L'effet normatif des conventionspar Dany MARIGNALE Université Paris XII - Master 2 recherche en droit privé 2007 |
B) L'effet normatif, complément de l'effet obligationnel.31. Opposabilité de la norme et efficacité du lien contractuel. Il est possible, on l'a vu, de faire le constat de la production d'un effet obligatoire de la convention qui s'imposera également aux personnes tierces à l'accord de volontés217(*). Cette exception à la règle suivant laquelle les conventions ne nuisent ni ne profitent aux tiers résulte de la différence entre l'effet normatif de la convention qui en fait une véritable règle de droit consacrée par la société et en ce sens opposable erga omnes et l'effet obligationnel de la convention qui, en ce qu'il rend l'individu débiteur ou créancier d'une prestation ne peut concerner que les personnes qui ont donné leur consentement à la constitution d'une telle qualité, les parties au contrat. L'effet normatif est le complément nécessaire de l'effet obligationnel du contrat puisque il incarne la consécration par le Droit des modifications qu'elle opère dans la situation des parties et conditionne en cela une grande partie de l'efficacité des stipulations conventionnelles218(*).
32. Extinction de l'obligation et survivance de la force obligatoire. La convention est la règle de droit qui régit la situation constituée par l'accord de volontés. L'exécution de la convention emporte extinction de l'obligation. Pour autant, elle n'emporte pas l'extinction de la norme. En ce qu'elle indique l'attitude requise à l'endroit des parties, la norme survit à l'obligation et reste le modèle de son exécution conforme : elle indique le Droit applicable à la situation juridique constituée par l'accord de volontés bien après l'extinction de l'obligation en cas de litige postérieur par exemple. Confronter le comportement du contractant à la norme permettra au juge de faire l'appréciation de la régularité de l'exécution litigieuse. C'est ainsi que lorsque la convention prévoit une clause résolutoire219(*) le juge procède à une appréciation du comportement des parties au regard des prévisions conventionnelles. Il fait donc une application de la norme pour annuler les obligations conventionnelles. La norme demeure donc dans l'ordonnancement juridique constituant la règle de droit s'imposant au juge dans la solution du litige et n'est soustraite de l'ordonnancement juridique que pour l'avenir au rebours des obligations civiles qui elles seront réputées ne jamais avoir existé. L'étude des contrats à exécution successive met au jour une conjugaison similaire entre l'effet normatif et l'effet obligationnel. Le contrat a exécution successive contraint les parties à l'exécution d'obligations échelonnées dans le temps. L'explication qui a été retenue pour expliquer la naissance périodique d'obligations invite à considérer que l'ensemble des prestations est dû par le cocontractant dès la formation du contrat et qu'il n'y ait que l'exigibilité des obligations qui soit échelonnée dans le temps. M.ANCEL a fait valoir à quel point il est fictif de considérer que, dans le contrat de travail par exemple, le salarié dispose dès la formation du contrat d'une créance globale de l'ensemble des salaires qui lui seront dus contre son employeur220(*). Il faut avec cet auteur faire le constat d'une seule convention qui est à l'origine d'une pluralité d'obligations et partant d'une pluralité d'exécutions. La norme secrète périodiquement l'obligation civile. Une fois exécutée, ladite obligation s'éteint, mais la norme, elle, subsiste pour régir les échanges à venir et contraindre les parties à l'accomplissement de nouvelles prestations pour les prochaines échéances qu'elle prévoit. L'effet normatif influence le comportement des parties dans l'exécution de l'obligation qui leur incombe mais vient également enrichir le lien contractuel en posant une règle juridique qui s'impose aux parties au-delà de cette exécution. Mais quel est l'apport de l'effet obligationnel à l'effet normatif ? * 217 Voy. supra n° 22 et s. * 218 « de l'opposabilité aux tiers d'un droit ou d'un acte juridique dépend de la pleine efficacité de celui-ci » Encycl. Dalloz, Rép. Dr. Civ., V° publicité foncière, par M.FOURNIER n°1 ; « les conventions doivent rayonner hors du cercle des contractants afin d'exercer pleinement ce rôle essentiel d'instruments des relations juridiques et économiques » J.DUCLOS, L'opposabilité, essai d'une théorie générale, LGDJ, 1984, n°20 p.45 ; en ce sens également Voy. Com. 4 déc. 1990 Bull. Civ., IV, n°307 : « il appartenait à l'Administration des Impôts d'établir par tous moyens compatibles avec le caractère écrit de la procédure fiscale la fictivité, alléguée par elle, d'une quittance de paiement du prix contenue dans un acte de cession qui, engendrant une situation de droit nouvelle, était, à ce titre, opposable à tout tiers, notamment comme élément de preuve ». * 219 La résolution est l'anéantissement rétroactif d'un contrat synallagmatique qui consiste à libérer une partie de son obligation lorsque l'obligation de l'autre ne peut être exécutée. La clause résolutoire est « la clause par laquelle les parties adoptant une condition résolutoire expresse décident à l'avance dans un contrat que celui-ci sera résolu de plein droit, du seul fait de l'inexécution par l'une des parties de son obligation sans qu'il soit nécessaire de le demander au juge et sans que celui-ci, s'il est saisi, dispose en principe d'un pouvoir d'appréciation ».G CORNU, Vocabulaire Juridique, préc. V°résolutoire, clause. * 220 Dans le contrat à exécution successive et à durée déterminée, le débiteur qui rompt prématurément la relation contractuelle peut être tenu de l'exécution de l'ensemble des obligations que le contrat prévoyait (un bailleur a par exemple été admis à exiger du preneur qui quitta prématurément les lieux, le versement de tous les loyers à échoir jusqu'à la fin du bail). Cet élément est invoqué à l'appui de la thèse suivant laquelle le débiteur est tenu dès la formation du contrat de l'exécution d'une seule obligation dont seule l'exigibilité est fractionnée. Elle peut également signifier que le débiteur, assujetti par la règle de droit à laquelle il a consenti, au respect d'un terme, il peut donc être contraint d'honorer son engagement et la résiliation unilatérale de la convention doit conformément à l'article 1134 al. 2 demeurer sans effet. |
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