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L'apprentissage du langage et le bilinguisme précoce chez les jeunes enfants au sein des familles migrantes


par Mina Borelli
ENSEIS Haute Savoie - Diplôme d'Etat d'Educateur de Jeunes Enfants (DEEJE) 2020
  

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2. Le développement du langage chez le jeune enfant et les développements associés

Le développement de la communication est d'abord influencé majoritairement par la maturation cognitive de l'enfant et est ensuite en lien avec différents caractéristiques individuelles et de l'environnement. Notamment l'interaction avec l'adulte, les stimulations, le cadre de l'environnement et la place attribuée à l'enfant dans celui-ci. L'apprentissage d'une langue est influencé par différents facteurs d'acquisition, proposé par Wolfgang Klein dans son livre L'acquisition de langue étrangère (1989) : la propension à apprendre, la capacité linguistique, l'accès à la langue. La construction du langage par l'enfant est « un processus extrêmement complexe qui s'élabore en étroite interaction avec les modalités de fonctionnement cognitif, neurologique et psychique » (C. Sanson (2010). Troubles du langage, particularités liées aux situations de bilinguisme. Enfances & Psy, page 48). Son développement est lien avec les autres développements de la petite enfance (psychomoteur,

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cognitif, social et affectif) et tous sont intra mêlés et liés dans le développement global de l'enfant.

a) Les interactions précoces

Plusieurs spécialistes de la petite enfance se sont penchés sur la question du langage et ses origines. Maria Montessori6 évoque parmi ce qu'elle définit comme périodes sensibles, une période centrée sur le langage entre les 2 mois de l'enfant et ses 6 ans. Cela correspond à une période de développement concentré sur le langage et son développement chez l'enfant. Sigmund Freud7 évoque le stade oral autour des 3 mois de l'enfant et jusqu'à ses 18 mois, et son intérêt dans les développements sensoriel, cognitif et langagier. Il présente cette phase du développement de l'enfant (de 3 jusqu'à environ 18 mois) comme centrée sur la zone bucco-labiale (bouche, gorge). L'enfant va utiliser sa bouche pour expérimenter et découvrir les objets, la notion « d''intérieur », « d'extérieur » les mouvements et ce que cela créée pour lui : plaisir ou déplaisir (succion, ingurgitation, ou vomissements).

Dès la naissance on remarque chez les enfants des « comportements communicatifs précoces » (N.J. Cohen, 2005) par les pleurs, cris et vocalisations et de manière non verbale par les regards et premiers gestes faits en réactions aux interactions initiées par les adultes qui entourent le bébé. Les premiers sons faits par l'enfant (les lallations : babillages) représentent d'abord des « mouvements exploratoires de l'appareil phonatoire » (Brigaudiot et Danon-Boileau, 2002, page 29). Ces interactions précoces, englobant les babillages, gazouillis et la mise en place de la communication non verbale, se développent progressivement en lien avec les capacités d'observation, d'écoute et de compréhension de l'environnement par l'enfant mais aussi avec ses développements sociaux et affectif. Comme par exemple la mise en place du sourire intentionnel. Il apparait autour des 2 ou 3 mois de l'enfant, selon une étude menée au Bénin en 2017, et est influencé par la « stabilité psychoaffective de la mère et un environnement social interactif » (étude sur le Sourire intentionnel du bébé et facteurs maternels associés, 2017).

On note la mise en place de l'accordage affectif, pensé par Daniel Stern, entre l'enfant et son parent dès les premiers jours. L'accordage affectif correspond aux conduites d'imitation entre le nourrisson et son parent, dans le but d'un partage d'états affectifs, nécessaire à la

6 Maria Montessori (1870-1952) : médecin et pédagogue italienne

7 Sigmund Freud (1856-1939) : psychanalyste autrichien

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compréhension par l'enfant de son état interne et à la construction du lien parent-enfant (D. Stern, 1989). Le développement cognitif et des neurones miroirs est essentiel pour la mise en place de ces conduites d'imitations et d'interpellation menée par l'enfant. Bruner (1975) note la mise en place de signes par l'enfant autour de 1an en direction de l'adulte (lever les bras vers l'adulte pour être pris dans les bras, pointer un objet). Cette communication gestuelle est accompagnée d'une communication orale à base d'onomatopées et babillages, Le pointage évoque la mise en place d'interactions dans l'intention de l'autre. Il le met en place de manière autonome et le comprend de la part des adultes ou des autres enfants, de façon plus précise. Dans le même temps, l'enfant acquiert progressivement la permanence de l'objet (environ entre les 8 mois et les 18 mois de l'enfant). C'est-à-dire la conservation d'une image mentale de l'objet et de son souvenir même s'il n'est plus visible ou accessible à l'enfant (Piaget et Baillargeon, 1980).

