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La gratuité de l'enseignement primaire dans l'arrondissement de Koutaba: analyse sociologique des obstacles


par Zounka LIKOUSSOU
Université de Dschang - Master  2018
  

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ABSTRACT

2 L'évènement étant la politique de la GEP

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This research is entitled: Free Primary Education in Koutaba District: Sociological Analysis of Obstacles. It aims to make the free of charge of primary education intelligible, based on an approach based on the difficulties encountered by the schools concerned in its application. This work stems from the observation that basic education is free according to the official standards in force in Cameroon. However, in primary schools in Koutaba, parents still raise money (directly or indirectly) to pay for their children's education. The policy of free primary education adopted by the State is not really applied in primary schools. Thus, this research raises the problem of the obstacles that these institutions encounter in the application of this policy. The question that guides this research is as follows: How to understand the fact that primary schools are struggling to implement the policy of the GEP in Koutaba district? To this question, the following hypothesis is formulated: primary schools are struggling to implement the policy of the GEP in the Koutaba district because of several pockets of obstacles they encounter. On the theoretical level, three theories are mobilized namely strategic analysis, the theory of real governance and the theory of social reproduction. At the methodological level, this work is part of a qualitative approach. To do this, the semi-directive interview is the technique used. Thirty-five individuals were interviewed. In particular, primary school principals, parents of pupils, teachers (graduating in the state coffers or not), and municipal agents. Moreover, the results of this research highlight the fact that primary schools are struggling to implement free education effectively because of the obstacles they face. Although not yet effective, the GEP brings with it various social issues. In particular, the democratization of basic school education, parity and gender equality in the face of access to school. The forms of barriers to PEG are constructed from the challenge of the commercial neutrality of basic education and the system of pay assessments and homework in primary schools. Free primary education against APEE is equal to a non-event for parents. Especially with Especially with the expenses of APEE that will now be in the wake of the fees payable other times and their increases in primary schools Koutaba. Given the existential difficulties facing public primary schools today, the principals of these schools have made parents, their main partners in rural areas. Likewise, they use APEE as material and financial support for the livelihoods of their respective institutions. The resort to local elites is not left out. With the lack of resources in primary schools in Koutaba, they are unable to apply an effective free fee. These include financial, human and material resources.

Keyword : Free, primary, education, sociological analysis.

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INTRODUCTION GENERALE

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1. Contexte et justification de la recherche

Le Cameroun est l'un des pays de l'Afrique centrale qui aujourd'hui sont engagés dans des réformes économiques, sociales et institutionnelles majeures. La plupart de ces réformes sont calquées sur les objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Le Cameroun adhère comme bon nombre de pays aux politiques internationales définies dans la majorité par les organismes internationaux (ONU, UNESCO...) et les institutions du bretton-woods3. C'est au sein de ces institutions que l'on décide aujourd'hui de la trajectoire que l'humanité doit emprunter.

Du 06 au 08 septembre 2000, à la veille du nouveau millénaire, les chefs d'États et de gouvernements réunis à New-York ont décidé des pistes sur lesquelles, les États devront évoluer. Lors de cette réunion historique4, plusieurs résolutions ont étés adoptées, Parmi lesquelles : la réduction d'ici 2015 de la proportion de la population mondiale vivant avec moins d'un (01) dollar par jour et de celle des individus qui souffrent de la faim ; réduire de moitié d'ici 2015, la proportion des populations qui n'ont pas accès à l'eau potable ou qui n'ont pas les possibilités de s'en procurer. Il a été dit que d'ici la même année, la mortalité maternelle serait réduite de 3/4 et que celle des enfants de moins de 5 ans serait réduite de 2/3 par rapport au taux d'alors. Il était aussi prévu que, la propagation du VIH/SIDA devait être arrêté et sa courbe inversée d'ici 2015. Le paludisme et les grandes maladies qui menacent l'humanité devraient être maitrisés. Une assistance spéciale aux orphelins était également prévue. L'éducation n'était pas de reste. Il était dit que d'ici 2015, tous les enfants à travers le monde garçons et filles seraient à mesure d'achever un cycle complet d'étude primaire et que la parité de genre à ce sujet serait assurée à tous les niveaux de l'enseignement5. Déjà le 4 avril 1998, une loi fait de l'éducation au Cameroun une « grande priorité nationale»6, assurée par l'État et les partenaires de l'éducation.

3 Ensemble constitué de la banque mondiale et du FMI.

4 Nous qualifions cette réunion d'historique dans la mesure où elle va influencée le vécu des populations à travers le monde et singulièrement les populations vulnérables.

5 Informations tirées du document sur le cadre d'action de Dakar, établit du 26 au 28 avril 2000 au Sénégal.

6 Loi n°98/004 du 4 avril 1998 portant orientation de l'éducation au Cameroun, art 2.

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Aujourd'hui, le Cameroun connait d'énormes difficultés en matière d'éducation : la qualité et la parité de l'offre éducative, le libre accès, la consommation de la drogue en milieu scolaire, la sous scolarisation de la jeune fille, l'analphabétisme et les déperditions scolaires entre autres. L'institutionnalisation de la gratuité de l'enseignement primaire (GEP) à travers les pays et au Cameroun en particulier vise à venir à bout de ces phénomènes. Il s'agit avec cette politique de répondre à un besoin social observé et décrié par les organisations non gouvernementales (ONG), les acteurs de la société civile (SC) et les populations pour ne citer que ceux-là. L'augmentation sans cesse de divers frais scolaires au niveau primaire par les établissements scolaires du secteur public constitue une problématique réelle7.

En période de rentrée scolaire, la vente des fournitures scolaires, le recrutement des élèves et du personnel dans les établissements scolaires, la gestion des fonds dans les établissements à outrance deviennent des valeurs économiques de haut vol. Les groupes des cours de répétition payant se multiplient. La marchandisation de l'éducation bat son plein. Au Cameroun, l'institution scolaire est traversée par une sorte de discours captivant. Pour inscrire un enfant dans un établissement scolaire, que ce soit à la maternelle, dans les classes élémentaires, ou au collège/ lycée, il faut « bien parler8 ». De l'avis de Marine Poulin et al (2007),

Ce discours ambiant, typique du néolibéralisme, se base sur une approche utilisateur-payeur qui écarte complètement les notions de droit à l'éducation et de solidarité sociale. On individualise une question sociale, en plus de réduire l'éducation à l'état de marchandise de sorte qu'elle soit perçue comme un bien personnel dont on peut tirer profit.

L'affirmation selon laquelle « l'école est gratuite », nous apprend la Fédération des Associations des Parents de l'Enseignement Officiel (FAPEO : 2008), peut bien s'inscrire dans la lignée des contre-vérités assez fréquentes dans notre société. Car dit-elle, les parents ne s'attendent pas à devoir intervenir financièrement à l'école et le lieu où commence leur implication dans la scolarité de leur enfant est déjà flou au départ. Rappelons qu'ici tout n'obéit pas forcément à la loi. Car le pays souffre d'une sérieuse

7 Lucie France Dagenais, P.h.D. (sociologue) et Karina Montminy, conseillère juridique. 2007. La gratuité de l'instruction publique et les frais scolaires exigés des parents. 87p

8 Le langage doit revêtir des allures des négociations pour être crédible.

pathologie9, dont on situe les origines à l'époque du PAS. Il s'agit en clair de la corruption. À côté de tout cela, l'école est devenu un champ d'expérimentation.

Les déperditions scolaires, les abandons et bien d'autres phénomènes sociaux très complexes, font que l'école soit aujourd'hui un vaste champ d'expérimentation. Ayant fait cette remarque, François Dubet (2000) pense que « le problème des écoles et des élèves difficiles s'est imposé comme le lieu dans lequel se focalise l'ensemble des problèmes sociaux : banlieues, chômage, immigration, délinquance, violence, refus scolaire...»10. Ces différents maux reflètent généralement les failles de nos systèmes éducatifs. Celui du Cameroun présente de nombreux dysfonctionnements et nécessite des ajustements constants. Cala s'impose à l'État. Car, «par un bon système d'éducation publique, votre édifice deviendra éternel»11. L'éducation reste encore jusqu'à preuve du contraire, l'itinéraire de promotion et de construction sociale par excellence.

En réalité, l'instruction a toujours été un enjeu politique et social sur l'échiquier national12. C'est ainsi que, le dix février 2010 à la veille de la fête de la jeunesse, le président de la république camerounaise proclame de manière officielle la gratuité de l'enseignement primaire (GEP). Une déclaration qui va se formaliser dans de nombreuses lois, arrêtés et circulaires. En effet, dans le décret n°2001/041 portant organisation des établissements scolaires publics et attribution des responsables de l'administration scolaire13, il est clairement dit au niveau de l'art 47 que « les élèves des écoles primaires publiques sont exemptés des contributions annuelles exigibles ». Bien avant cet art, le précédent dans son alinéa 2, deuxième et troisième points font état de ce que les contributions statutaires des collectivités territoriales décentralisées (CTD) sont

9 Nous nous referons au normal et au pathologique chez Emile Durkheim dans les règles de la méthode sociologique. Les phénomènes normaux sont « ceux qui sont tout ce qu'ils doivent être » et les phénomènes pathologiques sont « ceux qui devraient être autrement qu'ils ne sont »

10 Dubet F.(n°5/2000).L'école et l'exclusion, in Éducation et Sociétés,

50p : http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/education-societes/RE005-4.pdf consulté le 12 Octobre 2017.

