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L'impact des décisions administratives sur le suivi éducatif des mineurs étrangers isolés et des jeunes majeurs en France

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par Roland TCHOUAGA
Institut national de formation et d'application - Diplome d'état d'éducateur spécialisé 2006
  

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B. Les missions du «Service Mineurs»

Une convention cadre a été signée d'une part entre l'Etat, représenté par la Direction des Affaires Sanitaires et Sociales, et d'autre part le service mineurs et d'autres associations partenaires. Le travail s'articule à partir de la problématique des Mineurs Etrangers Isolés, victimes de trafics de toutes sortes, se prostituant ou tout simplement abandonnés par les adultes, les ayant laissé à leurs sorts, une fois arrivés en France. Le service mineur se veut être un sas entre la rue et une vie sociale.

1) Méthodes de travail.

Je vais montrer ce qui fait spécificité du «service mineur.» dans l'approche et la problématique des mineurs étrangers isolés.

Les jeunes sont reçus dans le service sans aucun mandat administratif ou judiciaire. Le service mineur a cette spécificité dans son approche de la problématique des mineurs étrangers isolés que d'une part, il part à la rencontre des mineurs dans la rue et sur les «lieux de travail» et que d'autre part, il reçoit ceux-ci dans le service pour un accueil et une mise à l'abri.

a) les maraudes.

Nous avons mis en place des tournées de rue, dans l'après midi et en soirée. Il s'agit de se rendre dans des squats et foyers de migrants, les boulevards périphériques, le «Bois de Boulogne» et de «Vincennes». « Le service mineurs » travaille aussi avec d'autres associations, partenaires ou non avec le dispositif. Certaines associations mènent des actions qui diffèrent des nôtres et nous contactent souvent lorsqu'il s'agit de mineurs. Ils nous sollicitent donc pour une évaluation avec ledit mineur, de sa situation. D'autres jeunes qui s'en sont sortis peuvent aussi communiquer notre numéro de portable de rue pour leurs compagnons en difficulté dans la rue. Parfois motivés par les premiers, ils peuvent mettre du temps avant de se décider à quitter la rue.

O. est roumain. Arrivé en France par un passeur à qui sa famille aurait payé le voyage, il dit devoir travailler pour rembourser l'emprunt fait par sa famille. Quand nous allons à sa rencontre le soir, il n'est pas très bavard à la première rencontre. Il veut juste quelque chose à manger. C'est à la troisième rencontre qu'il nous expliquera «qu'il a 16 ans et qu'il veut «travailler» jusqu'à ses 17 ans et arrêter la rue». M. a dix-sept ans. Elle est nigériane. Elle serait arrivée en France avec une tante qui aurait promis à ses parents de «l'aider à réussir dans la vie». La famille aurait emprunté de l'argent pour financer le voyage. Arrivée en France, elle s'est retrouvée dans un réseau de prostitution. Elle nous explique : «J'ai envie d'arrêter ce que je fais pour aller à l'école. Mais si je ne paye pas les dettes de mes parents, ils seront tués.» Tels sont les quelques dilemmes auxquels sont souvent confrontés ces mineurs. Quand ils nous demandent comment nous pouvons les aider, nous leurs proposons un accueil dans le service pour les mettre à l'abri dans un premier temps.

b) l'accueil.

Au cours des premiers temps de l'accueil du mineur dans le service, il faut satisfaire à ses besoins les plus élémentaires : manger, prendre une douche, se changer, dormir ou se reposer.

Nous avons constaté que beaucoup de jeunes arrivent dans un état de grande fatigue, de faim et de dénuement. Le travail éducatif visera la satisfaction de ces premiers besoins. Deux référents sont attribués aux jeunes dont un issu de sa culture ou parlant sa langue. La prise en charge de l'aspect culturel parait importante dans l'accompagnement du mineur. Les premiers temps de l'accueil servent aussi au recueil des premiers renseignements. Dans la mesure du possible, nous tentons d'obtenir son nom, son prénom, son âge et sa nationalité. Ces renseignements servent à lui créer un dossier référencé, interne au service. Il sert aussi au «pré signalement» auprès du parquet et de la cellule d'accueil des mineurs isolés étrangers (C.A.M.IE.). Le parquet, à son tour, enverra une réponse au «pré signalement», en communiquant un «dossier parquet».

