3. La crise russe de 1998 :
Moins d'un an après le déclenchement de la crise
asiatique, et en partie par effet de contagion, la Russie est victime à
son tour d'une grave crise financière. Ainsi, le 17 août 1998,
après des manoeuvres désespérées et en dépit
du soutien du FMI, le gouvernement russe a annoncé simultanément
un défaut de paiement de sa dette, la dévaluation du rouble via
un élargissement de la bande de fluctuation du change, le
« CORRIDOR » et un moratoire unilatéral sur les
engagements en devises des banques.
Cette crise va causer des tensions monétaires dans les
pays voisins, faire fortement briser les marchés boursiers mondiaux et
provoquer la quasi-faillite du Hedgefund américain LTCM avec des
conséquences potentiellement désastreuses pour le système
financier occidental. [Kharas et al, 2001].Comme le reconnaîtra trois ans
plus tard STANLEY FISSHER, le premier directeur général adjoint
des Fonds d'alors : « J'ai été incapable de
dormir deux nuits durant mon temps au FMI. La première fois fut la nuit
précédente la dévaluation russe. Mon inquiétude
n'eut aucun impact sur la suite des événements, mais en terme
d'impact sur le reste du monde, j'avais raison d'être inquiet.
[Fischer, 2001.]
AGLIETTA poursuit cette analyse avançant les
répercussions de la crise russe ont montré que la finance
mérite pleinement son qualitatif de globale.
Que s'est-il passé alors ?
Tout comme certains pays asiatiques victimes de la crise il y
a un an environ, la Russie est un pays à régime de change fixe et
dépendant de plus en plus des capitaux privés en quête de
rendement et sensibles à des moindres changements. Lorsque la crise se
déclencha, ces capitaux privés sortirent de la Russe avec force,
l'effondrement du rouble qui s'ensuit fait exploser l'endettement des
entreprises endettées en devise qui va peser sur le secteur
bancaire.
Mais contrairement aux pays asiatiques, le gouvernement russe
était responsable de l'essentiel de l'endettement extérieur du
pays. En effet, le budget de l'Etat était fondamentalement
déficitaire de l'ordre de 7% à 8%. Ce qui, faute de ressource
fiscale suffisante contrainte l'Etat à s'endetter sur les matchés
financiers pour financer ce déficit. La forte baisse du prix de
pétrole, principale ressource en devise du pays va aggraver la situation
déjà critique.
A cet égard, la crise russe s'apparente davantage au
modèle de la première génération,
c'est-à-dire une crise provoquée par des faiblesses
macroéconomiques fondamentales qu'à celui de la
« seconde génération », c'est-à-dire
une crise causée pour l'essentiel par le comportement des investisseurs.
[ Patrick Lenain, 2004, p.24].
En Russie, où le financement par titres d'Etat (Gko)
couvrait le trou des recettes fiscales, les taux
d'intérêt sont montés au-dessus de 80%.
En mai 1998, alors que l'inflation
était inférieure à 10% et que le taux de change
était stable un peu au-dessus de 6 roubles par dollars, ce taux de
change était surévalué. Une surélévation qui
profite avant tous des hommes d'affaires comme les oligarques
au détriment de la population. En même temps, la hausse
des taux (Go) ne devait pas masquer une autre dimension du problème.
Pour assurer un simple roulement de la dette interne existante fin 1997, le
gouvernement russe de A. KIRIENKO devait émettre des titres pour un
montant de 8 à 12 milliards $ de nouveaux roubles par semaine. Pour
financer le déficit, il lui faut 4 et 6 milliards de dollars
supplémentaires. Au total, le besoin de financement hebdomadaire devait
monter à 16 milliards de dollars en ce premier semestre 1998. Or, les
émissions étaient au mieux couvertes pour des montants entre 10
et 12 milliards de dollars : ce qui justifie alors le recours au FMI de
l'ordre de 4 milliards de dollars. Le FMI arriva à la rescousse comme on
s'y attendait en juillet 1998 avec un apport de 4,8 milliards de dollars. Mais
la crise s'éclata toujours le 14 août 1998 malgré cet
apport.
En deux semaines, le système bancaire russe se
désintégra, le marché des GkO fut
fermé, le rouble s'effondra et le gouvernement russe prononça un
double moratoire : la dette publique et sur les engagements
extérieurs des banques russes.
Comme le montre AGLIETTA (2001, p35), la crise russe avait
bouleversé les règles du jeu en vigueur dans la finance
internationale depuis le consensus de Washington. Selon ces règles non
écrites, mais mise en pratique au Mexique, la libéralisation
financière des marchés émergentes devait être
encouragée coûte que coûte, y compris par la garantie des
risques pris par créanciers étrangers.
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