CONCLUSION
D'une manière générale, la question
à laquelle répondait ce chapitre est de savoir comment comprendre
et interpréter les frais d'APEE en contexte de gratuité de
l'enseignement primaire. A partir des réalités concrètes
collectées dans l'arrondissement de Koutaba et après analyse,
nous validons l'hypothèse selon laquelle : les frais d'APEE traduisent
la non-gratuité effective pour les parents d'élèves et des
voix de survie du système scolaire primaire pour les directeurs de ces
écoles. De ce fait, la gratuité de l'enseignement primaire face
aux APEE est égale à un non-évènement pour les
parents d'élève55. Notamment avec les frais d'APEE qui
ont pris le sillage des frais exigibles d'autres fois et de leurs augmentations
dans les écoles primaires de Koutaba. La deuxième partie de ce
chapitre présentait l'appropriation des APEE par les responsables des
écoles primaires et survie du système scolaire primaire à
Koutaba. Les directeurs des écoles primaires ont fait des parents
d'élèves leurs partenaires en zones rurales. De même ils
utilisent les APEE comme des supports matériels et financiers pour
assurer la subsistance des écoles primaires publiques à Koutaba.
Le recourt aux élites locales n'est pas de reste. C'est aussi une
stratégie pour assurer le fonctionnement des écoles primaires,
surtout dans un contexte éducatif traversé par une
gratuité qui manque des ressources.
65
55 L'évènement étant la politique de la
GEP
CHAPITRE 4 : LA GRATUITE DE L'ENSEIGNEMENT
PRIMAIRE FACE AU MANQUE DE RESSOURCES DANS LES ECOLES
PRIMAIRES A KOUTABA
66
INTRODUCTION
Quand l'Etat adopte la politique de la GEP, cela suppose que
les charges afférentes lui reviennent. Ainsi il est censé mettre
des moyens financiers à la disposition des écoles primaires
publiques56. Cela afin de garantir leurs fonctionnements et
parallèlement pour que l'école soit effectivement gratuite.
Autrement dit, lorsque nous posons une telle problématique sur la table,
la réflexion s'oriente vers les conditions de sa faisabilité.
C'est-à-dire, les conditions à réunir pour qu'il y ait
gratuité de l'éducation dans les faits. Il s'agit notamment des
ressources nécessaires : financières, humaines et
matérielles etc. Ce chapitre présente les difficultés que
rencontre la politique de la GEP relativement au manque et à
l'insuffisance des ressources sus-évoquées dans les écoles
primaires de Koutaba. D'abord, les difficultés liées au manque et
à l'insuffisance des moyens financiers suffisants dans les écoles
primaires. Dans sa deuxième partie, le présent chapitre met en
exergue le déficit des personnels instituteurs intégrés
dans l'arrondissement de Koutaba. La dernière partie ici, porte sur un
déficit observé des ressources matérielles dans les
établissements scolaires primaires à Koutaba.
1. INSUFFISANCE DES RESSOURCES FINANCIERES DANS LES
ECOLES PRIMAIRES
Les ressources sont de véritables moteurs de
fonctionnement de tout système. Or la politique de la gratuité du
sous-système éducatif camerounais ici à l'honneur,
connait
56 Circulaire n°08/B1/144/MINEDUB du 22 AUG 2014
portant modalités d'exécution du budget de fonctionnement des
écoles maternelles et primaires.
67
d'énorme déficit des ressources
financières. Qui se manifeste avec acuité en zones rurales ou
mieux en ZEP. Cette partie présente l'insuffisance des ressources
financières dans les écoles primaires dans l'arrondissement de
Koutaba. Elle s'articule autour des sources de revenus concrètes, et des
budgets desdites écoles.
