L'effet normatif des conventionspar Dany MARIGNALE Université Paris XII - Master 2 recherche en droit privé 2007 |
Section 2. Conjugaison et influence mutuelle des effets de la convention.Au sein du contrat le normatif et l'obligationnel se conjuguent et sont à l'origine de l'ensemble des effets de droit produits par la convention. Il convient de mettre au jour l'influence qu'ils exercent l'un sur l'autre. L'examen de l'apport de l'effet normatif de la convention au régime de l'obligation (§1) précèdera la recherche d'un apport de l'effet obligationnel à l'effet normatif (§2). Paragraphe I) Apport de l'effet normatif à l'effet obligationnel.Jalonner le processus de formation de l'obligation d'actes juridiques normatifs permet de façonner le cadre juridique dans lequel l'obligation civile trouvera à s'exécuter. Le régime de l'obligation créée se trouvera ainsi enchâssé dans les stipulations conventionnelles des parties (A). La norme conventionnelle joue par ailleurs un rôle complémentaire de l'obligation et (B). A) La norme conventionnelle au service de l'exécution de l'obligation.30. Extension des effets de l'acte juridique jusqu'à la survenance de l'obligation. Les personnes créancières et débitrices de l'obligation, les modalités de l'accomplissement de la prestation, l'expiration des effets obligationnels de la convention seront autant d'éléments qui s'effectueront conformément aux dispositions de la norme applicable aux parties. Si l'obligation est un lien, l'effet normatif de la convention permet de désigner les personnes ainsi liées alors même que la création de ladite obligation n'est qu'éventuelle. La convention permet en effet aux partenaires de restreindre la faculté de formuler l'offre de contrat au public et de contraindre ainsi l'une des parties à traiter avec la personne désignée par la norme pour le cas où elle y viendrait. Le pacte de préférence organise la création d'une telle règle de droit, astreignant les parties au respect de cette prédétermination conventionnelle de leur partenaire. Le lien obligationnel n'existe pas encore mais les parties qu'il mettra éventuellement aux prises sont d'ores et déjà désignées par l'acte juridique. Davantage encore la désignation par la norme des parties au contrat permet également la substitution d'un tiers à une partie contractante au cours de l'exécution de la convention par l'effet d'une cession de contrat. Il s'agit bien de la même obligation et du même contrat le cessionnaire jouissant des mêmes prérogatives que celles dont son auteur disposait en vertu de la convention. Cette convention n'organise pas, en elle même la production d'une obligation. Elle se borne à attribuer à un tiers au contrat la qualité de créancier par la production d'une nouvelle règle de droit qui se substituera à la norme initiale mais seulement dans la désignation des sujets du rapport de droit que la norme met en place. L'effet normatif des stipulations conventionnelles permettra également aux parties de poser les conditions du déclenchement de la phase obligationnelle de la convention, phase plus active dans laquelle les obligations civiles trouveront à s'exécuter. La convention aura effectivement pour effet la création d'une norme qui prévoit la naissance d'une obligation entre les deux parties au contrat mais exigera, pour la production de cet effet obligationnel, la survenance de certains éléments. C'est ainsi que la stipulation d'une condition211(*) pourra constituer le critère du déclenchement de cette phase dynamique de la convention, condition par laquelle les parties soumettront l'existence de l'obligation à la réalisation d'un évènement futur et incertain. La stipulation d'une condition suspensive en conditionnera la naissance, la condition résolutoire en prévoira l'extinction. En ce que sa consultation permettra de savoir si ladite condition est réalisée, la convention constituera alors pour les parties comme pour le juge un étalon, un « modèle concret de ce qui doit être ». Dans cette même veine, la stipulation d'un terme212(*) dans la norme conventionnelle permettra aux parties de déterminer les éléments auxquels seront subordonnés la fin de cette phase active de la convention, l'extinction de l'obligation civile. La normativité de la convention de cautionnement contraint ainsi les parties au respect de la règle juridique prévoyant que la caution devra assumer les prestations qui étaient dues par le débiteur initial pour le cas où celui-ci serait défaillant. La norme prévoit l'élément déclencheur de la phase active de la convention, les conditions dans lesquelles la caution deviendra débitrice du créancier (la survenance d'une dette impayée) et les conditions dans lesquelles l'obligation naîtra entre les deux parties au contrat. Ainsi, toutes les dettes nées durant la période de validité de la norme conventionnelle seront soumises au Droit qu'elle met en place : la caution sera tenue d'en assurer la garantie. En revanche, une fois le lien contractuel dissolu, la norme disparaît. Le Droit qui imposait cette couverture ayant disparu de l'ordonnancement juridique de la caution, il n'y a plus de fondement juridique auquel rattacher son obligation de payer qui se trouve ainsi libérée. Le contrat cadre organise la production d'un effet normatif qui à son tour façonnera le contenu des prestations qui naîtront des contrats d'application. En consentant à une promesse de contrat, le promettant fixe les conditions générales de formation de l'obligation, le prix, l'objet de l'obligation qui naîtra du contrat subséquent... Le rôle limité du juge s'agissant de l'adaptation de l'accord de volonté aux contingences économiques et sociales aboutit à des situations de déséquilibrage entre les prestations fournies et interdit toute intervention du pouvoir judiciaire visant au sauvetage du contrat. La norme permet de corriger l'écart que le contexte économique est susceptible de creuser entre le poids de l'exécution de l'obligation, et l'économie du contrat voulue par les parties au moment de sa formation. Elle permet aux parties d'infléchir la rigidité du lien obligationnel en prévoyant son adaptation au contexte économique qui préside à son exécution. Ainsi les clauses d'indexation du prix sur un indice sont elles admises213(*), de même que les clauses de renégociation qui permettront un rééquilibrage des prestations fournies par chaque partenaire, et les clauses de « hardship »214(*), qui peuvent prévoir une « porte de sortie » aux partenaires en prévoyant la résiliation du contrat en cas d'échec des tractations visant à l'adaptation du contrat. L'effet normatif de la convention permet de faire de l'économie du contrat un standard, une règle juridique cristallisée dans la convention et à laquelle l'exécution de l'obligation devra être soumise ce qui constitue un apport en souplesse considérable à l'effet obligationnel de la convention. La responsabilité contractuelle n'étant pas une matière d'ordre public les parties ont la liberté de construire le régime qui sera applicable à leurs manquements contractuels. Il leur est ainsi loisible de définir les éléments constitutifs de ce qu'ils désigneront comme étant une faute contractuelle engageant leur responsabilité et d'envisager par avance la sanction de l'inexécution de l'obligation en limitant conventionnellement l'étendue de la réparation215(*), même de fixer par avance le montant des dommages et intérêts par l'insertion d'une clause pénale216(*), ou à l'extrême de prévoir, par la stipulation d'une clause résolutoire, la fin de la relation contractuelle. Dans toutes ces hypothèses, l'acte juridique déploie son effet normateur jusqu'à la survenance de l'obligation et réalise ainsi une véritable configuration de l'obligation civile à tous les niveaux de la relation contractuelle, tant au stade de sa formation qu'au stade de son exécution et de son extinction. Le normatif est alors au service de l'obligationnel contribuant à l'édification de l'ensemble des règles juridiques qui en gouvernent l'exécution. Toutefois, l'effet normatif remplit également une fonction « complémentaire » de l'effet obligationnel dans laquelle il jouera un rôle plus autonome. * 211 « Modalité de l'obligation subordonnant la formation ou la résolution de celle-ci à la survenance d'un évènement futur et incertain. » G.CORNU Vocabulaire Juridique, éd. PUF V°condition. * 212 « Modalité d'une obligation généralement contractuelle subordonnant son exigibilité ou son extinction à l'arrivée d'un évènement futur qui, au moment de l'engagement, est de réalisation certaine. » G.CORNU Vocabulaire Juridique éd. PUF V°terme. * 213 Modalité imprimée à une obligation de somme d'argent par une convention (clause d'indexation), qui tend à faire varier le montant de cette obligation en fonction d'un élément objectif de référence nommé indice. L'indexation conventionnelle est licite si l'indice choisi se rattache à l'activité de l'une des parties ou à l'objet du contrat. * 214 « Espèce de clause de révision ou d'adaptation, encore nommée clause de sauvegarde en vertu de laquelle les parties à un contrat s'engagent à renégocier le contenu de leur accord lorsque les circonstances extérieures lui ont fait subir de profonds déséquilibres ». G.CORNU, Vocabulaire juridique... préc. V°hardship, (clause de) * 215 Article 1150 du Code civil. * 216 « Clause comminatoire en vertu de laquelle un contractant s'engage en cas d'inexécution de son obligation principale (ou en cas de retard dans l'exécution) à verser à l'autre à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire - en général très supérieure au montant du préjudice réel subi par le créancier (et appelée peine stipulée) - qui en principe ne peut être ni modérée ni augmentée par le juge sauf si elle est manifestement excessive ou dérisoire. (C.civ., art 1152 du C.civ. ; comp. art. 1231). » G.CORNU Vocabulaire juridique, préc. V°pénale, clause. |
|