ET MONTA BERLET
A LA PRODUCTION DE LA DEMOCRATIE
LOCALE, UNE ORGANISATION QUI
S'AJUSTE AU PROJET D'INTERMEDIATION.
L'incertitude de l'entre-deux : la source du pouvoir
associatif.
Le système d'organisation de l'association de gestion
se révèle être un réseau d'interactions entre des
acteurs. Une forme collective et individuelle le structure. Cette combinaison
entre les champs publics et privés engendre cette particularité
qu'il a, de ne pas appartenir à la sphère étatique.
Néanmoins, il satisfait des besoins individuels qui s'avèrent
être des besoins communs relevant de la socialisation1.
De la même manière, ce système appartient
au monde de l'économie, non celui qui est marchand et «
mondialisé », non pas celui qui est public et «
administré », non celui qui, tout en étant domestique,
s'appelle aussi social, solidaire et pluriel2. Ainsi, tel «
Monsieur Jourdain », l'association de gestion participe pleinement
à la vie économique.
Ce paradoxe de la délimitation se retrouve dans un
autre registre : le métier de l'association. Il s'exprime par l'exigence
d'intervention et d'innovation des pouvoirs publics sans que celle-ci soit
particulièrement déchiffrable3. Il s'agit donc, pour
l'association de gestion, « d'entendre » la commande publique, tout
en évitant l'écueil de la « courroie de transmission
administrative » qui la transformerait, de facto, en une configuration
mécaniste, orientée vers la standardisation des
procédés, plutôt que vers la capacité autonome
d'expérimentation.
Ce faisant, il se fait jour que ce sont les acteurs, dans
leur humanité fonctionnelle, qui vont être à même
d'être « réalisateurs » de la transmission et de la
retransmission de cette « entente » réciproque. Aussi, la
nécessité impose-t-elle qu'ils s'approprient le projet «
Centre social », à travers des initiations, des parcours de
formation, d'auto-formation et d'apprentissage
1 A. CAILLE et J.L LAVILLE, 1998, La revue MAUSS
semestrielle, n°11, p. 7.
2 Ibid., pp. 84-236
-Réconcilier l'économique et le social -
L'économie plurielle - 1996, Paris, OCDE poche, n°12, pp. 9-3
0.
3 - Le Conseil économique et social
réhabilite les professionnels - Actualités Sociales
Hebdomadaires, mai 2000, n°2168, pp. 6-7.
individuel et collectif, pensés comme
intrinsèques au « Projet » et conçus comme
méthode de traduction, inhérente au système d'organisation
de l'association de gestion.
C'est pourquoi, nous élaborerons des orientations pour
l'action, des chantiers déjà amorcés à
développer, et des chantiers à mettre en oeuvre,
compléments et ouvertures des précédents. Dans un esprit
pratique, nous les inscrirons dans la préfiguration et dans la
réalisation du prochain projet soumis à
agrément1, correspondant à la période
2002-2007.
1 Janon 5 - Historique de l'agrément
-
- CHAPITRE 1 - NI PRIVE, NI PUBLIC,
L'ENTRE-DEUX SOCIO-ECONOMIQUE ASSOCIATIF.
Le sens commun perçoit bien que l'économie
n'est pas seulement constituée du compte- rendu boursier horaire de
France-Info ou du relevé mensuel de l'excédent de la balance
commerciale française. Les seuls faits «d'aider»
financièrement un membre de sa famille, d'acheter son pain chez le
boulanger ou «de donner de son temps» à une cause, participent
aussi à l'économie. Le troisième exemple cité est
pratiqué, en France, par plus de 9 millions de personnes en
19931. La portée de ce chiffre révèle ainsi la
place de «l'économie sociale»2.
"L'économie d'utilité sociale [...] est une
nouvelle économie mixte, qui associe non seulement des ressources
marchandes et des financements publics, mais aussi des ressources non
monétaires, en provenance de la société civile."
(Cette ressource, non monétaire, peut constituer la définition
générique du bénévolat.) L'économie sociale
"est donc, l'articulation entre ces trois modes de fonctionnement
économique - Etat, marché, économie du don - qui va
permettre de solvabiliser des activités qui ne seraient pas viables dans
chacune de ces trois logiques prises isolément [...]. En effet, le souci
de répondre aux besoins exprimés collectivement par les habitants
et leur implication-même dans les projets et dans leur mise en oeuvre
assurent à la fois la crédibilité des projets et leur
«bouclage» financier3 ."
Des experts4 intègrent l'économie
sociale dans la notion d'économie plurielle comme un tout
systémique. Cette réflexion s'appuie sur deux apports
théoriques5.
