B.L'Equateur.
Rafael Correa arriva au pouvoir le 15 janvier 2007.Cet
économiste était opposé aux politiques
d'austérité et grâce là aussi aux revenus du
pétrole, celui-ci lança une politique de relance par une
réhabilitation des infrastructures et une augmentation du salaire
minimum.
De surcroît,Il entendait redonner
le « pouvoir au peuple », qui approuva en 2008 la
rédaction d'une nouvelle constitution46(*).
Durant sa présidence, Il refuse systématiquement
les programmes d'ajustement structurel (mesures d'austérité)
imposés par le FMI.
La grande mesure de sa présidence fût l'audit de la
dette publique équatorienne. Il créa en 2007 la commission pour
l'audit intégral de l'endettement public, qui jugea illégitime la
totalité de la dette publique. Le président Correa refusa alors
d'en payer la majeure partie, ce qui vaudrait à l'Equateur de ne plus
pouvoir avoir recours au marché international, et de se replier sur des
financements plus régionaux, notamment à travers la banque du
Sud47(*).
Correa appliquait le programme que n'avait jamais pu faire
Allende : un socialisme progressiste.
Son refus de renouveler la concession de la base antidrogue de
Manta montrait la perte d'influence des Etats-Unis et sa défiance
vis-à-vis de l'administration Bush puis Obama.
Sylvain48(*) Biville49(*) illustre bien l'importance des répercussions
engendrées par cette décision. Les Etats-Unis allaient devoir
redéfinir leur stratégie dans la guerre contre la drogue.
La Colombie restait le seul allié des Etats-Unis dans
la région Andine.
La géopolitique latino-américaine avait
changé en une décennie. Un bloc hostile aux Etats-Unis,
mené par le Venezuela, l'équateur et la Bolivie remettait
ouvertement en cause l'hégémonie politique et économique
des Etats-Unis.
C. La Bolivie
nationalisation
Evo Morales devînt président le 22 janvier 2006.
Le
1er mai
2006, le président
annonça par décret la nationalisation des hydrocarbures et
la renégociation de tous les contrats des entreprises
étrangères dans un délai de 180 jours.
L'objectif était que 82 % des revenus des
hydrocarbures soient réservés à l'Etat. De plus, comme
Correa, il augmenta le salaire minimum et lança une grande campagne
d'alphabétisation.
Morales se dressa contre la politique américaine de
lutte contre la drogue.
Il pensait que sous couvert de cette lutte, les Etats-Unis
installaient des bases en Amérique latine pour asseoir leur
hégémonie. Morales autorisa la culture de la coca 50(*)et décida de se passer
de l'aide des Etats-Unis en matière de lutte contre la production de
cocaïne.
L'administration Bush se contentera de soutenir et de
peut-être financer51(*) les velléités séparatistes des
provinces de l'Est. En d'autres temps, le gouvernement Morales aurait
été renversé mais l'administration Bush était
engluée en Irak et en Afghanistan. La stratégie était la
même que pour le Venezuela : isoler diplomatiquement le pays et
mener une guerre économique.
En 2008 l'Est du pays riche en minerais et gaz tenta de faire
sécession. L'administration Bush soutînt timidement cette
tentative. A la différence de la guerre froide qui avait laissé
très peu de chance à Allende et sa transition vers un socialisme
« doux », Morales sortît renforcé par cette
crise. La priorité n'était plus l'Amérique latine.
Lamia Oualalou52(*) illustre parfaitement la division du pays en deux
entités antagonistes53(*).
Morales avec l'appui du Brésil et du Venezuela surmonta le
conflit. L'intervention de puissances régionales indique la baisse
d'influence américaine.
Le
10 septembre
2008, le président
Morales expulsa l'ambassadeur des États-Unis
Philip
Goldberg qu'il accusait d'alimenter le séparatisme en
Bolivie.
Le
1er novembre
2008, il rompît sa
collaboration avec la Drug Enforcement, l'accusant d'espionner le
gouvernement.
L'administration Bush en représailles demanda au
Congrès de retirer à la Bolivie le bénéfice de l'
Andean
Trade Promotion and Drug Eradication Act54(*) , décision qui affecta l'économie
bolivienne.
L'émergence de puissances régionales
d'obédience socialiste est une des caractéristiques de la
présidence Bush. Les attentats du 11 septembre 2001 ont engendré
un mouvement de repli sur soi et de durcissement de la politique migratoire des
États-Unis.
§2. Retour à une politique
isolationniste
La ratification du Secure Fence Act traduit bien l'esprit de
retrait des Etats-Unis de l'après 11 septembre.
* 46 Le projet comportait,
entre autres, les propositions suivantes :
· le droit de tous aux soins médicaux, à la
nourriture, à la sécurité sociale et à
l'éducation ;
· la gratuité des soins pour les personnes
âgées ;
· le renforcement du contrôle de l'État sur les
ressources essentielles, tels le pétrole et les minerais ;
· la possibilité d'exproprier et de redistribuer les
terres arables inusitées ;
· la légalisation des mariages homosexuels ;
· la possibilité pour le président de se
présenter pour un second mandat
* 47Article du Monde du 10 décembre
2007 :
« La Banque du Sud, qui se veut une riposte
latino-américaine au Fonds monétaire '
international (FMI), a
été lancée, dimanche soir 9 décembre, à
Buenos Aires, au cours d'une cérémonie à laquelle
participaient six des sept présidents des pays d'Amérique du Sud
impliqués dans ce '
projet : le '
Venezuela, le '
Brésil, la '
Bolivie, l''
Equateur, l''
Argentine, l''
Uruguay et le '
Paraguay. "Cette banque doit
être
le premier pas vers une monnaie commune à l'Amérique du Sud", a
déclaré au cours de la cérémonie le
président bolivien, Evo Morales. Cette banque régionale,
dotée au départ d'un capital de 7 milliards de dollars (4,8
milliards d'euros), a pour vocation, a expliqué le président
brésilien, Luis Inacio Lula da Silva, de "financer des projets dans des
secteurs-clés de l'économie, comme les infrastructures, la
science et la technologie, et pour la réduction des
inégalitésdans la région".
http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2007/12/10/sept-pays-latino-americains-lancent-officiellement-la-banque-du-sud
* 48 Journaliste, directeur
France de Crisis Action
*
https://greatspeeches.wordpress.com
ANNEXE49
« Les Etats-Unis se retirent de Manta, dernière
base américaine en Amérique du Sud
par Sylvain Biville
Article publié le 17/07/2009
L'armée américaine a commencé vendredi
l'évacuation de sa base aérienne de Manta, en Equateur. Ce
retrait fait suite à la décision du président
équatorien Raphaël Correa de fermer l'installation,
considérée par Washington comme stratégique dans la lutte
anti-drogue. La fermeture de Manta va contraindre les Etats-Unis à
revoir leur présence militaire en Amérique latine.
Membres de la patrouille de l'US Air Force sur le tarmac de la
base militaire de Manta en Equateur, le 23 Octobre 2008. (Photo : AFP)
« Tout homme politique latino-américain qui
accepte une base militaire nord-américaine est un traître à
son pays, un traître à sa patrie », a lancé jeudi
à La Paz le président bolivien Evo Morales, entouré de ses
homologues vénézuélien Hugo Chavez et équatorien
Rafael Correa. La déclaration de l'un des chefs de file de la gauche
radicale latino-américaine vient à point nommé, alors que
débute ce vendredi le démantèlement de la base militaire
de Manta, sur la côte pacifique de l'Equateur.
A quoi servait la base militaire américaine de
Manta ?
Manta était une base stratégique pour les
Etats-Unis dans la lutte contre le trafic de drogue. Relativement
récente, elle a été créée en 1999. Ce n'est
pas une base traditionnelle, du type de celles que les Etats-Unis ont
installé en Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec des
milliers de soldats stationnés en permanence. Manta est un
« poste avancé » - pour reprendre la terminologie du
Pentagone -, rattaché au Commandement Sud (USSOUTHCOM), basé
à Miami en Floride.
D'une capacité maximale de 400 hommes, Manta servait
surtout de piste d'envol et d'atterrissage pour les avions de renseignement
américains, chargés de traquer les mouvements de drogue dans la
région. Sa position idéale permettait de couvrir aisément
les principales zones de production de la cocaïne, en Colombie, au
Pérou, et en Bolivie. Il existe deux autres bases du même type
dans la région : au Salvador (Amérique centrale) et à
Curaçao, île néerlandaise des Caraïbes. Les Etats-Unis
estiment que les renseignements recueillis grâce à ces trois
« postes avancés » ont permis la saisie de
1 600 tonnes de drogue ces dix dernières années.
Les Etats-Unis évacuent leur base militaire de
Manta en Equateur. (Carte : L. Mouaoued/RFI)
Pourquoi la base américaine de Manta doit-elle
fermer aujourd'hui ?
Les autorités équatoriennes ont
décidé de ne pas renouveler le bail de 10 ans, signé en
1999 entre Washington et Quito, qui expire en novembre 2009. C'était une
promesse de campagne de Rafael Correa, avant même son élection
à la présidence équatorienne en 2006. Une fois au pouvoir,
il en a fait une question de principe, en parlant même de
« bouter les `gringos' hors du pays ». Il a même fait
inscrire dans la nouvelle Constitution du pays, approuvée par referendum
en septembre 2008, l'interdiction de toute présence militaire
étrangère permanente sur le sol national.
La fermeture de la base est acquise depuis un an et demi. C'est
sa mise en oeuvre qui débute aujourd'hui. La fermeture sera
définitive en septembre.
Le débat idéologique autour de
Manta
La décision de fermer la base américaine de Manta
est éminemment politique. Rafaël Correa en a fait une question de
souveraineté nationale, en accusant les Etats-Unis d'avoir
utilisé la base pour autre chose que la lutte anti-drogue. Il affirme
notamment que ce sont des informations recueillies par les avions espions
américains de Manta qui ont permis à l'armée colombienne
de mener le raid du 1er mars 2008 en territoire
équatorien contre les FARC, qui a coûté la vie à
Raul Reyes, numéro deux des FARC. « Il ne fait aucun doute que
l'armée colombienne a bénéficié de la surveillance
aérienne et des radars des avions américains stationnés
à Manta », confirme Larry Birns, directeur du
Council of HemisphericalAffairs,
organisme basé à Washington, spécialisé dans les
relations entre les Etats-Unis et l'Amérique latine.
Face aux critiques, les autorités américaines
défendent l'utilité de la base de Manta. Ils assurent avoir
injecté annuellement, ces dix dernières années, 6,5
millions de dollars dans l'économie locale. Ils vantent le soutien
financier apporté à plusieurs organisations caritatives locales,
à des écoles et des orphelinats. Plus largement, ils assurent que
la base a joué un rôle stratégique dans la lutte contre le
trafic de drogue et donc dans la protection des populations de la
région, y compris des Equatoriens. « Manta ne menace la
souveraineté d'aucun pays », assure l'ambassadeur Jeffrey
Davidow, conseiller de Barack Obama pour le sommet des Amériques de
Trinidad et Tobago en avril dernier et président de
l'Institute of the Americas,
basé à La Jolla en Californie.
Comment le départ des militaires américains
est-il perçu à Manta ?
En Equateur, le début du démantèlement de la
base militaire de Manta suscite peu de commentaires
(Voir la
revue de presse des Amériques de Michèle Gayral). A Manta
même, cela fait longtemps que la population s'était
désintéressée du sort des soldats américains, qui
vivaient en cercle fermé sur les 27 hectares qui leur avaient
été concédés. « La base s'en va et ici,
personne n'en parle », note Christophe Moreau, un Français
installé à Manta, où il dirige Oro Verde, principal
établissement de la ville.
Les Américains vont-ils chercher à
remplacer la base de Manta ?
A partir de ce vendredi, plus aucun vol de renseignements ne
pourra être effectué par des appareils américains à
partir de la base de Manta. Mais les Etats-Unis ont déjà
trouvé une solution de remplacement. Adieu l'Equateur, vive la
Colombie ! Le ministre colombien de la Défense a annoncé
cette semaine un accord de principe sur la possibilité pour les avions
américains chargés de la lutte anti-drogue d'opérer
à partir de bases aériennes en Colombie. « Il n'y aura
depuis la Colombie aucune opération impliquant une projection de forces
vers une autre nation », a précisé le
général Freddy Parilla de Leon, pour rassurer les voisins
vénézuélien et équatorien. Le chef de la diplomatie
colombienne a quant à lui insisté sur le respect de la
souveraineté nationale, les bases restant sous commandement colombien,
contrairement à Manta. Les Etats-Unis pourraient en tous cas gagner au
change dans ce redéploiement de leurs activités de l'Equateur
vers la Colombie, puisque Bogota s'apprête à accepter la
présence de 800 soldats américains sur leur sol, contre
moitié moins à Manta. »
http://www1.rfi.fr/actufr/articles/115/article_82802.asp
* 50
http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/04/13/la-bolivie-lutte-contre-la-cocaine-mais-defend-la-coca_4614850_3244.html
* 51 Le ministre bolivien de
gouvernement, Carlos Romero, a signalé que des documents
révélés par Wikileaks, ont démontré
l'ingérence des États-Unis dans les affaires internes du pays
andin dans la période 2006-2008.
* 52Lamia Oualalou journaliste basée
à Rio, elle collabore régulièrement à Mediapart et
au Figaro.
* ANNEXE 53
« Le conflit en
Bolivie préoccupe ses voisins
L'état de siège est déclaré dans la
région du Pando, où plus de trente personnes ont
été tuées.
Pour l'Unasur, l'union des pays d'Amérique du Sud
née il y a quelques mois à peine, c'est le baptême du feu.
Les douze chefs d'État qui en sont membres se retrouvent aujourd'hui
à Santiago, puisque c'est le Chili qui assure la première
présidence tournante de l'Union, afin de discuter de la crise en
Bolivie.
Le pays est secoué par des explosions de violence,
provoquées par l'opposition contre le gouvernement d'Evo Morales.
À l'origine, ces manifestations, issues de quatre régions de
l'est du pays (Santa Cruz, Beni, Tarija et Pando), ont pour objectif d'exiger
la fin d'un impôt destiné à financer une allocation pour
les personnes âgées les plus pauvres, la «rente
dignité». Les préfets et les comités civiques, qui
regroupent les entrepreneurs de ces régions, les plus riches de Bolivie,
affichent ainsi leur volonté d'autonomie par rapport au pouvoir central.
Concentrant la quasi-totalité des réserves d'hydrocarbures, mais
aussi les terres les plus fertiles, ils s'opposent au projet d'Evo Morales
d'instituer une nouvelle constitution favorable aux populations indiennes des
hauts plateaux, dans l'ouest du pays. Premier président à
revendiquer son origine indienne de Bolivie, Evo Morales prévoit
notamment de lancer une réforme agraire au profit des paysans sans
terre.
· Occupation de bâtiments publics
Le 10 août dernier, un référendum
remettant en cause les mandats du président et des préfets a
montré que la cause de l'autonomie était populaire dans les
régions orientales, mais qu'Evo Morales l'était plus encore. Plus
de 67 % des électeurs lui ont renouvelé leur confiance,
c'est 13 points de plus qu'en décembre 2005, quand il a
été élu dès le premier tour à la tête
de la Bolivie. En position de force, le président a appelé les
préfets à la négociation, tout en refusant de faire marche
arrière sur la « rente dignité ». Du coup, ces derniers
ont multiplié les actions. Depuis deux semaines, des troupes de choc
sèment la terreur en envahissant les bâtiments publics, en
occupant les aéroports et les postes-frontières et en tentant
d'empêcher les exportations de gaz naturel vers l'Argentine et le
Brésil.
Vendredi, la tension est montée d'un cran dans le
département du Pando, à la frontière avec le Brésil
et le Pérou. Plus de trente corps ont été
retrouvés, la plupart repêchés dans des rivières,
à la suite des affrontements entre partisans et opposants d'Evo Morales.
Rappelant que les victimes sont dans leur immense majorité des paysans
acquis à sa cause, le président estime qu'il s'agit d'un «
massacre à la mitraillette », auquel auraient participé
«des narcotrafiquants et des tueurs à gage brésiliens et
péruviens sous l'ordre du préfet du Pando». Il a
déclaré l'état de siège dans le
département : le port d'arme est interdit, tout comme la
circulation et la réunion de plus de trois personnes entre minuit et six
heures du matin. Constatant que des milices armées continuaient à
patrouiller à Cobija, la capitale du département, le gouvernement
a ordonné dimanche la détention du préfet pour
non-exécution des ordres.
En déclarant l'état de siège, Evo Morales
veut surtout calmer l'armée, alors que des rumeurs de coup d'État
circulent depuis plusieurs jours à La Paz. Depuis le début
du conflit, le président bolivien a ordonné aux soldats de ne pas
tirer contre les manifestants, alors que l'opposition cherchait justement
à l'acculer à la faute. Une attitude saluée par l'OEA,
l'Organisation des États américains, mais incomprise au sein du
haut commandement. Profondément nationaliste, l'armée laissait
entendre qu'elle ne pouvait rester les bras croisés face aux
provocations des groupuscules. Cette nervosité est devenue plus palpable
encore jeudi, quand le président vénézuélien, Hugo
Chavez, a fait savoir qu'il était prêt à envoyer ses
troupes en Bolivie. L'offre, perçue comme une humiliation, a
aussitôt été rejetée par le général
bolivien Luis Trigo. Pour le président bolivien, il devenait urgent de
montrer qu'il restait maître de la situation.
Le soutien affiché par certains de ses voisins
latino-américains contribue à cette réaffirmation
d'autorité. Sortant de son habituelle réserve diplomatique, le
plus puissant d'entre eux, le Brésil, a fait savoir qu' «il ne
tolérerait aucune tentative de renverser le gouvernement», et il a
qualifié les attaques des opposants d'«actions
terroristes».
Lamia Oualalou
http://www.lefigaro.fr/international/2008/09/15/01003-20080915ARTFIG00298-le-conflit-en-bolivie-preoccupe-ses-voisins-.php
* 54« Loi sur
l'éradication de la drogue et la promotion du commerce andin »
est une loi américaine promulguée le
31
octobre
2002 par l'
administration
Bush dans le cadre de la «
guerre contre les
drogues » poursuivie par les
États-Unis
en
Amérique
latine, et notamment dans les
pays andins (
Bolivie,
Pérou,
Équateur
et
Colombie).
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