1.3 Le statut des animateurs
La question du statut de l'animateur revient
régulièrement dans la littérature. Ainsi que le souligne
Farvaque (2008), qui s'attache à définir la qualité de ces
emplois, il s'agit d'un élément important, qui joue sur les
conditions de travail des personnels. Il fait tout d'abord une distinction
entre les animateurs vacataires et les permanents. Si la
précarité semble être une caractéristique de la
première catégorie, Farvaque (2008, p.58) démontre que la
sécurité de l'emploi n'est pas garantie non plus pour la seconde.
En effet, la plupart du temps, les contrats à durée
déterminée, dans le monde de l'animation, sont remis en question
chaque année. Cela peut être dû aux financements, jamais
garantis, mais aussi aux liens que les associations entretiennent avec les
services publics. Ainsi, dans le cas de la fédération associative
OCCE, dont il est question dans notre travail, les contrats signés par
les enseignants, détachés en tant qu'animateurs
pédagogiques, ont une durée d'une année scolaire et sont
soumis à chaque rentrée scolaire à la validation du
Ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse. Il peut
donc être difficile, pour un animateur, de se projeter dans le long
terme, et c'est la raison pour laquelle les mouvements de personnels sont
importants (Farvaque, 2008, p.55).
Parfois, certains animateurs voient leur métier changer
de dénomination. C'est ce qui est décrit par l'enquête de
terrain de Toupet (2015), au sujet d'un réseau départemental
initialement dévolu à l'animation rurale, qui a glissé
progressivement vers « l'éducation environnementale » à
la fin du XXe siècle. Les enjeux en termes de
développement durable, de politiques publiques et de financement,
couplés à une professionnalisation des animateurs, a
demandé au réseau une régulation permanente, qui a conduit
à une reconfiguration des missions des professionnels, et de leur
statut, pour devenir, selon les cas « chargés de missions »,
« éco-conseillers » ou encore « médiateurs
».
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Par ailleurs, les professionnels interrogés dans les
travaux de Farvaque (2008, p.55) pointent souvent un manque de reconnaissance
de leur métier. Cela passe par l'éclipse de leurs diplômes,
mais aussi par le manque de clarté des missions qui leur sont
assignées. En effet, les animateurs disent peiner à trouver une
légitimité, du fait de l'absence d'une identité
professionnelle. Pourtant, le métier d'animateur réclame une
grande autonomie d'action de la part des salariés, et de gestes
spécifiques qui se développent lors de la professionnalisation
Farvaque (2008, p.54-55) Enfin, divers travaux, dont ceux de (Farvaque, 2008)
notamment insistent sur la représentation sociale du métier
d'animateur, qui méconnait l'ensemble des tâches à
effectuer, notamment lorsque celles-ci sont hors de la vue du public (Lebon
& Lima, 2011, p.29).
Certains travaux de recherche s'attachent à
décrire le fonctionnement d'associations se reconnaissant dans le
mouvement de l'éducation populaire, dont les missions ont ensuite
évolué vers la fin du XXe siècle vers de la
formation d'adultes. C'est le cas par exemple du CEPREG, Centre
pédagogique de Responsables de Groupes, créé en 1958, et
qui fonctionna 20 ans. Dans son travail sur la question, Aumont (2006),
psychosociologue et ancienne directrice du CEPREG, revient sur l'histoire de
cette association et son évolution. Fondée pour former des
responsables et des animateurs associatifs, elle militait pour introduire les
apports de la psychologie sociale dans les dynamiques de groupe. Les animateurs
qui pilotaient ces formations étaient bénévoles lors des
premières années de l'association, mais son développement
a rapidement fait émerger la nécessité de mobiliser des
permanents. Les animateurs ainsi recrutés étaient formés
aux questions des dynamiques de groupe et à exercer des fonctions qui
permettaient le travail collectif. Lorsqu'ils étaient en position de
formateurs, ils s'attachaient à faire vivre le groupe selon les
modalités qu'ils utilisaient eux-mêmes, de manière à
transmettre leur savoir-faire aux formés. Il s'agissait, selon eux,
d'une « pédagogie de la formation permanente », permettant
à chaque professionnel de se développer en continu dans les
groupes de travail dont il faisait partie. Cependant, le statut de formateur,
ainsi que la fonction afférente, ne furent officialisés que dix
ans plus tard, au début des années 1970.
De la même manière, Lebon (2007, p.4), à
propos de la formation des animateurs au BAFA, chez les Francas, indique une
congruence entre ce qui est donné à vivre aux stagiaires, et ce
qu'ils auront ensuite à reproduire avec les enfants qu'ils auront sous
leur responsabilité. L'animateur en position de formateur montre
là aussi une mise en retrait lors des activités, dans l'optique
de laisser toute sa place à la réflexion et au débat
collectif, dans une logique émancipatrice. Le formateur
postule que le collectif des stagiaires détient le
savoir, et qu'il doit lui-même servir « d'accoucheur ».
Dans son travail sur l'intérêt du jeu de
rôles en formation d'adultes, Patin (2005) utilise indifféremment
les termes animateur et formateur. Pour cette docteure en psychologie sociale,
il est surtout question des fonctions que le professionnel est amené
à endosser, en lien avec la modélisation de Gillet (1996). Le
formateur d'adultes s'appuie, lorsqu'il utilise des jeux de rôles, sur la
théorie des champs de Lewin vue plus haut, en présupposant que
les formés seront capables de prendre la mesure des contraintes
environnementales liées au travail de groupe en le vivant
eux-mêmes lors de la formation. Ainsi, dans ce cadre, le formateur prend
la fonction de médiateur, dans un cadre éthique posé au
préalable. Cependant, malgré le soin que prend le formateur pour
être en retrait des échanges, Patin (2005, p.176) indique qu'il
n'est pas possible d'effacer totalement les liens d'interdépendance
entre le formateur et les formés, notamment parce que le premier doit
nécessairement intervenir dans les phases de régulation et
d'interprétation des échanges du groupe.
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