Chapitre III : Initiation et
métamorphoses
La mise en contact du candidat avec un univers de
réalités et de signes dont la satisfaction n'est pas
immédiatement décelable et demeure dérobé au
profane, tel est le sens de l'initiation. L'accès au savoir correspond
à un changement de statut.
I. L'envers des signes
La polysémie et l'ambivalence caractérisent la
présentation des symboles. Tous font jouer la dialectique de
l'être et du paraître (exotérique/ésotérique).
Il existe une relation entre initiation et vision. La connaissance authentique
est rendue en termes de vision exacte, non déformée. Il y a
dissonance entre l'apparence et la réalité. Le symbole
révèle ses caractéristiques polysémiques. Le monde
de figuration du symbole en fait une énigme à
déchiffrer.
Cf. Tableau de code herméneutique
II. L'enclos du sens
Avec son statut d'équivalent abstrait, l'or brouille la
non-équivalence réelle de l'avoir, du pouvoir et du savoir. De ce
point de vue, il est un faux équivalent réel qui fonctionne comme
un vrai équivalent fictif, par sa capacité apparente d'exprimer
le différent sans la figure piégée du même.
Le « tout » de l'or pourrait signifier
qu'il s'échange contre tout. L'or se donne comme une valeur
réelle pouvant s'échanger contre une non-valeur apparente,
laquelle se révèle, en fin de compte être une valeur
réelle, au moment même où l'or devient une non-valeur
réelle. Le principe d'équivalence, par la non-équivalence
qu'il contient et dissimule tout à la fois, exprime la capacité
de métamorphose de l'or. Kaïdara est l'ambivalence
personnifiée. Il ne convient qu'à Kaïdara de parler
de lui-même.
Les moments de codage et de décodage sont à
intégrer au processus global de l'initiation. Le symbole est bien le
seul à instaurer explicitement, comme cadre scénique, un espace
social ordonné selon la règle fondamentale de l'institution
initiatique.
Dans une civilisation d'oralité, les silences
suggèrent plus qu'ils ne disent. Ce qui échappe à toute
profération revendique pour demeure l'implicite. La dialectique de la
parole proférée et du silence fait apparaître l'un et
l'autre comme deux modalités du dire. Elle gouverne le programme de
l'éducation des « héritiers » dans leur
processus de socialisation. Mamoussé Diagne de conclure en convoquant
Pierre ERNY48 : « la parole ne prend sa pleine valeur
que maîtrisée, dominée ; comme le secret valorise la
connaissance, le silence valorise le verbe (...) »
Une civilisation de l'oralité parce qu'elle est une
civilisation de la parole vive est, en même temps une civilisation du
secret, c'est-à-dire du silence. Le Pr de philosophie rappelle une
démarche de Aguessy pour dire que la parole pleine se recueille dans le
silence profond ». Enfouir la « parole profonde »
sans la cacophonie des propos superficiels est peut-être le meilleur
camouflage dans une civilisation ne disposant pas de l'écriture. Le
langage se constitue en labyrinthe où seul49 l'initié
trouve le moyen de s'orienter. Il devient le lieu de l'égarement et de
la perte de soi. C'est dans la mise en scène au service de ce dessein
que les récits initiatiques excellent.
La gestion de la parole ne constitue rien d'autre qu'un
ensemble de mécanismes de contrôle et de sa publicité et de
sa non-publicité. C'est comme le dicton bambara recueilli par D. Zahan
est rapporté par le Professeur
Mamoussé : « si la parole construit le village, le
silence bâtit le monde » car « la parole a
éparpillé le monde, le silence le rassemble ».
Le temps est le principal adversaire de la civilisation de
l'oralité. Pour échapper à l'oubli qui a figure de mort,
elle utilise les procédés comme la dramatisation, le rituel,
l'initiation, les récits épiques ou légendaires.
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