b) L'entrée dans la production langagière

Entre ses 1 an et 1 an et demi l'enfant est en capacité d'émettre une intention communicative et d'associer l'expression d'onomatopée à l'expression d'émotions, à la survenue d'évènements ou leur association avec une symbolique (le chien, peut être pointé et dont le son associé est « ouaoua » pour son cri). Cette communication est complétée avec la mise en place plus fine de la communication non verbale (regard, pointage, gestes avec une symbolique)

Le lexique précoce apparait avec les premières productions lexicales. Celui-ci sera lié à la recherche d'indépendance et la volonté de découverte de l'enfant (acquisition de la marche, curiosité, volonté de faire seul) et jouera un grand rôle dans la période du non. Le développement cognitif, lié aux expérimentations motrices permettent la construction d'une symbolique et la compréhension de certaines notions (dedans-dehors ; absence-présence, cause-effet). Les premiers jeux symboliques commencent, liant ainsi l'imitation et l'imagination par l'enfant. Ces jeux coïncident à une évolution forte du langage chez la majorité des enfants autour des 2 ans (l'explosion du langage) : le vocabulaire s'enrichit, la répétition des mots de l'adulte est bien installée et plusieurs mots peuvent être associé, appelé premiers énoncés rhématiques à plusieurs termes pour articuler les premières phrases (Brigaudiot et Danon-Boileau, 2002). L'enfant développe par la suite des compétences de récits, d'énoncés et d'écoute. Après l'autodésignation, les premières expressions de la possession se développe avec l'apparition des « ma » et « mon » et l'expression des intentions et besoins. Cet envol du langage permet les jeux entre pairs et le développement

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des jeux de groupe ou de coopération. Les jeux se modifient aussi avec davantage de jeux symboliques, de jeux moteurs ou de précision. Les jeux de construction prennent davantage de sens dans la psyché de l'enfant.

IV. Langage et parentalité dans le cadre de familles bilingues et issues de l'immigration

Nous venons d'évoquer le phénomène de l'immigration et son contexte en France. Notamment la représentation sociale de la population immigrée en France : pendant longtemps ces populations, peu importe l'origine, ont été perçues comme temporaires et n'ayant pas le but de s'installer durablement sur le territoire Français. Cependant l'installation en France est maintenant un des buts et des enjeux pour les personnes entamant un voyage migratoire. Nous avons vu comment l'intégration est devenue un des enjeux des politiques publiques françaises, avec la lutte contre les exclusions et la mise en place d'institutions et d'organismes tournées dans ce sens. L'intégration notamment des familles arrivantes ou des enfants dits de seconde génération est un des enjeux de l'accompagnement par les professionnels de la petite enfance et du travail social. Nous avons également abordé l'apprentissage du langage par le jeune enfant et l'importance de l'environnement familial, social. Les influences des développements psycho-sociaux et psycho-affectif ont aussi été mis en avant. Nous allons maintenant préciser l'importance des données amenées précédemment dans le cadre de l'apprentissage du langage par le jeune enfant au sein des familles migrantes et dans un contexte interculturel.

1. La parentalité au sein de l'immigration

La parentalité dans la migration regroupe différents enjeux. Tout d'abord l'éducation des enfants dans une société différente de celle dans laquelle les parents ont grandis. Et donc la rencontre de différents systèmes éducatifs, parfois très différents : les personnes migrent avec leur monde. La fonction primaire du parent, peu importe les cultures et les sociétés, reste la protection de son enfant. A côté de ça, un pan important de la parentalité est composé de la transmission et l'apprentissage par et pour leurs enfants de la socialisation et de champs de connaissances propres à la société d'accueil, notamment la langue. A l'éducation des enfants, se mêle la propre intégration des parents en tant qu'adulte dans la société et en tant que famille. La famille est alors confrontée à des contextes éducatifs sociétaux et institutionnels différents de l'environnement familial, avec des objectifs, des attentes diverses pour les enfants comme les parents. La migration en elle-même impacte grandement l'individu avec la perte de repère et le sentiment de rupture (social, culturel,

