2 Une intervention sociale spécifique.
L'action sociale s'inscrit assurément dans
l'organisation administrative et politique qu'est l'échelon communal.
"Outre leur action en tant que circonscriptions administratives de l'Etat,
les communes, échelons de base ou «de proximité» des
collectivités territoriales ont des compétences variées
qui découlent de la notion d'intérêt
public.1"
C'est le maire qui, à partir de sa désignation
politique2, et agissant en tant qu'agent de la commune et agent de
l'Etat, constitue, à ce dernier titre, l'ultime échelon de
l'administration de l'Etat déconcentrée3. Le domaine
social, dans son action traditionnelle, se développe en
complémentarité à celle du conseil
général4. En effet, le CCAS5, sous la
responsabilité exécutive de son directeur6, met en
oeuvre des actions spécifiques et est fournisseur de prestations en
espèces ou en nature7. Celui-ci agit sous l'autorité
du maire et par délégation, sous la responsabilité de
l'adjoint au maire chargé des affaires sociales et de la
solidarité8.
L'action du CCAS de Décines s'étend autour de trois
axes principaux :
- les services aux personnes âgées ;
- les prestations en espèces et en nature ; - la gestion
de services petite enfance.
La dimension traditionnelle de son activité est
centrée essentiellement sur l'aide à la personne. Ses services
centraux étant installés dans l'enceinte de l'Hôtel de
ville, cela renforce la figure de l'usagé habitant qui adresse sa
demande à "la mairie" en tant qu'électeur potentiel.
Toutefois, "ce que l'on a appelé le
«socialisme municipal», c'est-à-dire cette aptitude
qu'à la commune à prendre en charge une activité, quelle
qu'elle soit, au seul motif qu'elle correspond aux intérêts
communs des habitants membres de la collectivité9",
permet, à partir de la décentralisation et à travers
l'évolution et la complexification du champ social, de prendre en compte
de nouveaux domaines d'intervention insérés dans le cadre de la
politique de la ville10.
1 BECET Jean-Marie in M. BONNARD, 1996, op cit., p.
45.
2 Le maire est élu en tant que "chef de file"
d'une liste politique majoritaire au sein du conseil municipal. BAZOCHE Michel,
1998 - Le secrétaire de mairie - Paris, Editions Litec, pp.
130-132.
3 Ibid, note 1.
4 Le conseil général est responsable
(article 37 de la loi du 22 juillet 1983) du service départemental
d'action sociale, de l'aide sociale à l'enfance, de la
protection maternelle et infantile, etc.,
M. BONNARD, 1986, op. cit. p. 47.
5 Créé par la loi du 6 janvier 1986, il
fait suite aux bureaux d'aide sociale (BAS).
Infra, schéma 3 - L'organigramme administratif des
services d'action sociale de la mairie de Décines -
6 Infra, Tableau 5 - La présentation
synoptique des acteurs sélectionnés -
7 M. BONNARD, 1996, op. cit., p. 47.
8 Infra, Tableau 5 - La présentation
synoptique des acteurs sélectionnés -
9 M. BONNARD, 1996, op. cit., p. 47.
10 Jalon 3 - Une politique globale d'intervention
urbaine -
Cette approche renouvelée de l'action sociale conduit
la municipalité de Décines à occuper ce terrain
prioritairement dans trois domaines, conformément aux objectifs de la
politique de la ville :
- l'urbanisme ;
- la prévention ;
- l'insertion par l'économique.
Ceux-ci sont coordonnés par le service du
développement social urbain (DSU)1, sous la houlette houlette
du chef de projet2. L'adjoint au maire chargé de l'emploi, de
la formation professionnelle et de la jeunesse3 est
positionné officieusement comme l'élu de référence
de ce secteur.
Ainsi, il se révèle que deux types d'actions
sociales se juxtaposent et se complètent. Le développement social
du DSU se distingue de l'aide sociale du CCAS, par l'extension et la nature des
champs d'intervention sociaux mais aussi par la position statutaire de leurs
techniciens respectifs. En effet, le personnel du CCAS, hors le
directeur4, a, dans sa quasi- totalité, un statut de
fonctionnaire. Par contre, les principaux intervenants municipaux, dans le
champ du DSU, sont contractuels5. Cette distinction est
renforcée également par des origines professionnelles, elles
aussi, tranchées : les métiers dits «traditionnels»
d'assistants sociaux (dont le directeur) et de conseillère en
économie sociale et familiale se retrouvent du côté du CCAS
; les formations universitaires touchant à l'économie, à
la communication, à la sociologie, à l'urbanisme etc.,
symbolisent les nouvelles fonctions d'action sociale du DSU6.
