IV. DISCUSSIONS
Une des limites de notre analyse se situe dans la taille de
l'échantillon considéré. Cette étude ne
prétend pas être exhaustive, seulement elle donne des indications
sur des tendances qu'il est possible d'observer dans les systèmes
d'élevage en agriculture biologique dans le Massif central. Elle pointe
également la nécessité de fournir des
références sur les systèmes agrobiologiques au niveau
national. Une extension de ce type de projets devrait permettre de confirmer ou
non les résultats exposés ici.
IV.1. Quels systèmes sont les plus efficients
Cette étude permet d'avoir une meilleure connaissance
des systèmes d'élevage bio dans leur ensemble. Les
résultats obtenus nous donnent plusieurs enseignements. Nous pouvons
dire qu'il n'y a pas de modèle type pour la réussite
économique d'un système. Cela met en lumière la notion de
cohérence du système. Si certains misent sur l'agrandissement et
la diversification, d'autres misent sur l'intensification afin
d'améliorer leurs revenus. Chaque système aura ses failles et ses
avantages.
- L'agrandissement est souvent accompagné par une
baisse des coûts de production et une diversification de l'assolement et
des activités avec en plus, en général des parts de
prairies permanentes plus importantes. Cela est favorable à l'autonomie
alimentaire. Les investissements en capitaux auront tendance à
être également élevés. Il semblerait pourtant que la
diversification en système de polyculture élevage ne favoriserait
pas l'efficience (Veysset et al., 2015), tout comme l'accroissement de la
taille en général des exploitations. Ces résultats
remettent en cause l'idée selon laquelle, les systèmes de
polyculture-élevage, seraient favorables à la durabilité
des systèmes agrobiologiques (Lebacq et al., 2013). Cela amène
à s'interroger sur la forte incitation à l'agrandissement par les
différentes aides non plafonnées. Il serait également
nécessaire de s'interroger sur le recours au progrès technique
dans le secteur agricole pour renforcer l'efficience des systèmes de
production et créer un réel avantage pour les éleveurs.
- L'étude met en évidence l'efficience des
systèmes spécialisés et herbagers. Ces exploitations ont
tendance à être autonomes en fourrages et elles présentent
des charges relativement faibles qui permettent de bons résultats
économiques. Le problème ici serait la forte
spécialisation car une trop forte spécialisation apparait
d'ailleurs comme l'un des déterminants négatifs de l'efficience
économique.
- Dans les systèmes plus intensifs, le problème
majeur sera l'autonomie alimentaire et les charges de structures importantes.
Pourtant développer l'autonomie alimentaire s'avère être un
facteur clé de l'efficience. Car le coût des aliments produits sur
la ferme est parfois moins élevé et est moins soumis aux
variabilités que les aliments achetés, surtout en AB (Lebacq et
al., 2015). Être plus autonome permet également d'être moins
exposé aux aléas du marché et c'est pourquoi
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l'autonomie est souvent citée comme « l'un des
facteurs déterminants dans la durabilité et la
pérennité des systèmes agrobiologiques ». Dans notre
cas, l'intensification permet tout de même d'avoir une bonne
productivité animale.
A ce niveau, l'étude de la variabilité des
exploitations sur une période plus longue serait indispensable pour
s'assurer de la stabilité des résultats et de la pertinence des
évolutions constatées.
Enfin, il faut tenir compte des aléas climatiques. Il
semble que les sécheresses sont et vont devenir des
phénomènes de plus en plus récurrents auxquels la
production de fourrages et les systèmes d'élevage devront
s'adapter. Les sécheresses, amplifient la baisse de la croissance et des
rendements des fourrages. Dans les cas les plus extrêmes, cela peut
nécessiter des reports de stocks de fourrages d'une année sur
l'autre, très coûteux, voire des pénuries
fourragères nécessitant l'importation de fourrages grossiers ou
de paille (Lemaire G., 2008). Ce qui affecte l'autonomie alimentaire et la
productivité animale, comme cela a été le cas pour
certaines de nos exploitations du fait de la sécheresse de 2016. Les
systèmes agrobiologiques du MC et spécialement ceux fortement
herbagers, devront mettre en place des stratégies pour s'adapter aux
sécheresses et pour la gestion des risques qu'elles induisent. La
récurrence des sécheresses et la vulnérabilité des
élevages bio face à ces phénomènes ne pourrait-elle
pas inspirer des régimes d'assouplissement des conditions techniques
d'élevage en bio spécialement lors de ces crises.
IV.2. La méthode des comptes de surplus
La méthode des comptes de surplus est certes
très utile, mais également sensible aux hypothèses de
départ. Elle permet d'expliquer l'origine et la distribution des gains
de productivité d'un secteur d'activité, d'une manière
claire et explicite. L'avantage que nous avons eu dans cette étude
était que nous disposions de données à l'échelle
individuelle de chaque ferme, de quoi rendre encore plus précis les
résultats. Cependant, cela peut constituer une faiblesse. Les
données stockées dans la base de données DIAPASON sont
issues d'enquête, donc peuvent souffrir des problèmes liés
aux enquêtes que l'on rencontre couramment. L'utilisation de la
méthode est grandement liée à la qualité de
l'information et des données dont nous disposons, alors, plus
l'information sera complète et d'une meilleure qualité et plus la
qualité des conclusions sera améliorée
D'abord, la méthode des comptes de surplus est sensible
aux hypothèses concernant les volumes et les prix choisis. Comme elle a
pour principe de décomposer l'évolution de la valeur
économique en volumes et en prix, nous avons fait par choix des
hypothèses qui ont surement impacté les résultats. Par
exemple dans notre étude, nous avons volontairement décidé
de l'hypothèse selon laquelle la variation des aides publiques n'est
liée qu'à un effet prix et ne correspond pas à une
variation de volume. En plus, nous avons volontairement choisi la
méthode de Bennett pour le choix des prix et volumes de
référence. Nous n'aurions pas fait ces hypothèses, les
valeurs des résultats auraient pu être différentes.
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Cette méthode permet même de déterminer,
parmi les acteurs et les partenaires de la production, « les gagnants et
les perdants » de ces gains économiques. Toutefois, en utilisant
cette méthode, il n'est pas possible de dégager un montant fixe
de surplus comme objectif annuel pour un secteur donné. Vu le poids
important des aides dans le gain économique, l'attribution de volumes
aux aides ne changerait pas les tendances de répartition, alors que les
montants du surplus de productivité eux, varient (Veysset et al., 2017).
Ce qui nous amène à nous poser la question sur la
possibilité d'inclure des décisions du type stratégique au
moyen de cette méthode.
Ensuite, comme nous disposions de données
réelles des fermes, nous avons pu utiliser pour la plupart des produits
et pour certaines charges, les prix réels. Et lorsque ces données
n'étaient pas fournies, nous avons utilisé les indices de prix
dans la décomposition volume-prix. Ce choix d'indices influence alors le
calcul du SPG, les comptes de surplus et la répartition par la suite.
Cette étude est la première à appliquer cette
méthode au secteur de l'agriculture biologique. Pour le choix des
indices de prix, nous ne pouvions donc pas nous baser sur les indices de prix
(IPPAP et IPAMPA) fournis par l'INSEE, car les prix en Bio sont
différents des prix en conventionnels et ne suivent pas forcément
les mêmes évolutions. Nous avons donc dû construire nos
propres indices de prix qui révèlent mieux l'évolution des
prix en agriculture biologique. Ce point soulève encore une fois
l'importance et la nécessité de fournir des
références notamment sur les prix des produits bio ainsi que sur
les intrants, nécessaires au développement de l'agriculture
biologique.
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