2. Le développement du langage chez le jeune enfant
et les développements associés
Le développement de la communication est d'abord
influencé majoritairement par la maturation cognitive de l'enfant et est
ensuite en lien avec différents caractéristiques individuelles et
de l'environnement. Notamment l'interaction avec l'adulte, les stimulations, le
cadre de l'environnement et la place attribuée à l'enfant dans
celui-ci. L'apprentissage d'une langue est influencé par
différents facteurs d'acquisition, proposé par Wolfgang Klein
dans son livre L'acquisition de langue étrangère (1989)
: la propension à apprendre, la capacité linguistique,
l'accès à la langue. La construction du langage par l'enfant est
« un processus extrêmement complexe qui s'élabore en
étroite interaction avec les modalités de fonctionnement
cognitif, neurologique et psychique » (C. Sanson (2010). Troubles du
langage, particularités liées aux situations de bilinguisme.
Enfances & Psy, page 48). Son développement est lien avec les autres
développements de la petite enfance (psychomoteur,
14
cognitif, social et affectif) et tous sont intra
mêlés et liés dans le développement global de
l'enfant.
a) Les interactions précoces
Plusieurs spécialistes de la petite enfance se sont
penchés sur la question du langage et ses origines. Maria
Montessori6 évoque parmi ce qu'elle définit comme
périodes sensibles, une période centrée sur le
langage entre les 2 mois de l'enfant et ses 6 ans. Cela correspond à une
période de développement concentré sur le langage et son
développement chez l'enfant. Sigmund Freud7 évoque le
stade oral autour des 3 mois de l'enfant et jusqu'à ses 18 mois, et son
intérêt dans les développements sensoriel, cognitif et
langagier. Il présente cette phase du développement de l'enfant
(de 3 jusqu'à environ 18 mois) comme centrée sur la zone
bucco-labiale (bouche, gorge). L'enfant va utiliser sa bouche pour
expérimenter et découvrir les objets, la notion «
d''intérieur », « d'extérieur » les mouvements et
ce que cela créée pour lui : plaisir ou déplaisir
(succion, ingurgitation, ou vomissements).
Dès la naissance on remarque chez les enfants des
« comportements communicatifs précoces » (N.J. Cohen,
2005) par les pleurs, cris et vocalisations et de manière non verbale
par les regards et premiers gestes faits en réactions aux interactions
initiées par les adultes qui entourent le bébé. Les
premiers sons faits par l'enfant (les lallations : babillages)
représentent d'abord des « mouvements exploratoires de
l'appareil phonatoire » (Brigaudiot et Danon-Boileau, 2002, page 29).
Ces interactions précoces, englobant les babillages, gazouillis et la
mise en place de la communication non verbale, se développent
progressivement en lien avec les capacités d'observation,
d'écoute et de compréhension de l'environnement par l'enfant mais
aussi avec ses développements sociaux et affectif. Comme par exemple la
mise en place du sourire intentionnel. Il apparait autour des 2 ou 3 mois de
l'enfant, selon une étude menée au Bénin en 2017, et est
influencé par la « stabilité psychoaffective de la
mère et un environnement social interactif » (étude sur
le Sourire intentionnel du bébé et facteurs maternels
associés, 2017).
On note la mise en place de l'accordage affectif, pensé
par Daniel Stern, entre l'enfant et son parent dès les premiers jours.
