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L'apprentissage du langage et le bilinguisme précoce chez les jeunes enfants au sein des familles migrantes


par Mina Borelli
ENSEIS Haute Savoie - Diplôme d'Etat d'Educateur de Jeunes Enfants (DEEJE) 2020
  

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PARTIE III : L'ENQUÊTE DE TERRAIN

I. Exposition de la problématique et des hypothèses de départ

Cette première partie de recherches documentaires a permis d'approfondir et d'avoir une vision plus globale concernant l'accompagnement à l'acquisition du langage par le jeune enfant et des enjeux relatifs aux transmissions familiales au sein des familles migrantes. Après ces précisions, je peux maintenant formuler une problématique : « En quoi les professionnels ont une place et/ou un rôle dans l'accompagnement de l'apprentissage du langage auprès des familles issues de l'immigration ? ». Lors de la phase exploratoire, nous avons pu toucher du doigt de nombreuses sensibilités au sein de cet apprentissage et au sein même de la famille, sa construction en lien avec l'immigration et son intégration dans le pays d'accueil. Par cette enquête auprès des professionnels et l'observation des familles, j'aimerais pouvoir observer qu'est ce qui est mis à l'oeuvre dans les accompagnements faits ou les réflexions portées par les équipes et les structures.

Mon hypothèse en réponse à cette problématique sont que, oui, le professionnel peut jouer un rôle et trouver une place adéquate dans l'accompagnement au développement langagier de ces enfants, mais selon certaines conditions. Les conditions auxquelles je pense à ce moment T de ma recherche, sont : la conformité de l'accompagnement réalisé avec les attentes, valeurs et idées de la famille ; le respect des besoins de l'enfant, de son développement et de l'intérêt des actions mises en place dans son sens ; et à condition que cet accompagnement soit en accord avec les missions et moyens de la structure ou du (des) professionnel (s).

1. Les outils d'enquête et les destinataires

Pour cette enquête, j'ai choisi d'utiliser différents outils d'enquête qui sont des questionnaires et entretiens en direction des professionnels et l'observation des familles dont la langue première n'est pas le français et accueillies au sein de l'AME. Pour aborder différentes pratiques professionnelles et différents types d'accompagnement, j'ai fait le choix d'interroger des professionnels ayant différents diplômes et travaillants dans des structures variées. Les professionnels interrogés sont tous des acteurs de l'accompagnement pluridisciplinaire fait autour du langage de l'enfant et dans le soutien à la parentalité.

A- Questionnaire en direction des professionnels travaillant en EAJE

Dans un premier temps, j'ai souhaité interroger les pratiques professionnelles au sein des Etablissement d'Accueil des Jeunes Enfants (EAJE) sur ce sujet. Le choix des EAJE, c'est fait, car ces structures représentent un acteur majeur de l'accompagnement du jeune enfant

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et sa famille, hors institution médicale ou médico-sociale ou domaine social. La Charte Nationale pour l'Accueil du Jeune enfant (23 septembre 2021) rappelle au niveau national les principes d'accueil pour le bon développement des jeunes enfants, dont l'écoute et l'accompagnement de leurs besoins, un accueil bienveillant de sa famille par la structure et le besoin des professionnels de se former. L'écoute de la famille et de ses volontés pour l'éducation de son enfant fait donc partit des missions des professionnels en EAJE pour l'accueil de l'enfant. Dans cette vision de ces structures participant à la co-éducation, je pense intéressant de prendre connaissance des pratiques et des connaissances des professionnels concernant les familles issues de l'immigration, leurs spécificités et le développement du langage chez le jeune enfant. Le questionnaire distribué (voir en annexe 1) s'intéresse à l'accompagnement fait auprès des enfants bilingues et les adaptations mises en place, ou non, pour favoriser le développement du langage et le contact avec la famille.

Pour recueillir des réponses quantitatives et qualitatives en quantité significative, j'ai fait le choix du questionnaire. Par mon expérience en EAJE, j'ai une certaine connaissance de l'accompagnement réalisé auprès des familles. Pour autant, je ne m'étais pas concentré jusqu'alors à l'accompagnement spécifique des familles issues de la migration. Ce questionnaire est donc dans le but de me renseigner sur l'accompagnement adapté qui peut être mis en place dans ce type de structure et les visions des professionnels sur celui-ci.

B- Entretiens avec une professionnelle spécialisée dans l'interculturalité

Au sein de l'AME, j'ai eu la chance de travailler avec de nombreux professionnels qui par leurs expériences ont développé des connaissances et des compétences poussées dans l'accompagnement des familles issues de l'immigration et dans des situations d'interculturalité. Les développements du jeune enfant sont aussi des sujets bien connus des professionnels par l'accueil d'enfant de moins de 3 ans. Parmi les professionnels rencontrés, une éducatrice spécialisée et formée à l'interculturalité et l'accompagnement des familles de par ses expériences et sa pratique professionnelle. Dans le cadre de ma recherche, il m'a paru pertinent de pouvoir aborder avec elle ses réflexions et connaissances concernant l'interculturalité, l'accompagnement des familles immigrées et l'accompagnement qu'elle peut proposer dans le cadre de son poste en AME. Lors de cet entretien (voir en annexe 2) nous avons abordé sa vision du développement langagier du jeune enfant et ses influences familiales et sociales, les spécificités de l'accompagnement des familles en lien avec

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l'immigration et principalement, l'accompagnement des différents développements chez le jeune enfant.

Pour cette rencontre, la forme de l'entretien m'a paru la plus appropriée. Il permet le recueil de données qualitatives, de pouvoir approfondir les notions et points abordés lors de la discussion, ce qui me parait essentiel dans un sujet si complexe que représente l'accompagnement des enfants et des familles et l'interculturalité. Cette forme me permet aussi de pouvoir compléter et approfondir les données recueillies dans les questionnaires en direction des professionnels et les observations des familles.