11 Déclarait Mirabeau devant l'Assemblée nationale française le 10 septembre 1791. Soulignant par là le rôle central dévolu à l'Etat dans la mise en oeuvre d'une logique éducative. Citer par Jean Michel DUCOMTE professeur à l'institut de sciences politiques de Toulouse ; dans « les déperditions scolaires, un frein à l'éducation en Afrique de l'ouest ».

12 Luc Ngwé, Hilaire De Prince Pokam, Albert Mandjack et Ernest Folefack. 2006. « L'université et les universitaires dans les mutations politiques et éducatives au Cameroun », Cahiers de la recherche sur l'éducation et les savoirs, 169-191.

13 Décret n°2001/041 portant organisation des établissements scolaires publics et attributions des responsables de l'administration scolaire. Par le Pr PAUL Biya le 19 février 2001 à Yaoundé. 4

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obligatoires et les contributions des associations des parents d'élèves (APE)14/ parents teachers association (PTA) sont volontaires. Pour Martin Libre (2014), ces mesures louables semblent être un mythe car, dit-il, des directeurs d'école continuent de percevoir de l'argent chez les parents d'écoliers d'une manière ou d'une autre. Le milieu scolaire est de plus en plus très complexe et n'offre pas une visibilité claire ; aussi bien dans les textes juridiques qui l'encadrent que dans ses réalités quotidiennes. De nombreux textes fondamentaux, nationaux et internationaux, garantissent le droit à l'enseignement et à l'éducation. La gratuité d'accès à l'enseignement obligatoire permet de garantir ce droit, elle est donc elle aussi garantie par ces textes fondamentaux15.

Cette étude découle du constat selon lequel les politiques éducatives s'implantent différemment en fonction des contextes sociopolitiques. La GEP ici à l'honneur, bien que véhiculant les mêmes valeurs à travers les continents, les pays et à travers les subdivisions administratives ; n'a pas la même consistance par tout. Elle ne rencontre pas non plus les mêmes difficultés et les populations ne s'en approprient pas de la même façon. Dans les zones périphériques, les projets d'envergure internationale et pour le moins nationale n'y écrivent pas leurs lettres de noblesse de manière lisse, marqué de linéarité.

Entreprendre une étude sur la politique de la GEP dans l'arrondissement de Koutaba sous l'angle des obstacles, vise à enrichir certainement la littérature sociologique. En rendant compte de ce qui empêche les écoles primaires d'atteindre la gratuité effective de l'enseignement.

Plusieurs autres mobiles sont à la base de cette étude sur la GEP en contexte local. Si nous avons choisi de nous concentrer sur l'enseignement primaire, c'est aussi au regard de l'intérêt particulier que la communauté internationale lui accorde. Le « SMIC culturel »16 dont parlent Baudelot et Establet(1989) à la conclusion de leur livre (Le niveau monte), justifie profondément cet intérêt porté sur l'EPT.

14 APE de l'ancienne appellation des associations des parents d'élèves, qui depuis 2003 sous l'initiative du ministère de l'éducation national est devenue APEE.

15 Plus d'informations dans le portail de l'enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles

16 « Savoir minimum garanti »

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En contexte de décentralisation17, il s'agit de mener une analyse sur le modèle « centre-périphéries »18 étant donné que le contexte local a ses réalités économiques, et socioculturelles propres. Ces réalités influencent d'une manière ou d'une autre la viabilité ou non de tout projet de développement y ayant cours. La manière dont les élites locales s'approprient une politique nationale voire internationale, a ainsi motivé le choix d'une collectivité territoriale décentralisée (CTD) comme site de recherche. Le but est de comprendre comment les projets de développement impulsés par le centre s'opérationnalisent dans les périphéries, en se focalisant sur les obstacles. La décentralisation et la déconcentration de la gestion de l'éducation sont incontournables dans le contexte avancé de régionalisation, où les collectivités locales doivent assumer correctement le développement de l'éducation à la base en vertu des pouvoirs qui leurs sont conférés par la loi19. Une autre raison est liée à la problématique de l'EPT comme le souligne Alfred Fernandez (2005),

Il est clair aussi que le caractère obligatoire de l'éducation primaire va de pair avec sa gratuité. Cependant, une fois cette nécessité reconnue, on s'aperçoit que la notion de gratuité appliquée à un domaine aussi complexe que l'éducation ne va pas de soi, car elle ne rend pas compte par elle-même des frais qu'elle englobe.

Dasn le sillage de cette observation, l'éducation restera toujopurs difficilement gratuite. D'ailleurs nous verrons plus loin pourquoi. Ainsi, une analyse sociologique des obstacles qui entravent la question nous parait intéressante. Si nous nous proposons de faire une étude sur la politique de la GEP sous son pendant des résistances, c'est aussi parce que la période de mise en oeuvre effective telle que prévue lors des différents forums y relatifs est largement consommée, et l'effectivité n'est toujours pas atteinte. Ainsi, nous cherchons à savoir ce qui entrave sa réalisation effective en situation locale.

2. Problème d'étude

L'éducation vise entre autre l'alphabétisation, sur la base du respect et d'une dignité égale pour tous. Elle contribue à tisser les dimensions sociale, économique et

17 « La décentralisation consiste en un transfert par l'Etat, aux collectivités territoriales

décentralisées ... de compétences particulières et de moyens appropriés ». La loi d'orientation de la décentralisation, disposition de l'article 02

18 Notion qui traduit « l'existence dans les structures étatiques d'un appareil central qui dispose du monopole d'impulsion et d'orientation, et d'entités territoriales périphériques qui sont plus ou moins autonomes par rapport au centre ». Source : cours d'Appui institutionnel et question de décentralisation rédigé et dispensé par le Prof Joseph KEUTCHEU, 2016-2017.

19 Auguste COLY (2014)

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environnementale du développement durable. C'est là, une vision humaniste de l'éducation considérée comme un bien commun essentiel20. La plupart des États parmi lesquels le Cameroun, entretiennent cette vision de l'éducation. Car, elle traine avec elle la cohésion sociale et le développement.

Il y'a environ 18 ans, le président de la République Camerounaise proclamait de manière officielle la gratuité de l'enseignement primaire(GEP). Une déclaration qui s'est formalisée dans de nombreuses lois, arrêtés et circulaires. En effet, dans le décret n°2001/041 portant organisation des établissements scolaires publics et attribution des responsables de l'administration scolaire21, il est clairement dit au niveau de l'art 47 que « les élèves des écoles primaires publiques sont exemptés des contributions annuelles exigibles ». Cette disposition n'est qu'une conséquence directe parmi tant d'autres relatives à cette politique. Voilà comment de manière officielle, l'éducation des enfants au niveau primaire est censée être effectivement gratuite dans les écoles primaires au Cameroun. Ce fut un moment important de l'évolution du système éducatif22. Et pourtant aujourd'hui, la réalité est toute autre.

Bon nombre d'enfants aujourd'hui ne peuvent jouir de ce qui est désormais considéré comme un droit de l'Homme. Au Cameroun et à Koutaba notamment, les gens sortent encore de l'argent pour payer l'école (directement ou indirectement), et les enfants sont encore déclarés insolvables. Et comme si celà ne suffisait pas, certains sont souvent privés de leurs bulletins de notes pour n'avoir pas payé les frais d'APEE et autres divers frais. Au Cameroun et à Koutaba en particulier, l'accès à l'éducation reste encore un luxe pour certains enfants, à cause de la pauvreté. La GEP dans cette logique n'est pas encore une évidence et connait des difficultés avec ce que paient les parents dans les écoles primaires. Le constat est tel que la GEP en cours au Cameroun, n'est pas une politique lisse, marquée de linéarité entre son énonciation et sa mise en oeuvre. Car en dépit de tout, les obstacles demeurent. A l'observation, l'effectivité de la gratuité de l'école élémentaire bute sur d'abondantes difficultés. C'est à la suite de toutes ces réalités que nous voulons savoir ce qui bloque la mise sur pied effective de la GEP au Cameroun et singulièrement en contexte local. Cette étude met un accent sur les

20UNESCO 2015. Repenser l'éducation-vers un bien commun mondial

21 Décret n°2001/041 portant organisation des établissements scolaires publics et attributions des responsables de l'administration scolaire. Par le Président PAUL Biya le 19 février 2001 à Yaoundé.

22 Philippe Hugot. 2005. La gratuité de l'enseignement secondaire, l'Harmattan. 306p

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blocages qui empêchent cette politique de s'implanter de manière effective dans l'arrondissement de Koutaba.

3. Problématique

La gratuité de l'école primaire est une politique formellement en vigueur au Cameroun. Cela se traduit dans les lois, les décrets, les arrêtés, les circulaires et les engagements internationaux contractés par l'État Camerounais en matière d'éducation. Ainsi, formellement, l'enseignement primaire est gratuit au Cameroun. Cependant, dans les écoles primaires, les parents d'élèves sortent encore de l'argent (directement ou indirectement) pour payer l'éducation de leurs enfants. Les responsables des établissements scolaires primaires peinent à appliquer la politique de la GEP. L'effectivité de ladite politique reste encore problématique. Dans cette logique, ce que prévoit les normes officielles n'ont réellement rien à voir avec ce qui se passe dans les écoles primaires à Koutaba.

3.1. Questions de recherches

3.1.1. Question centrale de recherche :

QCR : Comment comprendre le fait que, les écoles primaires peinent à mettre en place la politique de la GEP dans l'arrondissement de Koutaba ?

3.1.2. Questions spécifiques :

Spécifiquement, il s'agit de comprendre :

QSR 01 : Comment se construisent les formes d'obstacles à la gratuité de l'enseignement primaire ?

QSR 02 : Comment comprendre et interpréter les APEE et leurs frais en contexte de gratuité de l'enseignement primaire ?

OSR 03 : Comment la politique de la GEP est-elle accompagnée en terme de ressources en contexte local ?

3.2. Hypothèse de recherche :

3.2.1. Hypothèse générale

Les écoles primaires peinent à mettre en place la politique de la GEP dans l'arrondissement de Koutaba à cause de plusieurs poches d'obstacles qu'elles rencontrent.

3.2.2. Hypothèses spécifiques Spécifiquement, cette étude stipule que :

HSR 01 : Les formes d'obstacles à la gratuité de l'école primaire publique se construisent à travers la remise en cause de la neutralité commerciale et la persistance des tendances payantes de ladite école.

HSR 02 : les APEE et leurs frais dans les écoles primaires publiques traduisent la Non-gratuité effective de ces écoles pour les parents d'élèves et une possibilité de survie du système scolaire primaire pour le corps administratif de ces écoles.

HSR 03 : La politique de la GEP n'est pas suffisamment accompagnée de ressources dans les écoles primaires à Koutaba.

3.3. Objectifs de recherche

3.3.1. Objectif général de recherche

Comprendre pourquoi les écoles primaires peinent à appliquer la politique de la GEP dans l'arrondissement de Koutaba.

3.3.2. Objectif spécifiques

De manière spécifique, cette étude vise à :

OSR 01 analyser comment se construisent les formes d'obstacles à la gratuité de l'enseignement primaire.

OSR 02 : Comprendre la pertinence des frais d'APEE en contexte de gratuité de l'enseignement primaire.

OSR 03 : Analyser les moyens avec lesquels la politique de la GEP est accompagnée en contexte local.

4. Cadre théorique

Cette section est constituée de deux éléments importants dans les études de sociologie. Il s'agit de la revue de la littérature et des théories mobilisées dans le cadre de ce travail.

4.1. Revue de la littérature

L'histoire de l'enseignement en général présente ce dernier comme une activité sociale sujette à débat et d'approches controversées. L'éducation primaire

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singulièrement, en ressort comme une priorité universelle ou encore comme un droit fondamental de l'Homme. C'est un sujet qui a fait réfléchir aussi bien les hommes politiques, les organismes non gouvernementaux, les syndicalistes que les chercheurs en science de l'éducation. Notre revue de littérature se veut thématique. Elle porte sur les thématiques telles que : la GEP et l'EPT, la GEP et la scolarisation, la GEP et la qualité de l'éducation, la GEP et l'APEE. Ces thématiques ont étés choisies en raison de leur proximité avec notre sujet de recherche. Sinon la littérature sur l'école primaire de manière générale reste très abondante et disparate.

> La Gratuité de l'Enseignement Primaire et l'Éducation Pour Tous

Plusieurs pays ont pris le cap de la démocratisation de l'école et la promotion de l'EPT en instituant dans leurs systèmes éducatifs, la gratuité de l'école primaire. Ils se conforment aux résolutions consignées dans les OMD dont nous avons fait mention plus haut. Antoine et Marie Daphnay (2016) estiment que : « En effet, l'accès à l'éducation primaire pour tous constitue un enjeu majeur et un défi permanent dans les pays en voie de développement car la plupart d'entre eux ne disposent pas suffisamment de ressources financières pour mettre en place un système éducatif pour tous les enfants». Cette observation entre en droite ligne avec une partie de cet argumentaire.

Selon les chiffres du rapport 2015 de l'UNESCO, « en 2012, 58 millions d'enfants n'étaient pas scolarisés dans le monde, en 2015, 14 % des adultes étaient analphabètes ». Dans le même rapport, dans plus de deux tiers des pays, l'égalité d'accès à l'éducation primaire a été atteinte et les enfants les plus défavorisés sont quatre fois moins susceptibles que les enfants les plus riches d'être scolarisés. En d'autres termes, l'EPT n'est pas garantie, encore moins un acquis pour tout le monde. Ce rapport présente un travail évaluatif des progrès réalisés, qui restent à réaliser et fournit des recommandations. L'objectif 2 de Dakar23 portait sur l'enseignement primaire universel. Quinze ans après, le rapport de l'UNESCO fait état de ce que, « En 2012, encore près de 58 millions d'enfants n'étaient pas scolarisés. Les taux nets de scolarisation dans le primaire ont tout de même considérablement progressé : de 84% en 1999, ils sont passés à 93% en 2015, et dans 17 pays, ils se sont accrus d'au moins 20 points de pourcentage entre 1999 et 2012 ».

23 Forum mondial de Dakar tenu en 2000

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Malgré les progrès considérables accomplis au cours des deux dernières décennies, la scolarisation dans les pays les plus pauvres est loin d'être universelle. La plus grande partie des populations pauvres du monde vit dans les pays d'Asie de l'Est et du Pacifique, de l'Asie du Sud et d'Afrique subsaharienne (Arye L. Hillman et Eva Jenkner : 2004). Les niveaux de scolarisation constatés dans ces parties du monde correspondent à leurs performances économiques. Les inégalités entre le genre féminin et le genre masculin restent encore plus certaines. L'EPT est loin d'être une réalité en Afrique et au Cameroun en particulier, même en contexte de gratuité d'écolage au niveau élémentaire. Jenkner et Hillman (2004) affirment dans cette logique que, « la scolarisation des filles est incomparablement plus faible que celle des garçons dans les pays à faible revenu ». De leurs points de vue, les filles sont particulièrement désavantagées en Afrique. Soit c'est le défaut l'offre éducative qui pose problème, soit c'est la demande qui fait défaut, soit encore c'est à cause de la pauvreté. De toutes manières, « il y a des obstacles soit du côté de la demande, soit du côté de l'offre » disent-ils. Ils mettent en avant, le coût de la demande d'éducation, le cout des livres et des fournitures scolaires, des frais de transport et d'habillement, le manque d'accès au crédit chez les parents dans les pays pauvres pour expliquer la sous scolarisation ou mieux « la faiblesse de la demande éducative ». La demande d'éducation peut également être déficiente en raison des coûts d'opportunité de l'éducation des enfants : les parents peuvent préférer que leurs enfants travaillent pour compléter le revenu familial, ou qu'ils s'occupent des tâches ménagères ou de personnes malades de la famille. Pour ces deux auteurs, dans les pays africains ou le sida fait des ravages, il arrive que les enfants ne puissent pas aller à l'école parce qu'ils doivent s'occuper de leurs parents malades ou de leurs frères ou soeurs orphelins. Les couts d'opportunité peuvent être tels que l'école, même officiellement gratuite, l'école reste inabordable pour certaines familles. Ces analyses relèvent les difficultés que peut rencontrer tout mécanisme visant à assoir l'EPT dans les pays pauvres.

Le gouvernement camerounais a bien saisi la nécessité d'un système éducatif ouvert à toutes les catégories sociales. D'après Nzino, Victorine et Vukeh (2016), la politique éducative du Cameroun est centrée autour de deux principaux points : la lutte contre la pauvreté et la question de la parité. Malgré les failles observées, il est

désormais question de la lutte pour la qualité de l'éducation et l'équité24. La politique de

la GEP est envisagée dans cette voix comme un mécanisme pour atteindre l'EPT.

Dans l'esprit de ce qui précède, la politique de la GEP, vient renforcer la démocratisation de l'éducation de base. Elle amenuise les effets de la pauvreté sur la scolarisation des enfants, en facilitant un accès important à un public mixte. Notre recherche entre dans cette dynamique avec une ambition toute autre. Il s'agit d'une analyse qui accentue la réflexion non pas sur les effets de la GEP, mais plutôt sur les obstacles qu'elle rencontre.

> La Gratuité de l'Enseignement Primaire et la scolarisation

Face aux problèmes d'accès à l'école et aux inégalités qui l'accompagnent, l'un des défis majeurs de la CE à l'aube du XXIème siècle était de résoudre le problème de la sous-scolarisation. L'Afrique subsaharienne dans les années 1990 présentait le taux net de scolarisation (TNS) le plus faible parmi toutes les autres régions du monde. Derrière l'Asie du Sud et de l'Ouest (forum mondial de DAKAR : 2000). Pendant cette décennie, la sous scolarisation persiste. Entre 1990 et 1998, alors que le nombre d'enfants non scolarisé avait été réduit de plus de la moitié dans la région d'Amérique latine et des caraïbes ; au contraire et à cause de certains facteurs, la situation était difficile une diminution significative du nombre d'enfants en Afrique subsaharienne25. Durant cette période, certains pays, inspirés par le forum de Jomtien ont fait des progrès notoires en matière de la scolarisation. « Cependant, les évolutions positives observées masquent certaines disparités dans l'accès à l'enseignement primaire, entre pays et au sein même des pays » (Dakar : 2000). Cela est encore plus évidant lorsqu'on investit les zones dites d'éducation prioritaire ou mieux les zones rurales.