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environnemental), la nécessité de multiples adaptations (culturel, langage, administrative, professionnelle) et une réorganisation identitaire individuelle. L'installation dans la société d'accueil amène les personnes à construire une « vie double » (« Vécu sensible de l'événement migratoire », page 53) : la vie créé, laissé et entretenu au pays et celle construite dans la société d'accueil. Ainsi dans les transmissions familiales se mêle différentes influences, parfois contraires ou incomprises aux valeurs en place dans la famille. Et notamment la manière de se représenter les enfants (besoins, attentes, maladies, soins, apprentissages) et donc de se comporter avec eux. Ces différences de représentation, d'enjeux et d'objectifs, apparaissent aussi lors de l'accompagnement par les professionnels du langage de l'enfant ou lors du soutien à la parentalité, pouvant causer différentes incompréhensions et difficultés à communiquer. Ces différentes logiques culturels et ce métissage autour de l'enfance et leurs évolutions dans le cadre de la migration ont été étudié à travers le monde (étude de J. Rabain-Jamin (1985-87) en PMI ; Education, migration, inégalités et intégration en Europe (2008)). On remarque cela notamment lors de l'apprentissage du langage dans le cadre d'une famille bilingue : l'apprentissage de la langue nationale du pays d'accueil est nécessaire dans l'intégration des enfants et lors de leurs parcours scolaires et professionnels, mais aussi des différences d'importance accordée à cet apprentissage et concernant les pratiques éducatives mises en place selon les familles. Pour autant le maintien de la transmission de la langue première et de la culture familiale est essentiel dans sa construction en tant qu'individu et dans sa filiation au sein de la famille et du groupe d'appartenance auquel elle se réfère (Petite enfance, migration et diversités, page 15). L'article de Sylvie Rayna, rapportant les résultats de la recherche Children Crossing Borders (CCB, 2016), présente les difficultés et l'entre-deux dans lequel peuvent se trouver les familles migrantes concernant l'intégration et l'accueil de leur enfant dans les modes de garde du pays d'accueil. Cette enquête a été menée dans cinq pays occidentaux (France, Italie, Allemagne, Royaume-Uni et Etats-Unis) auprès des enfants de quatre ans accueillis dans des structures collective et issue de familles immigrées. Les parents interrogés expriment l'« ambivalence » de la situation et de leurs désirs pour leurs enfants : « La priorité est que leur enfant apprenne la langue du pays. [...] Pour autant, ils redoutent la perte de leur(s) langue(s) et, avec elle, de leur culture et des liens familiaux. » (Rayna, S. (2016). Enfants (de) migrants : quel accueil dans le préscolaire ? Informations sociales, 194, page 79). On retrouve l'importance de la langue pour les familles, comme marqueur d'identité et d'appartenance, mais aussi comme constance du lien et le sentiment de responsabilité qui les incombe de cette transmission et de cet apprentissage, avec le risque de l'acculturation

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pour leurs enfants. Cette même étude présente les différents systèmes éducatifs : elle montre des grandes disparités entre les pays, notamment les structures françaises pratiquant presque exclusivement le monolinguisme et ayant du mal à intégrer les familles et leurs pratiques multiples des langues. Cette différence a été remarqué par des enseignantes françaises participant à l'étude : elles remarquaient le mutisme sélectif observé chez certains enfants dans leurs structures, la non-utilisation de la langue maternelle par les enfants, ou de la honte observée par les parents chez certains même dans le cadre familial, en comparaison avec d'autres fonctionnements pointés ou les enfants se permettaient l'utilisation de leur langue (S. Rayna. (2016). Enfants (de) migrants : quel accueil dans le préscolaire ? Page 79). On comprend parmi cela, les difficultés à la construction d'identité multiple chez l'enfant, à l'accompagnement par les familles et aux difficultés qui peuvent être rencontrées lors de l'affirmation comme parent et décisionnaire ou dans le lien aux professionnels et aux structures.

