III. DANGERS
Les entreprises sont bien d'accord aujourd'hui pour
intégrer différents canaux dans leur stratégie marketing.
Mais se pose alors la question, non plus du choix d'un canal, mais de la
combinaison optimale entre plusieurs canaux. Nous nous attacherons ici à
mettre en évidence les dangers potentiels d'une démarche «
multicanal >>.
1. Une accumulation de canaux de contact sans
véritable intégration globale
Lorsqu'un seul, voire deux canaux existent pour prendre
contact avec le client, par exemple la visite et le courrier, la
réception dans une agence et le téléphone, la segmentation
en terme de communication est relativement simple. Les clients importants sont
visités et joints par téléphone, les clients les plus
modestes sont contactés par téléphone, les plus petits
clients ne méritent qu'un simple courrier. A terme, si de nombreux
canaux sont mis en oeuvre pour chaque client, la démarche conduit
à rattacher chaque canal à un besoin spécifique. De ce
fait, le client traité de façon morcelée, devient
insatisfait.
Là se trouve une réelle limite du multicanal.
Celui-ci entend tronçonner le client selon la nature et l'objet du
contact, alors que le client lui, bien au contraire, veut une porte
d'entrée unique capable de répondre à toutes ses
interrogations ; que ce soit une demande d'informations, une
réclamation, une décision d'achat d'un faible montant ou d'un
montant élevé.
Plus le nombre de canaux est élevé, plus la
coordination est délicate. La gestion en parallèle des actions
induites par le multicanal est très difficile. Marier avec
habileté le site qui donne des informations et permet de prendre des
commandes, les mailings spécifiques, les supports techniques,
l'emailing, les prises de rendez-vous grâce à un centre d'appels,
ou un bon accueil dans une agence relève de l'exploit.
2. Un décalage entre les informations fournies
par chaque canal
Un des risques aussi est de ne pas arriver à
créer une synergie entre les différents canaux utilisés.
Cela peut être le cas si l'entreprise n'arrive pas à faire
interagir ensembles tous les outils utilisés dans le cadre du
multicanal. Il faudrait par exemple que si un consommateur en fonction de la
quantité d'articles présentés sur le site Internet passe
une commande, le stock physique soit suffisamment approvisionné pour que
ce client soit satisfait.
La gestion « just-on-time » est de rigueur. Si un
sms est envoyé à un client, l'opérateur dans le call
center doit déjà être préparé à
répondre aux différentes questions que ce sms peut engendrer chez
les clients. Une chaîne qu'on imagine parfaitement huilée peut
facilement être rompue s'il y a un défaut de communication de
toutes les informations échangées avec les prospects ou les
clients à toutes les personnes de l'entreprise concernées par la
gestion des clients. Evidemment il n'est jamais possible de partager
l'information en temps réel à toutes ces personnes.
3. Des clients insatisfaits par des canaux
inadaptés
De nombreux désagréments sont ressentis par les
clients : hot-line jamais joignable, numéros de téléphone
toujours occupés ou ne répondant pas, automates
téléphoniques qui sont organisés pour dissuader le client
d'aller choisir le contact direct avec un conseiller ; sites Internet dont le
maniement est incompréhensible, dont le design ne pousse pas à
continuer la consultation, voire dont certaines pages sont impossibles à
ouvrir, impossibilité d'imprimer les pages utiles, absence de
renseignements précis sur ce que l'on souhaite.
Lorsque le client est l'initiateur du contact, il attend une
réponse rapide. Lorsque c'est l'entreprise qui en est initiatrice, le
consommateur souhaite être contacté de manière
ciblée, c'est-à-dire dans des conditions qui ne l'importunent
pas. Sur ces deux plans, le multicanal pourrait présenter des limites
:
· Les canaux à distance sont une
source emblématique de l'insatisfaction des clients
Lorsqu'un client attend un contact adapté, lorsqu'il se
trouve dans une situation singulière, lorsqu'il pense avoir droit
à un traitement personnel, le canal à distance, sans la
présence d'un interlocuteur, ruine la qualité perçue du
service. Toute diminution de certains indicateurs de satisfaction engendre chez
le client, à très court
ou à plus long terme, un désir de changer de
fournisseur pour retrouver une richesse relationnelle jugée perdue.
· Le client n'admet pas les traitements
différenciés
Un client est une personne unique, qui ne peut se
résoudre à être traitée de façon
différente selon les services qu'il attend. De plus, le client est
à l'évidence client de plusieurs entreprises dont il peut
aisément comparer les offres, qu'elles soient dans un même domaine
d'activité ou non. Le particulier compare les efforts de son banquier
pour le solliciter ou l'informer avec ceux entrepris par une autre banque
(lorsqu'il est multi bancarisé) ou avec ceux de son conseiller
d'assurance. Tout est comparé, tout est vérifié. Le client
repère les qualités, les défauts et les limites de la
stratégie multicanal de l'entreprise dans laquelle il va ; lorsque
celle-ci cherche à atténuer le coût de contact, le risque
couru est celui de la dégradation de la qualité de service offert
que le client ne manquera pas de constater.
Les grandes marques à réseau peinent
à maîtriser leur dispositif multicanal
Chacun reconnaît que « cette multiplication des
canaux a complexifié la relation que les banques entretiennent avec
leurs clients. Nous avons tous eu tendance à développer ces
canaux en les impliquant de manière successive et peut-être de
manière un peu trop cloisonné. Les banques ont conçu
Internet en termes d'architecture informatique, davantage comme un nouveau
produit que comme un nouveau canal. Résultat : les systèmes
fonctionnent mais des progrès considérables peuvent être
accomplis en matière de cohérence.
Source : Les Echos, Novembre 2002
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