L'accordage affectif correspond aux conduites d'imitation entre le nourrisson
et son parent, dans le but d'un partage d'états affectifs,
nécessaire à la
6 Maria Montessori (1870-1952) : médecin et
pédagogue italienne
7 Sigmund Freud (1856-1939) : psychanalyste
autrichien
15
compréhension par l'enfant de son état interne
et à la construction du lien parent-enfant (D. Stern, 1989). Le
développement cognitif et des neurones miroirs est essentiel pour la
mise en place de ces conduites d'imitations et d'interpellation menée
par l'enfant. Bruner (1975) note la mise en place de signes par l'enfant autour
de 1an en direction de l'adulte (lever les bras vers l'adulte pour être
pris dans les bras, pointer un objet). Cette communication gestuelle est
accompagnée d'une communication orale à base d'onomatopées
et babillages, Le pointage évoque la mise en place
d'interactions dans l'intention de l'autre. Il le met en place de
manière autonome et le comprend de la part des adultes ou des autres
enfants, de façon plus précise. Dans le même temps,
l'enfant acquiert progressivement la permanence de l'objet (environ entre les 8
mois et les 18 mois de l'enfant). C'est-à-dire la conservation d'une
image mentale de l'objet et de son souvenir même s'il n'est plus visible
ou accessible à l'enfant (Piaget et Baillargeon, 1980).
b) L'entrée dans la production langagière
Entre ses 1 an et 1 an et demi l'enfant est en capacité
d'émettre une intention communicative et d'associer l'expression
d'onomatopée à l'expression d'émotions, à la
survenue d'évènements ou leur association avec une symbolique (le
chien, peut être pointé et dont le son associé est «
ouaoua » pour son cri). Cette communication est complétée
avec la mise en place plus fine de la communication non verbale (regard,
pointage, gestes avec une symbolique)
Le lexique précoce apparait avec les premières
productions lexicales. Celui-ci sera lié à la recherche
d'indépendance et la volonté de découverte
de l'enfant (acquisition de la marche, curiosité, volonté de
faire seul) et jouera un grand rôle dans la période du
non. Le développement cognitif, lié aux
expérimentations motrices permettent la construction d'une symbolique et
la compréhension de certaines notions (dedans-dehors ;
absence-présence, cause-effet). Les premiers jeux symboliques
commencent, liant ainsi l'imitation et l'imagination par l'enfant. Ces jeux
coïncident à une évolution forte du langage chez la
majorité des enfants autour des 2 ans (l'explosion du langage)
: le vocabulaire s'enrichit, la répétition des mots de l'adulte
est bien installée et plusieurs mots peuvent être associé,
appelé premiers énoncés rhématiques à
plusieurs termes pour articuler les premières phrases (Brigaudiot
et Danon-Boileau, 2002). L'enfant développe par la suite des
compétences de récits, d'énoncés et
d'écoute. Après l'autodésignation, les premières
expressions de la possession se développe avec l'apparition des «
ma » et « mon » et l'expression des intentions et besoins. Cet
envol du langage permet les jeux entre pairs et le développement
16
des jeux de groupe ou de coopération. Les jeux se
modifient aussi avec davantage de jeux symboliques, de jeux moteurs ou de
précision. Les jeux de construction prennent davantage de sens dans la
psyché de l'enfant.
IV. Langage et parentalité dans le cadre de
familles bilingues et issues de l'immigration
Nous venons d'évoquer le phénomène de
l'immigration et son contexte en France. Notamment la représentation
sociale de la population immigrée en France : pendant longtemps ces
populations, peu importe l'origine, ont été perçues comme
temporaires et n'ayant pas le but de s'installer durablement sur le territoire
Français. Cependant l'installation en France est maintenant un des buts
et des enjeux pour les personnes entamant un voyage migratoire. Nous avons vu
comment l'intégration est devenue un des enjeux des politiques publiques
françaises, avec la lutte contre les exclusions et la mise en place
d'institutions et d'organismes tournées dans ce sens.
L'intégration notamment des familles arrivantes ou des enfants dits de
seconde génération est un des enjeux de l'accompagnement par les
professionnels de la petite enfance et du travail social. Nous avons
également abordé l'apprentissage du langage par le jeune enfant
et l'importance de l'environnement familial, social. Les influences des
développements psycho-sociaux et psycho-affectif ont aussi
été mis en avant. Nous allons maintenant préciser
l'importance des données amenées précédemment dans
le cadre de l'apprentissage du langage par le jeune enfant au sein des familles
migrantes et dans un contexte interculturel.
