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La doctrine Monroe après la fin de la bipolarisation


par Gautier DE CHANTERAC
Université de Toulon - Master 2 Droit public parcours sécurité défense 2017
  

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A. Panamá : le 51ème Etat ?

Depuis le projet de percement d'un canal reliant l'Atlantique au Pacifique, Panamá ; province de la Colombie ; était devenue une zone essentielle et vitale de la géopolitique américaine.

Panama avec l'appui des Etats Unis fît sécession le 3 novembre 1903 après un conflit de trois ans. Après deux semaines d'indépendance le gouvernement Panaméen signa le traité Hay-Bunau-Varilla32(*) qui offrait la concession perpétuelle du canal contre dix millions de dollars et une rente annuelle de deux cent cinquante mille dollars.

La doctrine Monroe est ici pleinement appliquée : l'emprise américaine sur le canal était un frein à toute tentative d'émancipation. Le Panama était un pays « inféodé ».

Dans les années 70, un mouvement de contestation contre la mainmise américaine mené par le dirigeant panaméen Torrijos apparût.

Des négociations aboutirent, le 7 septembre 1977, aux traités de Torrijos-Carter signés par le président américain Jimmy Carter et OmarTorrijos33(*) : les Etats-Unis rendraient le contrôle complet du canal, qui demeurerait neutre, au Panamá le 31 décembre 1999.

A la mort de Torrijos34(*) dans un accident d'avion en 1981, le général Noriega prît le pouvoir. Cet ancien collaborateur de la Drug Enforcement administration et de la CIA fût avec la fin de la guerre froide « lâché » par les Etats-Unis.

Dans sa guerre contre la drogue, Noriega devînt le nouvel ennemi.

1. l'intervention militaire au Panamá : une libération ?

Sous le prétexte de protéger les intérêts américains (assassinat d'un officier américain et état de guerre contre les Etats-Unis déclaré par Noriega), de rétablir la démocratie et de lutter contre le trafic de drogue, Bush lança l'opération Just Cause.

Depuis la chute du mur en novembre 1989, les Etats-Unis demeuraient la seule Super puissance et n'avaient donc plus à craindre une réaction soviétique.

En décembre 1989 Bush s'adressa à la nation35(*).

Dans son discours à la nation le 20 décembre 1989, Bush justifiait donc l'intervention ou invasion en quatre points :

· La sauvegarde de la vie des citoyens des États-Unis au Panamá. Dans sa déclaration, Bush fît valoir que Noriega avait déclaré que l'état de guerre existait entre les États-Unis et le Panamá. Celui-ci avait également menacé la vie des quelque trente-cinq mille citoyens américains qui y vivaient. Il indiqua aussi qu'il y avait eu de nombreux incidents entre les États-Unis et les forces de Panamá, un marine américain avait été tué quelques jours plus tôt, et que plusieurs incidents de harcèlement de citoyens américains avaient eu lieu.

· La défense de la démocratie et les droits de l'homme au Panamá.

· Lutte contre le trafic de drogue. Panamá étant devenu un pôle du blanchiment d'argent de la drogue et un point de transit pour le trafic de drogue aux États-Unis et en Europe.

· Protection de l'intégrité des traités de Torrijos-Carter : Noriega menaçait la neutralité du canal.

Ainsi le 20 décembre 1989, neuf mille soldats appuyés par les douze mille soldats présents au Panamá lancèrent l'opération « Just cause. »

Le 3 janvier Noriega fût arrêté par la DEA et extradé aux Etats-Unis. Cette opération entraîna la mort de vingt-cinq soldats américains et de milliers de civils.

2. L'intervention militaire au Panamá : une invasion ?

Le point de vue de « l'invasion » de Panamá par Howard Zinn ne reflète pas l'argumentation de Bush.

« A son arrivée au pouvoir en 1989, Bush ne fût pas satisfait par la nouvelle attitude du dictateur du panama, le général Manuel Noriega. Le régime de Noriega était corrompu, brutal, autoritaire, toutes « qualités » qui n'avaient pas dérangé le président Reagan ni son vice-président George Bush tant que Noriega était resté utile aux Etats unis. Il avait coopéré avec la CIA dans bien des domaines. En particulier, nous l'avons dit, lors des opérations des Contras contre le gouvernement sandiniste du Nicaragua. Rappelons également que Bush, lorsqu'il était directeur de la CIA entre 1976 et 1977, avait protégé le général Noriega.

Quoi qu'il en soit, en 1987, Noriega avait perdu toute utilité et ses activités dans le commerce de la drogue éclataient au grand jour. Il devint une cible parfaite pour une administration soucieuse de prouver que les Etats-Unis, apparemment incapables de détruire le régime castriste à Cuba ou les sandinistes au Nicaragua, n'en gardaient pas moins la main sur l'Amérique centrale et les Antilles.

