"Je commence peu à peu à prendre conscience
de l'étendue et de la complexité du champ d'action sociale de la
ville. Ma connaissance est actuellement restreinte, elle se limite
essentiellement aux activités des centres sociaux Dolto et Montaberlet
et à celles du centre communal d'action sociale (CCAS)." L'acteur 1
(conseillère municipale), exprime sa vision des choses, en faisant la
comparaison entre les ministères thématiques et les structures
interministérielles : "Aujourd'hui, il est nécessaire
d'apprendre à travailler ensemble." Elle précise que la
répartition du champ d'action sociale, non seulement, n'est pas
figée mais doit être pensée par tous les partenaires.
Pourtant, en tant qu'élue, elle rajoute qu'elle a du mal à juger
de la pertinence des divers dispositifs : "cela apparaît opaque,
compréhensible uniquement par les professionnels." Elle
considère le contrat enfance performant, dans son effectivité,
mais extrêmement compliqué quand on n'est pas sur le terrain.
"Ce sont des outils de technocrates mais c'est un mal
nécessaire."
Pour cette élue, la politique de la ville
apparaît comme emblématique de ce «mal
nécessaire»,"outil d'intégration, au service des
décideurs institutionnels, pour coordonner les actions de toutes les
forces en présence." D'autant que celle-ci, en recouvrant d'autres
domaines tel que l'urbanisme, le logement ou l'emploi "transgresse l'action
sociale."
Cette dernière réflexion semble partagée
par l'acteur 3 (adjoint au maire à l'emploi, à la formation
professionnelle et à la jeunesse). Ainsi, celui-ci s'interroge :
"Comment fait-on coexister une logique de guichet et une logique de
socialisation et de développement social ?" Cet élu
énonce une analyse de l'évolution des besoins et des demandes
sociales, au regard d'une profonde modification du paysage social et
économique.
C'est pourquoi, sans parler de clivage, "il y a deux
approches complémentaires du champ de l'action sociale qui sont
représentées, d'un côté, par le CCAS et, de l'autre,
par l'insertion économique et sociale."
L'acteur 7 (secrétaire général adjoint)
renforce l'idée que c'est "la politique de la ville qui peut
permettre de développer une politique de coordination et de concertation
globale au niveau de la commune."
Pour autant, cette hypothèse n'évacue pas, pour
l'acteur 8 (chef de projet du DSU), l'aspect délicat de cette question.
"Dans l'urbanisme, les processus sont cadrés. Dans le social, C'est
plus compliqué, c'est plus difficile à appréhender."
En effet, celui-ci cite les différents niveaux de traitement politique
territoriaux qui s'articulent aux divers statuts d'intervenants :
collectivités locales, établissements publics, associations de
gestion, syndicats, etc. Néanmoins, dans cette complexité,
"le centre social apparaît comme un peu à part" en tant
qu'équipement, lieu d'animation et producteur de socialisation.
Par ailleurs, cet acteur estime qu'il y a "trop de
partenaires, trop centrés sur eux-mêmes, il y a un manque de
lisibilité dans la cohérence des différents statuts -
centres sociaux associatifs, délégation de service public,
association locale de gestion d'une halte garderie -." Il n'empêche,
la commune lui paraît bien équipée en structures sociales,
"la mairie a laissé faire une certaine délégation de
son service public."
L'acteur 9 (directeur du CCAS) explique que la segmentation
du champ de l'action sociale s'enracine dans l'histoire de la politique sociale
de la ville." A l'époque la municipalité manquait
d'expérience dans le champ du social, d'autant que le personnel
spécialisé était réduit. A l'époque, aussi,
la présence forte et active de la confédération syndicale
des familles (CSF) a soutenu la création
d'associations1."
Pour cet acteur, l'architecture des dispositifs sociaux de la
ville s'est construite, d'une part, au regard des compétences
légales de l'Etat (et suite aux lois de décentralisation, du
Conseil général) et, d'autre part, par la prégnance
engagée et militante de la CSF ; mais aussi par le contrôle
politique de conformité de la municipalité. La double
expérience de cet acteur, hier associative en tant que directeur,
respectivement des centres sociaux Dolto et Berthaudière et aujourd'hui,
en tant que personnel mairie, l'amène à exprimer que "la
municipalité se doit de distribuer une prestation performante car elle
s'adresse à un public qui a, sous-jacente, une exigence
électorale."
Par le rappel de ce postulat élémentaire
justifiant la démocratie politique, le directeur du CCAS affirme que
c'est bien la municipalité qui est responsable de la gestion
communale.
Assurément, les acteurs s'accordent sur ce principe de
responsabilité communale. Cette délimitation essentielle ne fait
aucun doute. Les élus associatifs l'expriment très directement :
"La commune définit la politique de la ville", [acteur 4] ;
"La municipalité est là pour répondre à toute
la population", [acteur 5] ; "Elle a la responsabilité de ce
qui se passe sur la commune", [acteur 6].
Seul un élu municipal [acteur 1], définit les
contours de cette légitimité : "La majorité municipale
est élue par les Décinois et sur un programme, elle a la
légitimité des urnes et est responsable de l'ensemble de la
commune."
En fixant le champ d'action sociale des centres sociaux dans le
cadre d'une "mise en oeuvre de délégation de service public
de la politique locale régulée conjointement dans des
1 On retrouve la CSF comme membre fondatrice des deux
associations centres sociaux, en 1978 in Y. KONATE, 19991, op. cit.,
tableau 3 - Période de création des principales associations,
des principaux équipements et dispositifs sociaux, éducatifs et
culturels de Décines - p. 23.
instances appropriées, tel que le comité de
pilotage1", le secrétaire général adjoint
[acteur 7] en précise la démarcation.
Il s'avère que cette délimitation, pour
l'acteur 8 n'a pas l'air d'aller de soi, car celle-ci "renvoie à des
questions de compétences partagées." Le responsable du DSU
pointe, là, la difficulté sur les possibilités
d'approfondir ce débat : "Peu de gens peuvent
réfléchir à cela, que cela soit des élus, des
techniciens ou des habitants ; cette question est complexe car administrative,
politique, économique, historique, etc."
Le directeur du CCAS [acteur 9] précise, même,
qu'il y a déséquilibre : "La compétence de
l'association de gestion est supérieure à celle de la
municipalité", aux dépens de la commune.
Le responsable du DSU et le directeur du CCAS reprochent
conjointement à l'association, d'être «une grosse
boîte, une PME». "L'association de gestion est immense, elle
devient monstrueuse et complexe" [acteur 9], "Dolto-Montaberlet, c'est
une PME" [acteur 8]. Cette approche est corroborée par l'acteur 1 :
"C'est une usine, une grosse machine, c'est une PME qui atteint une taille
critique, qui atteint son développement maximum, dont la croissance ne
peut aller au-delà."
Toutefois, les deux autres élus municipaux
préfèrent préciser le cadre d'intervention du centre
social, tel qu'ils l'entendent. Pour l'adjointe aux affaires sociales et
à la solidarité [acteur 2] : "Il y en a un qui pousse (le
centre social) et qui entraîne l'autre (la mairie), la progression se
fait ensemble. L'un est plus près du terrain et l'autre a une vision
politique globale." Cet acteur donne l'exemple d'un projet de
halte-garderie, inscrit dans le contrat enfance, signé entre la CAF et
la commune et qui est une commande municipale auprès de l'association.
"L'association étudie le projet de mise en oeuvre de halte-garderie
sous forme parentale, c'est une façon de voir avec laquelle je
n'adhère pas mais je fais confiance."
L'adjoint à l'emploi, à la formation
professionnelle et à la jeunesse [acteur 3] le dit autrement : "La
délimitation du champ d'action sociale est une compétence
partagée avec des zones d'intervention intrinsèque." Pour
cet acteur, les actions de prévention en sont l'exemple même :
"Le centre social a un rôle de relais de l'action publique."
L'acteur 7 le justifie en expliquant que "les
compétences en matière d'action sociale de la commune sont moins
définies par la loi que celles du département", ce qui
permet à celle-ci d'avoir "une marge de manoeuvre plus importante,
d'où l'intérêt d'avoir une action partagée - par
délégation - avec les associations gestionnaires des centres
sociaux."
Les administrateurs n'ignorent pas ce débat,
même s'ils n'en possèdent pas toutes les arcanes ; en femmes et
hommes de terrain, ils sont soucieux, voire sourcilleux, sur la reconnaissance
de leur responsabilité. L'acteur 4 "voit mal un élu directif
qui imposerait impérativement ses désirs à l'association.
Des souhaits, d'accord, mais pas des ordres." D'ailleurs, la
trésorière [acteur 6] revendique la responsabilité
juridique de la fonction d'administrateur : "C'est nous qui devons veiller
au bon fonctionnement de l'association." L'acteur 4 renchérit en
insistant sur le fonctionnement régulier de l'association qui
légitime la représentation bénévole de celle-ci.
L'élu, acteur 1, semble en convenir : "Une commune n'est rien sans
le relais associatif des centres sociaux. Le pluralisme m'apparaît
nécessaire ; de la discussion naît la lumière."
Il ressort, pour cet acteur, que le comité de pilotage
est l'instance permettant de valider conjointement les orientations
partagées : "Celui-ci est un espace de délimitation." De
la même manière, pour l'acteur 6, "si il y a désaccord,
c'est le comité de pilotage qui doit arbitrer."
1 JALON 10 - Le comité de pilotage
mairie-association de gestion -