C- Observation des familles accueillies à l'AME

Pour compléter les réponses des professionnelles, j'ai voulu observer les familles et leurs utilisations des langues au sein de l'AME. J'ai réalisé des observations des familles sur des moments où les mères liaient l'utilisation de leur langue maternelle et du français pour s'adresser à leurs enfants. J'ai profité de ce support et de la relation mise en place avec les mères pour engager une discussion avec elles sur leur langue maternelle, son apprentissage par leur enfant et la façon dont elles la considéraient. Ces observations et ces entretiens informels ont permis l'échange entre nous, mais aussi la valorisation de cette langue et de leurs compétences auprès des mères (voir en annexe 3).

II. Résultats de l'enquête

1. Données recueillies auprès des professionnels

Le questionnaire était adressé aux professionnels de la petite enfance, exerçant dans différents types d'EAJE. 33 professionnels ont répondu à ce questionnaire, ayant différentes formations (psychologie, CAP AEPE, bac professionnel ASSP, moniteur éducateur et EJE) et exerçant principalement en multi-accueil, micro-crèche ou crèche familiale. Les réponses rendues démontrent que l'accompagnement des familles migrantes reste minoritaire au sein des EAJE (72.7% de réponses « rarement » à la question concernant la fréquence des accompagnements auprès de familles bilingues, issues de l'immigration). L'entretien réalisé était auprès de l'éducatrice spécialisée, formée à l'interculturalité et travaillant très fréquemment auprès de familles issues de l'immigration.

Le questionnaire transmis s'intéressait aux pratiques mises en place par les équipes et les structures pour favoriser le développement du langage des enfants et l'accompagnement global des familles issues de la migration. De manière générale et collective : les supports utilisés par les professionnels sont majoritairement les livres et les chants (temps lecture et

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chanson (90.9%), livres en libre accès (54.5%)). On retrouve ensuite l'utilisation d'un langage non-verbal avec la mise en place de la « langue des signes bébé » (81.8%). En complément, et plus, majoritairement, on retrouve des jeux mis en place en lien avec le langage (36.4%) et l'utilisation du picto-langage (18.2%). 72.7% des professionnels ont répondu que les supports déjà mis en place de manière générale pour soutenir le développement du langage de l'enfant dans la structure où ils exercent n'ont pas été « adaptés ou davantage développés » dans le cadre de l'accompagnement des enfants bilingues. Bien que davantage de difficultés aient été remarquées. Plus de la moitié des professionnels interrogés (54,5%) disent avoir remarqué des difficultés dans l'apprentissage du langage pour les enfants de familles bilingues et migrantes. Cela alors que les recherches exposées précédemment affirment que les troubles du langage et les difficultés dans l'apprentissage, même multiple, ne concernent pas davantage les enfants bilingues que monolingue. À cette question, se met aussi dans l'analyse la subjectivité de ce qui est compris par les professionnels dans le terme « difficultés » dans l'apprentissage du langage. Cela peut faire référence à la phase d'apprentissage déséquilibré, mais normale, des deux langages avant les quatre ans de l'enfant.

Dans les cas où ils ont été adaptés (18.2% des professionnels interrogés) on remarque que les aménagements se concentrent d'une part autour du langage avec l'adaptation des pratiques et de la communication par les professionnels (débit de parole lent, associer les mots à des gestes ou des objets), l'élaboration de réflexion autour de l'accompagnement de l'enfant en équipe et notamment en utilisant le principe de référence, mis en place dans de nombreux EAJE. Les autres réponses données se concentrent autour de la famille de l'enfant et de sa langue maternelle : 1/4 des professionnels disent inclure le langage premier de l'enfant au sein de la structure ; et la moitié de ceux ayant fait des aménagements disent mettre en place des discussions et rencontres permettant l'échange avec les familles autour des besoins de leur enfant et leurs volontés pour celui-ci.

L'éducatrice enquêtée aborde elle aussi l'importance d'investir les familles dans les propositions et l'accompagnement fait auprès de leurs enfants. Elle note la nécessité de comprendre ce qui fait sens pour les familles. Au sein de l'AME, un accompagnement global et quotidien est réalisé, permettant aux professionnels d'observer et d'interpréter plus aisément les comportements éducatifs mis en place par les familles et les réactions et réponses aux propositions d'accompagnement des professionnels de l'équipe. Ainsi, elle note que les apports de l'équipe peuvent résonner avec ce qui fait sens, avec les sensibilités

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des familles en lien avec l'éducation des enfants (répétition et inscription dans les habitudes de la famille des propositions de l'équipe, intérêt démontré par la mère dans les apports de l'équipe). Dans le cas inverse, elle insiste sur l'importance de respecter le positionnement de la mère, dans la limite où l'enfant ne subit pas de « déficit de développement » et où la famille « porte » l'enfant d'une manière qui lui est propre. Elle met en perspective les différences en termes d'éducation liées à la culture et à l'éducation reçue par les mères : l'éducation européenne met l'accent sur le langage et la verbalisation dès la petite enfance, quant au sein de l'éducation à l'africaine, c'est davantage par le toucher et les soins ( « le kinesthésique » ) que les parents portent l'enfant et lui démontre l'attention. Remarquer et comprendre de telles différences nécessitent forcément une première approche et connaissance de l'interculturalité et/ou des pratiques éducatives à travers le monde. Ces différences de comportements, pour peu qu'elles ne soient pas comprises, peuvent amener les professionnels à se questionner. À travers les réponses des professionnels exerçant en EAJE, on remarque ces inquiétudes : les réponses indiquent des difficultés dans l'accompagnement des enfants qu'ils suspectaient porteur de Trouble du Spectre Autistique (TSA) ou de retard dans le développement de l'oralité, dans les cas où l'enfant se montre mutique ou lors du développement inégal des deux langages de l'enfant. À travers la recherche théorique, nous avons pu voir que le bilinguisme précoce n'amène pas davantage de risque de troubles du langage ou de l'oralité chez les enfants. Pour autant, nous avons pu noter que la socialisation et la communication de l'enfant peuvent être impacté, notamment dans les cas où l'enfant n'a pas encore développé sa sécurité linguistique et pris confiance dans l'utilisation des langues apprises.