Les référents éducatifs sont chargés d'accomplir ces formalités. Le jeune peut avoir envie de parler ou de se raconter tout de suite ou le lendemain. Il s'agit d'être disponible à son écoute sans qu'il se sente sous pression. Je vais le rassurer en lui parlant de mon travail. Lui faire visiter la structure et lui présenter le personnel et les autres jeunes participent au travail de mise en confiance que nous privilégions lors de l'accueil.

c) Le référent éducatif.

Il va suivre le quotidien du jeune dont il a la charge, mettre en place des entretiens pour la reconstitution de son histoire, aider le jeune dans la recherche de son identité. Il accompagne aussi le jeune dans les démarches administratives, sanitaires et juridiques. La référence se fait en binôme avec un des deux connaissant la culture ou parlant la langue. L'autre éducateur non issu de la culture sert à avoir, entre autre, un «regard extérieur».

Le but de la référence est de rendre plus efficace l'accompagnement à la problématique du jeune.

d) L'accompagnement socio-éducatif.

Comme je l'ai mentionné précédemment, l'accompagnement éducatif est basé sur l'évaluation des besoins et des problématiques que rencontre le jeune. L'éducateur doit tenter d'adapter ses réponses et rendre le jeune «acteur de son projet».

Pour mener à bien les projets du jeune, l'outil de travail le plus utilisé est l'entretien.

- L'entretien.

Il vise deux objectifs principaux, celui de permettre au jeune de se soulager par la parole, puis de formaliser ses projets. Avant de démarrer l'entretien, le jeune doit être informé du but et de la durée de l'entretien. Comme je l'ai déjà dit, Il faut éviter de se mettre en tête l'idée que l'enfant ment ou tendre à la culpabilité. Il se peut aussi, qu'à l'issue de l'entretien l'équipe mette en place une évaluation scolaire interne ou externe. Je parlerai plus loin des objectifs de l'entretien.

- L'accompagnement

Le jeune qui arrive avec un document d'identité (passeport ou carte d'identité) après son évaluation, sera présenté à la CAMIE (Cellule d'Accueil des Mineurs Isolés Etrangers) qui est un service de l'Aide Sociale à l'Enfance, pour une prise en charge socio-éducative.

Si le jeune n'a en sa possession aucun document d'identité il sera désormais mis en contact avec les autorités consulaires de son pays.

Le jeune se présentant dans le service sans documents d'identité est aidé dans la recherche de ces documents s'il dispose d'un contact dans son origine, sinon il sera présenté aux autorités de son pays. Certains jeunes se les font confisquer par les passeurs à leur arrivée

D'autres encore en proie à des réseaux de trafiquants (qui ont pris les papiers), les ont obligés à se prostituer.

Quand nous ne pouvons pas obtenir les papiers, le jeune est orienté vers la CAMIE (Cellule d'Accueil des Mineurs Isolés) qui demande « un examen de maturation osseuse » auprès du parquet. Ce qui est avantageux en cas de déclaration de minorité, mais de grosses difficultés en perspective en cas de déclaration de majorité du jeune.

Désormais quand les jeunes se présentent sans ses documents, suivant les motifs justifiant de l'absence de ces documents, une déclaration de perte ou de vol est faite auprès des autorités de police.

L'éducateur les accompagne par la suite à l'ambassade de son pays.

La démarche auprès de l'ambassade a pour but de présenter le jeune aux autorités de son pays d'origine, afin qu'il soit reconnu en tant que un ressortissant de ce pays.

Ces autorités consulaires vont reconnaître l'identité du jeune et produire des preuves qui seront présentés aux autorités françaises.

Dans ce cas comment l'éducateur va définir les priorités entre les différentes urgences qui se présentent et auxquelles est confronté le jeune ?

Si nous partons du postulat que l'éducateur appuie son intervention essentiellement sur l'établissement d'une relation avec les personnes qui viennent à lui ou qui lui sont confiées, il s'agit pour l'éducateur de mettre en place des moments de partages, d'échanges.  C'est cette présence auprès du jeune, de son vécu émotif que l'on appelle  relation. L'intervention de l'éducateur se doit d'être axée sur trois pôles : « le sujet, objet de l'intervention »13(*),  l'intervenant  et le « contexte dans lequel se déroule l'intervention ». J'ai constaté durant mon stage au sein de ce service que toute relation éducative est basée sur la confiance. A l'arrivée de la plupart des mineurs, beaucoup sont dans un état de faiblesse, de fatigue, de fragilité et de vulnérabilité. Comment mettre en place une relation basée sur la confiance quand j'ai en face de moi un jeune qui a été trahi par les adultes ? J'ai compris que la meilleure façon de le mettre en confiance afin d'aborder sa problématique est de prendre conscience de multiples concepts liés à sa problématique qui l'assaillent d'où le développement d'outils spécifiques adaptés aux jeunes, aux normes de l'institution utilisés par toute l'équipe.

Les outils les plus couramment utilisés par l'équipe sont : l'écoute, l'observation, l'entretien et la relation d'aide.

L'écoute.

C'est un dispositif, une façon d'être, un positionnement qu'en tant qu'éducateur je dois mettre à la disposition de l'autre afin de comprendre ce qui l'a amené jusqu'à moi. Il s'agit comme le mentionne le dictionnaire Petit Larousse, d'être «attentif et réceptif» à la parole de l'autre. C'est en l'écoutant que je vais comprendre et identifier son problème. Je vais ensuite le rassurer et lui expliquer mon rôle. Le dispositif d'écoute est un outil à part entière utilisé par l'équipe éducative à divers moments de la prise en charge ; que ce soit lors de la rencontre dans la rue, l'accueil dans le service, les entretiens.

L'écoute du jeune donne un sens à sa présence dans le service, et détermine la suite de la prise en charge. Michel Lemay et Maurice Capul distinguent deux niveaux d'écoute. « Le premier niveau d'écoute permet au jeune de se sentir compris et le deuxième va consister à «décoder les contenus latents »» Cela permet de déceler ce qui se cache derrière les expressions dites et non dites. Cela va déboucher sur une relation basée sur la confiance et le respect mutuel et pour l'éducateur à l'acceptation de la personne dans ses richesses et ses limites.

L'observation.

Le dispositif d'écoute intègre aussi celui de l'observation. L'éducateur observe la parole du jeune, puis sont comportement général en lien avec son évolution dans le service. C'est ainsi que les différentes démarches et activités mises en place visent à une meilleure compréhension de toute la problématique du jeune. Le but est pour l'équipe d'être au plus près de la réalité de la demande du jeune et à avoir une orientation qui réponde à ses capacités réelles.

L'entretien.

L'entretien est le lieu où se pratique l'écoute et l'observation. Au cours d'un entretien de prise en charge et/ou d'admission et d'un entretien éducatif, c'est par la parole, le désir de verbaliser les actes et les actions avec et pour le jeune que se déroule l'entretien. Il sert à recueillir les informations sur le jeune, sa vie, son histoire. C'est naturellement par l'écoute de ce que l'autre transmet que nous lui démontrons «respect et estime» affirme Michel Lemay et Maurice Capul. Dans le cadre de ma fonction, j'ai conduit des entretiens formels et informels.

Entretiens formels : Ce sont des entretiens obligatoires qui font partie du contrat d'accueil du mineur.

On distingue l'entretien d'accueil, les entretiens au cours des suivis éducatifs et les entretiens d'orientation.

Les entretiens informels : se déroulent sans rendez-vous, sans contrat, presque dans la spontanéité. Si le jeune rencontre des problèmes, se pose des questions à son sujet, sur nous, sur les autres, s'il a juste besoin d'être écouté, les entretiens informels servent à cela. C'est un entretien centré sur la personne et ses craintes. C. est accueilli depuis deux mois au centre. Elle trouve le temps long. Elle se demande pourquoi «rien n'avance depuis que nous avons envoyé le courrier chez le juge». Le travail d'observation va tenter de comprendre quel sentiment ou ressentiment la jeune cache derrière sa question. Dans «pourquoi rien n'avance ?», nous entendons une angoisse développé par le temps (qu'elle trouve long) de sa prise en charge qui ne devrait pas excéder 15 jours selon le contrat. «L'entretien sur le champs» (encore faut-il réunir tous les éléments nécessaires : collègues, temps ...) va permettre d'écouter, d'entendre et de répondre aux angoisses de celle-ci.

* 13 MICHEL LEMAY et MAURICE CAPUL: « de l'éducation spécialisée », MONTREAL, ERES, 2000, P116.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote