5.4.4 Khudi et la vie
La vie, selon Iqbal, est un « ego centralisateur »,
un « soi » qui donne un sens à l'existence d'un organisme
vivant. La vraie nature de cette vie est difficile à comprendre ; la
réflexion logique, en effet, peut dérouter, voire égarer
la pensée, et ce n'est que par intuition et expérience qu'on
commence à la comprendre:
To interpret ... life as an ego ... is only to accept the
simple fact of experience that life is not a formless fluid, but an organising
principle of unity, a synthetic activity which holds together and focalises the
dispersing dispositions of the living organism for a constructive purpose. The
operation of thought ... veils the true nature of life, and can only see it as
a kind of universal currentflowing through all things ... Intuition reveals
life as a centralising ego.87
Envisager cette vie comme un ego ... c'est seulement accepter
le simple fait d'expérience que la vie n'est pas un fluide amorphe, mais
un principe d'unité organisateur, une activité de synthèse
qui maintient et oriente les tendances dispersées de l'organisme vivant
en vue d'une fin constructive. Le mécanisme de la pensée ...
dissimule la véritable nature de la vie, et ne peut que la
représenter comme une sorte de courant universel s'écoulant
à travers toute chose ... L'intuition nous révèle que la
vie est un ego centralisateur.88
« L'activité synthétique », le «
but constructif» de cette vie, ce n'est que de nourrir et
développer sa khudi, de s'enraciner dans « le jardin de
khudi » et en cueillir « les fleurs de khudi »
qui rendent le soi immortel:
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äÏíáÇÈ ÏæÎ
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La vie est faite pour rester à sa place et se
nourrir Et pour cueillir des fleurs du jardin de la khudi
Pour celui qui a su reconnaitre sa khudi, la mort du
corps n'est qu'une étape de transition entre cette vie impermanente et
la vie éternelle qui est censé suivre la Résurrection.
« La mort » ne signifie point le déchirement du corps mortel
de l'âme, mais la manque de conscience de sa khudi :
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87 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious
Thought in Islam. (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam)
Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of
Islamic Culture, 1999, p 48-9.
88 Iqbal, M. Reconstruire la pensée religieuse de
l'Islam (The Reconstruction of Religious Thought in Islam) trad. Fr. par
Eva Meyerovitch, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient
Adrien-Maisonneuve, 1955, p. 69.
89 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915,
Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les
mystères du non-moi): les deux recueils publiés sous le nom de
`Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl,
(Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p.
146.
Hibah Shabkhez 146
äÊ æ äÇÌ ÞÑ
íÑÇÏ Àç æÊ90
Si les hommes sont ignorants de leur khudi Que
signifie le déchirement du corps de l'âme?
La vie de khudi a comme but la réussite
spirituelle et l'immortalité éternelle. C'est une « vie des
idéaux » qui exige que le soi se soumet à la «
formation de khudi » déjà détaillé en
Chapitre 2. Mais cet idéalisme n'implique point la renonciation de la
vie « réelle» ; bien au contraire:
The life of the ideal consists, not in a total breach with
the real which would tend to shatter the organic wholeness of life into painful
oppositions, but in the perpetual endeavour of the ideal to appropriate the
real with a view eventually to absorb it, to convert it into itself and
illuminate its whole being91
La vie de l'idéal consiste, non pas en une rupture
totale avec le réel qui tendrait à briser la plénitude
organique de la vie et la disperser en oppositions pénibles, mais en un
effort perpétuel de l'idéal pour s'approprier le réel,
afin de l'absorber éventuellement, de le transformer en lui et de
l'illuminer dans sa totalité92
Dans la strophe ourdoue suivante, Iqbal écrit en
poésie ce qu'il a argumenté en prose dans The Reconstruction
ofReligious Thought: la vie n'a pas de sens qu'en relation de la
khudi.
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|
Ton être devient sacré par le rayonnement de ta
khudi La vie n'est que sa magie et sa douleur et sa
perpétuité
90 Iqbal, M. Asrâr-e Khudi, 1915,
Romûz-e bîkhudi, 1918, (Les secrets du soi & Les
mystères du non-moi): les deux recueils publiés sous le nom de
`Asrâr-o Romûz' en Kolliyât-e Iqbâl,
(Fârsi), tome 1, Lahore, Sheikh Ghulam Ali & Sons Ltd., 1992, p.
132.
91 Iqbal, Muhammad. The Reconstruction of Religious
Thought in Islam. (Reconstruire la pensée religieuse de l'Islam)
Éd. & annoté par M.S. Sheikh. Lahore, Institute of
Islamic Culture, 1999, p. 7.
92 Iqbal, M. Reconstruire la pensée religieuse de
l'Islam (The Reconstruction of Religious Thought in Islam) trad. Fr. par
Eva Meyerovitch, Paris, Librairie d'Amérique et d'Orient
Adrien-Maisonneuve, 1955, p. 16.
93 Iqbal, M. Zarb-e Kalîm (Le coup de
Moïse) 1936; Kulliyât-e Iqbal (ourdou), Lahore, Iqbal Academy
Pakistan, 2013, p. 618.
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