1.1. Les sources de revenu des écoles primaires
à Koutaba
En dehors du paquet minimum et du fonctionnement que l'Etat
met à la disposition des écoles primaires, les textes
prévoient une gamme complexe d'acteurs sociaux qui doivent fournirent
à ces écoles tout ce dont elles ont besoin. Mais dans les faits,
seuls quelques-uns sont et agissent inlassablement dans les écoles
primaires. Il s'agit principalement des parents d'élèves. La
commune et les élites agissent aussi sporadiquement.
1.1.1. Les parents d'élèves : partenaires
principaux des écoles primaires publiques en zones rurales
Les parents d'élèves sont les principaux
partenaires aujourd'hui dans les écoles primaires à Koutaba. Ils
sont présents à tous les niveaux. Que ce soit dans le recrutement
du personnel et de leurs prises en charge, ou même de la construction des
infrastructures et de leur entretien. En effet, 59,07% des instituteurs qui ont
tenu les enfants pour le compte de l'année académique 2017/2018
sont payés par les parents d'élèves. Il est presque
impossible de penser le fonctionnement de écoles primaires aujourd'hui
sans les parents d'élèves. Cela traduit dans les faits le manque
d'accompagnement consistant des écoles primaires en contexte dit de
gratuité avec les ressources suffisantes. A cet effet, « les
parents d'élèves qui sont sensés dire un ouf de
soulagement) sont les principaux acteurs qui font fonctionner les écoles
primaires. Puisqu'il n'y a pas d'autres solutions pour le moment. Les
établissements manquent de tout et le gouvernement ne réagit pas
toujours favorablement »57 (Entretien
réalisé le 13 Avril avec Jules).
La majorité des directeurs des établissements
scolaires primaires avouent que sans les parents d'élèves, les
rentrées scolaires seraient presque impossibles dans leurs
écoles. Ainsi, pour Paulin : « les élites et les parents
d'élèves sont nos sources de
57 Ce en fournissant des
ressources de toutes sortes à ces institutions
68
69
revenus. Voilà les deux partenaires qui brillent en
zones rurales. Cependant, les parents viennent en premiers ; parce que les
élites interviennent quand ils veulent et où ils veulent »
(entretien réalisé le 7 Mai 2018 avec Paulin). Ces propos
mettent en exergue non seulement le fait que les parents sont devenus les
principaux supports des écoles primaires, mais aussi le caractère
sporadique des actions des autres acteurs de la CE dans ces institutions.
La GEP a été proclamée en faveur des
parents d'élèves. Le fait qu'ils soient désormais les
acteurs principaux dans les écoles primaires, traduit d'une certaine
manière les difficultés de cette politique. Ils existent dans les
zones rurales comme l'arrondissement de Koutaba, d'autres acteurs prioritaires
qui doivent fournir les ressources aux écoles primaires. Il s'agit
notamment des CTD.
1.1.2. La commune : une appropriation encore
insuffisante
« Transferts des compétences sans ressources
conséquentes » ; voilà les maitres mots des agents
communaux dans l'arrondissement de Koutaba. Bien qu'au courant des besoins
criards dans les écoles primaires, la commune de Koutaba agit de
manière inattendue. Or en contexte de décentralisation,
l'application de la GEP dépend en partie de la consistance et de la
régularité de ses interventions dans les écoles
concernées. Compte tenu de ce que les contributions statutaires des
collectivités territoriales décentralisées sont
obligatoires dans les écoles primaires58. Cependant
dans cette localité, les actions de la commune se dénombrent au
bout des doigts. En effet, « la commune porte de lourdes
responsabilités depuis 1996 avec les transferts de compétences.
Mais il y a encore des aspects qui freinent ses actions sur le terrain.
Notamment l'aspect ressources » (Entretien réalisé le
18 Avril 2018 avec Ousmane). Les actions de la commune sont
irrégulières compte tenu de ses nombreuses
responsabilités. Les déclarations d'Abdoulaye décrivent
les actions communales de la manière suivante :
Depuis la rentrée nous sommes partis voir le maire
; il nous a promis les bancs sans rien donner. Il m'avait promis arranger le
bâtiment là (indexant un vieux bâtiment de l'école,
rien. [...]il fut une année ou il nous avait donner trois tables bancs.
Il est descendu ici à plusieurs reprises ; mais rien. A la
rentrée, le toit était déchiqueté. Le maire avait
dit qu'on devait refaire le
58 Décret n°2001/041portant
organisation des établissements scolaires publics et attribution des
responsables de l'administration scolaire
70
toit, mais jusqu'ici, rien. C'est l'APEE qui a couvert
ça comme vous voyez là (Entretien réalisé le
18 Avril avec Abdoulaye).
De cette déclaration nous pouvons comprendre que la
commune brille par des actes isolés dans les écoles
primaires. En plus, faire une doléance à la commune
n'est pas d'emblée une cause gagnée. Bien qu'étant au
courant des besoins, la commune n'agit pas toujours. En déplorant cette
manière avec laquelle la commune mène des actions dans les
écoles primaires ; Mohamed affirme que : « l'action de la
commune dans mon école est unique depuis pratiquement huit ans que je
suis là-bas. La commune est venue uniquement donner les bancs, par le
truchement du conseiller qui est du quartier de l'école en question
» (Entretien réalisé le 5 Mai 2018 avec Mohamed). Ainsi
donc, on peut comprendre que les actions de la commune ne sont pas de nature
à garantir la GEP. Quand on analyse d'avantages ses actions, à la
limite elles sont politisées. Roger BOULLA MEVA'A et KINKEU George
(2016) étaient parvenus à une telle conclusion. Pour eux les
acteurs sont parfois à la recherche d'une « visibilité
sociopolitique ».
Dans les dispositions légales, les fonds des
écoles primaires peuvent venir aussi des dons et des aides
effectués par les élites. Ainsi, elles interviennent dans ces
institutions. La difficulté se retrouve dans leur mode
d'intervention.
1.2. Les fonds des établissements scolaires
primaires publics
Cet élément présente une
difficulté que rencontre la politique de la GEP ; en liaison aux fonds
des écoles primaires publiques.
1.2.1. La caisse des établissements
Les institutions scolaires primaires en contexte de
gratuité manque de caisses propres et indépendantes. Il est
difficile de penser une institution d'une telle envergure que l'école
primaire, sans un fond ou une caisse propre, permanente et
opérationnelle. Or c'est une réalité que nous a appris
cette étude. Ces institutions fonctionnent sans fonds et sans caisses
propres et indépendantes. Les caisses des établissements
scolaires ont disparu avec les frais annuels exigibles. Ce qui fait que d'un
point de vue des fonds, ces institutions n'ont pas une autonomie
financière. Dans cette dynamique, les propos de Stéphane
permettent de comprendre que :
Quand avec la gratuité on a suspendu les frais
exigibles, ces derniers n'ont plus étés remplacés avec des
ressources matérielles et financières conséquentes. Quand
on payait par exemple 2500 FCFA, 1000 ou 500 FCFA partaient dans les caisses de
l'Etat et le reste
71
l'inspecteur et le directeur s'en chargeaient pour
gérer les écoles primaires. Maintenant cet argent n'existe plus.
Ce qui fait que les écoles jouent à la survie en se rabattant sur
les parents d'élèves. Donc les seules caisses permanentes et
opérationnelles dans lesquelles les écoles
primaires retirent de l'argent maintenant sont celles des
APEE. (Entretien réalisé le 7 Avril avec Stéphane)
Compte tenu de tout ce qui précède, nous pouvons
comprendre que les difficultés de la GEP ont commencé dès
son adoption. Notamment avec la suppression des frais qui contribuaient au
fonctionnement desdites écoles et cela sans compensation
financière conséquente. Ainsi, non seulement les écoles
primaires sont sans caisses propres, mais surtout certaines prestations
scolaires manquent des fonds nécessaires pour leurs exercices. Ce qui
fait qu'en fin de compte tout revient à la charge des parents
d'élèves. Dans cette situation, il est difficile de mettre sur
pied une école primaire concrètement gratuite. On peut bien
parler du « fonctionnement », mais qu'en est-il réellement
aujourd'hui dans les écoles primaires en zones rurales ?
1.2.2. Le budget de « fonctionnement »
: entre inconsistance et retard
Le budget de « fonctionnement » est un
argent que le gouvernement camerounais donne généralement aux
institutions scolaires pour l'exercice de leurs activités. Comme son nom
l'indique, c'est un fonds destiné au fonctionnement, voire à la
bonne marche des écoles primaires. Mais aujourd'hui les écoles
primaires connaissent d'énormes difficultés financières
à cause de l'inconsistance et du retard qu'accuse ledit argent. En
déplorant la corruption et la lenteur administrative dont est victime
ledit « fonctionnement », Idriss décrit la voix par
laquelle il leur arrive en prenant l'image d'un entonnoir. Il s'exprime en ces
termes :
Le « fonctionnement » arrive dans les
écoles primaires suivant un canal en forme d'entonnoir. C'est beaucoup
d'argent que l'Etat débloque pour distribuer aux écoles primaires
à titre de « fonctionnement ». Mais ce qui arrive
effectivement entre les mains des directeurs ne peut même pas permettre
à une école de passer un trimestre [...]. Quand c'est beaucoup
c'est 100 mille FCFA pour une année académique. Je rappelle qu'on
donne parfois même 21 mille FCFA. (Entretien réalisé le 18
Avril avec Idriss)
Cette affirmation met en exergue l'insuffisance ou mieux
l'inconsistance du budget de « fonctionnement »
alloué effectivement aux écoles primaires. Ce malaise,
pourrait-on dire est dû aux détournements incessant qui amenuisent
ces fonds. Au point
72
ou, ce qui arrive entre les mains des directeurs des
écoles primaires, n'est pas assez pour qu'ils puissent appliquer les
dispositions de la GEP. De même, Alex déclare aussi qu'
Il y a le « fonctionnement » de l'école,
c'est vrai mais ça n'aide pas assez. Voilà ici, normalement il
fallait que je recrute encore cinq enseignants. J'ai vu que c'est lourd, on a
pris quatre. Rien que le petit traitement de 20 mille pour chacun, le «
fonctionnement » ne peut même
pas. On nous donne un taux forfaitaire. (Entretien
réalisé le 18 Avril avec Alex)
L'inconsistance n'est pas la seule difficulté que nous
avons observée sur le terrain avec le « fonctionnement ».
A côté, nous avons constaté que le «
fonctionnement » est un élément très
retardataire dans les écoles primaires à Koutaba. En effet,
jusqu'en fin deuxième trimestre début troisième trimestre,
lesdites écoles n'avaient pas encore perçu ledit «
fonctionnement »59. Un directeur d'école primaire
se prononçant sur la question déclare : « je puis
même te dire que depuis la rentrée de 2017/2018, on a rien
(claquement des mains) jusqu'à l'heure où nous parlons, le «
fonctionnement » n'est même pas encore là. Tu auras à
passer dans d'autres écoles, on n'a rien ». Du coté des
responsables administratifs du système éducatif à Koutaba,
« les écoles primaires auront le fonctionnement, ça ne
peut pas manquer. Il faut juste attendre un peu »60. Avec
ce retard et l'exigence de fonctionnement des écoles primaires,
l'éducation de base ne peut pas être gratuite. Les parents
continuent d'assumer les charges financières liées à
l'éducation de leurs enfants. Encore qu'à cela s'ajoute d'autres
blocages à la GEP.
2. LE DEFICIT DES PERSONNELS ENSEIGNANTS INTEGRES DANS
LES ECOLES PRIMAIRES
Le déficit est dans ce point, l'absence de
proportionnalité entre les instituteurs intégrés et les
besoins en enseignants observés dans les écoles primaires. Dans
l'arrondissement de Koutaba, on note un déficit réel du personnel
enseignant intégrés dans les écoles primaires. Une
situation qui ne permet pas à ces écoles de pouvoir garantir aux
enfants et à leurs parents une scolarité effectivement gratuite.
A l'absence des personnels complets qui émargent dans les caisses de
l'Etat, la politique de la gratuité reste un slogan éducatif. Car
ne peut être effective. Le déficit du personnel
intégré (166) que nous avons constaté dans les
établissements scolaires primaires à
59 Deux semaines après la rentrée du
troisième trimestre, les écoles primaires n'avaient pas encore
perçues le « fonctionnement ».
60 Entretien effectué avec un agent de bureau
de l'inspection d'arrondissement d'enseignement primaire et maternel de
Koutaba
73
Koutaba, obligent parfois les responsables de ces institutions
à s'écarter des normes officielles relatives à la GEP.
2.1. Un poids important du financement supporté
par les usagers
On observe que, suite aux contraintes macroéconomiques
fortes qu'a supportées le pays au début des années 90, il
reste des séquelles encore très visibles des défaillances
de l'Etat dans la fourniture des services éducatifs. Ainsi, observe-t-on
le développement du nombre des maîtres des parents dans les
écoles primaires. Ce qui au fond constitue une charge
considérable pour les élèves et leurs parents ; et de ce
fait une entrave à la gratuité effective de l'éducation de
base au Cameroun et dans les zones rurales en particulier. Aucun
établissement scolaire primaire aujourd'hui n'a un effectif complet des
instituteurs qui émarge dans les caisses de l'Etat. Sur un total de 281
instituteurs qui enseignent dans les établissements scolaires primaires
dans l'arrondissement de Koutaba, 166 n'émargent pas dans les caisses de
l'Etat. Ce chiffre représente environ 59,07% des personnes qui
enseignent dans les écoles primaires publiques au cours de
l'année académique 2017/2018 dans l'arrondissement de Koutaba.
C'est en réalité un indicateur des charges que supportent les
usagers de l'éducation de base dans cette localité. Un poids qui
ne permet pas une école véritablement gratuite. Le fait est
qu'ils ne sont pas rémunérés par l'Etat, mais par les
associations de parents d'élèves et d'enseignants. Une
réalité qui alourdie les dépenses qu'effectuent les
parents d'élèves dans un contexte éducatif dit de
« gratuité ».
Ce phénomène est particulièrement
pénalisant pour les familles rurales, généralement plus
pauvres, qui doivent payer davantage pour l'éducation de leurs enfants.
Cela entrave non seulement la politique de la GEP, mais accentue les
inégalités et les facteurs dissuadant les parents de scolariser
leurs enfants.
La gratuité dans un tel contexte n'est qu'un slogan
éducatif. Les enseignants et les parents d'élèves
déplorent d'énormes obstacles à la GEP. A ce sujet, le
constat de Benjamin est très clair : « le principal obstacle de
la gratuité, c'est le manque du personnel enseignant
intégrés » (Entretien réalisé le 9 Avril avec
Benjamin). Pour lui, la GEP peut être effective à condition
que le personnel intégré soit suffisant dans les écoles
primaires. D'autres vont même jusqu'à croire qu'on pourrait
« catégoriquement rayer les frais d'APEE du vocabulaire
scolaire primaire ». Mais encore faut-il d'abord doter les
établissements scolaires primaires des ressources suffisantes.
74
2.2. Du personnel intégré dans les
écoles primaires : des chiffres peu
satisfaisants
Il est très peu aisé de concevoir une
gratuité d'écolage avec des personnels dont peu émarge et
dont la majorité sont des MP. Pour donner une visibilité claire
des instituteurs intégrés dans les écoles primaires de
Koutaba, nous avons réalisé le tableau suivant :
Tableau n° 03 : synthèse du personnel enseignants
dans les écoles primaires de Koutaba
Ordre
d'enseignemen t
|
|
Effectif d'élèves
|
Personnels enseignants
|
Total
|
Emargeant dans
les caisses de l'Etat
|
N'émargeant
pas dans les caisses de l'Etat
|
H
|
F
|
T
|
H
|
F
|
T
|
H
|
F
|
T
|
Total des
écoles publiques
|
46
|
808 4
|
777 5
|
158
59
|
62
|
56
|
118
|
56
|
11 0
|
16 6
|
281
|
Total des
écoles
catholiques
|
2
|
143
|
164
|
307
|
0
|
0
|
0
|
4
|
2
|
6
|
6
|
Total des
écoles
protestantes
|
4
|
156
|
157
|
313
|
0
|
0
|
0
|
7
|
15
|
22
|
22
|
Total des
écoles privées
islamiques
|
6
|
391
|
425
|
816
|
0
|
0
|
0
|
20
|
5
|
25
|
25
|
Total des
écoles privées
laïques
|
4
|
389
|
380
|
769
|
0
|
0
|
0
|
14
|
8
|
22
|
22
|
Total général
|
62
|
916
|
890
|
186
|
62
|
56
|
118
|
101
|
14
|
24
|
356
|
75
Source : données enquête de terrain
(Mars-Mai 2018)
Ce tableau montre que sur 356 instituteurs que comptent les
écoles primaires, 75 sont dans le privé. De la même
manière, sur 281 instituteurs qu'on rencontre dans les écoles
publiques à Koutaba, 166 n'émargent pas dans les caisses de
l'Etat. Si on ajoute à ce dernier chiffre, le deuxième, on peut
donc comprendre que 241 enseignants du primaire contre 115 sont à la
charge des parents d'élèves. Avec ces chiffres la GEP, est
compromise et obstruée.
Un autre fait n'est pas à négliger dans ce
tableau : les écoles privées en contexte de la GEP. 2205 enfants
sont dans les écoles privées, soit 41,10% de leur effectif total
dans les écoles primaires à Koutaba. Voilà des charges qui
reviennent pratiquement aux parents d'élèves. Le fait est que les
écoles privées d'enseignement primaire, ne facilitent pas
l'encrage de la politique de la GEP au Cameroun et dans les ZEP
singulièrement. D'ailleurs voici ce que pensent certains acteurs de la
CE : « la gratuité est une notion constitutionnelle. C'est la
loi qui dit que l'école publique primaire est gratuite. Ce qui fait
qu'il ne devrait même pas avoir d'école primaire privée.
Ça n'a pas de sens ». Cela donne lieu à un poids, deux
mesures.
3. LA PROBLEMATIQUE DU PAQUET MINIMUM
Cette partie traite des obstacles à la GEP en rapport
avec le fameux paquet minimum. Ce paquet qui aujourd'hui constitue avec le
« fonctionnement », l'essentiel des ressources
matérielles et financières que l'Etat met à la disposition
des écoles primaires. La problématique du paquet minimum
est telle que désormais, il n'est plus que le minimum de
lui-même.
3.1. Le paquet minimum toujours en retard
Le paquet minimum est un ensemble de matériels
didactiques que l'Etat met souvent à la disposition des écoles
primaires pour le démarrage de l'année académique.
Aujourd'hui la disponibilité de ce paquet est très
problématique. Jusqu'au mois de mai, les écoles primaires de
Koutaba n'avaient pas encore le paquet minimum. Le matériel didactique
était jusque-là fourni par les APEE. Ce retard est dû en
partie à la mauvaise procédure d'achat des matériels
constituants ce paquet. En effet, quand on passe le
76
marché d'achat de ces matériels, ça prend
beaucoup de temps. A côté de cela, il y a des tractations qui s'y
mêlent.
Pour passer le marché, il y a des tractations qui
font en sorte qu'on regarde le coté familial. On prend le marché,
on donne à quelqu'un qui n'a pas les moyens. Un truc de huit million, il
part acheter ce qui coute trois millions. Résultat, on lui demande un
stylo de 100 (cents) FCFA, il acheté ce qui coute 50 (cinquante) FCFA.
Maintenant quand ça arrive, l'inspecteur qui est le technicien et qui
avait passer la commande, vérifie. Quand il constate que tout est faux,
et bien il refuse de les réceptionné. C'est ainsi que d'autres
négociations commencent avec lui. En fin de compte, c'est le temps qui
passe, jusqu'à ce qu'on se retrouve sans paquet minimum au début
du troisième trimestre (Entretien réalisé avec Franck le 7
Mai 2018).
Il ressort de cette déclaration, plusieurs facteurs qui
construisent le retard du paquet minimum. D'abord on note le processus de
passation de marché d'achat des matériels constituant ce paquet.
C'est une opération administrative qui prend beaucoup de temps. Car le
technicien passe la commande des matériels et le ministère des
marchés publics (MINMAP) lance l'appel à candidature. Pour que ce
paquet arrive au niveau des CTD, c'est après des mois de
scolarité. Quand ça arrive, l'inspecteur prend encore du temps
pour vérifier sa conformité. Un autre facteur du retard du paquet
minimum est liée aux nouvelles négociation causées par la
non-conformité des matériels achetés. On peut comprendre
ainsi pourquoi à Koutaba, on n'a pas eu le paquet minimum à
temps. Sans ce paquet dès le mois de septembre de chaque année,
les écoles primaires continueront de facturer les matériels
didactiques aux parents d'élèves.
Le retard du paquet minimum le rend inutile et
périssable. On donne ces paquets aux directeurs vers la fin
d'année scolaire, ils deviennent de potentiels commerçants pour
l'année suivante. Dans l'arrondissement de Koutaba, certains
instituteurs et certains directeurs des écoles primaires en particulier,
vendent des boites de craies, des paquets de stylos et des cahiers travaux
pratiques entre autre au « potto »61. Le fait est
que personne ne viendra l'année suivante leur demander des comptes
à rendre. Or ces paquets n'ont pas véritablement servi
l'année où ils ont étés distribués. Compte
tenu de leur retard. Parallèlement à ce retard, il y a aussi
l'inconsistance de ce paquet.
3.2. Du « minimum » du paquet
minimum
Les paquets minimums que perçoivent les écoles
primaires sont vraiment minimums. Ils sont assez minimums pour ne pas pouvoir
participer à la promotion d'une école primaire réellement
gratuite. Désormais, c'est même le minimum du paquet
61 Terme utiliser couramment pour
désigner les vendeurs des livres en pleine aire,
généralement installer sur les petits contoirs en bordures de
routes.
77
minimum qui est mis à la disposition de ces
institutions. Le fait est que dès le départ, les
bénéficiaires ne savent pas à quoi s'attendre de
manière qualitative et quantitative. Ce qui fait qu'ils sont
obligés de prendre sans droit de murmure, ce qu'on leurs donne. A ce
sujet, Suzanne rapporte que : « quand le carton arrive, il est
déjà cassé. On te donne juste le nécessaire (un
cahier de 288pages, deux stylos et peut être une boite de craie) en
fonction du temps qui reste pour l'année en cours » (Entretien
effectué le 11 Mai avec Suzanne). Compte tenu du temps scolaire et
du vide juridique concernant sa consistance, les responsables du paquet minimum
ne donnent plus que le minimum de ce paquet aux écoles primaires. Le
retard dont nous avons parlé plus haut y est pour quelque chose. Puisque
ceux qui donnent savent souvent que l'année scolaire est presque
finie.
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