À la question « Imaginez-vous d'autres aménagements ou accompagnements possibles au sein de votre structure pour ces enfants et leurs familles ? », les réponses des professionnels s'orientent vers la valorisation des cultures et des langues des familles et de les inclure davantage au sein de la structure (échange de chansons, mots importants pour l'enfant de la famille aux professionnels, valoriser et encourager l'apprentissage de la langue première de l'enfant au domicile, la création d'outils éducatifs autour des différents langages (premier et second) de l'enfant, mise en place d'ateliers parent-enfant par l'équipe). Mais aussi des évolutions internes à la structure avec le développement de jeux autour du langage et d'en diversifier les langues, aménager les temps d'accueil des familles pour en dégager plus de disponibilité et de temps et avoir accès à des formations professionnelles sur ce sujet et les outils possibles pour les équipes. En termes d'accompagnement, l'éducatrice rappelle

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que les propositions sont individuelles. L'idée majeure reste l'échange avec les familles, de partir d'elle afin d'en dégager « ses priorités », sa vision de l'éducation, de ce qui est important pour le parent et ses enfants et venir comprendre ses pratiques éducatives. Cela permettra ensuite de pouvoir amener le point de vue des professionnels, leur compréhension du développement de l'enfant et ses besoins et d'adapter les interventions auprès de la famille. Une des clés peut aussi être l'observation conjointe et commentée de l'enfant avec le parent : pointer ses actions, ses développements pour faire remarquer au parent son évolution, ses compétences, ses besoins. Un étayage peut aussi être bénéfique à l'enfant, en multipliant les acteurs autour de la famille. L'éducatrice rappelle que « la famille ne peut pas tout faire », en termes de socialisation, d'apport et d'apprentissage. Notamment dans le cas du bilinguisme précoce, si les parents ont des difficultés de maîtrise dans la langue du pays d'accueil. L'étayage peut donc passer par différents acteurs : les modes de garde et de socialisation (EAJE, Lieu d'Accueil Parent-Enfant, ...), les acteurs de soins et d'éducation (PMI, école).

Pour autant, de par les réponses des professionnels en EAJE et ce que l'éducatrice fait remarquer, l'interculturalité au sein des familles est une donnée peu prise en compte dans les accompagnements mis en place par les différents acteurs. Les professionnels d'EAJE disent être désarmés et peuvent se sentir en difficulté pour communiquer et construire la relation de co-éducation recherchée avec les familles (« obligé d'utiliser Google Traduction », présence d'un traducteur lors des entretiens avec les familles) ou lorsque ces accompagnements sont rares par manque d'outils et « mal à l'aise ». Mais on sait aussi que de par la prise en charge au sein de la collectivité des crèches, les difficultés à rencontrer les parents hors des temps d'adaptation ou de transmission (arrivée et départ de l'enfant), les temps d'échanges entre familles et professionnels sont difficiles à mettre en place. Au sein de l'AME et par l'accompagnement très fréquent de familles issues de l'immigration, des formations sont mises en place en interne et les professionnels sont sensibilisés et informés sur ce type d'accompagnement.

2. Données recueillies par l'observation des familles

À travers les observations recueillies auprès des familles de l'AME, et présenter en annexe (Annexe 3), j'ai pu remarquer dans un premier temps l'alternance des langues premières et secondes au sein de la communication mise en place entre la mère et l'enfant. Cette alternance est appelée changement de code, soit le processus de changement de langue lors d'une discussion ou de comportement communicatif. Dans les deux observations, on

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remarque que les mères alternent l'utilisation de leur langue première, puis secondaire pour s'adresser à leur enfant, dans des contextes différents. Dans l'observation A, la mère s'adresse à son fils dans un contexte de jeu : Madame s'adresse à lui en malgache pour jouer, chanter, être proche de lui, le récupérer lorsqu'il sort de la chambre. Ma présence et le fait que je ne parle pas malgache la pousse à parler en français, du moins lors de notre discussion, mais aussi avec son fils, pour peut-être que je comprenne aussi ce qu'elle lui exprime. Elle intègre son fils à notre discussion en lui parlant français, puis reprend un lien qui leur est propre et intime en s'adressant à lui en malgache. Dans l'observation B, c'est au contraire dans un contexte d'autorité que la mère utilise sa langue maternelle (le vietnamien) pour reprendre son fils en colère et dans le rejet de l'adulte. La présence et l'intervention conjointe à la sienne d'une éducatrice l'ont sûrement poussé à utiliser le français dans un premier temps. On voit ensuite, qu'elle reprend la situation et affirme son autorité en vietnamien. Sa communication ayant changé et semblant plus sure d'elle et de la manière dont elle s'exprime ont surement aidé à calmer l'enfant. Dans les deux cas, on remarque que l'utilisation de la langue est influencée par le contexte (moment de jeu, colère, présence des éducateurs, enjeux dans la situation) et du message transmis à l'enfant. Son utilisation peut aussi ramener la mère et l'enfant dans une relation de proximité, car leur dialogue n'est compris que d'eux et leur ai propre. Elle peut aussi être davantage aisée pour les parents de s'adresser à leur enfant dans la langue qu'il maîtrise la mieux. Ces observations ne permettent néanmoins pas une analyse plus poussée des habitudes remarquées dans les langues premières et secondes des familles, d'autant plus que l'on peut imaginer que ces habitudes sont propres à chacun.

Dans ces dialogues, on remarque aussi que les enfants comprennent et sont réceptifs à la langue première de leur mère dès les premiers mois, signe qu'ils y sont habitués. Thomas (8 mois) réagit aux comptines malgaches chantées par sa mère et à ses interpellations. Gabin (3 ans et 4 mois) peut repérer l'alternance des langues et les comprendre, regarde les objets nommés et montrés par sa mère en vietnamien. Il répond en français quand sa mère lui parle.

À travers l'utilisation de la langue et notamment dans des contextes de tension ou de proximité mère-enfant, on peut imaginer la valeur portée par les mères à leur langue maternelle et à leurs transmissions à leurs enfants. Lors de l'observation A, la mère de Thomas a exprimé l'importance qu'avait pour elle la transmission du Malgache à son fils, dans le but qu'il puisse entretenir le lien avec sa famille élargie et par extension leurs histoires. Elle pointe aussi une notion que nous avons abordée précédemment : le sentiment de responsabilité portée par les parents à transmettre et faire apprendre la langue maternelle

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aux enfants (« si ce n'est pas moi qui lui apprends, personne ne le fera. »). Cependant et nous l'avons traité dans la partie exploratoire, la relation d'un individu ou d'une famille à son histoire, son origine et sa langue sont propres et intimes. Je ne pense donc qu'aucune généralité ne peut être faite concernant ce rapport aux biens culturels portés par la famille.

III. Analyse globale des données recueillies et réponse à la problématique

En rappel, cette enquête était motivée par la problématique : « En quoi les professionnels ont une place et/ou un rôle dans l'accompagnement de l'apprentissage du langage auprès des familles bilingues, issues de l'immigration ? ». Les hypothèses imaginées en réponse à cette problématique étaient à condition que :

- 1 : la conformité de l'accompagnement réalisé avec les attentes, valeurs et idées de la famille ;

- 2 : le respect des besoins de l'enfant, de son développement et de l'intérêt des actions mises en place dans son sens ;

- 3 : et à condition que cet accompagnement soit en accord avec les missions et moyens de la structure ou du (des) professionnel (s).

En réponse aux hypothèses énoncées, on remarque que l'hypothèse 1, sur l'importance de la conformité de l'accompagnement envers les pratiques éducatives et volontés de la famille, semble se confirmer d'après les résultats de l'enquête. En effet, les professionnels interrogés expriment tous l'importance d'investir les familles dans les accompagnements faits auprès des enfants, peu importe la structure (EAJE ou AME). Les principales idées sont l'échange des connaissances entre famille et professionnel (linguistiques, pratiques éducatives, importance et valeurs portées), des observations de l'enfant et de son développement et l'importance de connaître les volontés des parents pour les propositions mises en place par les professionnels auprès de l'enfant. Avec certaines réponses, on note aussi l'idée d'impliquer les familles dans les réflexions menées par les équipes. Une réflexion partagée et des échanges famille-professionnel peuvent être bénéfiques dans le but de soutenir le lien parent-enfant, les transmissions intra-familiales et les pratiques éducatives mise en place par les parents. Car, comme l'ont montré la recherche théorique et les observations des familles, chaque famille à sa propre utilisation des langues, d'autant plus dans le cas du bilinguisme intra-familiale. Cet investissement de la famille dans les pratiques des professionnels ne peut être efficient et cohérent avec les attentes de la famille sans la prise en compte de l'interculturalité et des différences pouvant exister concernant les pratiques éducatives et les logiques culturelles entre les familles et les équipes. Auquel cas l'accompagnement risque

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de ne pas prendre de sens pour la famille et de ne pas être investis, perdant ainsi ses objectifs et entravant la mise en place d'une relation de confiance et de co-éducation autour de l'enfant.

L'hypothèse 2, avancée la condition que les besoins de l'enfant devaient être respectés et les actions réfléchies dans l'intérêt de son développement. L'analyse théorique a rappelé l'importance du développement psycho-affectif et social dans le développement du langage et donc l'importance de la famille et son investissement auprès de l'enfant dans cet apprentissage. Lors de l'analyse des données recueillis par l'enquête, les réponses des professionnels démontraient avoir conscience de l'importance de la famille dans cet accompagnement spécifique de la petite enfance. Des aménagements et des réflexions d'équipe sont mis en place au sein des structures pour accompagner les enfants bilingues et leurs apprentissages (aménagement de l'espace, des propositions éducatives). Cela montre, selon moi, le regard et la volonté des professionnels à accompagner au mieux les jeunes enfants, en fonction de leurs besoins et stades de développement. L'étayage au sein de l'accompagnement de l'enfant et en fonction de ses besoins peut ainsi amener une partie de réponses. Il peut être bénéfique dans les cas des retards de développement sont observés, où le cadre de l'accompagnement par une structure ne permet pas de couvrir tous les besoins de l'enfant et sa famille. L'étayage peut permettre l'observation des besoins de l'enfant par différents acteurs et l'adaptation des accompagnements (éducatif, médical, social) de l'enfant et/ou de la famille en réponse aux observations et réflexions pluridisciplinaire menées.

Pour finir, une des conditions imaginées était que les accompagnements mis en place devaient être en accord avec les missions et moyens de la structure ou du (des) professionnel (s). En effet, les structures et professionnels pouvant être amené à accompagner les jeunes enfants dans le champ de la petite enfance, du médical ou du social rassemble différents cadres d'interventions, missions et compétences de par leurs organisations, possibilités, contraintes et spécialisations. De par ces spécificités, une structure peut difficilement répondre à tous les besoins du jeune enfant et sa famille, d'autant plus dans le cas de

l'interculturalité. Ainsi étayer l'accompagnement en diversifiant les
acteurs peut être bénéfique. Le principe d'étayer permet alors l'accessibilité à diverses compétences, moyens détenus par différents professionnels ou institution et structures. Il permet aussi un regard croisé sur les situations et donc une réflexion partagée et complémentaire entre les acteurs. Pour cela, il peut prendre la forme du travail en réseau ou

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de partenariat entre les structures autour de la famille. À côté de ça, les professionnels interrogés expriment leurs souhaits et l'importance d'accéder à des outils pédagogiques et à des formations en lien avec le développement du langage et le soutien à la parentalité dans le cadre de l'interculturalité.

En conclusion, oui, l'accompagnement du développement du langage par les professionnels dans les situations de bilinguisme précoce et d'interculturalité me paraît pertinent, si celui-ci respecte les besoins, les droits des familles et les compétences de chacun des acteurs ou des structures intervenants dans la situation. Par la suite, nous verrons comment ces conditions peuvent être mises en place concrètement au sein de l'accompagnement des familles.

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PHASE IV : POSITIONNEMENT PROFESSIONNEL

À partir des données et notions amenées précédemment lors de la recherche théorique et auprès des professionnels de terrain, je présenterai maintenant leur mise en pratique au sein de la pratique professionnelle et du positionnement en tant qu'EJE. Au sein de cette thématique, la réflexion a été portée sur l'enfant en situation de bilinguisme, les familles bilingues et issues de l'immigration et l'accompagnement par les professionnels du champ social et de la petite enfance. Nous aborderons donc cette partie traitant du positionnement professionnel en distinguant les actions éducatives et le positionnement parmi le public (enfant et famille) et les professionnels en fonction des besoins relatifs au développement de l'enfant et à l'accompagnement des familles en situation interculturelle.

I. En direction des enfants bilingues,

L'importance de prendre en compte les spécificités de chaque enfant et de sa famille et de soutenir les développements de l'enfant dans les accompagnements proposés en EAJE est soulignée par la Charte Nationale pour l'Accueil du Jeune Enfant et apparaît dans les projets de service, éducatif et pédagogique des différentes structures de soutien à la parentalité et d'accompagnement de la petite enfance. Nous commencerons donc cette partie sur le positionnement professionnel par les actions éducatives possibles en direction des jeunes enfants.

Lors de la phase exploratoire et de l'enquête menée, il a été remarqué que les familles avaient le sentiment d'être responsable de l'apprentissage de la langue première de leur enfant, mais aussi que l'accueil de l'enfant au sein de structure pré-scolaire lui permettrait d'apprendre la langue seconde, nationale. Apprentissage qui peut s'avérer difficile à accompagner pour les parents si eux-mêmes ne le maîtrise pas, ou en ont l'impression. Suivant cette logique, il me parait donc important de pouvoir répondre à cette attente de la famille envers le milieu de garde et soutenir l'apprentissage du langage, mais davantage de manière plurielle, en prenant en compte les deux langages de l'enfant et leurs apprentissages. Car on sait maintenant l'importance de la mise en place de la sécurité linguistique pour l'enfant. Dans un premier temps, l'observation des développements de l'enfant permettra d'ajuster les actions éducatives qui lui sont proposées. Pour cela, des grilles d'observations peuvent être mises à disposition des professionnelles, notamment s'il y a un système de professionnels référents par enfant en place. Les grilles d'observation individuelles pourraient se présenter sous la forme d'un tableau avec plusieurs entrées : avec les stades dans les différents développements de l'enfant ; et les âges d'acquisition (en mois) à compléter par le

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professionnel référent. Une grille d'observation de ce type est en train d'être mise en place à l'AME (voir annexe 4) dans le but de faciliter les observations par les professionnels, la mise en place d'un outil clair et précis qu'il sera aussi possible de transmettre aux mères dans l'idée de les investir aux observations menées par les équipes sur leurs enfants. L'outil mis en place comprend tous les développements de la petite enfance, mais son principe peut être repris dans le but de cibler un développement précisément, comme le langage, et selon les objectifs de l'observation. Cet outil permet une observation neutre et factuelle de l'enfant et son évolution par stades de développement, en limitant les subjectivités liées aux représentations culturelles ou personnelles sur l'enfant et ses développements. Avec les apports de l'observation et en lien avec la complexité des influences et des évolutions du développement du langage en situation de bilinguisme précoce, des accompagnements individuels et sur le long terme me paraissent le plus approprié. Un accompagnement à long terme permet le suivi des évolutions faites par l'enfant et d'adapter les actions mises en place au mieux. L'accompagnement et le soutien au développement langagier de l'enfant sont possibles de différentes manières et formes. Il permet de pouvoir étayer les compétences acquises de l'enfant et les apports reçues dans les différents environnements de l'enfant. Les accompagnements sont évidements à adapter et faire évoluer en fonction des besoins des enfants, des familles et des situations.

Parmi les propositions d'actions éducatives que j'ai imaginées, j'ai pensé dans un premier temps à la lecture et aux chants pouvant être associé à des gestes. Ces pratiques sont connues pour être des outils pédagogiques courants auprès des jeunes enfants pour favoriser l'acquisition du vocabulaire et la compréhension de la logique linguistique. La verbalisation par les adultes peut aussi inciter les enfants à répéter les mots et les formules de phrases. D'autres actions éducatives peuvent également être bénéfiques, comme des histoires racontées par les enfants eux-mêmes ou des livres audio (dans le but de diversifier les intonations, prononciations entendues par les enfants), des jeux collectifs ou de coopération, des activités manuelles (bricolage, jardinage, cuisine), qui favorisent la communication verbale et non-verbale entre les enfants et avec les adultes. La théorie socio-culturelle sur l'acquisition du langage défendue par Jean Piaget, présente cet apprentissage comme imprégné et interdépendant de l'environnement, des stimulations et des rencontres avec les langues qui sont proposés à l'enfant. Favoriser l'écoute et la pratique par l'enfant d'une langue va donc lui permettre d'appréhender et d'entrainer sa compréhension et son expression. Des représentations de la diversité par des jeux symboliques peuvent aussi

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permettre à l'enfant de s'identifier et de normaliser les différences au sein du groupe : avec la mise à disposition du groupe des poupons de phénotypes variées (fille, garçon, différentes couleurs de peau, handicap ou la représentation des fauteuils roulants, béquilles, lunettes, ...) ; des livres en plusieurs langues peuvent aussi avoir cet objectif, en plus du soutien au langage.

Par ces biais, il est donc important d'inclure le langage premier de l'enfant dans la vie quotidienne de la structure. Afin de soutenir les apprentissages linguistiques propres à la famille de l'enfant, les reconnaitre et les valoriser. Pour cela, les professionnels peuvent apprendre les mots forts ou fréquents de la langue maternelle de l'enfant et les utiliser dans les interactions quotidiennes. L'utilisation d'outils pédagogiques tels que des imagiers bilingues peuvent également aider à renforcer le langage maternel de l'enfant et à favoriser son investissement dans la langue seconde. Pour faciliter la communication et la confiance de l'enfant lorsqu'il s'exprime, d'autres pratiques éducatives et actions peuvent être pensés comme l'utilisation du picto-langage, de langue des signes bébés. La reconnaissance des compétences de l'enfant et des spécificités de la famille vont ainsi l'aider à construire sa sécurité linguistique.

Enfin, l'accompagnement du développement langagier des enfants bilingues précoces et issus de familles migrantes demande une approche globale et personnalisée, qui intègre les spécificités de chaque enfant et sa famille. Les actions éducatives mises en place peuvent s'appuyer sur la volonté d'imitation et la curiosité naturelle de l'enfant pour favoriser son développement linguistique.

II. En direction des familles bilingues et issues de l'immigration,

Après avoir abordé l'accompagnement imaginé auprès des enfants dans le but de favoriser leur développement langagier et de soutenir leur construction individuelle, nous aborderons les accompagnements pensés en direction de la famille suite aux données récupérés lors de la recherche. Ma vision actuelle est que, dans le but d'accompagner les familles migrantes, la prise en compte des spécificités liées à l'intégration dans le pays d'accueil et l'interculturalité est essentielle pour garantir un accompagnement respectueux et en accord avec la réalité des familles.

Dans un premier temps l'inclusion des familles au maximum dans les divers accompagnements réalisés (santé, social, médico-social). Cette inclusion peut prendre la forme de la transparence et l'échange des informations entre professionnels et familles. La

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loi 2002-2, rénovant l'action sociale et médico-sociale, réaffirme les droits des usagers dans les accompagnements mis en place, notamment leur investissement et la reconnaissance de leurs droits et libertés. La charte nationale du soutien à la parentalité (2022) rappelle aussi qu'un des principes devant être mis en place et l'accompagnement des parents en intégrant « toutes les dimensions et l'ensemble du contexte de la vie familiale » (Charte nationale du soutien à la parentalité, principe 3). Ne pas respecter, écouter ou prendre compte les volontés des familles concernant leur enfant et la mise en place du principe de co-éducation revient donc à ne pas prendre en compte les recommandations et le cadre législatif et éthique mis en place au niveau national.

Concrètement, l'inclusion des familles peut se faire à travers le principe de l'empowerment. L'empowerment a pour but de remettre au coeur des actions, notamment sociales, « la capacité des individus et des collectivités à agir pour assurer leur bien-être ou leur droit de participer aux décisions les concernant » (Simon, 1994). Ce principe a été pensé à l'origine dans le cadre de l'intervention sociales auprès des personnes dites vulnérables aux Etats Unis, puis démocratisé à l'échelle internationale. Par son utilisation, l'objectif est la mise en place d'un travail de collaboration autour de buts communs entre professionnels et usagers. Les usagers ont toute leur place dans les réflexions, projets qui sont mis en place pour leur situation. Ce faire avec incite donc davantage et pousse les familles et les professionnels à échanger leurs points de vue, valeurs et les enjeux de chacun dans le but d'une co-construction où l'usager est acteur. Pour cela différents moyens sont possibles, et sont à adapter en fonction des situations rencontrées, objectifs, contraintes et possibilités. Une possibilité serait la mise en place ou l'aménagement de rencontre entre usager et professionnel : que ce soit l'aménagement de l'espace, de la temporalité des rencontres, leurs objectifs et leurs formes (entretiens, temps d'échanges, informel, ...). Notamment la définition d'objectifs clairs par les parents et les équipes dans l'accompagnement de l'enfant et du soutien à la parentalité, dans le but de définir un fil conducteur aux situations éducatives, mettre en place et consolider le travail de co-éducation et de médiation. Un exemple de contrat d'accueil, d'accompagnement est mis en place au sein des structures de garde pré-scolaire au Québec, appelé le dossier personnel. Il précise les besoins, les demandes des familles et les objectifs formulés.

Dans un second temps, je pense important la reconnaissance de l'interculturalité au sein de l'éducation familiale et le respect qui lui est porté au sein de la structure d'accompagnement ou de garde. Une idée qui m'a marqué, prononcé par Serge Bouznah

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lors d'une conférence autour de la psychothérapie transculturelle (2023) est de « Suivre l'autre là où il est ». Il a aussi insisté sur la notion de discuter d'un monde à l'autre rappelant les différents systèmes de pensées, de logique culturelle pouvant exister et la nécessité de prendre en compte cela dans le but de collaborer avec les usagers. Et par cette vision des différences existantes entre les cultures, élaboré le « regard culturisé » (Petite enfance, migration et diversité (2014). Page 33.) des professionnels qui a son importance dans l'accompagnement du plurilinguisme de l'enfant et dans la relation avec les familles. Il paraît plus difficile pour les familles issues de la migration de prendre place lors de leur accueil de leur enfant en milieu préscolaire et scolaire (Petite enfance et migration, 2014). D'une part par peur de mal faire, d'un sentiment d'illégitimité ou d'impuissance à amener les compétences à leurs enfants en comparaison aux professionnels. Pour autant, les parents interrogés exprimaient l'envie et démontraient de l'intérêt pour l'accompagnement fait auprès de leurs enfants et leurs évolutions. Pour éviter cette mise à l'écart il est nécessaire, selon les études présentées dans cet ouvrage, d'inclure les familles dans les réflexions, décisions faites. D'autant plus que la situation d'interculturalité implique des pratiques éducatives souvent différentes qu'il est nécessaire pour les professionnels d'intégrer dans le soutien à la parentalité réalisé afin qu'il soit le plus juste et efficace. Cette reconnaissance des différences éducatives peut aussi s'exprimer par la valorisation, la volonté de comprendre et d'échanger des professionnels envers les pratiques et les valeurs des familles. Cet échange est dans le but d'un travail de collaboration respectueux du cadre de référence de l'enfant et ainsi de la sécuriser affectivement et linguistiquement.

III. Et en direction des professionnels du champ social et de la petite enfance Lors de la recherche, nous avons pu noter que la majorité des professionnels, notamment ceux exerçant dans le champ de la petite enfance comme les structures EAJE, travaillent rarement avec des familles issues de l'immigration mais peuvent davantage rencontrer des situations de bilinguisme précoce. Le questionnaire démontrait aussi que des difficultés dans l'oralité de l'enfant peuvent être associé au bilinguisme, ou présentait les relations avec les familles issues de l'immigration comme « difficile » de par la communication ou l'entrée en relation. Cette méconnaissance s'explique surement de par le peu de rencontres des professionnels avec ces familles mais peut être aussi par un manque d'informations lors des formations diplômantes de la petite enfance ou lors des formations internes aux structures.

Les professionnels EJE exerçant au sein d'EAJE portent des missions relatives à l'équipe comme des apports théoriques en lien avec les enfants accueillis, proposer des réflexions

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d'équipe sur les pratiques en places au sein de la structure et peuvent être à l'initiative des projets d'accompagnements. En tant que professionnelle EJE, au sein de structures EAJE ou autres, une des actions possibles et la sensibilisation et l'information des professionnels sur la question du bilinguisme précoce afin d'éviter les inquiétudes, incompréhensions des professionnels autour de l'enfant et de favoriser un accompagnement efficient et prenant en compte les spécificités et enjeux de la situation. Notamment un accompagnement et un positionnement par l'équipe comme personne ressource et soutien pour la famille pouvant faire face à des incertitudes et questionnements. Mais aussi informer les professionnels sur les enjeux d'un accompagnement en situation d'interculturalité, l'importance d'inclure la famille, ses valeurs et pratiques dans les propositions faites à l'enfant au sein de la structure. Pour cela, il sera possible de passer par différents outils de communication et d'information en direction des professionnels : comme l'apport d'informations lors de formation interne à la structure, de réunion ; la mise en place d'une communication écrite (affiche, mise à disposition d'articles, livres) sur le sujet, ses enjeux et les outils possibles lors de l'accompagnement des familles par les professionnels. En plus de la sensibilisation des équipes, l'enquête a démontré le besoin d'étayer les apports et les acteurs présents autour de la famille. En effet, les divers besoins de l'enfant et sa famille nécessitent parfois l'intervention d'équipe formée et/ou spécialisée et ayant les moyens humains, matériels nécessaires à une intervention efficace. Cet étayage peut donc prendre la forme d'un travail en réseau ou en partenariat avec des institutions spécialisées sociales, médicales ou médico-sociales (orthophoniste, CMPI, PMI, école maternelle/primaire, LAEP, association de famille, ...)8 ou des acteurs culturels comme les Centre Social, bibliothèques, MJC. Ces acteurs très divers peuvent répondre notamment à des besoins de socialisation de la famille, d'éveil pour l'enfant, ou d'accompagnement et de soins en cas de difficultés ou de troubles de développement.

Lors de cet écrit et au sein des textes scientifiques ou législatifs cadrant l'accompagnement des enfants et des familles, il est rappelé la nécessité de placer la famille au coeur des réflexions et propositions faites par les professionnels. Pour autant, les études présentées précédemment ont démontré les difficultés des familles à investir et prendre place au sein des accompagnements faits pas les structures. Ces difficultés peuvent venir de

8 Centre Medico Psychologique Infantile (CMPI) ; Protection Maternelle Infantile (PMI) ; Lieux d'Accueil Enfant Parent (LAEP) ; Maison de la Jeunesse et du Citoyen (MJC)

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multiples facteurs : fonctionnement de la structure, situation familiale, enjeux de l'accompagnement, positionnement des équipes, représentation des familles sur l'accompagnement fait ou leur compétences et place en son sein, ... L'interculturalité comme elle a été citée plutôt peut rendre difficile la mise en commun entre famille et professionnel autour des objectifs et des actions éducatives envers l'enfant. J'aborderai donc différentes stratégies éducatives autour du langage et méthodes de travail et de réflexion en direction des professionnels lors de l'accompagnement interculturel.

Dans un premier temps, la notion de translangaging (TL), ou l'intercompréhension, est une notion utilisée dans les recherches portant sur le bilinguisme et dans les contextes éducatifs ou scolaires. Cette notion d'abord pensée au sein des classes Galloises puis défini en 2001 par Baker et Garcia en 2014, est en constante évolution et soumis à différentes compréhensions. L'idée principale reste l'apprentissage ou l'utilisation de plusieurs langues par un individu dans un même contexte (compréhension et/ou expression, réceptivité et/ou production). (Reisner, Christina & Schwender, Philipp. (2020)). Notamment l'articulation des langues et des apprentissages en en multipliant les approches. Le changement de code, abordé lors de l'analyse des observations des familles, est aussi en lien avec cette notion de TL. L'orientation du TL a évolué vers la pratique linguistique mais aussi « la construction du sens » chez les enfants ou personnes bilingues (Reisner, Christina & Schwender, Philipp. (2020). Translanguaging et intercompréhension -deux approches à la diversité linguistique?. Page 210). Cette évolution permet donc l'ouverture de la pratique hors du cadre scolaire (avec l'utilisation de plusieurs langues au sein d'une même classe) et porte attention aux processus cognitifs et sociaux en jeu dans ces apprentissages. L'apprentissage de deux langues en même temps et son efficacité reste un point de questionnement parmi les chercheurs en linguistique et n'est pas reconnu de la même manière selon les approches et les modes éducatifs. Pour autant, la notion de TL peut être observé dans de nombreuses régions du monde, notamment des pays où plusieurs langues nationales ou régionales cohabitent (exemple : le Maroc où l'arabe et le français sont maitrisés conjointement par une grande majorité de la population). Il est ainsi reconnu que les personnes bilingues peuvent naviguer entre les langues et leurs compétences linguistiques, et donc avoir accès à différentes compétences et modes de communications au sein de langues différentes et autonomes dans le but de rendre leur communication plus efficace et d'en augmenter le potentiel. (Garcia, 2009)

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Maintenant, parmi les différentes pratiques professionnelles autour de l'interculturalité et de l'accompagnement des personnes étudiées et réfléchis nous aborderons d'abord les modèles de travail social selon Bolzman. Claudio Bolzman9 a identifié différents modèles d'interventions au sein de la pratique des travailleurs sociaux en lien avec les populations migrantes (Bolzman, C. Modèles de travail social en lien avec les populations migrantes : enjeux et défis pour les pratiques professionnelles. 2009). Il présente ainsi cinq modèles de travail social, souvent inconscients chez les professionnels. Le modèle réparateur-assimilationniste : l'idée que les personnes migrantes ont des manques ou des déficits à combler, avec la perspective pour le professionnel de venir les réparer et de renforcer les ressources des familles. Le modèle ethnoculturel, prend en compte la culture de l'individu ou du groupe, en lien avec son origine et son histoire de vie et nécessite dans ce cas une bonne connaissance de la culture et du parcours de vie. Le modèle communautaire se base sur les similitudes du parcours de vie (origine, événements marquants, traumatismes) pour expliquer les problématiques communes rencontrées par les personnes migrantes. Le modèle interculturel prend appui sur la pluriculturalité et la complexité de l'environnement des personnes, tout en valorisant le vivre ensemble et les ressemblances. Et le modèle antidiscriminatoire pointe la discrimination et le traitement inégal au niveau du statut juridique et de l'accès aux droits en rapport avec les autochtones, mais s'intéresse moins à la question culturelle. Chaque modèle aborde l'accompagnement des personnes migrantes selon différentes perspectives, priorités et valeurs et sont souvent utilisés conjointement. Ils sont aussi en lien avec la dynamique de la société dont les politiques d'immigration, des structures et institutions et l'évolution des populations et des flux migratoires.

Une autre méthode utilisée pour analyser les différences culturelles est celle des chocs culturels mise en place par Margarlit Cohen-Emerique10. Cette méthode s'appuie sur l'observation et l'analyse lors d'une interaction entre personnes ayant des cadres de références culturels différents (Introduction à la méthode de M.Cohen-Emerique & Mdash ; Prismes, 2020). L'observation se base alors sur les manifestations visibles de la culture chez les professionnels et les usagers, et l'analyse de la partie invisible de la culture. Elle pour but d'installer une meilleure compréhension chez les professionnels des réactions, choix chez les personnes accompagnées. Il y a trois étapes : tout d'abord la décentration (prendre

9 Claudio Bolzman : sociologue, Professeur à la Haute école de Travail Social et de sociologie à Genève

10 Margarlit Cohen-Emerique (1932- ) : docteure en psychologie clinique et sociale, française.

conscience du cadre culturel personnel : codes, valeurs, croyances) ; la découverte du cadre de référence de l'autre (prendre connaissance des valeurs, modèles culturels de l'autre et qui influencent ses comportements et réactions) ; puis la négociation (dans le but de trouver une solution au problème concret en ayant conscience des influences du référentiel culturel de chacun des acteurs). Durant ces étapes, les compétences clés sont l'observation de soi et de l'autre et des valeurs en jeu, la curiosité envers une culture qui est inconnue au professionnel, l'écoute et la communication. Mais aussi la nécessité pour le professionnel de pouvoir comprendre l'autre, ce qui est un des buts de cette méthode, comme de se comprendre soi-même et ses propres blocages et/ou réactions à la situation présentée. Cette méthode correspond à une des formes de la négociation culturelle.

Il existe de nombreuses autres méthodes et stratégies en direction des professionnels pour accompagner les publics et l'interculturalité. Une autre méthode marquante dans le champ de la santé et notamment la santé mentale est la psychothérapie transculturelle, présentée par Marie Rose Moro11 dans l'ouvrage « Guide de psychothérapie transculturelle » (2020). Cette psychothérapie s'inscrit dans les parcours de soins qui peuvent être proposés aux migrants notamment les enfants et adolescents en se basant sur l'anthropologie, la psychanalyse et la thérapie familiale. Elle prend la forme d'échanges et de réflexion commune lors d'une synthèse réunissant l'usager et sa famille et d'un groupe pluridisciplinaire composé des professionnels acteur auprès de l'usager (thérapeutes, professionnels du médical ou du social). Elle a pour but de rechercher des solutions et comprendre certaines situations devenues complexes, en lien avec l'interculturalité (incompréhension, différences de systèmes de croyances, mise en lien de l'histoire de la personne avec les événements vécus actuellement, ...). Cette méthode de négociations culturelle s'appuie sur les travaux de Devereux (1968) portant sur l'ethnopsychanalyse et utilisé comme base à la perspective transculturelle.

Par la présentation et la connaissance de ces méthodes, il est possible d'engager des réflexions d'équipe sur les accompagnements mis en place, leur efficacité et les mécanismes inconscients qui se jouent chez les professionnels. Mais aussi pouvoir réutiliser des principes existants et les adapter en fonction des besoins de la situation. Ce point peut permettre, à mon sens, de questionner les accompagnements déjà en place dans le but d'une meilleur compréhension des enjeux personnels et institutionnels existants.

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11 Marie Rose Moro (1961- ) : pédopsychiatre, professeure en université en psychiatrie de l'enfant, française.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery