Le carrefour des quatre-chemins, une "soudure urbaine"
par une centralité commerciale et une composition urbaine et
architecturale
Le carrefour des 4 chemins est l'évènement qui
"fait ville" tant pour le Petit-Colombes que pour le Petit-Nanterre, depuis que
le développement du boulevard au détriment de la rue Colbert a
déplacé le centre de gravité de l'espace vécu au
croisement de cet axe de circulation d'importance. Ce lieu constitue un point
nodal desservi par les transports en commun (7 lignes de bus), constituant un
lieu de passage quotidien dans les itinéraires pendulaires des
habitants. Le carrefour des 4 chemins rayonne jusqu'à ces deux
quartiers également du fait de son marché, qui est un des
principaux lieux de chalandise hebdommaire des habitants de cet ensemble, point
de frottements et de rencontres entre les habitants du Petit-Colombes et ceux
du Petit-Nanterre. Autour, un ensemble de petits-commerces complète
l'offre du marché. A ces divers titres, le lieu méritait une
inscription "territoriale", un aménagement lui conférant une
imagéabilité.
Cette phase de l'aménagement du Petit-Colombes met en
oeuvre une conception fonctionnelle de la centralité, en
développant le tissu de commerces et d'équipements
résidentiels. Le tissu d'équipements localise précisemment
un centre pour le Petit-Colombes, en centralisant les équipements et les
commerces autour de la place Aragon: déplacement du bureau de Poste en
coeur d'îlot accessible depuis la place, création d'une annexe du
commissariat, et au début des années 2000, installation d'une
gallerie commerciale et du supermarché Leclerc. Ces lieux de chalandise
rayonnent jusqu'au Petit-Nanterre, à l'ouest. Outre sa dimension
commerciale, la rénovation du carrefour des quatres chemins s'inscrit
dans la démarche initiée par la mission "Banlieue 89",
encadrée au niveau gouvernemental par les architectes-urbanistes Michel
Cantal-Dupart et Roland Castro, puisque les projets des architectes auteurs des
îlots "Aragon" et "Victor Basch" reçoivent les subventions de
cette mission. Le projet décline ainsi certains des principes
portés par Banlieue 89: "Vos villes sans identité peuvent
à travers des projets en acquérir une, des travaux de
désenclavement peuvent être entrepris, le pire grand ensemble est
remodelable, on
Illustration 13: Trame commerciale du carrefour des quatre
chemins
Illustration 14: Plan extrait de la plaquette de présentation de
la 2ème phase de l'aménagement du boulevard Charles de Gaulle -
Source: Ville de Colombes, 1980
Plaquette de présentation de
l'aménagement du boulevard accompagnant l'élargissement de la
voie à 46 mètres. Le "boulevard urbain résidentiel" est
rythmé au carrefour des quatre chemins par une place se voulant
être un "trait d'union" entre les îlots sud-ouest et nord-est -
Source: Mairie de Colombes, 1981
peut ravauder détruire par endroit, créer
des lieux animés, changer le statut monofonctionnel de certains
bâtiments, renouer avec la géographie ignorée par le
planificateur." (CASTRO, DENISSOF, 2000). Ici, ce n'est pas tant le
remodelage urbain qui trouve expression à travers le projet des
architectes, mais la quête d'identité d'un quartier
"traumatisé" par un axe de circulation de grande importance. A ce titre,
le projet de "vitalisation urbaine" du quartier essaye à
s'incarner à travers une composition urbaine et architecturale,
articulée autour d'espaces publics, complémentaires à la
programmation commerciale et d'équipements.
C'est d'abord une place visuellement continue qui doit
permettre de créer un lien entre les îlots "Aragon" et
"Victor Basch", malgré la séparation provoquée
par l'imposant boulevard Charles de Gaulle. Construites successivement par les
architectes Dugas, Van Bellinghen, Viard, et Bondenet, les différentes
parties de l'ensemble ne dépassent pas la hauteur de 18 mètres.
La forme ouverte des îlots sud-ouest et nord-est cherche à
apporter de l'espace au carrefour, afin de créer une place visuellement
continue, d'une taille générale de 10 000 m², soit 1
hectare, d'une partie à l'autre de l'ensemble coupé par le
carrefour. La forme et l'orientation générale des
bâtiments, de part et d'autre du boulevard, s'inscrit dans une
continuité visuelle et physique. Depuis la place Aragon, la perspective
offerte par la partie Victor Basch est ainsi décomposable en plusieurs
traits fuyants dessinés par la forme des bâtiments. Le centre
commercial, construit 15 années après l'ensemble, s'inscrit
également dans cette perspective en évitant de bloquer
visuellement la place Aragon, à laquelle participent les traits des
bâtiments encadrant tout le carrefour. La disposition de ces deux
sous-ensembles, légèrement décalés par rapport
à l'axe routier, permet de découvrir au piéton un axe
visuel différent du boulevard, aménagée par un square et
des arbres dans la partie sud-ouest (square Victor Basch), et des arbres et un
passage « semi-motorisé » dans la partie nord-est
(place Aragon). La disposition des petites dalles de pierre composant le sol de
l'ensemble concourent à créer cette continuité visuelle,
par la combinaison de deux types de modèles de dallettes de tailles et
de couleurs différentes orientées dans le sens
général de l'ensemble. Dans la partie « Victor
Basch », les jardinières disposées dans le même
sens cherchent aussi à ouvrir la vue vers la partie opposée de la
place. La composition architecturale, visible par le piéton mais aussi
par l'automobiliste de passage, s'affiche également comme un
élément d'identité du Petit-Colombes. Partie place Aragon,
la façade du bâtiment est marquée par une composition
complexe. Le rez-de-chaussée et les cheminements publics du
1er étage créent une profondeur sur la partie
inférieure de la façade, la partie supérieure est
composée de larges baies vitrées aux bordures colorées en
rouge. Le reste de la façade est caractérisé par l'usage
généralisé de carreaux posés de couleur blanche. Un
jeu sur les profondeurs au niveau des étages supérieurs permet
également de mettre en valeur les volumes et de complexifier la
composition de la façade. Ce même jeu sur les volumes permet de
marquer la partie centrale du bâtiment, axe vers lequel fuient les
perspectives vues depuis l'autre rive. Les aménagements paysagers
contribuent aussi à la complexité paysagère. Partie Victor
Basch, deux rangées d'arbres atténuent l'aspect minéral.
Vues depuis la place Aragon, ces deux rangées d'arbres ne laissent voir
que les étages supérieurs des immeubles. La composition
architecturale est là aussi décomposable en des ensembles
visuels: la façade du bâtiment central est doublée par un
mur percé par des formes géométriques carrées et
rondes; la façade du bâtiment de droite est marquée par un
léger renfoncement du premier étage, caché par la
rangée d'arbres au reste du carrefour. La partie gauche de l'ensemble
« Victor Basch » se distingue par une composition
architecturale uniforme, composée de loggias et d'une façade
blanche. Les ouvertures des îlots Aragon et Basch sur le boulevard
s'inscrivent également dans un séquençage visuel de l'axe.
Il fait rupture avec la linéarité des façades de la partie
nord du boulevard, tout en recréant un évènement urbain
après le passage au bord des terrains de la Marine.
Ainsi, l'ensemble "Z.A.C Jeanne Gleuzer" (Place Aragon) et
"Victor Basch" se veut être le "centre vivant autour des 4
chemins", pour reprendre un des principes invoqué par la mairie en
amont de la réalisation du projet. L'ensemble réalisé par
les architectes conforte ce carrefour dans sa fonction commerciale. Il cherche
aussi à incarner une centralité en tant qu'espace
fédérateur d'un quartier, marqué de par sa composition
urbaine et architecturale d'une identité et d'un espace public cherchant
à génerer des haltes et des frottements.
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