Paragraphe II : Les insuffisances subjectives
A l'opposé des insuffisances objectives, elles sont
liées aux personnes vulnérables. En effet, la protection
juridique dont ils peuvent bénéficier dépend
également de leur connaissance en droit. Or, les personnes
vulnérables ignorent très souvent leurs droits (A). A l'ignorance
s'ajoute le poids de la pauvreté (B).
A - L'ignorance des droits par les personnes
vulnérables
La méconnaissance de leurs droits par les citoyens
nigériens apparaît pour emprunter l'expression du professeur
René DEGNI-SEGUI, « comme un des obstacles majeurs au respect
des droits fondamentaux »280. Certes l'adage «
Nul n'est censé ignoré la loi » est en
théorie parfaitement applicable. Il peut à ce titre être
évoqué aussi bien par le justiciable pour leur demander de
respecter le droit d'autrui. Toutefois dans la pratique, cet adage n'a pas une
grande signification. C'est un adage précieux pour tout juriste mais
n'en demeure pas moins critiquable, surtout lorsqu'on se retrouve dans un
contexte où 75% des populations n'ont pas toujours accès au
droit281. En effet l'accessibilité au droit pour la
majorité des nigériens très médiocrement
assuré.
La méconnaissance par les populations de la
législation relative aux violences faites aux filles et aux femmes
victimes d'accéder à la justice, ainsi que des dispositifs de
prévention mis en place282. Cette absence de connaissance des
instruments juridiques de promotion et de protection, la
déscolarisation, constituent des facteurs de vulnérabilité
qui se manifestent au Niger283.
L'une des observations finales de la Commission Africaine des
Droits de l'Homme et des Peuples relative au Rapport périodique
combiné au Niger (2013-2014) sur la mise en oeuvre de la Charte
africaine des Droits de l'Homme et des Peuples établit que la majeure
partie de la population ne connait pas les instruments juridiques de promotion
et de protection des droits de l'homme adoptés au plan
national284. La Commission voit aussi un facteur limitant la
jouissance des droits garanties par la Charte africaine
280 Souleymane GARBA, La garantie des
droits fondamentaux au Niger, Mémoire DEA, droit de la personne et
de la démocratie, UAC, 2004, p. 68.
281 Sakinatou BELLO, op, cit,. p
216.
282 Cf. Odile Ndoumbé FAYE, op,
cit., p. 61.
283 Voir rapport Global de Suivi, op, cit., p.
8.
284 Ibid., p. 27.
57
des Droits de l'Homme et des Peuples, y compris les droits de
l'enfant (art.18 alinéa)285.
L'enquête de l'INS et de l'ANLTP sur la traite confirme
ce postulat, puisqu'elle retient que plus de la moitié de la population
nigérienne ne sait pas ce que la traite et que 65,6% des ménages
familiarisés à la traite ne connaissent pas de système de
protection des victimes286. De même, la grande majorité
des enfants interrogés pour élaborer la cartographie de
l'Association Nigérienne pour le Traitement de la Délinquance et
la Prévention des Crimes (ANTDA) et ECPAT Luxembourg sur le
système de protection des enfants à Niamey ne connaissent ni le
cadre juridique applicable, ni les structures de prise en charges disponibles
en matière d'ESE.
Au-delà de l'ignorance des droits qui
caractérise certains groupes vulnérables, ces derniers sont
confrontés à l'analphabétisme et la pauvreté.
B - De l'analphabétisme à la
pauvreté
La pauvreté et l'analphabétisme constituent des
facteurs de risque les plus importants des violences multiformes faites aux
personnes vulnérables. Les conséquences des violences sont
également visibles à travers les séquelles physiques
à vie, les grossesses précoces et non désirés, la
prostitution clandestine des femmes et jeunes filles, la toxicomanie et
l'alcoolisme, le vagabondage sexuel, l'abandon des études ou le retrait
des filles très tôt de l'école287.
Certains justiciables, par analphabétisme ne font
toujours pas la distinction entre un juge et un avocat, entre un avocat et un
huissier et entre un huissier et un greffier. Tous les hommes en noir sont
appelés avocats288. Lorsqu'un problème de droit se
pose à un citoyen pauvre et analphabète, il ne s'est à qui
s'adresser. Il préfère parler de son problème au chef de
village qu'au magistrat. Pour eux la justice évoque : Le procès,
l'intimité, la rupture de l'équilibre social, la prison,
l'injustice, l'argent, le « bras
285 Ibid.
286 Enquête sur les comportements, attitudes, et
pratiques des populations en matière de la traite des personnes au
Niger, p. 12.
287 Cf. Odile Ndoumbé FAYE, op,
cit., p. 68.
288 Akouégnon Micheh, HONVOU, La
protection des droits fondamentaux au cours de l'enquête
préliminaire au Benin, Mémoire de DEA, Droit de la personne
et de la démocratie, UAC, 2012, p. 54.
58
long » c'est-à-dire, les relations et
éventuellement la protection occulte en vue de faire face à
l'adversité de l'autre partie à l'issue d'un
procès289.
Le Niger n'a pas connu d'évolution significative depuis
1998, alors qu'à l'époque
77% des femmes âgées de 20 à 24 ans
s'étaient mariées avant leurs 18ans. En 2002, le Fond des Nations
Unies pour la Population (UNFPA) a démontré dans un rapport sur
le mariage d'enfants que le Niger était le pays d'Afrique où le
taux de prévalence de mariage d'enfant était le plus
élevé290. Dans ce même rapport, l'UNFPA
expliquait
que les mariages d'enfants étaient de nombreux dans les
zones rurales et touchaient
d'avantage les personnes les moins éduquées et
les plus pauvres parmi lesquelles se trouvent les personnes en situations de
vulnérabilité291. Ainsi, 81% des femmes de 20
à 24 ans sans éducation et 63% de celle ayant
fréquenté l'école primaire étaient mariées
ou en couple à 18 ans. En comparaison, seules 17% des femmes ayant
bénéficié d'une éducation secondaire ou d'un niveau
plus élevé étaient mariées à 18
ans292.
D'autres justiciables estiment que certains cabinets et
offices sont trop luxueux à leur goût, en conséquence, ils
préjugent que les honoraires qui y seront pratiqués pourrait
être hors de la portée de leur pouvoir financier293.
Relativement à toutes ces défaillances
liées à la protection des personnes vulnérables,
des mesures idoines doivent être prises pour
remédier à toutes ces situations, d'où les perspectives
d'une meilleure protection.
289 Idem.
290 Voir rapport Global de Suivi, op, cit.,
p.16.
291 Idem.
292 Idem.
293 A ces facteurs, s'ajoute le fait que les personnes
vulnérables ignorent qu'elles ont des droits qui doivent être
respectés par tous.
59
|