Paragraphe I : Les insuffisances objectives
L'objectivité réside dans « l'existence
en soi, indépendamment de la psychologie et de la volonté des
personnes »245. En l'espèce, les insuffisances sont
qualifiées d'objectives parce qu'elles sont à la fois
légales (A) et organiques (B). En d'autres mots, elles se
détachent de la volonté des personnes vulnérables.
A- Les lacunes légales
L'harmonisation insuffisante des législations
nationales avec les conventions internationales et une application des lois qui
laisse à désirer. Ainsi au Niger la législation interne
n'est toujours pas harmonisée avec les conventions ratifiées.
Dans cet État, les instruments de promotion et de protection de la femme
n'ont pas tous été ratifiés. C'est ainsi que les
réserves faites à certains d'entre eux246,
ralentissent les progrès. Le législateur nigérien s'est
bien entendu, inspiré de quelques instruments spécifiques pour
abroger certaines lois nationales au profit des instruments internationaux.
Cependant les mesures volontaristes qui doivent suivre pour
244 Voir Rapport initial sur la mise en oeuvre de la
convention sur les droits des personnes handicapées, (MPPFPE septembre
2015).
245 Gérard CORNU, op.
cit., p.699.
246 Cas de la convention sur l'élimination de toutes
les formes de discriminations à l'égard des femmes, la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples relatif aux droits des
femmes.
promouvoir de manière concrète et effective les
droits des femmes n'ont pas été pris en compte247.
Dans le cas particulier de la convention sur
l'élimination de toutes les formes de discrimination à
l'égard des femmes, le Niger a considérablement réduit la
portée de celles-ci en y apportant des réserves aux articles 2 et
5, qui sont pourtant des dispositions importantes de la
convention248.
Le Niger contribue à maintenir et à
perpétrer les discriminations d'ordre juridique et social à
l'égard de cette catégorie de personnes vulnérables. En ce
qui concerne le Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples relatif aux droits des femmes (Maputo 2003), les parlementaires
nigériens l'on rejeté dans leur majorité sur les points
« litigieux » concernant le mariage, le droit à la
santé et la sauvegarde de la fonction de reproduction, et du droit de
succession249.
Les débats ayant eu lieu à l'assemblée
nationale avaient en effet, suscité beaucoup de passion. On peut
inscrire dans la même dynamique, l'échec du gouvernement
nigérien à faire adopter, dans le courant de l'année 2013,
un projet de loi visant à protéger la jeune fille
scolarisée250. De façon récurrente, toutes les
tentatives visant à améliorer la situation de la femme dans le
cadre du mariage ont jusqu'ici échoué au Niger251.
247 Cf. Odile Ndoumbé FAYE, op,
cit., p.62.
248 L'art 2, en particulier, en constitue la charpente car
c'est à ce titre que les États s'engagent à adopter des
mesures législatives, y compris des sanctions pénales au besoin,
et à instaurer une protection juridictionnelle des droits des femmes par
truchement des tribunaux nationaux compétents, l'article 5, non moins
fondamental, exige des Etats parties qu'ils prennent des mesures
appropriées pour modifier les schémas et modèles de
comportement socioculturel de l'homme et de la femme en vue de prévenir
à l'élimination des pratiques coutumières fondées
sur l'infériorité de l'un ou de l'autre sexe. Modèle et
schémas qui sont à l'origine de la violence sexiste.
249 Cf. Odile Ndoumbé FAYE, op,
cit., p. 63.
250 Boubacar HASSANE (dir), Projet de
recherche sur la rupture du lien matrimonial en Afrique de l'Ouest, Institut
Danois des droits de l'Homme, Etude sur le Niger, op.cit.,
p.6.
251 Il en est ainsi des différentes tentatives de faire
adopter un Code de la famille. Dans le même sens, certaines
recommandations faites au Niger, lors de son passage à l'examen
périodique Universel devant le Conseil des droits de l'Homme, ont trait
à cette difficile intégration des droits de la femme dans
l'ordonnancement juridique au Niger.
En plus de cela, le second obstacle à
l'effectivité des lois réside dans le pluralisme
juridique252, en matière des droits fondamentaux au
Niger253.
En droit interne, les sources concurrentes du droit de la
famille sont le code civil applicable au Niger254 et la
coutume255. A côté du code civil, le législateur
nigérien a décidé que les coutumes des parties sont
applicables en matière de droit de la famille. De ce fait, la
répudiation qui est une forme de dissolution unilatérale du
mariage par le mari, qui en a le pouvoir exclusif et
discrétionnaire256, est une pratique coutumière, est
clairement en contradiction avec la constitution que des instruments juridiques
internationaux relatifs aux droits humains257. Cette
répudiation bien qu'elle fasse l'objet d'une validité
légalement reconnue258, est antipode du principe
d'égalité entre l'homme et la femme tant prôné par
ces textes.
De façon générale, il y a une
réticence des pouvoirs publics qui, même s'ils sont conscients de
leur obligation nationale et internationale relativement aux droits humains,
sont frileux par rapport à leur mise en oeuvre effective259.
La pratique de la répudiation témoigne du non-respect du principe
de l'égalité des êtres humains et occasionne la violation
d'autres droits de la femme et de l'enfant260. Les insuffisances
objectives ne se limitent pas aux lacunes légales, elles sont aussi
d'ordre organique.
|