contröle des marchés de l'Etat au Maroc( Télécharger le fichier original )par Lhahi nezha Aghzere yassine Ecole Nationale d'Administration Maroc - diplôme du cycle normal en gestion administrative 2005 |
La réalité du contrôle juridictionnelLa cour des comptes a pour mission « d'assurer le contrôle supérieur de l'exécution des lois de finances »48(*). Ainsi, elle intervient dans des phases postérieures de cette exécution, c'est à dire après que toutes les opérations aient été réalisées. Elle apprécie et contrôle la sincérité des écritures et la véracité des documents et justifications produites, ainsi que leur conformité au droit budgétaire et aux prescriptions de la comptabilité publique. La Cour apprécie aussi l'opportunité de la dépense « marché » par rapport aux exigences du développement national, et son degré d'insertion dans le cadre général de la gestion rationnelle du budget de l'Etat. La Cour des Comptes a donc une double mission en matière de contrôle des marchés de l'Etat : elle s'assure d'abord de la pure régularité de telles dépenses, et apprécie ensuite la gestion de l'achat public dans son ensemble. Cette double tâche complique davantage le rôle de la Cour, surtout que l'éventail des services à contrôler est très diversifié, il s'étend aux comptables publics et aux comptables de faits, aux ordonnateurs et aux responsables des établissements publics. L'immensité du domaine d'action de la haute juridiction contraste avec l'insuffisance des moyens humains, financiers et juridiques dont dispose la Cour des Comptes. a) L'insuffisance des moyens Dans ce cadre, la Cour n'est pas dotée en personnel qualifié en nombre suffisant, afin qu'elle soit en mesure d'accomplir sa mission. En effet, comment peut-elle faire face au nombre croissant de comptes qu'elle est appelée à apurer chaque année, si elle ne dispose pas d'un bon nombre de vérificateurs et de magistrats nécessaires à son fonctionnement ? Ainsi, la Cour des Comptes procède en pratique à de modestes contrôles des comptes qui lui sont soumis, sans entrer dans les détails de chaque opération, elle s'assure surtout de l'existence des pièces justificatives de chaque marché, sans plus. Il en est de même pour la déclaration de conformité, adressée annuellement au président de la Chambre des Représentants. A cet égard, la Cour se contente souvent de reprendre les états établis par le Trésorier Général, et les compare avec ceux indiqués par le compte général du royaume établi par la Direction du Budget. Après cette comparaison, et à la lumière de ces états, la Cour procède à la préparation de sa fameuse déclaration générale de conformité. Or, pour qu'un contrôle soit réel et efficace, il doit être approfondi et minutieux, surtout dans le cas des marchés de l'Etat. Leur contrôle doit se pencher sur la régularité d'une pluralité de pièces qui ont fondé et justifié le paiement de ces dépenses par le comptable. Il s'agit de vérifier la régularité des ordonnances de paiements, la justification du service fait et les décomptes provisoires ou définitifs payés. L'immensité donc du domaine à contrôler, et la diversité des pièces à vérifier, avec le peu de moyens en personnel disponible, confirment le caractère superficiel et formel des contrôles de la Cour. Ces limites minimisent le rôle de cette haute juridiction, qui constitue en principe une garantie de la bonne gestion des deniers de l'Etat et de ses marchés, et un informateur indispensable du parlement sur cette gestion. C'est en effet la déclaration de conformité établie par la Cour, qui permet aux représentants de la nation d'être éclairés sur la situation et l'utilisation des finances publiques par le pouvoir exécutif. Toutefois, on constate que cette déclaration générale, n'est pas bien mise en valeur, elle est même dévalorisée, à cause surtout, du retard qui caractérise la préparation de ce document par la Cour, et qui lui ôte son intérêt d'actualité et d'efficacité. En réalité, ce retard est dû en grande partie à la Direction du Budget du Ministère des Finances qui ne communique à la Cour le compte général du royaume et le projet de loi de règlement qu'avec plusieurs années de retard. Ceci étant, le pouvoir de sanctions de la Cour est trop faible, en ce sens que la sanction proprement dite d'une mauvaise gestion, est sans commune mesure avec le préjudice subi par la collectivité, du fait que dans ce cas, la Cour des Comptes, ne prononce à l'encontre des comptables ou ordonnateurs ayant commis l'une ou plusieurs des infractions visées aux articles 54, 55 et 56 de la loi sur la Cour des Comptes, qu'une « amende dont le montant calculé selon la gravité et le caractère répétitif de l'infraction, ne peut être inférieur à mille (1.000) dirhams par infraction, sans toutefois que le montant de l'amende par infraction ne puisse dépasser la rémunération nette annuelle que la personne concernée a perçue à la date de l'infraction »49(*). b) Les obstacles de droit Les limites qui accablent la Cour des Comptes s'intensifient lorsqu'on constate aussi qu'une partie des ordonnateurs échappent à son contrôle, à savoir les ministres. Dans cette optique, lors de la discussion du projet de l'ancien texte de la Cour des Comptes devant la chambre des représentants, un député n'a pas manqué de souligner les limites de ce texte qui ne s'étend pas au contrôle des ministres alors que, selon lui, ce sont eux qui sont responsables des décisions financières les plus importantes et qu'un tel contrôle qui n'intègre pas cette catégorie de fonctionnaires ne peut éviter efficacement les détournements de fonds dans le pays50(*). En plus, ces autorités politiques peuvent étendre leur « immunité » à d'autres responsables de la gestion des crédits, notamment des marchés de leur département et ce conformément à l'article 53 de la loi relative à la Cour des Comptes. Ainsi, les directeurs ou chefs de services peuvent faire couvrir par un ordre écrit du ministre (ordonnateur principal), certaines de leurs décisions irrégulières, non conformes au droit budgétaire et aux règles de la comptabilité publiques. Le problème se pose beaucoup plus quand on combine l'immunité du ministre et l'absolution de son subordonné, en ce sens que l'irrégularité existe bel et bien, son auteur est connu, mais la Cour ne pourra sanctionner ni le ministre immunisé, ni l'agent absous. Ne s'agit-il pas ici d'une atteinte à l'autorité et au prestige de la juridiction suprême de contrôle ? Outre ces insuffisances abordées, la Cour des Comptes subit les méfaits d'autres obstacles parmi lesquels nous citons, la non publication de son rapport d'activité annuel. Cette publication peut avoir un effet dissuasif, et peut aussi sensibiliser l'opinion publique en l'informant sur la réalité de la gestion des finances publiques et des marchés s'y rapportant. * 48 Article 2 de la loi n°62-99 formant code des juridictions financières. * 49 Article 66 de la loi n°62-99. * 50 YATA « discussion du projet de loi devant la chambre des représentants » « débat parlementaire ». p.270. |
|