L'UNESCO (2006) remarque à cet effet que, « l'intrusion de l'enseignement primaire gratuit au Kenya en 2003 a permis à 1,3million d'enfants pauvres de bénéficier de l'enseignement primaire pour la première fois grâce à la suppression des frais de scolarités ». Avec un taux brut de scolarisation (TBS) qui va évoluer

24 Nzino, M, Victorine, G et Vukeh, T. 2016. Le système éducatif au Cameroun : de

l'imposition d'une culture au développement des facultés de la personne humaine

25 Rapport final sur le forum mondial sur l'éducation : du 26 au 28 Avril 2000 au Sénégal.

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significativement en passant de 86,8% en 2002 à 101,5% en 2004. Le taux de scolarisation varie d'un pays à l'autre, d'une zone à l'autre en fonction des réalités économiques, politiques et socioculturelles. « Les personnes vivant dans des communautés pauvres, rurales ou isolées, ainsi que les minorités ethniques et les populations indigènes ont réalisées des progrès faibles ou nuls durant la dernière décennie »26. Au cours de ce forum il en ressort que moins de 50% d'enfants arrivent au cours moyen 1ere année (CM1), et n'arrivent à achever leur cycle primaire en Asie du sud et en Afrique subsaharienne. Les participants font remarquer qu' « aucun des objectifs de l'EPT n'a pas été intégralement réalisé, en particulier l'objectif fondamental de l'accès universel à l'éducation de base et de son achèvement à l'an 2000 ».

En menant une recherche sur l'impact de la mesure de gratuité de l'enseignement primaire sur le phénomène des « vidomégon » (enfants placés) au Benin27, Serge Armel ATTENOUKON, Sylvie A. T. EHAKO et Éric MONTCHO-AGBASSA pensent que « si la mesure de gratuité scolaire est trouvée pertinente, elle concerne davantage plus les filles que les garçons ». La scolarisation de la jeune fille est longtemps restée sous le prisme des conditions socioculturelles des ménages et son effectivité un défi pour le politique. De telle manière que les garçons ont toujours eu plus de chance que les filles dans l'accès à l'école. Ils font remarquer qu'avec la GEP « l'on fait de moins en moins de différence entre les deux sexes ». Puisque disent-ils « les petites filles précocement placées en ville pour y être exploitées comme domestiques peuvent rester près de leurs géniteurs mais aussi se rendre à l'école afin de se doter des fondamentaux nécessaires à la vie en société... ». L'impact de la mesure de la GEP devient ainsi évident. « Cependant, les taux de scolarisation connaissent aujourd'hui une stagnation, et l'abandon scolaire reste très important : en 2015, un enfant sur six n'aura pas achevé l'enseignement primaire » (UNESCO : 2015).

D'une manière générale, ces études rendent comptent de l'impact que la politique de la GEP a eu sur la scolarisation des enfants. Elles mettent en relation la scolarisation des enfants et la politique de la GEP. Elles montrent comment la mise sur pied de cette politique à booster la scolarisation, avec l'arrivée de nouveaux élèves. La

26 Rapport final sur le forum mondial sur l'éducation : du 26 au 28 Avril 2000 au Sénégal.

27 Recherche financée par le réseau ouest et centre africain de recherche en éducation(ROCARE) et réalisée par SERGE Armel ATTENOUKON, SYLVIE.A.T. EHAKO et ERIC MONTCHO AGBASSA.

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perspective que nous prenons dans cette étude, analyse cette politique à partir de ses obstacles. Nous ferons un diagnostic des entraves que rencontre la politique de la GEP au Cameroun et particulièrement dans l'arrondissement de Koutaba.

> La Gratuité de l'Enseignement Primaire et la qualité de l'éducation

La plupart des études réalisées sur la GEP ont évalué la qualité des enseignements offerts gratuitement. Pour Antoine et Marie Daphnay (2016) « Le constat de la détérioration progressive générale du système éducatif depuis de nombreuses années est partagé à l'unanimité par les parents d'élève ».

Le troisième point du cadre d'action de Dakar (2000) note que la GEP doit buter sur « une éducation qui s'attache à exploiter les talents et le potentiel de chaque personne et à développer la personnalité des apprenants, afin de leur permettre de mener une vie meilleure et de transformer la société dans laquelle ils vivent ». Le constat des chercheurs fait état de ce que, la mesure de gratuité n'a pas conduit au gain du pari, si on s'attache à la qualité des enseignements. Car si déjà « le pourcentage d'enseignants qualifiés au primaire à considérablement baissé »28, ce n'est pas la qualité de l'éducation qui va évoluée positivement.

En étudiant « l'impact de la gratuité de l'enseignement maternel et primaire sur la pauvreté, le social et les OMD en 2012 au Benin », Laourou et al (2012), pensent que « les indicateurs d'efficacité interne connaissent une évolution erratique avec une tendance globale à la dégradation sauf pour le taux d'achèvement... ». Il s'agit notamment du taux de promotion (TP), du taux de suivi (TS) et le manque de vocation de certains enseignants entre autres. Pour Emile Messi (2010), « la suppression des frais exigibles a entrainé une augmentation considérable des effectifs d'élèves à l'enseignement public ». La conséquence qu'il en tire est que la qualité des apprentissages est fortement entachée ou plutôt compromis. Notamment à cause dit-il « de l'accès d'un plus grand nombre de fils de parents pauvres à l'école ».

Le fait est que la mesure de la GEP a ouvert les portes de l'institution scolaire à toutes les couches sociales en oubliant d'assurer la pérennité d'une éducation de qualité voulue. Ces dysfonctionnements font l'objet de nombreuses circulaires qui prévoient

28 Rigobert Laourou et al : 2012

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une évaluation périodique des performances du personnel enseignant, administratif et des conseillers d'orientation.29

De l'avis de Gratien Mokonzi Bambanota (2010), « l'application précipitée et non planifiée de la gratuité sera, ni plus ni moins, un ennemi redoutable de la qualité de l'enseignement ». L'accroissement des effectifs d'élèves et de la demande éducative impulsée par la politique de la GEP, sans budget conséquent est de ce fait un solvant de la qualité de l'éducation primaire.

La perception et la dépréciation s'évaluent ainsi par rapport aux attentes de la CE. Dans cette logique, Franklin Ludovic KAMTCHE (2010) pense que « de manière générale, il y a un écart énorme entre l'offre souhaitée par les populations en matière d'éducation ». On peut donc comprendre pourquoi l'on s'attaque aux conditions des enseignants, à l'absence des ressources humaines qualifiées, à la mauvaise qualité des infrastructures et à la mauvaise gouvernance des fonds dans nos établissements scolaires. Le rapport de l'UNESCO réalisé en 2015 fait état de ce que, « dans un tiers des pays, plus d'un quart des enseignants du primaire n'ont pas reçu une formation conforme aux normes nationales, et la pénurie d'enseignants reste globalement très préoccupante ».

Ces travaux présentent des analyses de qualité sur l'impact de la gratuité sur l'éducation des enfants. Ils se focalisent sur la qualité de l'éducation en rapport avec son caractère gratuit. En effet, ils ne rendent pas compte de manière substantielle, des difficultés que rencontre la politique de la GEP. Le rapport de l'UNESO à cet effet, est un travail bilanciel et se réduit à une étude d'impact. Fort de tout cela, nous n'avons nullement pour prétention d'analyser la politique de la GEP à partir de ces effets sur quelques faits sociaux que ce soit. Notre travail a dont pour nerf principal, d'analyser les difficultés que rencontre cette politique. En plus, notre site de recherche est tout autre.

> La Gratuité de l'Enseignement Primaire et les Association des Parents d'Elèves et d'Enseignants

29 La circulaire n°27/14/C/MINSEC/CAB du 29 Octobre 2014 rappelant certaines dispositions relatives au travail manuel dans les établissements scolaires d'enseignement secondaire général, technique, professionnel et normal. Certaines dispositions de cette circulaire ont étés réaffirmées dans la circulaire N°13/17/C/MINSEC/SG/CT2/DAJ/CELSUI du 21 Aout 2017 portant instructions relatives à la conduite de l'année scolaire 2017/2018.

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Révisant l'histoire des APEE dans leur étude sur l'« éducation pour tous » au Cameroun à la croisée des chemins : entre gratuité d'écolage dans les écoles primaires publiques et immixtion des APEE à Dschang », Alain Roger BOULLA Meva'a et KINKEU Georges Robinson (2016) soulignent qu'elles sont devenues des acteurs incontournables du système éducatif. Ils parviennent à identifier quatre bases de l'émergence des APEE au Cameroun et dans l'arrondissement de Dschang en singulier.

1. « Les années de crise économique et financière comme base de l'émergence des APEE ». Cette base se caractérise par la rareté et l'insuffisance des ressources économiques et financières dans les caisses de l'Etat. Ce qui le poussera à tendre la main aux acteurs privés de la société civile et internationaux. En 1996, la loi sur la décentralisation vient renforcer une libéralisation de l'espace publique naissante.

2. « Le regroupement sociocommunautaire comme base première de la consolidation des APEE ». Les regroupements ont ici un fondement de solidarité, destiné à apporter « des solutions et des résolutions des difficultés existentielles ». Telle que la défaillance de l'Etat éducateur.

3. « L'instauration de la gratuité des frais d'écolage comme base seconde de consolidation des APEE ». A cette phase les sociologues relèvent le manque de « moyens multiformes » qui accompagne l'implémentation de la GEP et l'incapacité de l'Etat à assurer le financement (tout seul) du fonctionnement de l'institution scolaire.

4. « La mutation de l'APE à l'APEE comme base finale de consolidation des APPE ». Ce changement s'opère en 2003 par le Ministère de l'éducation nationale (MINEDUC).

Les parents d'élèves restent tout de même convaincus d'une chose : « la gratuité de l'enseignement reste d'une importance capitale pour couper court à toute marchandisation de ce secteur... d'autant plus que des abus dans les frais demandés aux parents existent encore aujourd'hui. »30

Dans leur étude, ils soulignent que « les APEE n'ont toujours pas atteint les objectifs ayant justifiés leur mise en place ». Notamment à cause des conflits internes entre les acteurs, leur mode d'intervention fondé généralement sur « des appétits que

30 Fédération des Associations de Parents de l'Enseignement Officiel. 2008. « L'école, combien ça coûte ? Les Analyses de la FAPEO »

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suscitent les fonds des APEE ». Ainsi, les APEE sont dans nos établissements scolaires à l'image « des tribunes pour les acteurs qui veulent s'assurer une visibilité sociopolitique ».

Quoi qu'il en soit, la mise en place des APEE est encadrer par un certain nombre de textes juridiques. A ce propos il est nécessaire de rappeler avec Franklin Ludovic KAMTCHE (2010), l'ignorance dont certains responsables dans nos établissements scolaires font preuve. Cela au regard de ce que les responsables des APEE « sont déconnectés même des textes régissant leur activité ». Cet état de réalité paralyse ces instances dans les institutions scolaires. A en croire BOULLA MEVA'A et KINKEU (2010), ces responsables n'ont pas pour leitmotiv l'application des textes en vue de la bonne marche des APEE. Les sociologues pensent au contraire que « ceux qui contrôlent les APEE escomptent ...des positions sociales et/ou politiques stratégiques dans l'espace public ». Le constat est tel que, Charles Robert DIMI (1994) parlait déjà d'une instrumentalisation de l'Etat/institution scolaire par les acteurs sociaux.

Au regard de tout ce qui précède, nous constatons que beaucoup de recherches ont été réalisées sur les APEE avant et après la GEP. Les résultats de ces recherches nous présentent les dysfonctionnements de ces associations, leurs histoires, et les modes d'actions de leurs membres dans les écoles primaires entre autres. Les chercheurs expliquent pourquoi ces associations n'ont toujours pas atteint leurs objectifs. Fort de tout cela, nous voulons contribuer modestement à l'explication et à la compréhension des APEE en contexte de la GEP. Notamment en les abordant sous l'angle des résistances à la GEP.

4.2. Théories mobilisées

L'utilisation d'une théorie en situation de recherche répond à un critère méthodologique. Ainsi, pour notre étude, nous avons adopté trois théories. Il s'agit de l'analyse stratégique, la théorie de la gouvernance réelle et la théorie de la reproduction sociale.

> L'analyse stratégique

Michel Crozier et Erhard Freidberg (1977) sont les tenants de cette théorie. Selon cette dernière, il faut s'intéresser, non pas à la fonction des acteurs au sein de l'organisation mais plutôt à leurs stratégies individuelles. Le système ne contraint

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jamais totalement un acteur. Ce dernier dispose d'une marge de liberté qu'il utilise pour améliorer ses capacités d'action. L'acteur oriente ses comportements suivant une stratégie dont le but est d'accroitre ses gains personnels. La marge de liberté d'un acteur est source d'incertitude pour ses partenaires comme pour l'organisation dans son ensemble. Elle rend le comportement de celui-ci imprévisible. Les acteurs ne savent donc pas comment et à quel moment tel ou tel acteur peut agir.

Grâce à cette marge de liberté, chaque acteur dispose ainsi d'un pouvoir sur les autres. Ainsi, chaque acteur dans un système, oriente son comportement de manière à atteindre ses objectifs ou ses buts fixés à l'avance. La GEP est une mesure développée par des acteurs politique, destinée à être appliquer par des acteurs institutionnels et pour l'intérêt des acteurs sociaux. Nous sommes bien dans un système, avec les acteurs dites éducatifs. L'analyse stratégique part du système pour retrouver l'acteur : les comportements sont toujours explicables et rationnels.

Dans le cadre de notre étude, l'analyse stratégique nous a permis de comprendre les stratégies que développent les acteurs, dans la pratique de la GEP. L'étude de l'école pose la question du contrôle social qui s'exerce à travers elle. A travers ce système on peut étudier les phénomènes de changement et de crise, mais aussi de décision. Les responsables des écoles primaires ne cherchent pas la meilleure solution dans l'absolu, mais celle qui répond le mieux à leurs critères de rationalité. Pour comprendre leurs choix, il faut donc connaître les options qui se présentent à eux et selon quels critères ils en retiennent une. L'analyse stratégique cherche à établir un rapport entre la rationalité des acteurs et celle du système. En effet, chercher à comprendre pourquoi l'enseignement primaire n'est pas effectivement gratuit, nécessite d'analyser la manière dont cette politique est appliquée par les acteurs de la CE. Autrement dit, étudier leurs rapports avec les normes officielles, la manière dont ils s'en servent, les appliquent ou mieux comment ils s'en approprient.

> La théorie de la gouvernance réelle

La théorie de la gouvernance réelle est une grille de lecture adaptée à l'étude des politiques publiques, des administrations, des services publics ou mieux des cadres d'interactions sociales règlementés. Elle se dévoue notamment, à l'analyse des actions des agents de l'Etat par rapport aux lois, aux décrets et autres règles officielles de conduite. Le monde des normes est immense, et recouvre des réalités ou des concepts

d'ordres très variés31. Comme le souligne de Sardan (2008), le décalage très généralement constaté entre normes et pratiques, est ce qui nous intéresse. Il s'agit plus précisément, d'un décalage entre les normes professionnelles publiques et les pratiques professionnelles des acteurs publics.

Nous abordons la théorie de la gouvernance réelle avec de Sardan (2008), dans son pendant des normes pratiques. Cette dimension de la gouvernance réelle met en exergue l'administration telle qu'elle est, avec les normes sous-jacentes, implicites ou moins visibles qui coordonnent les actions des agents de l'Etat sur le terrain. Elle se démarque ainsi des analyses idéalistes qui nous présentent la gestion de l'administration telle qu'elle devrait être selon la norme officielle.

De Sardan (2008) souligne que, « s'il est un point commun à l'abondante littérature portant sur l'Etat, les administrations et les services publics en Afrique, c'est bien le constat d'écarts importants entre les normes officielles qui régissent ces institutions et les comportements réels de leurs agents ». Pour comprendre ces écarts, il propose un concept dit-il « exploratoire ». Pour lui ce concept exige un travail empirique pouvant permettre d'avoir une vision plurielle et éclairée des « normes pratiques » auxquelles sont suspendues les actions des agents étatiques. Dans cette logique, les actions de ces derniers ne se conforment pas à une norme unique dite « officielle ».

> La théorie de la reproduction sociale

La théorie de la reproduction est un modèle explicatif très édifiant, très riche en idées et en auteurs. Elle identifie les individus qui réussissent à l'école ou non et le pourquoi. Les tenants de cette tradition de la sociologie de l'éducation partagent au moins trois points de vue.

Ils estiment que : L'école n'est pas un agent vecteur de la mobilité sociale. Malgré son ouverture à toutes les classes sociales, le milieu social de chacun détermine sa position sociale. Ainsi, les individus issus des milieux sociaux privilégiés ont toujours des positions sociales valorisés. Tous affirment l'utilité de la stratégie des familles, des choix qu'elles font en matière d'orientation scolaire et même de continuité des études ou non. Ils mettent un accent sur le lien entre la réussite scolaire et l'origine

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31 JEAN PIERRE OLIVIER DE SARDAN (2008)

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sociale. Ainsi, les étudiants issus des classes populaires n'ont pas les mêmes chances que les étudiants des classes favorisées à l'école.

