1.4) Les troubles de l'activité de PRODH chez les
eucaryotes supérieurs
Au cours de ces 15 dernières années, la
séquence primaire de la protéine PRODH a été
identifiée chez tous les organismes eucaryotes les plus
communément étudiés. En parallèle,
un certain nombre d'études médicales,
réalisées chez des eucaryotes supérieurs, ont
récemment permis de caractériser les bases moléculaires
cliniques des troubles de l'activité de
la proline déshydrogénase.
1.4.1) L'hyperprolinémie de type I
La première séquence primaire de proline oxydase
(baptisée PUT1) a été découverte
en 1986 chez la levure Sacchamoryces Cerevisiae (Wang
& Brandriss, 1986). La séquence de cette protéine a ensuite
été identifiée chez la mouche Drosophila Melanogaster
(Hayward et
al., 1993), puis chez la plante Arabidopsis
Thaliana (Verbruggen et al., 1996) sur la base d'une homologie de
séquence avec la protéine PUT1. Ce n'est qu'en 1997 que
le gène PRODH humain a été localisé au
niveau de la région q11 du chromosome 22 (Campbell et al.,
1997). Ce gène est principalement exprimé au
niveau du foie, des reins, et du cerveau
(Maynard et al., 2003).
Une perte d'activité de la proline oxydase se
caractérise sur le plan biochimique par une hyperprolinémie de
type I, c'est-à-dire un taux anormalement élevé de
proline dans l'organisme (Efron, 1965). Chez les patients
hétérozygotes, cette maladie rare autosomale récessive
est dite « silencieuse » et conduit généralement
à une hyperprolinémie bénigne associée à
des désordres mineurs. Cependant, des manifestations
neurologiques sévères (retard mental et épilepsie)
ont récemment été rapportées chez plusieurs
sujets atteints d'hyperprolinémie de type I (Humbertclaude et al.,
2001), et notamment chez deux enfants porteurs d'une délétion
homozygote du gène PRODH, ou de la mutation rare L441P à
l'état homozygote (Jacquet et al., 2003 ; Jacquet et al., 2002). Ces
deux enfants souffraient d'une forme sévère
d'hyperprolinémie de type I associée à des retards
psychomoteurs (Jacquet et al.,
2003). Les souris Pro/Re et les mouches slgA
représentent des modèles animaliers intéressants
pour étudier les bases moléculaires de l'hyperprolinémie
de type I. La lignée de souris Pro/Re comporte une mutation faux
sens homozygote du gène PRODH qui entraîne une
terminaison précoce de la traduction de la région C-terminale de
la protéine (Gogos et al.,
1999). Ces souris sont spontanément
hyperprolinémiques avec un niveau de proline 7 fois
supérieur à la normale. L'activité de PRODH
s'avère déficiente au niveau du foie, des reins,
et notamment du cerveau. Les souris Pro/Re présentent
des anomalies d'apprentissage et de la réaction de sursaut
associées à une diminution des taux de glutamate, de
GABA, et d'aspartate dans le cortex frontal. De manière
intéressante, ces types de trouble sont également
observés chez les souris hyperprolinémiques slgA, qui
comportent plusieurs mutations du gène PRODH, et qui
présentent un comportement psychomoteur léthargique (Hayward
et al., 1993). Le glutamate étant un neurotransmetteur de
jonctions musculaires dans le cerveau, il est proposé que les
troubles neurologiques constatés chez l'homme, la souris, et la
mouche, soient dus à une diminution du taux de glutamate dans
le cerveau, induite par une réduction d'activité de la proline
oxydase (Gogos et al., 1999 ; Hayward et al.,
1993). Selon cette hypothèse, le catabolisme de la
proline serait une des principales voies métaboliques conduisant
à la formation de glutamate dans le cerveau.
1.4.2) PRODH et schizophrénie
L'hypothèse de l'implication du gène PRODH
dans le déterminisme génétique de la
schizophrénie a relancé l'intérêt suscité
par cette enzyme mitochondriale. La schizophrénie
est une maladie qui affecte les fonctions supérieures du
cerveau et qui est caractérisée par la présence
d'hallucinations, de délires, et d'une dissociation mentale,
symptômes se traduisant
par un comportement atypique ou inadapté du sujet
atteint (pour revue : Murphy, 2002). Cette pathologie constitue une
préoccupation majeure de santé publique en raison de sa
prévalence (environ 1 % de la population), de son âge de
début précoce (dans 50 % des cas avant 23 ans),
et des troubles du comportement qu'elle implique
(prévalence élevée des suicides, de la toxicomanie,
et de comportements agressifs). Des études de jumeaux, qui
consistent à comparer le taux de concordance de la maladie au sein de
paires de jumeaux monozygotes par rapport à celui retrouvé au
sein de paires de jumeaux dizygotes, montrent que les facteurs
génétiques sont pour la plus grande part à
l'origine de la schizophrénie (McGuffin et al.,
1994). Toutefois, aucun gène de susceptibilité
n'est actuellement identifié avec certitude.
L'implication de la région chromosomique 22q11
(qui comporte le gène PRODH) dans le déterminisme
génétique de la schizophrénie a été
suggéré par la fréquence élevée de traits
schizophrènes retrouvée chez les patients atteints du syndrome de
Digeorge (incidence environ 20 fois supérieure à celle
observée dans la population générale) (Murphy et al.,
1999).
Ce syndrome se caractérise chez 95 % des sujets atteints
par une microdélétion hétérozygote
de la région q11 du chromosome 22 qui affecte le
gène PRODH (Hoffmann & Vadstrup,
2000). De manière intéressante, certains
troubles associés à l'hyperprolinémie de type I,
comme la diminution de l'inhibition de la réaction de sursaut
chez la souris Pro/Re, sont également présents dans la
schizophrénie (Chakravarti, 2002). Sur la base de ces
observations, le gène PRODH a été
défini comme candidat dans l'étiologie de la
schizophrénie. Dans l'optique d'établir le lien entre
l'hyperprolinémie de type I et la schizophrénie, des
études de recherche de variations nucléotidiques du gène
PRODH ont été réalisées chez des patients
schizophrènes et chez des sujets témoins. Certaines d'entre
elles
ont mis en évidence une augmentation de
la prévalence de mutations conduisant à
l'hyperprolinémie de type I dans des échantillons de patients
schizophrènes (Liu et al., 2002 ; Jacquet et al., 2002). En revanche,
d'autres études uniquement basées sur des statistiques de
variations nucléotidiques n'ont révélé aucun
lien entre le gène PRODH et la schizophrénie
(Williams et al., 2003 ; Fan et al., 2003). L'association entre la proline
déshydrogénase et la schizophrénie est donc une
hypothèse qui, à ce jour, reste très
controversée.
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