- CHAPITRE 2 - UNE METHODE : UNE ANALYSE INDUITE
PAR DES ENTRETIENS.
L'association de gestion des centres sociaux Dolto et
Montaberlet apparaît comme ayant un ancrage socio-économique non
négligeable dans le champ de l'action sociale de la ville de
Décines, et participe, par là, à la mise en oeuvre de
politiques publiques. Cette position est d'autant plus concrète que sa
mission est reconnue, de manière générale, en tant que
«Centre social» et, de manière particulière, à
partir de délégations et de financements des pouvoirs publics.
Cependant, sa dépendance financière et, plus
encore, politique paraît la rendre hautement dépendante de la
ville. De fait, on pourrait penser que la commune, suffisamment outillée
sur les plans réglementaires et logistique, puisse se passer de cette
«charge» associative.
Malgré la différence patente de forme
structurelle, les liens existent et se pérennisent. Ceux-ci passent par
des acteurs qui, à travers des instances, structurent le mode de
relation institutionnelle et le justifient. C'est en analysant la
méthode d'élaboration de notre interrogation centrale que nous
ferons apparaître la place des acteurs dans la construction
organisationnelle qui unit la commune de Décines à l'association
de gestion.
1 - Une méthode qui infère la
problématique.
Nous avons longuement développé, dans notre
introduction générale, l'architecture conceptuelle qui nous a
permis de construire la question centrale sur laquelle nous bâtissons
notre exposé, à savoir : «Quels sont les critères du
système d'organisation d'un centre social associatif qui peuvent
contribuer à la citoyenneté de proximité, en tant qu'enjeu
démocratique local?»
Ce faisant, nous avons précisé l'école sur
laquelle nous nous sommes appuyé pour étayer la mise en
perspective de notre questionnement1.
De la sorte, notre question est orientée dans l'intention
de comprendre les phénomènes étudiés et fonde
l'étude du changement sur celle du fonctionnement2.
Ainsi, celle-ci a suscité un repérage
circonstancié de l'environnement dans lequel s'inscrit l'association de
gestion et nous a amené à pointer quatre points de vues :
- l'Etat ;
- la commune ;
- la caisse nationale d'allocations familiales ; - la
fédération nationale des centres sociaux.
à partir desquels nous avons bâti des
hypothèses relatives à chaque point de vue alimentant notre
question centrale. C'est à partir de ces matériaux que nous avons
resitué le centre social
1 R. QUIVY et L. VAN CAMPENHOUDT, 1995, op. cit..
2 Ibid., p. 35.
dans un environnement contingent à dimensions politique,
sociale et économique dont deux acteurs majeurs ont
émergé, la caisse d'allocations familiales et la commune.
En inscrivant notre réflexion dans le cadre de la
sociologie de l'association1, celle-ci nous permet de faire
apparaître le caractère socio-économique spécifique
de cette organisation qui articule le «don
bénévole2» à l'engagement des
salariés «acquis au projet3».
Au reste, resserrant nos points de vue, nous centrons notre
travail sur la comparaison organisationnelle commune-association de gestion en
intégrant à notre réflexion théorique des
«configurations», concept de base de l'analyse
structurelle4.
La forme de l'organisation se révèle comme un
élément déterminant dans la production des Hommes au
travail. C'est à partir de l'approche de Henri MINTZBERG5 que
nous développons ce volet de notre problématique.
Nous relevons que l'organisation municipale et l'organisation
associative « Centre social » développent deux configurations
distinctes : l'une, à dimension mécaniste6, l'autre,
à dimension professionnelle7, toutes deux ayant une
coloration bureaucratique.
La forme d'organisation structure les modes relationnels
internes , mais aussi externes. Il se révèle que la bureaucratie
mécaniste, représentée par l'organisation municipale, a
une hiérarchie très élaborée, une technostructure
qui recherche la standardisation des procédés de travail et une
structure logistique concentrée sur le contrôle.
D'un autre côté, il apparaît que
l'organisation associative des deux centres sociaux s'apparente à la
bureaucratie professionnelle, de telle sorte que "la collaboration est
assurée par la normalisation des compétences et non des
procédés8." Elle a recours à des
intervenants, dont la ressource est la qualification et la potentialité
à se perfectionner. Elle leur laisse une marge d'autonomie,
régulée par un mode de démocratie interne.
Ce faisant, il faut remarquer que la politique, à travers
le jeu du pouvoir, a une place prépondérante dans ces deux
organismes.
Ce concept de pouvoir, qui est une fonction centrale pour
l'analyse stratégique9, se résume à la
capacité d'un acteur à faire triompher sa propre volonté
dans une relation sociale. C'est pourquoi, celui-ci n'est donc pas lié
automatiquement à une position d'autorité hiérarchique,
mais plutôt aux ressources que sont : la compétence, la
maîtrise des relations à l'environnement, la maîtrise des
informations, les connaissances des règles de
fonctionnement10.
Ce que nous soulignons notamment, c'est que toutes ces femmes
et tous ces hommes, qui font partie de ces deux configurations, soit pour
prendre des décisions, soit pour mettre en oeuvre des actions
(bénévoles ou salariés) peuvent être
envisagés comme des détenteurs d'influences.
C'est pourquoi, autour de cette théorie dominante, dans
l'élaboration de notre pensée, nous avons bâti des guides
d'entretien adaptés aux types d'acteurs retenus et ce, au regard de
notre question centrale.
1 J. L. LAVILLE et R. SAINSAULIEU, 1997, op. cit..
2 La revue MAUSS, 1e semestre 1998, op.
cit..
3 Annexe 3 - Le projet de Charte
fédérale de la FNCS -
4 H. MINTZBERG, 1990, op. cit.
5 M. MINTZBERG, 1990, op. cit., pp. 153-284.
P. CABIN, 1999, op. cit., pp. 98-99.
6 Annexe 11 - L'organisation mécaniste
-
7 Annexe 12 - L'organisation professionnelle
-
8 P. CABIN, 1999, op. cit., p99.
9 M. CROZIER et E. FRIEDBERG, 1997, op. cit.
10 Voir, à ce propos : KONATE Yves,
19991, op. cit. La trame de ce document permet de percevoir les
différentes logiques à l'oeuvre, au sein d'une mairie.
Enfin, toujours autour de cette question et de
l'hypothèse sous-jacente, basée sur «la reconnaissance
réciproque des parties», c'est la sociologie de la
traduction1 qui nous amène à éclairer le
rôle, la fonction et la capacité «de traduction» et, par
conséquent, d'action de la direction bénévole et
professionnelle de l'association, au travers du système de son
organisation.
De la sorte, comme nous le percevons, tout part d'une
préoccupation professionnelle, qui, à travers le filtre de la
pensée, se transforme en une question qui, pour être comprise,
nécessite qu'elle soit située dans des perspectives
théoriques. Celles-ci ont pour objet d'étayer et de faciliter
l'explicitation des variables repérées.
Toujours est-il, et comme nous le soulignions plus haut, ce
sont les acteurs qui, par leur positionnement, participent à la
construction du champ organisationnel liant la commune à l'association
de gestion. Il importe donc d'expliciter nos choix et nos méthodes,
quant à nos modes de sélection et de recueil des
données.
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