1. La parentalité au sein de
l'immigration
La parentalité dans la migration regroupe
différents enjeux. Tout d'abord l'éducation des enfants dans une
société différente de celle dans laquelle les parents ont
grandis. Et donc la rencontre de différents systèmes
éducatifs, parfois très différents : les personnes
migrent avec leur monde. La fonction primaire du parent, peu importe les
cultures et les sociétés, reste la protection de son enfant. A
côté de ça, un pan important de la parentalité est
composé de la transmission et l'apprentissage par et pour leurs enfants
de la socialisation et de champs de connaissances propres à la
société d'accueil, notamment la langue. A l'éducation des
enfants, se mêle la propre intégration des parents en tant
qu'adulte dans la société et en tant que famille. La famille est
alors confrontée à des contextes éducatifs
sociétaux et institutionnels différents de l'environnement
familial, avec des objectifs, des attentes diverses pour les enfants comme les
parents. La migration en elle-même impacte grandement l'individu avec la
perte de repère et le sentiment de rupture (social, culturel,
17
environnemental), la nécessité de multiples
adaptations (culturel, langage, administrative, professionnelle) et une
réorganisation identitaire individuelle. L'installation dans la
société d'accueil amène les personnes à construire
une « vie double » (« Vécu sensible de
l'événement migratoire », page 53) : la vie
créé, laissé et entretenu au pays et celle construite dans
la société d'accueil. Ainsi dans les transmissions familiales se
mêle différentes influences, parfois contraires ou incomprises aux
valeurs en place dans la famille. Et notamment la manière de se
représenter les enfants (besoins, attentes, maladies, soins,
apprentissages) et donc de se comporter avec eux. Ces différences de
représentation, d'enjeux et d'objectifs, apparaissent aussi lors de
l'accompagnement par les professionnels du langage de l'enfant ou lors du
soutien à la parentalité, pouvant causer différentes
incompréhensions et difficultés à communiquer. Ces
différentes logiques culturels et ce métissage autour de
l'enfance et leurs évolutions dans le cadre de la migration ont
été étudié à travers le monde (étude
de J. Rabain-Jamin (1985-87) en PMI ; Education, migration,
inégalités et intégration en Europe (2008)). On remarque
cela notamment lors de l'apprentissage du langage dans le cadre d'une famille
bilingue : l'apprentissage de la langue nationale du pays d'accueil est
nécessaire dans l'intégration des enfants et lors de leurs
parcours scolaires et professionnels, mais aussi des différences
d'importance accordée à cet apprentissage et concernant les
pratiques éducatives mises en place selon les familles. Pour autant le
maintien de la transmission de la langue première et de la culture
familiale est essentiel dans sa construction en tant qu'individu et dans sa
filiation au sein de la famille et du groupe d'appartenance auquel elle se
réfère (Petite enfance, migration et diversités,
page 15). L'article de Sylvie Rayna, rapportant les résultats de la
recherche Children Crossing Borders (CCB, 2016), présente les
difficultés et l'entre-deux dans lequel peuvent se trouver les familles
migrantes concernant l'intégration et l'accueil de leur enfant dans les
modes de garde du pays d'accueil. Cette enquête a été
menée dans cinq pays occidentaux (France, Italie, Allemagne, Royaume-Uni
et Etats-Unis) auprès des enfants de quatre ans accueillis dans des
structures collective et issue de familles immigrées. Les parents
interrogés expriment l'« ambivalence » de la situation et de
leurs désirs pour leurs enfants : « La priorité est que leur
enfant apprenne la langue du pays. [...] Pour autant, ils redoutent la perte de
leur(s) langue(s) et, avec elle, de leur culture et des liens familiaux. »
(Rayna, S. (2016). Enfants (de) migrants : quel accueil dans le
préscolaire ? Informations sociales, 194, page 79). On retrouve
l'importance de la langue pour les familles, comme marqueur d'identité
et d'appartenance, mais aussi comme constance du lien et le sentiment de
responsabilité qui les incombe de cette transmission et de cet
apprentissage, avec le risque de l'acculturation
18
pour leurs enfants. Cette même étude
présente les différents systèmes éducatifs : elle
montre des grandes disparités entre les pays, notamment les structures
françaises pratiquant presque exclusivement le monolinguisme et ayant du
mal à intégrer les familles et leurs pratiques multiples des
langues. Cette différence a été remarqué par des
enseignantes françaises participant à l'étude : elles
remarquaient le mutisme sélectif observé chez certains enfants
dans leurs structures, la non-utilisation de la langue maternelle par les
enfants, ou de la honte observée par les parents chez certains
même dans le cadre familial, en comparaison avec d'autres fonctionnements
pointés ou les enfants se permettaient l'utilisation de leur langue (S.