2. Les enjeux autour du contexte familial bilingue, dans le cadre de la migration

Nous avons abordé la psychologie de la migration avec les difficultés possibles pour l'intégration au niveau psychique et au niveau sociétale : avec le sentiment de rupture, les difficultés au niveau social et communicatif (différences de langues, de normes sociales, de valeurs et de systèmes symboliques), les difficultés possibles de la société à intégrer les familles. On note aussi au niveau social et individuel la notion de hiérarchisation des langues ou des cultures. L'utilisation de langues informe sur l'identité sociale de l'individu et marque son appartenance à un groupe. Mais elle peut aussi servir à la « construction de différences » (E. Urbain (2017). Hiérarchisation des langues et des locuteurs : différenciation sociale et discours sur la langue dans la francophonie louisianaise depuis la Guerre de Sécession, Revue transatlantique d'études suisses, 6/7. Page 200) et à la valorisation ou dévalorisation de certaines langues et donc groupes. La hiérarchisation des langues est un processus social par lequel certaines langues sont valorisées et considérées comme supérieures à d'autres langues dans une société donnée (Article The other languages of Europe: demographic, sociolinguistic, and educational perspectives (2008)). C'est un phénomène, en lien avec l'unilinguisme mis en place à l'échelle nationale et aux conflits linguistiques qui peuvent apparaitre, pouvant se manifester par la discrimination en elle-même : la stigmatisation des locuteurs ou leur exclusion. On le remarque aussi dans la valeur apportée à la maitrise des différentes langues : au sein des institutions scolaires avec l'apprentissage d'un nombre très réduits de langues, et dans le cadre professionnel où certaines langues sont favorisées et d'autres peuvent être ignorées ou non perçues comme des compétences égales. Par exemple :

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l'anglais langue est majoritairement valorisée, enseignée et pratiquée dans le cadre scolaire et professionnel. Ce phénomène social a un impact sur les transmissions familiales des langues : on remarque dans le cadre de la migration « l'injonction à s'intégrer en parlant français » (A. Filhon dans Transmission familiale des langues en France : évolutions historiques et concurrences (2010), page 212) peut influencer la pratique et la transmission de la langue première de la famille aux jeunes enfants une fois installé dans le pays d'accueil. Une des explications pouvant être amenée est la peur de la stigmatisation des enfants par la société d'accueil, en prenant cette langue comme marqueur sociaux reliant les enfants au groupe de personnes immigrées et les stigmatisations et représentations associées. Joue aussi dans le contexte de la migration et des représentations posées sur les personnes, la mésestime et la dévalorisation de l'origine, de la culture et de la langue maternelle, et les différences de dynamiques de langues entre les pays (présence de multiples dialectes au niveau national, unicité d'un langage à l'échelle nationale, ...). Pour autant quand la transmission de la langue dans la famille est pratiquée elle l'est pour différentes raisons, propre à chaque famille, dans lesquels on retrouve : la volonté de continuer l'héritage de la famille, de ne pas perdre le lien avec le pays d'origine et la famille élargie, transmettre le capital culturel, notamment dans le cas où ces compétences langagières sont considérées comme rentables ou valorisées par la société (id, page 215). Cette notion de dévalorisation d'une langue par rapport une autre est une composante à prendre en compte dans l'accompagnement par les professionnels de la famille.

3. Bilinguisme précoce durant la petite enfance

Le bilinguisme précoce est « l'acquisition par l'enfant de deux langues auxquelles il est exposé dès son plus jeune âge » (Bilinguisme, plurilinguisme et petite enfance dans la revue Devenir Vol 22, page 293). Cet apprentissage survient lorsque l'enfant grandit dans un environnement où plusieurs langues sont utilisées, notamment si la langue première de la famille est différente de celle nationale, ou au sein même de la famille. Le bilinguisme dans le cadre familial correspond à la réalité d'un quart des familles résidantes en France métropolitaine, selon l'enquête « Histoire de Vie » faite par l'INSEE en 2003. L'enjeu pour l'enfant dans cette situation est de différencier les deux langues apprises et pouvoir faire évoluer ces apprentissages harmonieusement. Pour autant, le bilinguisme ou plurilinguisme (dans le cas où plus de deux langues sont connues) peut connaître des asymétries, ou des utilisations et des connaissances de lexique, par exemple, différentes. On peut ainsi remarquer des transferts de lexique ou de code de communication d'une langue à l'autre. C. Noyau précise que la différenciation des langues et de l'utilisation des langues, en lien avec

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le cadre ou la personne destinataire, se fait globalement autour des 2 ans de l'enfant. Le bilinguisme est influencé par de nombreux facteurs au sein du contexte familial (histoire de la famille, individuelle, intégration, fratrie) et à la place donnée aux langues (fonctions, cadre d'utilisation).

Une maitrise inégale des langues peut apparaitre et est normale dans l'acquisition du langage par l'enfant, et en lien avec les facteurs donnés précédemment. Lorsque l'individu a acquis les mêmes compétences linguistiques dans les différentes langues, on parle d'un bilinguisme équilibré. Dans le cas où une langue est davantage maitrisée ou favorisée, on parle d'un bilinguisme dominant en faveur d'une langue. On connaît deux types de bilinguismes, en termes d'apprentissage par l'enfant et de bénéfices dans son développement. Le bilinguisme additif qui correspond à la progression simultanée dans les deux langues connus par l'enfant et dans le « domaine métalinguistique » (Bilinguisme, plurilinguisme et petite enfance dans la revue Devenir Vol 22, page 293). Et le bilinguisme soustractif, dans le cas où la deuxième langue se développe « au détriment des acquis de la première langue ». Ce type de bilinguisme serait « négatif sur l'acquisition des deux langues et sur les connaissances métalinguistiques. » (id, page 293). Le bilinguisme, sa mise en place ou les attentes qui sont placés dans ce contexte peuvent être utilisé où analyser comme un levier thérapeutique dans le cas de difficultés langagières chez les enfants (id, page 296).

4. Le phénomène du bain langagier au sein des familles bilingues

Le bilinguisme est généralement mis en place dans le cadre familial de l'enfant ou de la fratrie. Pour autant on remarque des différences d'apprentissage d'un enfant à l'autre, en fonction des capacités d'apprentissage individuel, des rencontres occasionnées entre l'enfant et la langue (fréquence, intensité, participation ou écoute) et du contexte émotionnel mis en place (valorisation ou dévalorisation de la langue, de la culture transmises). Notamment le bain langagier en place au sein de la famille et le soutien des acteurs extérieurs (communautés, professionnels, famille élargie, société globale). On observe trois utilisation des langues au sein des familles bilingues : l'utilisation exclusive d'une des langues la langue du pays d'accueil, ou la langue première de la famille, ou alors l'usage conjoint des deux (Hornet, 2007). Il peut aussi exister des échanges où les membres de la famille utilisent différents langages (par exemple, l'utilisation de la langue première par les parents et les réponses des enfants dans la langue seconde). Nous avons vu précédemment l'importance de la langue dans les sentiments d'appartenance et d'identité, mais aussi la valeur accordée par les familles migrantes à l'intégration et dans le même temps à la transmission familiale.

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On comprend donc que les choix concernant la linguistique et la transmission aux enfants de ces compétences est influencés par de nombreux facteurs en lien avec l'histoire familiale, individuelle, l'intégration et l'immigration et tous les ressentis qui y sont liés (Hamad, 2004). On remarque aussi l'alternance entre les langues utilisées en fonction du contexte, des destinataires ou encore des sujets abordés entre parent et enfant :

On peut faire lien avec le sujet de cette recherche et le cadre familial influencé par la migration et l'intégration. Des expériences et études cliniques recommandent la transmission et l'utilisation de la langue maternelle pour les enfants migrants. Cet apprentissage peut permettre dans un type de bilinguisme additif, la facilitation d'apprentissage à d'autres langues et notamment la langue du pays d'accueil mais aussi la filiation au sein de la famille. Cela correspond à la construction d'une sécurité linguistique pour l'enfant, notamment avec une meilleure estime de sa langue maternelle et de la culture qu'elle promeut, l'héritage de sa famille et son intégration dans celle-ci. Cette sécurité au niveau du langage mise en place au sein de la famille et lors des interactions avec le jeune enfant, favorise la mise en place des interactions précoces et consolide la création des liens entre les membres de la famille (démontré par les programmes de soins et de recherche de l'Unité Petite Enfance et Parentalité Vivaldi, 2004). Pour favoriser cela, deux composantes à l'apprentissage du langage par l'enfant dans leur contexte familial ont été identifiées par Xiaoxia Li dans son article How can language minority parents help their children become bilingual in family contexte ? : la première correspond aux comportements et la valorisation par les parents envers les langues et les cultures (première, secondaire) que l'enfant rencontre. Et la deuxième est constitué par les interactions parents-enfants (langue utilisé, transmissions familiales, communication non-verbale) (X Li. (2012). How can language minority parents help their children become bilingual in family contexte ? A case studfy of a language minority mother and her daughter. Journal of Multilingual and Multicultural Development. Page 211). Les parents et l'éducation mise en place sont donc une part importante de l'apprentissage des langues par l'enfant, la construction de son identité et du sentiment d'appartenance ou non. S'appuyant sur ces idées et connaissances, on retrouve la méthode de Ronjat (Hadège, 2005). Cette méthode conseille dans le but d'un apprentissage bilingue l'utilisation par chaque parent de sa propre langue maternelle, mettant ainsi en place un cadre clair d'utilisation des langues, permettant la différenciation plus aisée des différences entre les langues et le rattachement des langues à une filiation et à des formes de transmissions familiales, par la figure du parent.

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5. L'observation du bilinguisme sur le développement langagier de l'enfant

Comme il a été dit l'investissement et le développement par l'enfant de deux ou plusieurs systèmes linguistiques demande différents processus de différenciation des langues et d'adaptation, notamment à une appartenance et une découverte de plusieurs univers culturels. Des études récentes démontrent que les troubles ou retards de langage longtemps associés au bilinguisme sont souvent plus difficilement évaluables et ayant moins de lien avec le contexte interlingual que ce qu'il était pensé précédemment. Différentes études ont été menées par le Centre du Langage et le service de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent dirigé par la professeur Marie-Rose Moro, auprès des familles issues de la migration et ayant des appartenances culturelles multiples et/ou bilingues. L'évaluation des troubles du langage chez ces enfants doit être accompagner et compléter par l'approche multiculturelle et multilinguale nécessaire à une bonne compréhension de la situation de l'enfant et de son cadre familial. C'est notamment le but de l'Hôpital d'Avicennes qui a mis en place un outil d'évaluation et d'observation des capacités langagières chez les enfants, mêlant les compétences en langue française et étrangère : l'ELAL d'Avicenne (Evaluation Langagière des Allophones et Primo-arrivants). Cet outil permet une prise en compte des différentes compétences, leur reconnaissance et les dynamiques observées au sein des interactions précoces, dans le cas du bilinguisme ou du plurilinguisme chez l'enfant. Cela en amont de poser un diagnostic, pouvant enfermer l'enfant et ne pas être en accord avec ces réelles compétences linguistiques. Les études démontrent l'importance d'une évaluation pluridisciplinaire où l'environnement de l'enfant et de sa famille est pris en compte, pour arriver à une observation précise des difficultés que rencontrent possiblement l'enfant (Sanson, C. (2010). Troubles du langage, particularités liées aux situations de bilinguisme. Page 55). D'où la complexité de l'accompagnement, en lien avec un manque d'informations des professionnelles et la difficulté d'évaluation des compétences de l'enfant.

Actuellement, aucune étude n'a démontré que les enfants bilingues pourraient être plus enclins à développer des troubles du langage que les enfants monolingues. Au contraire Colette Noyau dans son article Psycholinguistique de l'acquisition des langues et didactique du bi-plurilinguisme (2014) précise que la maitrise et l'apprentissage de plusieurs langues s'harmonise autour des 4-5 ans de l'enfant, moment où les enfants ont acquis, dans la plupart des cas, « les bases de leurs langues ou de chacune de leurs langues » (Psycholinguistique de l'acquisition des langues et didactique du bi-plurilinguisme (2014), page 1). Cette tranche d'âge d'acquisition est la même que dans le cadre d'un apprentissage d'une langue unique dans la petite enfance. L'apprentissage d'une nouvelle langue après les 4 ans de l'enfant

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correspond déjà à une langue dite seconde. L'apprentissage de différents systèmes linguistiques permet au niveau cognitif la mise en place de systèmes structuraux facilitant les prochains apprentissages, notamment une certaine logique linguistique et des facilités d'adaptation précoce. La maitrise de plusieurs langues a aussi une influence dans la construction affective, le développement social, et l'ouverture culturelle de l'enfant dans sa famille et au sein des sociétés. Comme il a été nommé, des différences de compétences peuvent être observés entre les langues utilisés par l'enfant, et portant ou non un trouble.

V. En conclusion de la phase exploratoire ...

A travers cette phase exploratoire nous avons pu élaborer une réflexion prenant en compte le contexte de l'immigration et de l'intégration en France, l'importance du langage dans le développement de l'enfant et de sa construction en tant qu'individu et les enjeux remarqués au sein de la parentalité chez les familles migrantes et bilingues. Par la suite nous poursuivrons en nous intéressant à l'accompagnement mis en place par les professionnels de la petite enfance autour du développement du langage des enfants bilingues, le soutien à la parentalité amené aux familles. En ayant à l'esprit l'importance du langage dans la filiation de l'enfant au sein de sa famille et lors de sa construction en tant qu'individu.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon