1.3 Les conditions urbanistiques du boulevard
urbain
1.3.1 Les premières approches
cloisonnées entre voie et îlots
"La caractérisation des multiples combinaisons entre
réseau et milieu a été
abordée à travers des notions diverses, qui illustrent le plus
souvent les préoccupations de champs professionnels distincts"
(Bres, 2005)
Les principes associés à l'urbanisation du
Petit-Colombes sont pour parties associés à une conception duale
entre la production de la voie d'une part, et la production de ses rives
d'autre part. Historiquement, cette dualité se retrouve dans la lecture
et la production de la ville initiées par les architectes et/ou
urbanistes à l'origine des plans d'urbanisme sur lesquels s'est
fondée par la suite la fabrique des espaces urbains. Idelfonso Cerda
oppose les concepts de "mouvement" et de "séjour",
à partir desquels il concevra le plan de la ville de Barcelone. Jacques
Lévy utilisera lui les termes de "réseaux" et
"territoires". Ces différentes approches de la production de la
ville se retrouvent à travers les différents corps de
métiers. L'ingénieur s'intéresse à la trame viaire
pour ces performances techniques: la "rugosité" qu'il entraîne,
son étalement et son accessibilité. Si les
caractéristiques de la trame viaire intéressent
l'ingénieur, celles du territoire qui l'entourent n'ont pas
d'importance.
Incarnée à travers les différents acteurs
de la production de la ville, cette dualité est sous-tendue par
différentes approches mises en lumière par les architectes et
urbanistes des différentes écoles. Cette dualité des
approches a été à l'oeuvre sur la production du territoire
du Petit-Colombes. Le retour sur ces différentes conceptions, et leurs
dépassements réalisés dans la recherche urbaine,
permettront d'établir les critères de lecture et d'analyse de
l'évolution des espaces vécus du territoire.
La morphologie viaire comme support d'une certaine
imagéabilité
Kévin Lynch étudiera, avec d'autres urbanistes
et architectes, la capacité du réseau viaire à "faire
image" à ces usagers, plus particulièrement aux usagers
automobilistes. Il appuie ses propos sur le fait que les objets vus et
perçus par l'individu en mouvement doivent lui permettre de pouvoir lire
le territoire. Le parcours du réseau viaire permet de se construire une
représentation de la ville, mais aussi de comprendre la structure du
réseau et de savoir s'y orienter: "trouver son chemin est la
fonction primordiale de l'image de l'environnement" (LYNCH, 1960).
Plusieurs lieux stratégiques de l'espace urbain participent à
"l'imagéabilité", à la
"lisibilité" de la ville: les carrefours, les places, les
voies... "Faire des repères", "faire des paysages"," introduire des
rapports variables entre les voies et les lieux"... sont autant
d'éléments contribuant à ce dessein. De plus, l'ensemble
de critères permettant d'apprécier les caractéristiques du
réseau participe à rendre la ville lisible: les
propriétés et les spécificités
géométriques (morphologie du maillage) et topologiques
(continuités, discontinuités, rupture...), son "caractère"
plus ou moins introverti suivant sa configuration centrifuge ou
centripète qu'il présente. Cet ensemble de critères
correspond à "l'identité réticulaire" (BRES, 1999). Avec
l'essor de l'automobilité, la question de la lisibilité urbaine
ne se limite plus au traitement plastique des composants du réseau. De
nouvelles typologies viaires naissent de cette nouvelles pratique des voies
(rond-point, boulevard plus ou moins "urbain"...), et la perception des
paysages se fait de plus en plus depuis une automobile en mouvement.
D'autres auteurs ont approfondi certaines facettes de la
réflexion de Lynch. Bill Hillier envisage le lien entre fonction et
forme. Dans le cadre d'une approche ayant trait à l'ensemble de la trame
viaire, cette qualité du lien entre fonction et forme se décline
par le degré d'intégration, de connection des espaces qui le
compose. On qualifiera un espace de bien intégré car il est
relié à d'autres points par de nombreux accès, de
qualité plus ou moins bonne en fonction de l'étendue et de la
densité des champs visuels. Dans une approche similaire, Vaclav Stransky
postule que "l'influence de la forme urbaine sur la vitesse
pratiquée par l'automobiliste peut être isolée d'autres
facteurs susceptibles de jouer, eux aussi, un rôle dans ce domaine".
Ce thème intéresse directement les ingénieurs
chargés des routes, dans la problématique de la
sécurité routière, en justifiant certaines manières
d'aménager (exemple: l'effet "paroi" a une incidence sur la vitesse des
automobilistes). La caractérisation des voies étudiées se
fait ainsi à partir de 11 variables différentes, dont plusieurs
concernent l'espace riverain de la voie: largeur moyenne des parcelles donnant
sur le tronçon; hauteur du bâti; densité des accès
(portes cochères dans le secteur urbain), densité moyenne des
vitrines.
Si cette approche du lien entre voie et îlot apporte une
grille de lecture et d'analyse de la ville au regard d'un concept important,
elle omet d'aborder la question de l'interface entre ces deux espaces.
Affirmée en tant que telle en conclusion dans l'ouvrage de Lynch, la
relation "cinétique" prime avant la relation de la transition
entre ces espaces: "nous nous sommes préoccupés en
priorité du phénomène de mouvement continu et nous sommes
passés rapidement sur le problème de la transition" (LYNCH,
1960).
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