- D'abord celui de Fernand Braudel, qui distingue trois
étages dans la "maison" de l'économie :
· l'économie de subsistance comprenant
l'économie domestique au rez-de-chaussée ;
· l'économie de marché local, au premier
étage ;
· l'«économie monde» qui occulte la
réalité des deux précédentes et qui pourtant la
sanctionne6.
- Le second modèle est celui de l'économie
«ternaire», dite aussi tiers secteur. Cette approche
représente l'économie comme un triangle dont les trois sommets
sont l'économie de marché, l'économie publique et
l'économie de réciprocité (le don, le contre-don,
l'échange non monétaire, le bénévolat...) et
étudie les conditions «d'hybridation» entre ces trois
économies7.
A partir de ces apports, le concept d'économie plurielle
reconnaît deux nécessités :
1 B. HALBA et M. LE NET, 1997, op. cit., p. 34.
2 Début 2000, le gouvernement de Lionel JOSPIN
a créé un secrétariat d'Etat à l'économie
solidaire.
3 P. SAUVAGE , op. cit., p. 17.
4 Près d'une quarantaine d'experts ont
contribué à l'ouvrage cité dans la note
précédente, pp. 235- 237.
5 Ibid. , p. 209.
6 VERSCHAVE François-Xavier, 1996 -
Perspectives braudéliennes : reconsidérer l'architecture
sociale, pour permettre d'y accéder et de s'y mouvoir in ibid., pp.
73-80.
7 J.L. LAVILLE , 1996- Economie et
solidarité : linéaments d'une problématique in ibid.,
pp. 45.56.
- celle de valoriser une activité économique, en
amont de l'économie marchande mondialisée sans lesquels, il est
vain, selon François-Xavier VERSCHAVE, d'envisager un
développement «équitable» ;
- celle qui consiste à favoriser les
«mixages» entre ces différentes économies,
répondant ainsi, en les valorisant, aux besoins sociaux non satisfaits
des habitants-citoyens1.
Par ses origines, par la définition de ses missions,
par ses modes d'organisation, par la qualification de son savoir-faire
l'association de gestion des centres sociaux Dolto et Montaberlet est partie
intégrante de cette économie « hybride ». C'est ce que
nous allons exposer dans le chapitre qui suit.
1 - L'effet de levier social des ressources publiques et
associatives.
L'analyse de la répartition de financement de
l'association pointe trois ressources principales :
- la commune 35 % ; - la CNAF/CAF 25% ; - les usagers 19%.
L'origine des 20% restants reflète l'étendue de
la mission fondée sur la capacité de la structure centre social
à mobiliser une multiplicité de ressources
financières2 autour d'actions de socialisations.
Ces financements se distribuent autour de trois grands domaines
d'intervention. Les deux premiers sont spécialisés :
- L'un offre une gamme de modes de garde (crèche,
halte-garderie, Centre de loisirs) et des activités éducatives
pour l'enfance ainsi que des activités de loisirs pour les adultes ;
- L'autre promeut le développement social, à
travers un dispositif d'animation et de proximité3.
Le troisième fait lien et donne sens à la mission
des deux centres sociaux :
- Il s'agit de l'animation globale regroupant la logistique
transversale, véritable force de frappe permettant d'intégrer les
actions sectorisées dans une dynamique prenant en compte les individus
sur un territoire de vie.
En outre, l'association se distingue par le développement
de son activité puisque son volume de produits a plus que doublé
en dix ans.
1 P. SAUVAGE, 1996- Economie et lien social dans
les quartiers in ibid., p. 210.
2 Tableau 1 - L'origine et la répartition
des ressources de l'association de gestion (1998) -
3 Annexe 10 - Le dispositif d'animation de
proximité : orientations éducatives et territoriales -
TABLEAU 6 : La répartition des produits et des
recettes usagers de l'association de gestion.
Année
|
1989
|
|
1994
|
|
1999
|
Produits
|
4 041
|
000
|
5
|
906
|
000
|
9
|
036
|
000
|
Dont recettes usagers
|
626
|
000
|
1
|
116
|
000
|
1
|
433
|
000
|
(a) Les prestations de service (PS) ont, pour seule origine, la
CNAF.
(b) Subvention contrat enfance (dispositif national),
destinée exclusivement à équilibrer financièrement
les modes de garde petite enfance, dont 66% d'origine CNAF et 34% d'origine
municipale.
(c) Prestations à l'unité,
réglementées nationalement par la CNAF, à partir d'un
barème distinguant les modes de garde.
(d) La part municipale représente 89% de cette
subvention, les 11% autres sont d'origine CAF.
(e) Voir Jalon 5 - L'historique de l'agrément
-
1998
|
Produits divers
|
Recettes usagers
|
Subventions
|
Prestations de services(a)
|
Services et activités
|
//////////////////
|
1 126 000
|
578 000F(b)
|
683 000F(c)
|
éducatives
|
//////////////////
|
47%
|
24%
|
29%
|
et de loisirs
|
//////////////////
|
|
|
|
Animation
|
//////////////////
|
108 400
|
419 000F
|
300 000F
|
de
|
//////////////////
|
13%
|
51%
|
36%
|
proximité
|
//////////////////
|
|
|
|
Animation
|
110 800F
|
/////////////////
|
3 614 000F(d)
|
330 000F(e)
|
globale
|
3%
|
/////////////////
|
89%
|
8%
|
|
|
/////////////////
|
|
|
TABLEAU 7 : La distribution des principales sources
de financement , par domaine d'intervention, de l'association de
gestion.
Cette croissance continue de l'activité s'accompagne
par un essor parallèle des recettes usagers. Cependant, la participation
pécunière, non négligeable, du public demande à
être affinée et croisée avec l'affectation des subventions
et des prestations de services financières et ce, au regard des domaines
d'intervention.
Ainsi nous constatons que les recettes usagers, les
subventions réglementées et les prestations de services à
l'unité1 financent prioritairement le domaine des services et
des activités éducatives petite enfance et enfance. En revanche,
les actions du dispositif d'animation de proximité qui relèvent
du développement social ont essentiellement des sources de financement
public2. L'animation globale complète, quant à elle,
sa dotation publique par une activité de produits divers3 qui
participent à l'équilibre financier de l'association.
En 1999, 2 439 personnes ont fréquenté
régulièrement les deux centres sociaux4, soit 10% de
la population totale de Décines5.
En outre, plus de 24 000 personnes cumulées ont
participé à une manifestation occasionnelle ou ont
été utilisateurs des services.
Si l'on s'en tient à l'observation des statistiques de
la fréquentation régulière, là encore, l'analyse
révèle une répartition distinguant deux publics : l'un,
relevant d'activités de droit commun ; l'autre, de l'insertion
sociale.
TABLEAU 8 : La distribution des usagers
fréquentant régulièrement l'association de
gestion.
1998
|
Activités de droit commun
|
Toutes les activités confondues
|
Activités d'insertion
|
Petite enfance (- 6 ans)
|
25%
|
16%
|
10%
|
27%
|
Enfance (7-11 ans)
|
13%
|
8%
|
8%
|
22%
|
Adolescence (12-20 ans)
|
|
|
7%
|
15%
|
Adultes
|
62%
|
38%
|
13%
|
36%
|
Usagers
|
1 476
100%
|
62%
|
38%
|
848
100%
|
2 324 100%
|
Cette distinction recouvre respectivement les deux domaines
d'interventions spécialisées cités auparavant dans le
tableau 7.
1 Par exemple : une journée complète de
garde équivaut à trois unités.
2Annexe 14 - Le dispositif d'animation de
proximité. Tableau de répartition des subventions
affectées en 1998 -
3 Mise à disposition onéreuse des
salles, du mini-bus, de matériels et de services annexes.
4 Annexe 7 - Les ressources humaines -
5 L'association de gestion des centres sociaux est la
plus importante du Rhône en nombre d'usagers réguliers, Source :
CAF de Lyon, 1998.
Ce faisant, l'examen du tableau différencie deux publics
d'usagers.
- L'un est en attente de services éducatifs à la
famille (caractérisés par l'offre de modes de garde) et
d'activités relevant de la sphère des
- loisirs. Le financement est dit de «droit commun»,
parce qu'institué dans des cadres contractuels, normatifs et nationaux,
complété largement par la participation financière des
usagers.
- L'autre subit une situation de vie (précarité
sociale) qui nécessite la mise en place d'action de socialisation, dans
le cadre des dispositifs relevant de la politique de la ville. Le financement
est organisé et évalué localement et diversifié,
par ses sources et par ses formes1. Il est quasi-exclusivement
public.
En somme, la dualité des ressources associatives et
publiques et son corollaire, l'effet d'hybridation, opère comme un
levier social. Il révèle ainsi que l'association est en
adéquation avec la mission première d'un centre social :
être ouvert à l'ensemble de la population tout en étant
particulièrement attentif à celle qui est le plus en
difficulté.
Aussi, c'est bien cette valeur riche de lien social qui sous-tend
la nécessité d'identifier l'action des bénévoles
comme une ressource inséparable de cette mission.
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