La confiance en l'administrationpar Anthony LANGOUREAU Université Jean Moulin Lyon 3 - Droit Public fondamental 2019 |
Paragraphe 1- La refonte des relations entre le contribuable et l'administration : une administration au service de l'administréL'administration fiscale est en effet un exemple très parlant d'une administration ayant été remodelée dans le but de mettre le contribuable au centre de son fonctionnement. L'objectif était de répondre aux critiques émises par le public (A) en suivant une ligne de conduite précise (B). A- Les critiques adressées à l'administration fiscale Les critiques visant l'administration fiscale peuvent être regroupées en deux points. D'abord, il lui était reproché d'intervenir de manière trop importante dans la vie des administrés (1). Puis, les services fiscaux ont été critiqués pour entretenir des rapports beaucoup trop complexes avec le public (2). En effet, l'administration fiscale catalysait les frustrations du public puisque ce dernier ne discernait pas les différentes normes qui le gouvernait en la matière. 1- Une administration qualifiée d'administration de masse L'administration moderne est marquée par le nombre important de contacts existants entre les contribuables et l'administration. En effet, autrefois, l'impôt était réel et indiciaire, cela signifie qu'il était basé sur les signes extérieurs de richesse. Par conséquent, il était très simple de déterminer les revenus fiscaux des contribuables51(*) pour l'autorité administrative. Ainsi, cela consistait pour le contrôleur à sillonner les rues pour étudier les propriétés52(*). Ainsi, l'administration fiscale limitait fortement ses relations avec le contribuable et utilisait une présomption pour établir le montant de l'imposition53(*). Le système moderne est très différent puisqu'il vise à favoriser les interactions avec le contribuable par le biais de la généralisation des déclarations fiscales périodiques grâce au développement des impôts synthétiques qui ont pour objectif de taxer de manière globale. Par conséquent, il est nécessaire pour le contribuable de collaborer avec l'administration fiscale et de déclarer l'ensemble des éléments susceptibles de faire l'objet d'une taxation. Finalement, l'accroissement toujours plus important et complexe de ces déclarations à adresser à l'administration fiscale l'a transformé en une « administration de masse »54(*). Ainsi, « on observait en 1990 que, depuis 30 ans, le nombre de foyers fiscaux [avait] plus que sextuplé : le nombre de déclarations de revenus est passé d'un peu plus de quatre millions à vingt-six millions »55(*). Ce constat a conduit l'administration fiscale à s'interroger sur la façon d'améliorer le rendement de l'impôt car il lui était vivement reproché son manque d'organisation. Néanmoins, la principale critique adressée à l'administration fiscale fut la conséquence de cette trop forte intervention, c'est à dire la complexité de son action. 2- Une administration particulièrement complexe
La complexification de l'appareil fiscal n'est que la résultante de la transformation de l'administration fiscale en administration de masse. En effet, le trop grand nombre de procédures fiscales à la charge du contribuable a conduit à une incompréhension du système fiscale de la part de ce dernier. De plus, cela introduit une perte de confiance de l'administré envers cette administration et une certaine défiance. De plus, l'accroissement du nombre de procédures s'est accompagné d'un recours à des techniques fiscales de plus en plus sophistiquées de la part de l'administration. Par conséquent, cela a abouti à la complexification et à la technicisation toujours plus croissante des relations entre les deux parties. Ainsi, cette technicité des outils fiscaux a été très mal perçu par les contribuables, engendrant une très forte frustration de leur part. En effet, la France étant l'un des pays dont le taux de prélèvements obligatoires est l'un des plus élevés parmi les pays développés56(*), il est primordial que le public ait confiance en l'administration fiscale. D'autant plus que le contribuable est un administré qui ressent beaucoup plus le poids de l'intervention de l'administration. Par conséquent, on a constaté qu'il existait une forte défiance de la part des administrés vis à vis de l'administration fiscale. En effet, en 1997, V.R. Chotin résumait la situation en disant qu'« étant donné qu'il s'agit d'un domaine où l'on risque toujours de se voir reprocher quelque chose, il est prudent de ne pas attirer l'attention. [...] Les gens n'aiment pas aller aux impôts. »57(*) C'est ce sentiment général de défiance de la part des administrés qui a conduit les pouvoirs publics à refondre totalement l'administration fiscale. En effet, la complexité des procédures, ainsi que leur trop grand nombre, ont conduit à délaisser l'administré. Par conséquent, l'objectif a été de se recentrer sur le contribuable. B- La refonte des relations entre l'administration fiscale et le contribuable Il est indiscutable que, depuis une dizaine d'année, l'administration fiscale s'est donnée comme objectif d'améliorer significativement sa relation avec le contribuable. La Cour des comptes édictait en 2012 que l'administration entendait être « au service du citoyen [et] s'organise pour répondre aux besoins des usagers »58(*). Par conséquent, dans un premier temps, nous verrons ce qui a permis cette refonte (1), avant de s'intéresser plus en détail aux progrès qui ont été faits dans un second temps (2). 1- Les objectifs guidant la refonte de l'administration fiscale L'administration fiscale, pour mener à bien cette transformation, s'est fixée trois objectifs. Le premier étant de privilégier un règlement amiable avec le contribuable pour éviter un contentieux, c'est à dire encourager le recours à l'écoute individuelle, la conciliation ou la médiation. Ensuite, les services fiscaux on fait de l'accessibilité un de leur principe phare. En effet, le désir de l'administration était de pouvoir offrir un égal accès des usagers aux services publics. Enfin, le dernier objectif était d'augmenter considérablement la qualité en se mettant au service et à l'écoute de l'administré. La finalité de cette nouvelle ligne de conduite était de permettre au contribuable d'accomplir son devoir fiscal dans les meilleures conditions. Ainsi, la refonte de l'administration fiscale, autour de ces différents axes, a pu être réalisé par le biais, des nouvelles technologies, et par la mise en place d'une nouvelle organisation interne des services fiscaux. Enfin, la charte du contribuable, dite « Charte Copé » fut une avancée importante à prendre en compte. L'administration fiscale s'est fortement appuyée sur les nouvelles technologies pour atteindre ses objectifs. Ainsi, c'est en avril 2000 qu'est lancé le programme Copernic. Ce dernier vise à s'appuyer sur la dématérialisation pour améliorer la transmission d'informations au contribuable59(*) ainsi que la communication avec ce dernier. De manière générale, il s'agit de mettre en place une administration digitalisée permettant la réalisation de services diverses de manière extrêmement accessibles. De plus, le recours à ce nouvel outil par les services fiscaux avait également pour conséquence de permettre à l'usager de faciliter la manière d'entrer en relation avec l'administration fiscale. Toutefois, le programme Copernic s'est également accompagné d'une réorganisation interne des services fiscaux, afin d'en améliorer la qualité. L'idée était de permettre une mutation vers un service plus spécialisé et polyvalent, depuis longtemps mis en oeuvre dans le secteur des banques et des assurances. C'est la raison pour laquelle l'administration s'est fortement inspirée de ces secteurs pour penser une nouvelle organisation interne afin de s'apparenter à « une administration privée » ayant une relation de clientèle avec le contribuable60(*). Cette nouvelle organisation vise à répondre de manière efficace au besoin des administrés en traitant chaque demande de manière personnalisé. L'objectif étant de mettre fin à la pratique des réponses standardisées dans le but d'en optimiser le traitement. En d'autres termes l'idée est d'assimiler le contribuable à un réel client de l'administration ayant des besoins propres. L'ensemble de ces réformes a été encouragé par la « Charte du contribuable » présentée par J-F. Copé le 17 octobre 2005. Cette dernière a joué un rôle important dans la refonte de l'administration fiscale. Cette charte est vue comme un contrat moral entre l'usager et l'administration. Lors de sa rédaction, J-F. Copé avait pour ambition de bâtir, via ce texte, « une relation de confiance entre les contribuables et l'administration fiscale »61(*). Elle tient, de fait, un rôle prépondérant dans rénovation future de l'administration fiscale. Toutefois, elle est également un témoignage de la volonté d'apporter une réponse aux critiques des administrés à l'encontre des services fiscaux en instaurant une nouvelle relation de confiance. Désormais, il convient de s'intéresser aux modifications qui ont réellement été mises en oeuvre suite à ces changements de fonctionnement. 2- Un administré au coeur de l'administration fiscale Le désir de J-F. Copé, formulé en 2002 lors de la rédaction de la Charte du contribuable d'instaurer une relation de confiance entre les contribuables et l'administration s'est concrétisé par la mise en place d'une amélioration notable de la qualité de service, ayant pour résultat une nette progression de l'accessibilité et du dialogue permettant d'intégrer au mieux l'administré. Pour parvenir à faciliter l'accès des usagers à l'administration, et optimiser le programme Copernic, cette dernière s'est dotée d'outils technologiques, entamant également un programme de simplification des obligations à la charge du contribuable. C'est ainsi qu'en 2006 les déclarations d'impôts des personnes n'ayant pas ou peu de modifications fiscales à déclarer ont été simplifiées62(*). Toujours dans un souci de simplification et d'amélioration de la qualité de service, une spécialisation des agents a été engagée pour permettre un traitement personnalisé des demandes, principe dominant de la charte du contribuable, dont l'objectif était de prendre en compte la diversité des intérêts des particuliers afin de mieux y faire face. L'administration fiscale a introduit le fait qu'il est impossible d'offrir une réponse similaire à un panel important d'usager. C'est pourquoi il a fallu rendre les agents de l'administration beaucoup plus polyvalents et qualifiés pour leur permettre de répondre au mieux à ces différenciations. En se recentrant sur les intérêts des usagers, l'idée était de renforcer leur confiance envers les services fiscaux. Quoiqu'il, l'administré est aujourd'hui au coeur de l'appareil administratif. Il en est la raison d'être. C'est d'ailleurs grâce à cela que l'administration cherche à obtenir la confiance de ses usagers. Néanmoins, pour obtenir la confiance des administrés l'administration cherche à se rendre de plus en plus accessible. * 51 M.Hauriou, Précis de droit administratif, 1903, p724. * 52 M. Lauré, Technique et politique fiscales : Cours de section à l'ENA, 1953, p.98. * 53 J-C. Martinez, Le statut du contribuable, Tome 1, L'élaboration du statut, préc., n°100. * 54 Cit. Ibidem (JC Martiez juste au dessus : regarder la page) * 55 J. Dubergé, Réalité et imaginaire de l'impôt : RF fin. Publ. 1990, n°19, « les utopies fiscales », p157. * 56 42,9 % du PIB en 2011, Rapport sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, projet de loi de finance pour 2011, p. 17. * 57 V. R. Chotin, « La vision de l'administration et de l'impôt par les petits contribuables non salariés » : RF Fin. Publ, 1997, n°57, Administration de l'impôt et communication, p.87-98. * 58 Cour des comptes, Les relations de l'administration fiscale avec les particuliers et les entreprises, févr. 2012, préc., p. 39 et 40. * 59 V.P. Dailhé, Copernic, préc., p. 127 à 140 ; Copernic, point d'étape à mi-parcours : Rev. Trésor févr. 2006, p. 104 à 106. * 60 Cite. Ibidem (Cour des comptes page juste au dessus) * 61 J-F. Copé, Préface de la charte en 2005. * 62 S. Baziadoly, La « nouvelle » administration fiscale : vers l'amélioration du service rendu à l'usager, préc., p162 et 163. |
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