BOURDIEU et PASSERON pensent dans cette logique que, l'égalité formelle face à l'école n'est pas l'égalité réelle. L'école à un rôle important dans la reproduction sociale. De l'avis des auteurs, c'est une voix « secrète » qui favorise les inégalités de chances. En donnant l'illusion qu'elle est accessible à tous, elle ne permet pas aux classes défavorisées de prendre conscience de leurs situations. Dans leur ouvrage collectif (les héritiers, les étudiants et la culture. 1964), ils démontrent que l'école transforme une domination sociale en domination méritocratique, notamment avec les concours. Car disent-ils « c'est oublier que l'égalité formelle qu'assure le concours ne fait que transformer le privilège en mérite puisqu'il permet à l'action de l'origine sociale de continuer à s'exercer, mais par des voies plus secrètes » (BOURDIEU et PASSERON :1964 ; p104). Pour eux, les valeurs que véhicule l'école sont conformes aux milieux favorisés. Ce postulat va amener BOURDIEU et PASSERON à penser que les étudiants originaires des milieux favorisés sont des « héritiers » auxquels la famille transmet une culture adéquate aux études et à la réussite universitaire. Pour eux, le « beau langage », et les « belles manières » issus des « beaux quartiers » sont des facteurs qui favorisent la réussite scolaire. Ils font remarquer que quand bien même les étudiants des classes dominées obtiennent des diplômes, ils ne disposent pas d'un réseau social32 et des connaissances du milieu professionnel qui accompagne le rendement des diplômes.

Déjà avec la théorie de la reproduction, la gratuité officielle n'est pas la gratuité réelle. L'école primaire gratuite au sens strict est un idéal impossible. Cela à cause des obstacles qui empêchent son effectivité. Il s'agit en fait de rendre compte des pratiques qui ont cours au Cameroun et en contexte local singulièrement ; qui au lieu de faciliter l'application de la politique de la GEP, la freinent plutôt et reproduit le système payant de l'école.

5. Définition des concepts

Gratuité de l'enseignement : Dans le cadre de cette étude, la notion de gratuité concerne l'ensemble des prestations d'enseignements obligatoires dispensées à l'école. La scolarité

32 Ensemble des relations humaines construites par l'individu, pouvant lui facilité la mobilité sociale ou l'accès à un emploi. On parle encore de « carnet d'adresse », de capital social pour reprendre Bourdieu.

ne peut donner lieu au versement de droits d'inscription à l'école. De même, aucune participation financière aux activités obligatoires d'enseignement ne peut être demandée aux familles Car pour nous, le terme renvoi au caractère gracieux de l'instruction scolaire des enfants en âges de scolarité obligatoire.

Figure I conceptualisation de la GEP

Indicateurs

Prestations
scolaires
obligatoires

Scolarité

Pas de frais

Obligatoire

Pas d'insolvabilité

Pas de renvoi

Cycle primaire

6 à 13 ans

Evaluations

Trimestrielles

Séquentielles

Concept

Dimensions

Composantes

Gratuité de l'enseigneme

nt

Devoirs

A faire à la maison

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6. Intérêt de l'étude 6.1. Intérêt scientifique

Étant donné que le « problème des écoles » et des « élèves difficiles » s'est imposé comme le lieu dans lequel se focalise l'ensemble des problèmes sociaux33, cela peut être considéré comme une opportunité pour l'exercice de la science, et pour le dynamisme sociologique. Dans cette logique, la question de la GEP se présente comme une réalité qui ne mérite pas moins d'être analysé sociologiquement. Partir de là, ce travail contribue à rendre intelligible le phénomène de la GEP. C'est dans cette logique que nous avons convoqué la théorie de la reproduction sociale et l'analyse stratégique ; afin de mettre en exergue le fait social qui nous interpelle ici.

6.2. Intérêt opérationnel

Cette recherche permet d'analyser les obstacles qui empêchent les pouvoirs publics d'atteindre leurs objectifs en matière de l'école gratuite. Etudier ces épines (dans la chaussure pourrait-on dire), permet ainsi de donner relativement une visibilité claire aux pouvoirs publics ; concernant le quotidien de cette politique.

7. Méthodologie de l'étude

La méthodologie de la recherche met en exergue quatre éléments : la démarche méthodologique et les techniques de collecte des données ; le champ spatial, la population de l'étude et l'échantillonnage ; la conduite du travail de collecte des données et les techniques d'analyse des données.

Nous aborderons l'étude de la politique de la GEP suivant une démarche qualitative. Aussi allons-nous recueillir des données en profondeur, les perceptions et les représentations autour de ladite gratuité.

7.1. Techniques de collecte des données

Nous avons adopté pour cette étude une technique qualitative. Il est question de recueillir des données de qualité et approfondies sur la politique de la GEP. Nous avons à cet effet collecté les points de vue, les représentations et les perceptions de la

33 Dubet, F. n° 5/2000.L'école et l'exclusion, in Éducation et Sociétés. 50p.

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communauté éducative (CE) au sujet de la GEP et ses difficultés. Cette technique nous a également permis de mettre la main sur les menaces qui entravent la mise sur pied de manière effective de la GEP. Ainsi, cet argumentaire se base partiellement sur les discours de notre population d'étude. L'intérêt porté sur une telle technique se justifie par la priorité34 accordée aux acteurs de la CE et à leurs points de vue. Cette technique a été choisie aussi parce que nous voulions être flexibles pour suivre de nouvelles pistes qui se présentent au cours des entretiens. Nous avons procédé par entretien semi-directif pour recueillir nos informations. A cet effet, le travail de terrain a été valorisé au moyen des interviews organisées avec nos informateurs. Autrement dit, nos données n'étaient pas préalablement disponibles ; elles ont étés produites.

Deux guides d'entretien ont étés conçus à cet effet. Un pour les responsables des écoles primaires et un autre pour les parents d'élèves. Nous sommes partis de ce que ces deux catégories d'informateurs ne disposent pas des mêmes données relativement au problème que nous traitons.

La prise de note n'étant pas aisée, nous avons fait recours à un téléphone portable (Smartphone) qui nous a permis de faire des enregistrements des informations. Ainsi avons-nous évité les pertes des données. C'est donc ainsi que nous avons eu notre base de données.

7.2. Echantillonnage (Type d'Echantillonnage, Taille de l'échantillon, Champ social, Champ spatial de l'étude)

Notre recherche est caractérisée par l'absence d'une base de sondage. A cet effet nous avons choisis nos informateurs au moyen de l'échantillonnage à choix raisonné. Nous voulons par-là, maximiser sur les enquêtés qui ont des enfants en âges de scolarité obligatoire, et qui occupent des postes clés dans les écoles primaires.

La CE constitue une population de recherche très vaste. Cela nous a imposé de choisir un nombre réduit d'unités d'observations. Ainsi la taille de notre échantillon s'élève à 35 enquêtés. Constitué de 10 parents d'élèves (en tant que principaux bénéficiaires de la gratuité d'écolage), de 10 directeurs d'école primaires (en tant que principaux exécutants de la politique de la GEP), de 2 agents de la commune (compte tenu de l'implication des communes dans la gestion des écoles primaires avec la

34 A cause de leur connaissance, de leur statut et au fait qu'ils disposent d'information auxquelles nous ne pouvons avoir accès autrement.

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décentralisation), de 6 présidents des APEE( en raison de leur titre de représentant des parents d'élèves dans les écoles primaires), de 5 instituteurs et de 2 personnels de bureau de l'inspection de l'enseignement primaire de Koutaba( ces deux catégories d'enquêtés ont été choisies en raison de leur contact permanent avec les réalités des écoles primaires). C'est la partie de l'univers qui a été effectivement étudiée35.

Cette recherche a eu lieux dans le département du Noun et plus précisément dans l'arrondissement de Koutaba. C'est une CTD qui doit sa notoriété au camp-militaire et l'aviation civile qu'elle regorge. Sa population est essentiellement paysanne. En claire c'est une zone rurale ou mieux une ZEP.

7.3. Les méthodes d'analyse

Nous avons procédé par analyse de contenu, vu que nous avons à faire aux données qualitatives. C'est une méthode qui vise à étudier ce qui s'exprime dans un texte, c'est l'étude du sens ou de la manière de voir les choses par une catégorie d'individus, des types et des systèmes de perceptions ou de représentations. « L'analyse de contenu porte sur des messages aussi variées que des oeuvres littéraires, des articles des journaux, des documents officiels, des programmes audiovisuels, des déclarations politiques, des rapports de réunion ou des comptes rendus d'entretiens semi-directif » (Campenhoudt et Quivy : 2013, p206). Généralement la démarche de l'analyse de contenue consiste à lire un texte pour y rechercher des informations qui s'y trouvent, d'en dégager le sens ou, de formuler et de classer tout ce qu'il contient sous la forme d'un savoir scientifique. Cette méthode d'analyse et d'interprétation des données dans la recherche qualitative nous a permis de comprendre comment les individus vivent la GEP.

8. Conduite du travail de collecte des données

La collecte des informations s'est fait au moyen des entretiens semi-directifs avec nos enquêtés. La plupart de ces entretiens se sont fait sur rendez-vous planifiés avec les informateurs. Au cours de ces échanges, nous avons utilisé un guide d'entretien contenant une suite de thématiques et de questions non-standard. La conduite de ces échanges fût ainsi flexible d'un entretien à un autre. A cet effet, un Smartphone nous a permis de consigner les informations afin d'en éviter les pertes.

