Conclusion
L'explication de l'évolution des centralités en
petite couronne grâce à l'approche en terme d'inscription
territoriale des mouvements et des formes de riveraineté s'avère
éclairante dans le cas du boulevard Charles de Gaulle (RD 992), voie
radiale d'importance de l'agglomération parisienne et de La
Défense. Territoire de rejet d'activités industrielles
caractérisé par un urbanisme de bloc et de rives pavillonnaires
étendues, le Petit-Colombes s'est construit au long du
20ème siècle dans un face à face opposant
acteurs de l'aménagement étatiques et communaux.
30 ans après l'aménagement du profil actuel du
boulevard, la requalification de la voie annoncée par l'arrivée
du tramway enclenche une rénovation de ses rives, au coeur de laquelle
s'impose l'image d'une certaine modernité incarnée par la CBD de
La Défense. Le passage d'une situation de sortie de ville (années
1980) à celui d'un « boulevard urbain »
(années 2020 ?) se réalise selon trois dimensions - la
riveraineté, l'image, et les fonctions - au premier plan de laquelle la
riveraineté, et la capacité du quartier à
« faire halte », apparait comme un des facteurs majeur de
la renaissance en terme de centralité du Petit-Colombes. Cette
définition de la centralité au Petit-Colombes permet
d'établir un certain nombre de constats quant à
l'évolution présente et future du quartier.
Les évolutions récentes des formes urbaines du
boulevard et de ses rives dessinent 3 grandes séquences correspondantes
aux futures haltes du tramway, autour desquelles s'affirment des formes plus ou
moins concrètes de centralités: la centralité
« Rond-point », marquée par l'image de sortie de
ville « finie » par l'autoroute, dont
l'intermodalité T1-T2 prévue pourrait reconstituer une trame
commerciale aujourd'hui pauvre. La centralité
« sud » affiche une image « moderne »,
mais reste ségrégée de la ville et du boulevard par une
intégration de la voiture dissociée de la voie, de sorte que
l'espace vécu des cols-blancs de ce secteur ne franchisse pas la rive
est du boulevard. Troisième centralité structurée par le
tramway, le carrefour des quatre chemins, entre-deux des territoires du
Petit-Colombes et du Petit-Nanterre dont la centralité commerciale
demeure encore, malgré la reconstitution des équipements publics
sur les rives nord du boulevard.
Il ressort des évolutions récentes qu'aucun de
ces espaces ne s'affirme en lui-même à travers les trois
conditions de la centralité définies. C'est ce qui justifie
l'enjeu de la couture de ces trois espaces dans un dessein de
« boulevard urbain ». Le projet de « boulevard
urbain commercial » revendiqué par le pouvoir politique
à travers l'expression de « Champs Elysées de
Colombes », se heurte à des limites, puisque la fonction
résidentielle du quartier s'est en certains lieux intensifiée, et
que le renouvellement des types de commerces reste modéré. Si
l'évolution du boulevard tend à constituer un espace vécu
mis sous tension autour de l'ensemble du boulevard, le choix de l'essor d'un
pôle hôtelier (ZAC Charles de Gaulle et ZAC Marine), ou d'une
certaine intégration de la voiture dissociée de la voie, limite
la possibilité de riveraineté.
L'idée générale que l'on pourrait retenir
à l'issue de l'analyse de l'évolution des espaces vécus du
Petit-Colombes est que la requalification de la voie par le tramway ne suffit
pas à elle-seule à revitaliser les pratiques d'un lieu. Assurer
les modalités de la halte automobile selon une configuration propice
à générer de la riveraineté est tout aussi
important, car si la circulation automobile diminuera manifestement sur la RD
992, elle restera encore un vecteur majeur d'urbanité à prendre
en considération. Enfin, on retiendra l'idée que l'empreinte
sociologique inhérente au territoire doit être prise en compte
dans le projet, afin que la 3ème phase de rénovation du boulevard
ne créée pas un nouveau traumatisme urbain. L'urbanisme
« vernaculaire » apparaît dans cette perspective
comme essentiel dans la mise sous tension des espaces centraux à l'image
du carrefour des quatre chemins, ce que les logiques financières
appliquées jusque là n'avaient réussies à faire que
faiblement avec le développement hôtelier du boulevard.
Illustration 51: L'évolution des centralités du
Petit-Colombes: vers un espace vécu structuré par la voie -
Conception et réalisation: Alexandre Laignel
Illustration 52: L'évolution des centralités du
Petit-Colombes: vers un espace vécu structuré par la voie (Partie
2)
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