Sous prétexte de traîner Noriega devant les tribunaux pour trafic de drogue et de protéger quelques citoyens américains (un militaire et sa femme avait été menacés par les soldats panaméens), vingt-six mille soldats américains envahirent Panama en décembre 1989.La victoire fut rapide. Noriega fut capturé et ramené en Floride pour y être jugé. Au cours de l'invasion, la banlieue de Panamá city fut bombardée et plusieurs centaines de civils, peut-être des milliers, trouvèrent la mort.

Quatorze mille panaméens se retrouvèrent sans abri. Un gouvernement plus loyal vis-à-vis des Etats -Unis fût instauré »37(*)

Cette vision certes orientée montre bien que quand les intérêts vitaux sont menacés (ici le canal), la doctrine Monroe et ses corollaires sont toujours appliquées.

Noriega, ancien agent de la CIA, était certes un dictateur mais l'intervention s'est faite non pas pour rétablir la démocratie mais reprendre la main sur une zone stratégique de l'Amérique centrale, le canal de Panama, et pour l'administration Bush, obtenir une victoire symbolique sur la guerre contre la drogue. D'un point de vue légaliste, l'opération « Just Cause » n'était pas légale38(*).

Panamá sera la dernière intervention armée des Etats-Unis sur le continent jusqu'à aujourd'hui.

Bush perdra les élections contre Bill Clinton en 1992.Les deux guerres menées par Bush n'auront pas fait oublier les difficultés de l'économie Américaine.

Après huit ans d'administration Démocrate, George Walker Bush arriva au pouvoir.

Chapitre 2 - L'unilatéralisme, George W. Bush -20 janvier 2001- 20 janvier 2009.

 « Si je suis élu président, je regarderai vers le Sud, et pas seulement de temps en temps, en passant. Ce sera un engagement fondamental de ma présidence », promet le candidat George W. Bush, le 25 août 2000 à Miami, lors d'une allocution entièrement consacrée aux Amériques.

* 32« Le canal de  Panamá est inauguré officiellement le 15 août 1914 lorsque le vapeur Ancón effectue la première traversée entre l'Atlantique et le Pacifique. Enjeu économique convoité par les grandes puissances, le percement de ce canal a fait l'objet de divers projets au XIXe siècle, notamment de la part du Français Ferdinand de Lesseps qui a ouvert le  canal de Suez (1869). Mais c'est finalement aux États-Unisque revient la construction de ce lien transocéanique : après avoir appuyé en 1903 la sécession du Panamá, province la plus septentrionale de  Colombie, ils négocient avec le nouvel État un traité (le traité Hay-Bunau-Varilla) qui leur accorde l'usage à perpétuité du canal, ainsi qu'une souveraineté totale sur une zone périphérique d'un peu plus de 1 400 kilomètres carrés. Véritable État dans l'État dont la prospérité contraste avec la misère du reste du pays, la Zone du canal et l'exploitation du trafic maritime sont restituées au Panamá le 31 décembre 1999 ». Olivier COMPAGNON, « INAUGURATION DU CANAL DE PANAMÁ », EncyclopædiaUniversalis.

* 33De 1968 à 1981, le pays est gouverné par le général Torrijos qui par une politique étatique forte, s'efforce de donner au Panama une pleine souveraineté. Il obtient, en 1979, par la signature des traités Carter-Torrijos, la programmation de la cession du canal pour décembre 1999.

* 34John Perkins, né le 28 janvier 1945 est un  économisteécrivain et militant  écologiste  américain connu pour son ouvrage publié en  2004 Confessions of an EconomicHitman, accuse la Cia d'être à l'origine de l'accident tout comme l'accident d'avion du président équatorien deux mois plus tôt. Une accusation portée aussi à l'époque par l'URSS.

* ANNEXE 35

"Chers citoyens, hier soir, j'ai ordonné un déploiement des forces militaires américaines au Panama.

Aucun président ne prend de telles mesures à la légère. Ce matin, je veux vous dire ce que j'ai fait et pourquoi je l'ai fait

Depuis près de deux ans, les États-Unis, les nations d'Amérique latine et des Caraïbes ont travaillé ensemble pour résoudre la crise au Panama. Les objectifs des États-Unis ont été de protéger la vie des Américains, de défendre la démocratie au Panama, de lutter contre le trafic de drogue et de protéger l'intégrité du Traité du Canal de Panama. De nombreuses tentatives ont été faites pour résoudre cette crise par la diplomatie et les négociations. Tous ont été rejetés par le dictateur du Panama, le général Manuel Noriega, un trafiquant de drogue inculpé. Vendredi dernier, Noriega a déclaré que sa dictature militaire était en état de guerre avec les États-Unis et menaçait publiquement les Américains au Panama. Le lendemain, les forces sous son commandement ont tiré et tué un militaire américain non armé, ont blessé un autre, ont arrêté et brutalement battu un troisième militaire américain, puis ont brutalement interrogé sa femme, la menaçant d'abus sexuels. C'était assez.

Les menaces imprudentes du général Noriega et les attaques contre les Américains au Panama ont créé un danger éminent pour les 35 000 citoyens américains au Panama. En tant que président, je n'ai d'autre obligation que de protéger la vie des citoyens américains.

Et c'est pourquoi j'ai envoyé nos forces armées pour protéger la vie des citoyens américains au Panama et pour traduire le général Noriega devant la justice des États-Unis. J'ai contacté la direction bipartite du congrès hier soir et je les ai informés de cette décision, et après avoir pris cette mesure, j'ai également parlé avec des leaders en Amérique latine, les Caraïbes et ceux d'autres alliés américains.

En ce moment, les forces américaines, y compris les forces déployées des États-Unis la nuit dernière, sont engagées au Panama. Les États-Unis ont l'intention de retirer les forces nouvellement déployées au Panama le plus rapidement possible. Toutes les forces se sont conduites avec courage et désintéressement, et en tant que commandant en chef, je les salue tous et je les remercie au nom de notre pays. Tragiquement, certains Américains ont perdu la vie en défendant leurs concitoyens, en défendant la démocratie, et je suis de tout coeur avec leurs familles. Nous regrettons également et pleurons la perte de panaméens innocents.

Les braves panaméens élus par le peuple panaméen lors des élections de mai dernier, le président Guillermo Endara et les vice-présidents Calderon et Ford ont assumé la direction légitime de leur pays. Vous vous souvenez de ces images horribles du vice-président Ford nouvellement élu couvert de la tête aux pieds de sang, battu sans merci par les soi-disant bataillons de la dignité. Eh bien, les États-Unis reconnaissent aujourd'hui le gouvernement élu démocratiquement du président Endara. Je vais envoyer notre ambassadeur au Panama immédiatement. Des objectifs militaires clés ont été atteints. La résistance la plus organisée a été éliminée. Mais l'opération n'est pas encore terminée. Le général Noriega se cache. Et néanmoins, hier, un dictateur a gouverné le Panama, et aujourd'hui, les dirigeants élus constitutionnellement gouvernent.

J'ai ordonné aujourd'hui au secrétaire du Trésor et au secrétaire d'État de lever les sanctions économiques à l'égard du gouvernement démocratiquement élu du Panama et, en coopération avec ce gouvernement, de prendre des mesures pour effectuer un déblocage ordonné des biens du gouvernement panaméen aux États Unis. Je suis pleinement engagé à mettre en oeuvre les traités du Canal de Panama et à transférer le canal au Panama en l'an 2000. Les actions que nous avons prises et la coopération d'un nouveau gouvernement démocratique au Panama nous permettront d'honorer ces engagements. Dès que le nouveau gouvernement recommande à un candidat qualifié, panaméen, d'être administrateur du canal, comme il est demandé dans les traités, je présenterai ce candidat au Sénat pour examen rapide.

Je me suis engagé à renforcer notre relation avec les nations démocratiques dans cet hémisphère. Je continuerai à chercher des solutions aux problèmes de cette région par le biais du dialogue et de la diplomatie multilatérale.

Je n'ai pris ces mesures qu'après avoir conclu que toutes les autres solutions étaient vaines et que la vie des citoyens américains était gravement menacée.

J'espère que les gens du Panama mettront derrière eux ce sombre chapitre de la dictature et avancent ensemble en tant que citoyens d'un Panama démocratique avec ce gouvernement qu'ils ont eux-mêmes élus.

Les États-Unis sont désireux de travailler en partenariat et en toute amitié avec le peuple panaméen pour reconstruire leur économie. Le peuple panaméen veut la démocratie, la paix et les chances d'une vie meilleure dans la dignité et la liberté. Les citoyens des États-Unis cherchent seulement à les soutenir dans la poursuite de ces nobles objectifs.

Merci beaucoup36. »

* 37 Une histoire populaire des Etats-Unis Howard Zinn

* 38L'invasion du Panama a provoqué l'indignation internationale. Certains pays ont affirmé que les États-Unis ont commis un acte d'agression par l'invasion du Panama et tentent de dissimuler une nouvelle manifestation de sa politique interventionniste par la force en Amérique latine. Le 29 décembre, l'Assemblée générale des Nations unies a voté 75-20 avec 40 abstentions pour condamner l'invasion comme une violation flagrante du droit international. Le 22 décembre, l'Organisation des États américains a adopté une résolution déplorant l'invasion et l'appel pour le retrait des troupes américaines, en plus d'une résolution condamnant la violation du statut diplomatique de l'ambassade nicaraguayenne au Panama par des forces spéciales qui avaient pénétré dans le bâtiment. Au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, après avoir discuté de la question pendant plusieurs jours, un projet de résolution exigeant le retrait immédiat des forces des États-Unis de Panama a eu un veto le 23 décembre par trois des membres permanents du Conseil de sécurité,  France, Royaume-Uni et les États-Unis qui ont cité le droit de légitime défense d'Américains présents sur le canal de Panamá.

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