35 Loubet Del Bayle, J.L. 2000 :92

9. PLAN D'EXPOSITION ET DIFFICULTES RENCONTREES

9.1. Plan d'exposition

Ce travail s'articule autour de deux principales parties, chacune constituée de deux chapitres. La première partie porte sur l'école primaire gratuite au Cameroun et la construction des formes d'obstacles qu'elle rencontre. Dans la deuxième partie, nous avons les APEE en contexte de gratuité d'écolage : regards croisés des instituteurs et des parents d'élèves. La gratuité de l'enseignement primaire face au manque des ressources dans les écoles primaires à Koutaba.

9.2. Difficultés rencontrées et solutions trouvées

La principale difficulté rencontrée au cours de la rédaction de ce mémoire de recherche est d'ordre temporel. En effet, durant la période de cette étude, nous étions aussi soumis à d'autres exercices académiques qui n'étaient pas moins exigeants, ce qui ne nous a pas permis de disposer suffisamment de temps pour nous consacrer à la rédaction de ce travail. Ainsi, nous profitions des moments creux (quand on n'avait pas cours par exemple) pour nous rendre dans notre site de recherche.

Parallèlement nous avons réalisé cette recherche dans une zone rurale ou certaines personnes n'aiment pas trop se soumettre aux entretien et remplissage des questionnaires. Surtout quand il s'agit des questions sur lesquelles elles n'ont pas assez de connaissance. Pour remédier à cette situation, nous avons dû faire une sorte de sensibilisation en faisant comprendre aux parents d'élèves l'intérêt qu'ils ont à être au courant de tout ce qui se passe dans les écoles primaires. Certains n'étaient pas au courant de la politique de la GEP. Dans les écoles primaires, certains responsables ont refusé de nous recevoir malgré l'attestation de recherche à nous délivré par le département de notre faculté. Pour nous expliquer le pourquoi de ce refus ; un directeur affirme que : « ce n'est pas l'université qui nous commande ici, la porte d'entrée c'est l'inspection. Il faut un mot de l'inspectrice ». C'est donc ainsi que nous nous sommes rendus au niveau de l'inspection des enseignements de base de Koutaba pour entrer en possession d'une autorisation de collecte de données36. Une autre difficulté a été les entretiens effectuer en langue locale, dans les zones périphériques de notre site de

36 Rappelons que nous y étions déjà pour nous entretenir avec le personnel de l'inspection

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recherche. Il a fallu traduire en français avant de transcrire dans un support papier pour des besoins d'analyses.

ECOLE PRIMAIRE GRATUITE AU CAMEROUN ET

CONSTRUCTION DES FORMES D'OBSTACLES

PREMIERE PARTIE :

INTRODUCTION A LA PREMIERE PARTIE

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L'éducation de base au Cameroun fait l'objet de plusieurs lois d'orientations. La première partie de ce travail est divisée en deux chapitres. Ainsi, le premier entend mettre en exergue l'école primaire au Cameroun et le principe de sa gratuite. Les pistes qu'il emprunte sont orientées vers l'organisation et la structure de l'enseignement primaire au Cameroun ; les acteurs qui interviennent dans la gestion de l'éducation de base avec leurs fonctions au niveau local. Ainsi que l'école primaire gratuite et ses objectifs au Cameroun. Dans le chapitre nous avons les réalités concrètes à partir desquelles émergent les obstacles à la politique de la GEP. En effet, l'une de nos questions spécifiques cherche à savoir Comment se construisent les formes d'obstacles à la gratuité de l'enseignement primaire. Delà, deux pôles des faits nous ont permis de répondre à cette question. Ainsi, la remise en cause de la neutralité commerciale de l'école primaire est un point majeur de ce chapitre. La GEP face à la persistance des tendances payantes de l'école primaire est un second point majeur de ce chapitre.

CHAPITRE I : ECOLE PRIMAIRE AU CAMEROUN ET

PRINCIPE DE GRATUITE

INTRODUCTION

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On observe une convergence de certains pays vers un modèle de l'éducation de base qui implique une offre des prestations scolaires gratuites. Le Cameroun n'est pas indifférent face à cette dynamique. Depuis la dernière révision constitutionnelle de 1996, l'éducation est sans cesse l'objet de plusieurs discours politiques, des circulaires, des arrêtés, des décrets et lois divers. L'enseignement primaire se complexifie au fil des ans. Aujourd'hui avec la politique de la gratuité, il n'offre plus une visibilité nette et claire à première vue. Mais en confrontant les dispositions officielles au sujet de sa gratuité et ce que vivent les populations, nous pouvons comprendre ce qu'il est concrètement. Ainsi, ce chapitre entend mettre en exergue l'école primaire au Cameroun et le principe de sa gratuite. Les pistes empruntées pour arriver à cette fin sont orientées vers l'organisation et la structure de l'enseignement primaire au Cameroun ; les acteurs qui interviennent dans la gestion de l'éducation de base avec leurs fonctions au niveau local. La dernière partie porte sur l'école primaire gratuite et ses objectifs au Cameroun.

1. ORGANISATION ET STRUCTURE DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE

AU CAMEROUN

L'enseignement primaire au Cameroun obéit à une organisation complexe. Cette partie est axée sur deux points essentiels : l'organisation et la structure de l'éducation de base au Cameroun.

1.1. Organisation de l'enseignement primaire au Cameroun

Le système éducatif camerounais est dualiste dans son organisation. Il traduit la coexistence de deux cultures politico-éducatives. Hérité de l'histoire coloniale du pays, le système éducatif Camerounais est orienté vers la culture anglophone d'une part et la culture francophone d'autre part. A la dualité des langues d'enseignement et des modalités y afférentes (l'anglais dans les régions du Nord-ouest et du Sud-Ouest, le français dans les autres régions), s'ajoute un mixage de l'un et de l'autre sous-système à travers le pays.

De même, on a d'un côté, l'ordre d'enseignement public et de l'autre l'ordre privé (comprenant le privé laïc, le privé confessionnel catholique, le privé confessionnel protestant et le privé confessionnel musulman). Rappelons que malgré cette complexité

du système éducatif camerounais, son encadrement reste une tâche impérieuse de l'Etat. Ainsi donc, l'Etat : définit le régime de l'enseignement ; arrête les programmes et les manuels scolaires ; fixe les modalités de création, d'ouverture, de fonctionnement et de financement des établissements et institutions privées de formation ; contrôle les établissements et institutions privées de formation ; régit les systèmes et les modalités d'évaluation des élèves et organise les examens officiels nationaux, délivre les diplômes (CEP) et planifie l'année académique à travers le pays.

En définitive, au-dessus de cette mixité du système éducatif camerounais, l'Etat est la principale entité qui organise tout. Par ses orientations et ses décisions, il influence plus que tout autre agent ou institution, l'offre éducative scolaire dans notre pays.

1.2. Structure d'une l'école primaire au Cameroun

Un établissement primaire est fait de niveau. Le niveau est l'ensemble des compétences susceptibles d'être acquises au terme de deux années de scolarité. Le graphique ci-après présente la structuration de l'éducation de base au Cameroun.

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Graphique N°1 : Structure de l'école primaire au Cameroun

CYCLE DE L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE : 6 ans

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Ce graphique permet de visualiser la structure globale du cycle primaire du système éducatif camerounais. Il s'applique tant au secteur public que privé. L'enseignement primaire dure 6 ans dans le sous-système francophone et dans le sous-système anglophone. Le cycle de l'Enseignement Primaire comprend trois (3) niveaux.

Le « level one » du sous-système anglophone comprend la « class one » et la « Class two ». Le « level two » du sous-système anglophone comprend la « Class tree » et la « Class four ». Le « level tree » du sous-système anglophone comprend la « Class five » et la « Class Six ».

Le niveau 1 du sous-système francophone comprend la Section d'Initiation au Langage, en abrégé SIL, et le Cours Préparatoire, en abrégé CP. Le niveau 2 du sous-système francophone comprend le Cours Elémentaire Première Année, en abrégé CE1, et le Cours Elémentaire Deuxième Année en abrégé CE2. Le niveau 3 du sous-système francophone comprend le Cours Moyen Première Année, en abrégé CMI, et le Cours Moyen Deuxième Année en abrégé CM2.

Ainsi, les deux sous-systèmes de l'éducation de base ont chacun une durée de six (06) ans. A la fin du cycle, l'élève est soumis à un examen officiel qui lui permet en cas de réussite d'obtenir un Certificat d'Etude Primaire (CEP). De même un concours

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d'entrer en classe de sixième permet également à ce dernier de poursuivre ses études au secondaire (bien sûr en cas de réussite). La politique de la GEP s'applique aux deux sous-systèmes de l'éducation de base.

2. LES RESPONSABLES DE L'EDUCATION PRIMAIRE ET LEURS FONCTIONS AU NIVEAU LOCAL.

Définies par les acteurs dans un système connu, les normes sont appliquées par les agents qui le composent. Dans les écoles primaires, les acteurs qui doivent appliqués les normes sont multiples. Il s'agit de l'inspecteur d'arrondissement d'enseignement primaire et maternel, le directeur d'école, le président du conseil d'établissement, le président d'APEE et la CTD. Chacun de ces acteurs est investi en ce qui le concerne, d'un certain nombre de pouvoirs et de compétences au sein de l'établissement de son ressort. Ils travaillent en collaboration dans l'optique d'offrir aux enfants un cadre favorable à leurs instructions.

2.1. L'inspecteur d'arrondissement d'enseignement primaire et maternel.

Au niveau de l'arrondissement, l'inspecteur d'arrondissement d'enseignement primaire et maternel est la plus haute hiérarchie de l'éducation de base. Il supervise les activités pédagogiques et administratives des directeurs d'écoles primaires. Ainsi, il dispose de la carte scolaire et le fichier de son territoire. Il nomme sur proposition du directeur d'école primaire, l'animateur de niveau. Parallèlement, il gère le personnel enseignant et administratif mis à sa disposition par le MINDUB, la délégation régionale et départementale.

Ces compétences peuvent être résumées comme suit : inspection, évaluation et supervision des activités du personnel sous son autorité. Il interagit avec d'autres acteurs dans l'exercice de ses compétences.

2.2. Le directeur d'école primaire

Le directeur d'école primaire remplie plusieurs fonctions au sein de son établissement. On peut ainsi dénombrer la fonction pédagogique, la gestion du matériel et des infrastructures, la gestion des ressources humaines et la fonction administrative entre autres.

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2.2.1. La fonction pédagogique

Au sein de l'école primaire le directeur est la plus haute personnalité. Il assure la gestion pédagogique, organise, et coordonne les cellules et conseils pédagogiques. De plus, est chargé de supervision et de l'évaluation pédagogiques des enseignants de son école. Il préside les conseils de classe, coordonne et supervise les évaluations des élèves. Ajoutons que celui-ci contrôle également le suivi des programmes d'enseignement par les enseignants et organise les recrutements au regard des textes y relatifs. Il est assisté dans ses fonctions par un directeur adjoint.

2.2.2. La gestion du matériel et des infrastructures

Le directeur d'école primaire représente son école dans tous les actes civils et administratifs. Il a la charge de l'intégrité de son établissement. Notamment sa sécurité et son entretien (bâtiments et matériels). Il veille à la sécurité des élèves, du personnel de son établissement et des biens qui y sont.

2.2.3. La gestion des ressources humaines

Cette fonction est caractérisée par le suivi, l'encadrement, la position aux postes de responsabilités et le recrutement du personnel à la charge des parents. Il délivre des autorisations d'absences, repartit les heures de cours et de pause.

2.2.4. La fonction administrative

Le directeur d'école primaire dresse les rapports, exécute les instructions de l'inspecteur d'arrondissement, préside le conseil d'école et signe les certificats de présence et de prise de fonction du personnel. Il note également le personnel sous sa charge et conserve les procès-verbaux des différentes réunions qui engagent la vie de l'école.

2.3. Les Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD)

Avec la décentralisation survenue en janvier 1996, les CTD sont devenues des acteurs clés de la CE, en contexte local. Les compétences éducatives leurs ont étés transférées. Dans les écoles primaires, ces collectivités sont désormais appelées à recruter et à prendre en charge les personnels dans leurs différents territoires. Elles ont

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des contributions obligatoires à faire dans les écoles primaires. En clair, le fonctionnement des écoles primaires repose en partie sur les épaules des CTD.

En effet, il est généralement admis qu'une décentralisation adéquate comporte des bénéfices, dont une meilleure gestion des ressources locales. Par l'adoption de multiples textes juridiques (loi n° 2004/017 du 22 juillet 2004, décret n°2010/0247/PM du 26 février 2010, Arrêté n° 2010/246/B1/1464/A/MINEDUB/CAB du 31 décembre 2010) le gouvernement a transféré des compétences dans le domaine de l'Education de base aux communes. L'arrêté du 31 décembre 2010 précise à cet effet en son article 3 que, dans le cadre de l'exercice des compétences à elle transférées, «la commune assure la continuité de l'offre publique d'éducation ainsi qu'une qualité croissante de ce service public en insistant notamment sur ces principes de gratuité ».

Notons tout de même que, l'implication des CTD dans la gestion des écoles primaire (tel que disposer dans ces lois) ne nous renseignent pas sur la provenance des fonds nécessaires à cet effet. Chemin faisant, nous reviendrons sur les actions (concrètes et non plus juridiques ou officielles) de ces collectivités dans les écoles primaires à Koutaba. Car tout ce qui est mention dans ce chapitre, relève de l'ordre de l'énonciation, du discours juridique et non de ce qui est effectivement/totalement vécu sur le terrain.

2.4. Les parents d'élèves

Socialement, les parents sont les premiers éducateurs des enfants. Dans la cellule familiale, l'éducation des enfants leurs revient. Cependant, dans un cadre régit par les lois et autres normes officielles tel que l'Etat, ils deviennent des partenaires dans l'éducation de leurs propres enfants. Au Cameroun, les parents d'élèves ont officiellement une place au sein des institutions scolaires. Les contributions de ces derniers dans les établissements scolaires sont volontaires, tel que prévue dans les textes. Cela veut dire par exemple qu'un parent d'élève peut décider de payer les frais d'APEE ou pas. Et sans que son enfant soit exclu de l'établissement scolaire primaire public. Ainsi, qu'il s'agisse des moyens financiers, matériels ou humains, les contributions des parents d'élèves dans les écoles publiques au Cameroun ne sont pas obligatoires.

A côté de ces acteurs, on peut ajouter les Organisation Non Gouvernementales (ONG), les associations locales de développement, les Organisations de la Société Civile (OSC) opérant dans le milieu.37

3. L'ECOLE PRIMAIRE GRATUITE ET ENJEUX SOCIAUX AU

CAMEROUN

Les dispositions légales relatives à la prise en charge de certaines activités et prestations scolaires primaires au Cameroun insistent sur la gratuité. En effet, la gratuité d'écolage, c'est d'abord la prise en charge de manière effective des prestations et activités scolaires primaires. Elle est ainsi garantie par une variété de dispositions officielles38.

3.1. Analyse de l'école primaire au Cameroun : obligatoire et gratuite

Le dispositif normatif de l'école primaire gratuite peut-être caractérisé par les traits essentiels. En effet, la Constitution Nationale fait de l'éducation une mission fondamentale de l'Etat. Ainsi, l'Etat assure à l'enfant le droit à l'instruction scolaire primaire. L'enseignement primaire est obligatoire et l'organisation et le contrôle de l'enseignement à tous les niveaux est une responsabilité de l'Etat39. L'éducation est connue au Cameroun comme une priorité nationale40. Le caractère obligatoire et gratuit de l'école primaire publique obéit aux engagements internationaux contractés par l'Eta camerounais et à ses normes éducatives. Tout ceci interpelle de ce fait au plus haut point les pouvoirs publics et les autres acteurs de la CE ; qui se doivent de mettre en place sur l'ensemble du territoire national les conditions d'application effective de cette prescription constitutionnelle.

Avec l'arrivée de la politique de la GEP, le nouveau format du cadre réglementaire de l'école primaire, prévoit une infirmerie pour administrer les premiers

37 Instructions n°07/B1/1464/MINEDUB/SG/DEMP DU 22 AUG2014 Portant application de certaines dispositions de l'arrêté N°367/B1/1464/MINEDUC/064/CF/MINEFI du 19 septembre 2001 relative à l'organisation et au fonctionnement des établissement publics d'enseignement maternel et primaire.

38 Circulaire n°08/B1/1464/MINEDUB/SG/DEMP du 22 AUG 2014 portant modalités d'exécution du budget du fonctionnement des écoles maternelles et primaires publiques

39 Disposition du préambule de la Constitution du 16 janvier 1996

40 : la loi n° 98/004 du 14 avril 1998 d'orientation de l'éducation nationale au Cameroun et la loi n° 2001/005 du 16 avril 2001 portant orientation de l'enseignement supérieur comportent des dispositions explicites sur ce point dans leurs articles 2 et 3 respectifs

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soins aux élèves ; l'équipement, de l'entretien et de la maintenance des écoles primaires par la commune. La suppression des frais scolaires annuels exigibles dans les écoles primaires entre aussi dans cette dynamique. Derrière la politique de gratuité d'écolage il y a des enjeux sociaux importants.

3.2. Les enjeux de l'école primaire gratuite au Cameroun

Les lois de la GEP constituent des avancées indéniables, permettant aux enfants de bénéficier en plus grand nombre de l'instruction. Elles comportent des voies à l'expansion de la diffusion des savoirs. En effet, la gratuité de l'enseignement primaire exprime une volonté politique visant à garantir une éducation de base ouverte à tous. Cette école gratuite permet ainsi aux élèves ayant un niveau scolaire jugé suffisant, de poursuivre leurs études dans l'enseignement secondaire. La proclamation de la GEP, apparait comme la plus grande avancée de toutes les réformes éducatives orientées vers l'EPT depuis 199841. L'école gratuite a pour principal objectif de répondre à une préoccupation : Comment faire en sorte que l'instruction scolaire soit l'affaire de tous ? Une fois cette préoccupation résolue, l'Etat camerounais peut se dégager des discriminations scolaires fondées sur les pesanteurs socioéconomiques42. Ainsi, l'enjeu de la GEP est d'autoriser les élèves à s'émanciper des déterminismes familiaux. Cela en offrant une possibilité d'accès à tous les enfants de 6 à 13 ans à l'école primaire.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo