La doctrine Monroe après la fin de la bipolarisationpar Gautier DE CHANTERAC Université de Toulon - Master 2 Droit public parcours sécurité défense 2017 |
Section 1. Une diminution de l'influence Américaine ?Au départ Bush se revendiquait du courant isolationniste modéré mais le 11 septembre changea la donne et laissa le champ libre aux « faucons » tels que Donald Rumsfeld, Ministre de la défense et Paul Wolfowitz, secrétaire adjoint à la Défense. Le politiste Pierre Hassner parle de « Wilsonien botté ».39(*) Le 11 septembre avait permis aux faucons, formés dans le contexte de la guerre froide, de relancer la course à la supériorité et à la puissance, ce qui ne se justifiait plus dans les années 90. Ils cherchaient à façonner le monde selon les valeurs américaines : instaurer la démocratie par la force. Ils déclenchèrent deux guerres en Afghanistan en réponse au 11 septembre et en Irak pour renverser Saddam Hussein. Cette dernière a été menée en toute impunité et sans respect du droit international. La guerre contre la terreur et l'axe du mal40(*) allaient devenir les leitmotivs de l'administration Bush.
Selon le Sénateur Kerry, l'administration Bush a mené « la politique étrangère la plus inepte, la plus arrogante et la plus idéologique de l'histoire moderne »41(*) Nonobstant, la partialité du Sénateur Kerry pour des raisons politiques, l'administration Bush du fait du 11 septembre se détourna en partie du continent américain. On assista durant une décennie à l'émergence de gouvernements socialistes et anti capitalistes ainsi qu'à l'érosion de l'influence américaine. Toutefois, le fameux « axe du mal » était lui aussi présent en Amérique par l'intermédiaire des narco trafiquants et Bush amplifia la guerre contre la drogue avec le durcissement du plan Colombie. Cette politique agressive allait elle réveiller la vieille doctrine ? §1. L'émancipation de l'Amérique latine. La décennie 2000-2010 vît l'affirmation et l'émancipation de pays majeurs de la zone andine. Le rejet du libéralisme de la décennie 90 entraîna l'émergence de gouvernement de gauche tels ceux de Chavez, Correa, Morales et Lula. A. Le Venezuela.En 1999 au Venezuela, Hugo Chavez accéda au pouvoir par les urnes. Ce dernier était farouchement anti-impérialiste et grâce à la manne des hydrocarbures définît une diplomatie pétrolière visant à accroître son autonomie et celle des pays qui bénéficiaient de ses livraisons à prix concurrentiels. Chavez rebaptisa le nom du pays en République Bolivarienne42(*) et prôna le socialisme comme dogme économique. L'administration Clinton contrairement à l'époque de la Bipolarisation se montra assez indifférente à l'égard du Venezuela. Cependant, l'arrivée à la Maison-Blanche de George W. Bush en 2000 modifia durablement les relations qu'entretenaient ces deux pays. Effectivement, le fait qu'Hugo Chavez fût idéologiquement proche de Fidel Castro inquiéta les Etats-Unis. Par ailleurs, Hugo Chavez n'hésita pas à critiquer les bombardements américains en Afghanistan, consécutifs aux attentats du 11 septembre 2001. Egalement, sur le plan économique, la peur de perdre l'accès au pétrole vénézuélien, dont la production était destinée en premier lieu à l'économie américaine, poussa l'administration Bush à entamer une guerre économique contre la république Bolivarienne. La riposte n'était pas militaire mais bien économique. La doctrine Monroe n'était pas, lors du premier mandat de Bush, une priorité. D'ailleurs la tentative coup d'état de l'opposition en 200243(*) fût reconnue par les Etats-Unis mais pas appuyée. Chavez entendait exporter sa révolution bolivarienne et unifier l'Amérique latine. D'un point de vue économique, Chavez s'opposant au libre échangisme américain, proposa la création de L'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique - Traité de commerce des Peuples.44(*) L'objectif revendiqué était avant tout politique : il s'agissait de former un bloc régional hostile aux logiques néolibérales. D'un point de vue économique, plutôt que le libre-échange, l'Alba promouvait une intense coopération dans divers domaines. Pour s'affranchir du dollar dans les échanges entre ses membres, l'ALBA créa le SUCRE en 2009, système monétaire de compensation (sur le modèle de l'ex ECU européen), dont l'utilisation reste mitigée. Parallèlement, le Venezuela continua de vendre son pétrole à des tarifs subventionnés aux pays amis à travers, par exemple, l'organisation Petrocaribe45(*) qu'il avait créée avec dix-huit pays caribéens. Le Venezuela était donc le chef de fil de l'opposition aux Etats-Unis et grâce au cours du pétrole élevé, pouvait mener une politique agressive vis-à-vis de l'administration Bush. De plus, Chavez dénonçait la tradition de forte présence et d'influence dans la région andine des Etats-Unis. En effet, les différentes administrationsaméricaines avaient par le passé et le contexte de la guerre froide exercé une ingérence politique par l'intermédiaire de nombreuses firmes ou agences (DEA, CIA, SHELL), La doctrine Monroe et ses corollaires étaient à l'origine d'une rancoeur dans la région. Le Venezuela ne fût pas le seul Etat à s'émanciper de l'influence Etats-Unienne. L'équateur de Correa et la Bolivie de Morales franchirent à leur tour le « Rubicon ». * 39Dans son ouvrage Washington et le monde : dilemmes d'une superpuissance (Justin Vaïsse et Pierre Hassner 2003),Hasner parle de « Wilsonisme botté » pour décrire la politique étrangère de Bush, marquée par une collision entre des racines idéalistes, une méfiance à l'égard des institutions internationales et l'idée que la force est in fine un moyen légitime et efficace de parvenir à ses fins. * 40Lors de son discours sur l'état de l'Union le 29 janvier 2002, George Bush parle d'axe du mal et désigne trois Etats : la Corée du Nord, l'Iran et l'Iraq, * 41 Discours au Council on Foreign Relations le 3 décembre 2003 * 42 Général et homme d'État sud-américain. II est une figure emblématique, avec l'Argentin José de San Martín et le Chilien Bernardo O'higgins, de l'émancipation des colonies espagnoles d'Amérique du Sud dès 1813. Il participa de manière décisive à l'indépendance des actuels Bolivie, Colombie, Équateur, Panama, Pérou et Venezuela. * 43 Le coup d'État du 11 avril 2002 au Venezuela désigne une tentative avortée de destitution forcée du président du Venezuela Hugo Chávez, qui fut détenu et empêché d'exercer son pouvoir pendant 47 heures. Durant cette période, le pouvoir fut exercé par Pedro Carmona. Une combinaison de force militaire et de manifestations populaires fit avorter le coup d'État et permit de remettre en place Hugo Chávez. * 44L'ALBA est créée le 14 décembre 2004à La Havane, par la Déclaration conjointe signée par Hugo Chávez et Fidel Castro en opposition à la proposition de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), promue par les États-Unis. Elle rentre officiellement en vigueur le 28 avril 2005.L'Alliance compte actuellement onze membres : Cuba, le Venezuela, la Bolivie, le Nicaragua, la Dominique, Antigua-et-Barbuda, l' Équateur, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, Saint-Christophe-et-Niévès et la Grenade * 45 Définition de Kevin Parthenay Observatoire Politique de l'Amérique Latine et des Caraïbes : « L'Accord de Coopération Énergétique (ACE) Petrocaribe est un pacte de sécurité énergétique proposé par Hugo Chávez, Président de la République bolivarienne du Venezuela. Créé en Juin 2005, l'accord institue des livraisons de pétrole vénézuélien à des tarifs préférentiels en direction des États de la Caraïbe et d'Amérique Centrale et vise un « usage rationnel et solidaire des ressources énergétiques » |
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