La doctrine Monroe après la fin de la bipolarisationpar Gautier DE CHANTERAC Université de Toulon - Master 2 Droit public parcours sécurité défense 2017 |
Chapitre 1 - De la « Démocratie en Amérique 77(*)» ?
Bill Clinton fût élu en novembre 1992.Quelle serait sa politique étrangère et notamment sa position vis-à-vis de l'Amérique dans un monde multipolaire ? La chute de l'Union soviétique et les incertitudes de l'après-guerre froide produisirent un certain nombre de crises politiques que Clinton en tant que chef d'Etat dû gérer (Rwanda, Haïti, Yougoslavie). Clinton promît le changement mais en l'espace de deux mandats, mena plus ou moins la même politique que Bush : patriotisme économique et propagation de la « démocratie » afin de gagner de nouveaux marchés pour les entreprises américaines. « La politique étrangère de Clinton obéissait globalement au consensus bipartisan classique qui consiste à maintenir des relations amicales et des liens commerciaux rentables avec les gouvernements au pouvoir, quels qu'ils soient et quelle que soit leur attitude à l'égard des droits de l'homme »78(*) Cette vision cynique d'Howard Zinn ; que l'on peut appliquer à de nombreux gouvernements ; s'est-elle vérifiée ? Section 1. La continuité de l'impérialisme économique de l'administration Bush.La primauté économique était désormais la nouvelle forme de la doctrine Monroe. Le leitmotiv du « libre-échange » était au coeur de la politique de l'administration Clinton.
L'effondrement des économies socialistes à la fin des années 80 était la preuve irréfutable aux yeux des américains que l'économie libérale était le seul chemin à suivre pour les pays en voie de développement. A. La doctrine Clinton :La doctrine de l'« enlargement » (élargissement) consistait à étendre les démocraties de marché, le libre-échange et la vision occidentale du commerce. Le second point était de maintenir la paix et les alliances internationales pour intervenir dans les crises sans trop de coûts pour les Etats-Unis. La vision de Clinton, était que les Etats-Unis devaient garder leur rôle de gendarme du monde tout en promouvant les droits de l'homme et l'économie de marché.
L'administration Clinton s'efforça d'imposer le libre-échange sur tout le continent. Lors des différents National Security Council79(*) entre 1994 et 1996 Clinton et Anthony Late définirent leur vision du monde : « Sans notre leadership et notre engagement à l'extérieur, les menaces vont empirer et nos opportunités se réduire. Pour tous les risques qu'il comporte, ce nouveau monde nous offre une chance immense, la chance d'adapter et de construire des institutions globales qui aideront à assurer la sécurité » et à fortifier la croissance économique pour l'Amérique et le monde » Clinton définît la nouvelle approche américaine initiée par Bush : démocratie de marché et des institutions internationales aux ordres de Washington (FMI, Banque mondiale) « Promouvoir la démocratie fait plus que satisfaire nos idéaux. Cela avance nos intérêts, parce que nous savons que, plus les démocraties sont nombreuses, meilleure est notre situation, et celle de la communauté internationale. Les démocraties créent des marchés libres qui multiplient les opportunités économiques. »80(*) Dans les années 70 et 80, les dictatures favorisaient les intérêts américains. En 1994, la démocratie sur le Continent devait être la nouvelle norme. Clinton ne parlait pas des droits de l'homme mais des opportunités économiques pour les Etats-Unis. L'impérialisme militaire était devenu un impérialisme économique. Les Etats américains devaient ouvrir leur marché. Le libéralisme économique avait triomphé mais les problèmes structurels de pauvreté inhérents à l'Amérique Latine ne furent jamais traités. L'enrichissement ne profita qu'à une élite. Ce qui expliquera la montée en puissance des idées de Chavez et de Morales. « Plus la démocratie et la libéralisation politique et économique s'imposent et dans le monde, notamment dans le pays d'importance stratégique pour nous, plus notre nation sera en sécurité et plus notre peuple sera susceptible de progrès »81(*) La sécurité du pays passait par un libéralisme mondial qui profiterait avant tout aux Etats-Unis. Une continuité de la politique de Bush et cette idée prégnante que les Etats-Unis étaient « un phare dans la nuit ». Clinton exposait ainsi les trois piliers de sa politique « Dans le cadre de cet objectif général, les 3 composantes centrales sont : · nos efforts pour fortifier notre sécurité grâce au maintien d'une forte capacité de défense · notre travail pour ouvrir des marchés étrangers et stimuler la croissance économique globale · notre promotion de la démocratie »82(*) Cette « hégémonie bienveillante » de la part de la « République impériale »83(*) n'était qu'une version déguisée de la doctrine Monroe.
Initié par l'Administration Bush, L'A.L. E. N. A84(*) fût ratifiée en janvier 1994 par Bill Clinton et le Congrès. Les obstacles régulant la circulation des biens et des capitaux entre le Mexique, le Canada et les Etats-Unis étaient ainsi levés. L'économie américaine avait accès au marché mexicain et ses cent millions d'habitants. Cependant, les économistes étaient divisés quant au bien fait de cet accord. Cela ne pouvait que bénéficier à l'économie américaine en ouvrant encore plus largement le marché mexicain aux produits américains (Le Mexique est le premier consommateur mondial de Coca Cola) mais d'autres pensaient que cela augmenterait le chômage pour les travailleurs américains puisque les entreprises seraient libres de délocaliser leur activité au Mexique pour y chercher une main d'oeuvre à moindre coût. En 1995, une étude dressait le bilan de la première année de l'ALENA : « un an après, deux économistes découvrirent qu'il avait entrainé la disparition de quelques dix mille emplois aux Etats-Unis. En outre, un nombre accru de mexicains travaillaient avec des salaires très bas pour des entreprises américaines qui s'étaient installées au Mexique (maquiladoras) ; ce processus s'accompagna d'un relâchement certain dans l'application du droit du travail et des règles environnementales »85(*) Dans la revue Chroniques financières du 16 janvier 2014, les conséquences de l'accord sont parfaitement expliquées : « Avec l'ALENA, de multiples industries manufacturières états-uniennes et canadiennes ont migré vers le Mexique pour y exploiter une main d'oeuvre bon marché et peu qualifiée, se prêtant bien aux travaux répétitifs. En 1995, le salairemanufacturier moyen en taux horaire était aux Etats-Unis de 17.20 dollars et au Mexique de 1.50 dollars »86(*)Les entreprises américaines avaient trouvé de nouveaux débouchés. L'Election de Donald Trump en novembre 2016 prouve que cet accord n'a pas été accepté par une partie des américains et notamment ceux de la Rust Belt. La domination économique est ici évidente. L'administration américaine cherchait des débouchés et une main -d'oeuvre bon marché pour les entreprises américaines. * 77De la démocratie en Amérique* 78 Howard Zinn, une histoire populaire des Etats-Unis. * 79 Washington et le monde A NATURAL SECURITY STRATEGY. * 80 Washington et le monde A NATURAL SECURITY STRATEGY. * 81 Washington et le monde A NATURAL SECURITY STRATEGY. * 82Washington et le monde A NATURAL SECURITY STRATEGY * 83 Raymond Aron. * 84 Dénommé N.A.F.T.A. en anglais (North American Free Trade Agreement) et T.L.C.A.N. en espagnol (Tratado de libre comercio de Américadel Norte), cet accord définit une zone de libre-échange de quelque 450 million d'habitants formée par les États-Unis, le Canada et le Mexique. Signé par les dirigeants de ces trois pays, George Bush, Brian Mulroney et Carlos Salinas de Gortari le 7 octobre 1992 à San Antonio (Texas), le traité, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1994, prévoyait la libération de 65 p. 100 des exportations industrielles et agricoles entre les trois pays dans les cinq ans et de la totalité des échanges après quinze ans. Il a été ratifié par le Congrès américain en novembre 1993, malgré de très vives oppositions. Celles-ci faisaient valoir les risques attachés à une telle association réunissant notamment la première puissance mondiale et un pays du Tiers Monde (exploitation incontrôlée des hommes et de la nature, flux migratoires, etc.). En fait, les estimations menées par les experts des effets positifs ou négatifs de l'A.L.E.N.A. sur l'économie de chacun de ses membres se contredisent abondamment. http://www.universalis.fr/encyclopedie/n-a-f-t-a/ * 85 Howard Zinn, une histoire populaire des Etats-Unis * 86 Publié dans Histoire des crises, et classé ALENA, FED, FMI, Mexique, tesobonos, le janvier 16, 2014 |
|