Rayna. (2016). Enfants (de) migrants : quel accueil dans le préscolaire
? Page 79). On comprend parmi cela, les difficultés à la
construction d'identité multiple chez l'enfant, à
l'accompagnement par les familles et aux difficultés qui peuvent
être rencontrées lors de l'affirmation comme parent et
décisionnaire ou dans le lien aux professionnels et aux structures.
2. Les enjeux autour du contexte familial
bilingue, dans le cadre de la migration
Nous avons abordé la psychologie de la migration avec
les difficultés possibles pour l'intégration au niveau psychique
et au niveau sociétale : avec le sentiment de rupture, les
difficultés au niveau social et communicatif (différences de
langues, de normes sociales, de valeurs et de systèmes symboliques), les
difficultés possibles de la société à
intégrer les familles. On note aussi au niveau social et individuel la
notion de hiérarchisation des langues ou des cultures. L'utilisation de
langues informe sur l'identité sociale de l'individu et marque son
appartenance à un groupe. Mais elle peut aussi servir à la «
construction de différences » (E. Urbain (2017).
Hiérarchisation des langues et des locuteurs :
différenciation sociale et discours sur la langue dans la francophonie
louisianaise depuis la Guerre de Sécession, Revue transatlantique
d'études suisses, 6/7. Page 200) et à la valorisation ou
dévalorisation de certaines langues et donc groupes. La
hiérarchisation des langues est un processus social par lequel certaines
langues sont valorisées et considérées comme
supérieures à d'autres langues dans une société
donnée (Article The other languages of Europe: demographic,
sociolinguistic, and educational perspectives (2008)). C'est un
phénomène, en lien avec l'unilinguisme mis en place à
l'échelle nationale et aux conflits linguistiques qui peuvent
apparaitre, pouvant se manifester par la discrimination en elle-même : la
stigmatisation des locuteurs ou leur exclusion. On le remarque aussi dans la
valeur apportée à la maitrise des différentes langues : au
sein des institutions scolaires avec l'apprentissage d'un nombre très
réduits de langues, et dans le cadre professionnel où certaines
langues sont favorisées et d'autres peuvent être ignorées
ou non perçues comme des compétences égales. Par exemple
:
19
l'anglais langue est majoritairement valorisée,
enseignée et pratiquée dans le cadre scolaire et professionnel.
Ce phénomène social a un impact sur les transmissions familiales
des langues : on remarque dans le cadre de la migration « l'injonction
à s'intégrer en parlant français » (A. Filhon dans
Transmission familiale des langues en France : évolutions historiques et
concurrences (2010), page 212) peut influencer la pratique et la transmission
de la langue première de la famille aux jeunes enfants une fois
installé dans le pays d'accueil. Une des explications pouvant être
amenée est la peur de la stigmatisation des enfants par la
société d'accueil, en prenant cette langue comme marqueur sociaux
reliant les enfants au groupe de personnes immigrées et les
stigmatisations et représentations associées. Joue aussi dans le
contexte de la migration et des représentations posées sur les
personnes, la mésestime et la dévalorisation de l'origine, de la
culture et de la langue maternelle, et les différences de dynamiques de
langues entre les pays (présence de multiples dialectes au niveau
national, unicité d'un langage à l'échelle nationale,
...). Pour autant quand la transmission de la langue dans la famille est
pratiquée elle l'est pour différentes raisons, propre à
chaque famille, dans lesquels on retrouve : la volonté de continuer
l'héritage de la famille, de ne pas perdre le lien avec le pays
d'origine et la famille élargie, transmettre le capital culturel,
notamment dans le cas où ces compétences langagières sont
considérées comme rentables ou valorisées par la
société (id, page 215). Cette notion de dévalorisation
d'une langue par rapport une autre est une composante à prendre en
compte dans l'accompagnement par les professionnels de la famille.
3. Bilinguisme précoce durant la petite
enfance
Le bilinguisme précoce est « l'acquisition par
l'enfant de deux langues auxquelles il est exposé dès son plus
jeune âge » (Bilinguisme, plurilinguisme et petite enfance
dans la revue Devenir Vol 22, page 293). Cet apprentissage
survient lorsque l'enfant grandit dans un environnement où plusieurs
langues sont utilisées, notamment si la langue première de la
famille est différente de celle nationale, ou au sein même de la
famille. Le bilinguisme dans le cadre familial correspond à la
réalité d'un quart des familles résidantes en France
métropolitaine, selon l'enquête « Histoire de Vie »
faite par l'INSEE en 2003. L'enjeu pour l'enfant dans cette situation est de
différencier les deux langues apprises et pouvoir faire évoluer
ces apprentissages harmonieusement. Pour autant, le bilinguisme ou
plurilinguisme (dans le cas où plus de deux langues sont connues) peut
connaître des asymétries, ou des utilisations et des connaissances
de lexique, par exemple, différentes. On peut ainsi remarquer des
transferts de lexique ou de code de communication d'une langue à
l'autre. C. Noyau précise que la différenciation des langues et
de l'utilisation des langues, en lien avec
20
le cadre ou la personne destinataire, se fait globalement
autour des 2 ans de l'enfant. Le bilinguisme est influencé par de
nombreux facteurs au sein du contexte familial (histoire de la famille,
individuelle, intégration, fratrie) et à la place donnée
aux langues (fonctions, cadre d'utilisation).
Une maitrise inégale des langues peut apparaitre et est
normale dans l'acquisition du langage par l'enfant, et en lien avec les
facteurs donnés précédemment. Lorsque l'individu a acquis
les mêmes compétences linguistiques dans les différentes
langues, on parle d'un bilinguisme équilibré. Dans le cas
où une langue est davantage maitrisée ou favorisée, on
parle d'un bilinguisme dominant en faveur d'une langue. On connaît deux
types de bilinguismes, en termes d'apprentissage par l'enfant et de
bénéfices dans son développement. Le bilinguisme additif
qui correspond à la progression simultanée dans les deux langues
connus par l'enfant et dans le « domaine métalinguistique »
(Bilinguisme, plurilinguisme et petite enfance dans la revue Devenir
Vol 22, page 293). Et le bilinguisme soustractif, dans le cas où la
deuxième langue se développe « au détriment des
acquis de la première langue ». Ce type de bilinguisme serait
« négatif sur l'acquisition des deux langues et sur les
connaissances métalinguistiques. » (id, page 293). Le bilinguisme,
sa mise en place ou les attentes qui sont placés dans ce contexte
peuvent être utilisé où analyser comme un levier
thérapeutique dans le cas de difficultés langagières chez
les enfants (id, page 296).
4. Le phénomène du bain langagier
au sein des familles bilingues
Le bilinguisme est généralement mis en place
dans le cadre familial de l'enfant ou de la fratrie. Pour autant on remarque
des différences d'apprentissage d'un enfant à l'autre, en
fonction des capacités d'apprentissage individuel, des rencontres
occasionnées entre l'enfant et la langue (fréquence,
intensité, participation ou écoute) et du contexte
émotionnel mis en place (valorisation ou dévalorisation de la
langue, de la culture transmises). Notamment le bain langagier en place au sein
de la famille et le soutien des acteurs extérieurs (communautés,
professionnels, famille élargie, société globale). On
observe trois utilisation des langues au sein des familles bilingues :
l'utilisation exclusive d'une des langues la langue du pays d'accueil, ou la
langue première de la famille, ou alors l'usage conjoint des deux
(Hornet, 2007). Il peut aussi exister des échanges où les membres
de la famille utilisent différents langages (par exemple, l'utilisation
de la langue première par les parents et les réponses des enfants
dans la langue seconde). Nous avons vu précédemment l'importance
de la langue dans les sentiments d'appartenance et d'identité, mais
aussi la valeur accordée par les familles migrantes à
l'intégration et dans le même temps à la transmission
familiale.
21
On comprend donc que les choix concernant la linguistique et
la transmission aux enfants de ces compétences est influencés par
de nombreux facteurs en lien avec l'histoire familiale, individuelle,
l'intégration et l'immigration et tous les ressentis qui y sont
liés (Hamad, 2004). On remarque aussi l'alternance entre les langues
utilisées en fonction du contexte, des destinataires ou encore des
sujets abordés entre parent et enfant :
On peut faire lien avec le sujet de cette recherche et le
cadre familial influencé par la migration et l'intégration. Des
expériences et études cliniques recommandent la transmission et
l'utilisation de la langue maternelle pour les enfants migrants. Cet
apprentissage peut permettre dans un type de bilinguisme additif, la
facilitation d'apprentissage à d'autres langues et notamment la langue
du pays d'accueil mais aussi la filiation au sein de la famille. Cela
correspond à la construction d'une sécurité linguistique
pour l'enfant, notamment avec une meilleure estime de sa langue maternelle et
de la culture qu'elle promeut, l'héritage de sa famille et son
intégration dans celle-ci. Cette sécurité au niveau du
langage mise en place au sein de la famille et lors des interactions avec le
jeune enfant, favorise la mise en place des interactions précoces et
consolide la création des liens entre les membres de la famille
(démontré par les programmes de soins et de recherche de
l'Unité Petite Enfance et Parentalité Vivaldi, 2004). Pour
favoriser cela, deux composantes à l'apprentissage du langage par
l'enfant dans leur contexte familial ont été identifiées
par Xiaoxia Li dans son article How can language minority parents help
their children become bilingual in family contexte ? : la première
correspond aux comportements et la valorisation par les parents envers les
langues et les cultures (première, secondaire) que l'enfant rencontre.
Et la deuxième est constitué par les interactions parents-enfants
(langue utilisé, transmissions familiales, communication non-verbale) (X
Li. (2012). How can language minority parents help their children become
bilingual in family contexte ? A case studfy of a language minority mother and
her daughter. Journal of Multilingual and Multicultural Development. Page 211).
Les parents et l'éducation mise en place sont donc une part importante
de l'apprentissage des langues par l'enfant, la construction de son
identité et du sentiment d'appartenance ou non. S'appuyant sur ces
idées et connaissances, on retrouve la méthode de Ronjat
(Hadège, 2005). Cette méthode conseille dans le but d'un
apprentissage bilingue l'utilisation par chaque parent de sa propre langue
maternelle, mettant ainsi en place un cadre clair d'utilisation des langues,
permettant la différenciation plus aisée des différences
entre les langues et le rattachement des langues à une filiation et
à des formes de transmissions familiales, par la figure du parent.
22
5. L'observation du bilinguisme sur le
développement langagier de l'enfant
Comme il a été dit l'investissement et le
développement par l'enfant de deux ou plusieurs systèmes
linguistiques demande différents processus de différenciation des
langues et d'adaptation, notamment à une appartenance et une
découverte de plusieurs univers culturels. Des études
récentes démontrent que les troubles ou retards de langage
longtemps associés au bilinguisme sont souvent plus difficilement
évaluables et ayant moins de lien avec le contexte interlingual que ce
qu'il était pensé précédemment. Différentes
études ont été menées par le Centre du Langage et
le service de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent dirigé par
la professeur Marie-Rose Moro, auprès des familles issues de la
migration et ayant des appartenances culturelles multiples et/ou bilingues.
L'évaluation des troubles du langage chez ces enfants doit être
accompagner et compléter par l'approche multiculturelle et multilinguale
nécessaire à une bonne compréhension de la situation de
l'enfant et de son cadre familial. C'est notamment le but de l'Hôpital
d'Avicennes qui a mis en place un outil d'évaluation et d'observation
des capacités langagières chez les enfants, mêlant les
compétences en langue française et étrangère :
l'ELAL d'Avicenne (Evaluation Langagière des Allophones et
Primo-arrivants). Cet outil permet une prise en compte des différentes
compétences, leur reconnaissance et les dynamiques observées au
sein des interactions précoces, dans le cas du bilinguisme ou du
plurilinguisme chez l'enfant. Cela en amont de poser un diagnostic, pouvant
enfermer l'enfant et ne pas être en accord avec ces réelles
compétences linguistiques. Les études démontrent
l'importance d'une évaluation pluridisciplinaire où
l'environnement de l'enfant et de sa famille est pris en compte, pour arriver
à une observation précise des difficultés que rencontrent
possiblement l'enfant (Sanson, C. (2010). Troubles du langage,
particularités liées aux situations de bilinguisme. Page
55). D'où la complexité de l'accompagnement, en lien avec un
manque d'informations des professionnelles et la difficulté
d'évaluation des compétences de l'enfant.
Actuellement, aucune étude n'a démontré
que les enfants bilingues pourraient être plus enclins à
développer des troubles du langage que les enfants monolingues. Au
contraire Colette Noyau dans son article Psycholinguistique de
l'acquisition des langues et didactique du bi-plurilinguisme (2014)
précise que la maitrise et l'apprentissage de plusieurs langues
s'harmonise autour des 4-5 ans de l'enfant, moment où les enfants ont
acquis, dans la plupart des cas, « les bases de leurs langues ou de
chacune de leurs langues » (Psycholinguistique de l'acquisition des
langues et didactique du bi-plurilinguisme (2014), page 1). Cette tranche
d'âge d'acquisition est la même que dans le cadre d'un
apprentissage d'une langue unique dans la petite enfance. L'apprentissage d'une
nouvelle langue après les 4 ans de l'enfant
23
correspond déjà à une langue dite
seconde. L'apprentissage de différents systèmes linguistiques
permet au niveau cognitif la mise en place de systèmes structuraux
facilitant les prochains apprentissages, notamment une certaine logique
linguistique et des facilités d'adaptation précoce. La maitrise
de plusieurs langues a aussi une influence dans la construction affective, le
développement social, et l'ouverture culturelle de l'enfant dans sa
famille et au sein des sociétés. Comme il a été
nommé, des différences de compétences peuvent être
observés entre les langues utilisés par l'enfant, et portant ou
non un trouble.
V. En conclusion de la phase exploratoire
...
A travers cette phase exploratoire nous avons pu
élaborer une réflexion prenant en compte le contexte de
l'immigration et de l'intégration en France, l'importance du langage
dans le développement de l'enfant et de sa construction en tant
qu'individu et les enjeux remarqués au sein de la parentalité
chez les familles migrantes et bilingues. Par la suite nous poursuivrons en
nous intéressant à l'accompagnement mis en place par les
professionnels de la petite enfance autour du développement du langage
des enfants bilingues, le soutien à la parentalité amené
aux familles. En ayant à l'esprit l'importance du langage dans la
filiation de l'enfant au sein de sa famille et lors de sa construction en tant
qu'individu.
24
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