Toutefois, ces différentiations sont
régulées par la bureaucratie7 municipale, dont la
corrélation trouve sa source dans le cadre de l'intervention publique
réglementée par la législation8 et dont les
effets s'exercent, entre autres, à travers les flux de financements
institutionnels de l'intervention sociale de la ville de Décines.
1 Infra, schéma 3 - L'organigramme
administratif des services d'action sociale de la mairie de Décines
-
2 Infra, Tableau 5 - La présentation
synoptique des acteurs sélectionnés -
3 Ibid.
4 Il est mis à disposition par la
fédération Léo Lagrange. Le statut salarial du directeur
du CCAS est identique à celui du directeur de l'association de gestion
des deux centres sociaux.
5 Les deux statuts peuvent s'imager comme étant
: d'un côté, pour les fonctionnaires, un contrat à
durée indéterminée renforcé (quasiment un emploi
à vie) ; de l'autre, pour les contractuels, un contrat à
durée déterminée (un emploi dit précaire).
6 Ces « nouveaux métiers » ont pour
intitulé : chef de projet, agent de prévention, agent de
développement, agent d'insertion, agent de médiation...
7 Max WEBER (1864-1920) définit la bureaucratie
comme un modèle d'organisation rationnelle stricte- ment
hiérarchisée et fondée sur l'efficacité. D'autre
part, Frédérick W. TAYLOR (1856-1915) met l'accent sur la
division verticale du travail ; de l'autre, un ingénieur
français, Henri FAYOL (1841- 1925), dans une volonté similaire de
rationnalisation, théorise l'administration des entreprises, selon une
formule simple : planifier, organiser, commander, coordonner et
contrôler.
Dans cette forme d'organisation, le règles sont
impersonnelles, transparentes et applicables à tous. Elles permettent
précision, rapidité et efficacité - DORTIER
Jean-François et RUANO-BORBALAN Jean- Claude - Les théories
de l'organisation : un contenant éclaté ? - in CABIN
Philippe (coord.), 1999 - Les organisations. Etat des savoirs -
Sciences Humaines Editions, p. 28.
De plus, selon un schéma classique, le conseil municipal
avec, à sa tête, le maire oriente et décide.
L'administration communale applique et exécute. CADIEU Pascal et LUCAS
Alain, 1996 - Le métier de directeur de cabinet - Editions de
la lettre du cadre territorial, p. 38.
8 M. BONNARD, 1996, op. cit..
De fait, ceux-ci sont issus essentiellement de l'Etat par des
dotations compensatrices et des subventions (en particulier, pour les actions
relevant de la politique de la ville) et, indirectement, par l'administration
publique qu'est la caisse d'allocations familiales, et ce, plus
spécifiquement, entre autres, à travers les centres sociaux et le
contrat enfance1.
Ce dispositif d'ensemble est placé sous l'autorité
du maire, par l'intermédiaire d'un secrétaire
général adjoint2.
Au reste, celui-ci, dans le champ de ses attributions, est
également positionné comme technicien municipal
référent des centres sociaux de Décines.
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SOURCE : mairie de Décines (mars 2000).
SCHEMA 3 : L'organigramme administratif des services
d'action sociale de la mairie de Décines.
Gérontologie
Assistante sociale municipale
Affaires sociales
CCAS Petite enfance Résidence personnes
âgées
SECRETAIRE GENERAL ADJOINT
SECRETAIRE GENERAL
MAIRE
Développement social urbain
Prévention de la délinquance
Par contraste, il apparaît que les origines du
réseau3, dont l'association de gestion est partie prenante
,s'inscrit dans un autre référentiel : le monde4 de la
solidarité de voisinage5.
1 Schéma 2 - Les dispositifs locaux dont
est partie prenante l'association de gestion -
2 Infra, tableau 5 - La présentation
synoptique des acteurs sélectionnés -
3 R. Durand, 1996, op. cit.
4 En référence au modèle
théorique des «économies de la grandeur» de L.
BOLTANSKI et L. THEVENOT .
5 Quels centres sociaux demain ? - 2000,
Ministère de l'emploi et de la solidarité, Secrétariat
d'état à la
Ainsi, le terreau dans lequel s'enracine l'action des deux
centres sociaux Dolto et Montaberlet, s'appuie sur l'affirmation de la
cohésion sociale et du lien solidaire1. C'est le concept
d'animation global2 qui fonde l'originalité de leur
intervention sociale. C'est à cette approche généraliste
que "se reconnaît l'aptitude à faire cohabiter des populations
et des activités différentes et à prendre en compte
l'usager comme participant de façon potentielle." Elle se
reconnaît aussi à cette capacité à intégrer
dans le projet les exigences de politiques différentes3."
Cette appréhension de terrain se nourrit de la relation
quotidienne aux habitants au travers :
- des différentes situations d'accueil et de
permanences4 ;
- de l'offre de services "quasi-publics" que sont les modes de
garde d'enfants5 ; - des différentes possibilités
d'activités de loisirs ;
- du déploiement des dispositifs d'animation de
proximité, dont toutes les actions s'inscrivent dans le champ de la
politique de la ville6 et ce, dans une pratique fortement
partenariale7.
Des personnels de qualification diverse8,
encadrés par des professionnels certifiés, organisés en
équipes autonomes9, sont chargés de mettre en oeuvre
et de faire vivre au quotidien cet appareillage d'animation sociale, sous
l'autorité exécutive du directeur de l'association10.
L'exigence de qualification professionnelle fait l'objet d'un approfondissement
détaillé de la part de la CNAF, dans la circulaire d'application
présentant les outils d'analyse définissant les critères
de légitimité d'un centre social11. Ce document
insiste sur la nécessaire qualification du personnel et sur les
compétences requises et attendues des personnels de direction en
restituant cette fonction dans le contexte associatif.
Ainsi, "le président du conseil d'administration du
centre social a la responsabilité juridique, politique et
financière de l'équipement ; il partage avec le directeur les
responsabilités liées au projet et au fonctionnement de
l'équipement12." En effet, l'employeur, en tant que
responsable de l'entreprise associative, est le conseil d'administration
composé d'administrateurs bénévoles ; c'est sur eux que
repose la charge de la gestion financière, humaine et technique. Ce sont
eux aussi, qui doivent veiller à la mission de développement
social des deux centres sociaux. Ce sont eux toujours, qui sont garants de la
communication de l'association, des relations internes et externes et de la
qualité des liens partenariaux.
santé et à l'action sociale. P. 4.
1 « Ce que nous avons en commun ? Nos différences !
Partageons-les ensemble, tissons du lien. » formule d'identification de
l'association des centres sociaux Dolto et Montaberlet, entre autre sur sa
brochure d'activités.
Sur le plan théorique, en référence à
Jean-Louis LAVILLE - La modernité du phénomène
associatif - in LAVILLE Jean-Louis et SAINSAULIEU Renaud (dir.), 1997, op.
cit., Paris, Editions Desclée de Brower, pp. 40-53.
2 Critère essentiel de l'agrément
CAF.
3 Annexe 2 - La circulaire CNAF n°56, 31
octobre 1995, p. 13 -
4 Cet aspect a été
développé dans Y. KONATE , 19991, op. cit., en
particulier dans la partie II-2-1 intitulée "Des habitants diversement
utilisateurs.", pp. 34-36.
5 Jean-Louis LAVILLE - Associations et
activités économiques des services de proximité. La force
de la régulation tutélaire : des services publics ou
«quasi-publics», Paris, Edition la découverte, Revue du MAUSS
semestrielle, n°11, 1998,pp. 180-184.
6 Annexe 10 - Le dispositif d'animation de
proximité : orientations éducatives et territoriales -
7 Annexe 5 - Le partenariat du dispositif
d'animation de proximité -
8 Tableau 4 - Les centres sociaux Dolto et
Montaberlet, une PME associative -
9 Annexe 1 - La structuration institutionnelle,
hiérarchique et pédagogique - pp. 9-18. 10Jalon 2
- Les missions principales du directeur de l'association de gestion
-
11 L'exercice de la fonction animation globale et
coordination par un personnel qualifié : quelques repères
indicatifs - Lettre circulaire CNAF n°268, cit. pp. 7-9.
12 Ibid, p. 7.
Comme nous l'avons développé dans un travail
précédent1, "dans la pratique, le directeur joue
simultanément un rôle de médiation [que nous avons
défini à travers une fonction de
«traduction2»] entre :
- le conseil d'administration et les différents
intervenants de la structure ; - le projet et les habitants ;
- le projet et le partenariat avec les institutions
techniques, politiques et financières . 3"
Ainsi, cette combinaison, qui allie
salariés-professionnels et habitants-bénévoles, souligne
la faculté associative des centres sociaux à mobiliser des
usagers, à travers des instances collectives et démocratiques, y
compris dans le domaine de la gestion de fonds publics. Celle-ci est à
rapprocher de cette autre capacité entreprenariale associative, qui est
de diversifier ses sources de financements et, par effet de levier, de
générer des recettes propres non
négligeables4.
Toutefois, cette autonomie de gestion, d'organisation et de
fonctionnement s'avère largement encadrée par les
collectivités publiques, particulièrement par la CAF et par la
commune, et ce, à travers : la procédure d'agrément,
l'allocation financière conséquente et, encore plus
spécifiquement, pour la commune, la légitimité politique
à inscrire l'action associative des deux centres sociaux dans les
dispositifs de politiques publics.
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